Chapitre 8

Crail Jerre ne masqua pas son étonnement lorsqu'il vit arriver Alana au central de la Division, le lendemain de son passage au domaine Organa. Il avait imaginé que cette journée se montrerait paisible, comparée à celles à venir lorsque l'absence des Jedi allait être révélée. Il savait qu'on lui demanderait des comptes à ce sujet. Composer avec les retombées de leur absence, et les conséquences de ses actes s'ils étaient révélés. Avec toutes ces choses en tête, son sommeil ne s'était pas montré réparateur. La jeune femme avançait vers lui, naturellement, comme si de rien n'était

 — Qu'est ce que tu fais ici ? lui lança-t-il après avoir vérifié qu'ils étaient suffisamment à l'écart pour ne pas être entendus.

 — Je viens à mon poste, comme tous les jours, se contenta-t-elle de répondre.

 — Sans blague. Qu'est ce que vous avez décidé ?

 — Je croyais que tu ne voulais pas savoir ?

 Le ton qu'elle employait ne lui plaisait pas. Elle ne semblait pas prendre la pleine mesure de la situation. Il décida de prendre sur lui

 — Très bien. Quand arrivera Anakin ?

 — Je n'en sais rien.

 Cette fois, Crail commença à s'agacer.

 — Bon, il va falloir qu'on discute. Suis-moi.

 Ils entrèrent dans un bureau inoccupé et isolé. Crail demanda à la jeune femme de lui rendre des comptes, l'invitant à prendre place sur les deux chaises présentes. Elle lui expliqua le plan qu'ils avaient élaboré, en n'omettant aucuns détails. Il attendait patiemment la fin de l'explication de la jeune femme avant de poser des questions. Il n'en eut moins qu'il ne pensait, car les détails du récit se suffisaient à eux-mêmes.

 — Je comprends mieux, finit-il par dire. Par contre, je ne sais pas comment on va justifier l'absence d'Anakin.

 — Ce n'est pas le plus important. Il suffira d'annoncer qu'il a décidé de prendre quelques jours de repos. Compte tenu de ce qu'il s'est passé hier...

 — Tu penses sincèrement que la pilule passera ?

 — En précisant que le but est de calmer les tensions sociales, précisa la jeune femme. Présentons cela ainsi : sur les conseils de sa mère, il s'est mit à l'écart pour ne pas nuire à la réputation des forces de la Division, et aussi éviter une mauvaise publicité à l'Ordre.

 Tout cela ne lui plaisait pas. Mais il devait admettre que ces justifications faisaient sens.

 — Mouais, c'est possible... Un peu bancal, tout de même.

 — L'important est d'être cohérent. Si ça vient de Leia, ça fait sens avec ses partis pris politiques concernant les Jedi, et sa volonté de vouloir apaiser les tensions.

 — Vu sous cet angle... Du coup, on continue le boulot comme avant. Ca te va ?

 — Je dois faire ma part du plan, alors oui ça ira.

 — Du moment que tu ne cherches plus à pacifier les foules, fit-il d'un ton trainant.

 — Ne t'inquiète pas pour moi.

 — Je n'ai jamais dit que je m'inquiétais, j-

 — Allez, allons-y.

 Alana sortit de la pièce la première, et Crail la suivit. A peine étaient-ils dans le couloir principal qu'un des collègues de Crail leur barra la route. Il eut un regard intéressé en les voyant arriver, et les interpella.

 — Eh bien Crail, on s'encanaille avec les Jedi ? lâcha-t-il, avant de dévisager longuement la jeune femme. En plus, t'as pas mal choisi, mon salaud.

 — Lâche-moi la grappe, Dake, fit Crail en souhaitant éviter la confrontation.

 — Holà tu vas où comme ça ? les stoppa Dake. Moi aussi j'pourrais pas parler protocole avec les Jedi ?

 — Je crois que vous feriez mieux d'écouter Crail, intervint Alana. Je n'apprécie pas votre ton.

 L'agent nommé Dake commença à s'approcher, mais Crail lui barra la route. Il était plus grand et plus massif que lui. Mais Crail ne semblait guère impressionné, ni prêt à céder du terrain.

 — Ecoute, lança un Crail étonnement déterminé. Soit tu passes ton chemin sans demander ton reste, soit tu vas finalement comprendre que c'était une erreur de me provoquer toutes ces années. Qu'est ce que ce sera ?

 Crail affichait un regard intense, presque mauvais. Une détermination inquiétante transparaissait aisément. Son collègue le sentit, et finit par s'incliner. Il se retourna et rebroussa chemin, en murmurant des commentaires désobligeants et inaudibles. Alana avait été surprise de le voir réagir ainsi, prêt à perdre son sang froid.

 — J'aurai pu me défendre seule, fit calmement la jeune Jedi.

 — Je n'en doute pas. Mais moi aussi, je devais me défendre seul.

 Alana tenta de comprendre la situation.

 — Il a un problème avec toi, ce type ? lui demanda-t-elle.

 — C'est une façon de le présenter... Et il n'est pas le seul, fit-il, marquant ensuite une courte pause avant de poursuivre. Ici, quand on a des principes et des convictions, ce n'est pas toujours bien vu. Et quand on les respecte, on finit par s'attirer des ennuis. Mais ce n'est rien. Il faut parfois savoir se faire respecter, c'est tout. Allons-y, on va être en retard pour le briefing du jour.

 La jeune Jedi accepta de le suivre sans poser plus de question. Elle avait en tête de le pousser à en parler davantage ultérieurement, car ce n'était pas forcément le moment. Ils arrivèrent dans le hall du poste central de la Division. Le responsable du service, un Mon Calamari à la peau cuivrée, était posté derrière un pupitre légèrement surélevé. Il énonçait les ordres de missions du jour pour chaque petit détachement. Ce fût au moment de Crail et de son équipe après quelques minutes.

— Détachement spécial de l'agent Jerre, commença le commissaire, relevant la tête vers Crail et Alana. Vous allez... Où se trouve Solo ?

 — Il n'est pas présent, commissaire Ackbar, l'informa Crail.

 — Jerre, vous attendrez que j'en ai fini ici, dit-il simplement d'un ton impérieux. Vous passerez dans mon bureau avec Skywalker.

 — Bien monsieur.

 Ils patientèrent tous les deux, le temps que le briefing se termine. A chaque fois qu'une équipe recevait ses ordres de missions, elle passa dans leur direction, avec des réactions similaires. On leur adressait des regards ou des petites remarques moqueuses. Ils finirent par suivre le commissaire Ackbar jusqu'à son bureau. Ils restèrent debout une fois entrés, le temps qu'il commence à leur adresser la parole. Le commissaire Aftab Ackbar était un des plus anciens membres de la Division sur Coruscant. Et un des plus décoré. Il avait dû gagner le respect le tous, chose difficile lorsqu'on a un nom lourd à porter. Celui de son père, l'amiral Gial Ackbar, acteur majeur de la Rébellion dans la victoire contre l'Empire. Mais il avait réussi à prouver sa valeur en grimpant les échelons, pour arriver au poste le plus élevé au sein de la Division. C'était un chef difficile à contenter. Mais il savait apprécier le travail bien fait à sa juste valeur. Il faisait la même taille que Crail, à la grande différence que les proportions de son corps rendaient la comparaison difficile. Les Mon Calamari étaient des créatures amphibies d'aspect humanoïde, tout comme les Quarrens, avec qui ils partageaient leur planète d'origine. Leur crâne était d'une taille conséquente, à l'apparence d'un dôme recourbé vers l'arrière, surmonté de deux énormes globe oculaires, placé de chaque côté. Ils paraissaient souvent plus massifs qu'ils ne l'étaient réellement, et le commissaire Ackbar ne faisait pas exception. Il prit enfin la parole.

 — J'attends une explication, fit-il de son ton autoritaire habituel.

 — Monsieur le commissaire, j-

 — Skywalker, c'est à mon agent que j'ai posé la question, l'interrompit-il sèchement.

 — Commissaire, Alana pourra mieux vous expliquer que moi la raison de l'absence d'Anakin, fit Crail en marquant une pause, avant de poursuivre lorsqu'il s'aperçut que le commissaire n'avait pas l'intention de donner la parole à la jeune femme. Vous êtes sans doute au courant des évènements survenus lors de la dernière intervention d'hier. Anakin a choisit de se mettre en retrait pour limiter les retombées, sur le conseil de sa mère, Madame la sénatrice Organa.

L'explication faisait sens, du moins était-ce ce que l'expression sur le visage du commissaire laissait paraître.

 — J'aurai aimé être informé autrement, répondit le Mon Calamari d'un ton sceptique, la mention de Leia ayant été décisive. Très bien, nous nous passerons de lui. Je tenterais de contacter la sénatrice personnellement pour m'en assurer.

 — Bien sûr, monsieur.

 — En revanche, vos assignations ne changent pas. Vous allez devoir vous débrouiller avec un homme de moins. Ca vous convient ?

 — Aucun souci commissaire.

Crail avait bien mesuré le ton qu'il employait. La question n'en était pas une, et qu'il valait mieux ne pas faire trop de vague. Il avait l'habitude. Ackbar était son chef depuis qu'il était arrivé à la Division.

— Une dernière chose... Agent Jerre vous pouvez attendre dehors, ce ne sera pas long.

Le commissaire fixa son regard sur Alana une fois Crail hors de la pièce. L'heure du règlement de compte apparemment.

— Ne prenez pas personnellement mes paroles, jeune femme. Mon père a toujours tenu les Jedi en très haute estime. Mais je préfère me faire mon propre avis. J'ai confiance en vos capacités Skywalker. Le problème, c'est que je me retrouve dos au mur avec vous sous ma responsabilité, sans avoir mon mot à dire. Faites votre boulot comme il le faut, et nous nous entendrons à merveille.

— Je n'ai aucun problème avec la façon dont vous me parlez, commissaire, fit Alana d'un ton égal. En revanche, j'ai effectivement dû mal avec la façon dont fonctionne votre central. En particulier la manière dont Crail est traité, et ce malgré ses excellents états de services.

Ces jeunots idéalistes, songea le commissaire

— Ah ça... Vous êtes nouvelle, voyez ça avec Jerre. Je ne peux pas faire de favoritisme. Même si j'apprécie le garçon, c'est son problème. Ce sera tout ?

— Oui, monsieur.

— Alors vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Alana s'était attendue à pire. Elle finit par sortir pour rejoindre Crail qui l'attendait.

— Alors ? lui demanda-t-il en essayant de dissimuler son impatience.

— Rien d'important, se contenta-t-elle de répondre. Il s'est presque excusé. En tout cas il m'a dit qu'il n'avait rien contre moi personnellement.

— Vraiment ? s'étonna sincèrement Crail.

— C'est si surprenant ? s'interrogea la jeune femme.

— Il doit vraiment t'apprécier pour t'avoir dit ça, alors qu'il ne te connait que depuis pas longtemps. Nous autres, on a jamais eu autant.

— Oh, il est jaloux le petit Crail ? lui lança-t-elle d'un ton amusé. Il voudrait que son chef lui tape sur l'épaule ?

— Arrête, c'est pas marrant. On devrait y aller.

— Compris, agent Jerre ! fit-elle d'un air martial exagéré.

Crail ne releva pas la manière dont laquelle Alana tentait d'égayer la journée. La vérité était qu'elle aussi en avait besoin. Elle tentait simplement de se changer les idées, stressée qu'elle était de l'absence d'Anakin et des autres. Ils se mirent tous les deux en route, et se dirigèrent vers leur navette pour se rendre vers leur première assignation.


*****


— Ca te dirait qu'on aille se poser au calme pour manger ? demanda-t-elle à Crail. Plutôt que de manger en vitesse sur la route une fois encore.

— Tu sais, plus tôt on a fini, plu-

— Crail...

Il tourna son regard vers elle. C'était un sentiment étrange qui parcourait l'agent. L'idée du retour des Jedi, assez attendu en interne, ne l'avait pas rendu anxieux. Sa seule inquiétude résidait dans le fait de passez derrière les Jedi, si ces derniers avaient créé des problèmes. Car c'était de sa responsabilité de gérer les retombées, compte tenu sa position. Dans tout les cas, son talent, son expérience et sa discipline feraient le reste. Mais ces deux dernières semaines étaient clairement des anomalies ! Il peinait à se reconnaitre. Comment pouvait-il se montrer si conciliant à l'égard des Jedi ? Ils l'avaient poussé à douter de ses engagements et de sa foi en la Nouvelle République ! Comment cela était-il possible ? Aurais-je été manipulé ? se demanda-t-il. Ou ai-je simplement ouvert les yeux ? Il ne parvenait pas à trouver la réponse. Ces questions se bousculaient, mais impossible d'y répondre.

Encore moins lorsqu'il se trouvait à proximité de cette jeune femme... Elle avait le don d'ébranler ses convictions, tandis qu'il perdait toute lucidité. Sa discipline habituelle lui demandait plus d'effort. Et c'était une chose à laquelle il n'était pas habitué. La perspective d'un moment en tête à tête avec Alana le stressait autant que cela le réjouissait. Pour elle, ce n'était certainement qu'un moment de détente innocent. Pour lui, un véritable exercice, et un défi exigeant. Malgré tout, il finit par s'incliner. Un indice sur son état d'esprit.

— Ok, si tu veux. Mais si on fini tard ce soir, ce sera ta faute.

— Crail, pour le peu d'utilité qu'a ce qu'on fait, on peut bien souffler.

Un tel niveau de cynisme était étonnant de la part d'un Jedi. Du moins de son point de vue. Il constatait qu'il en apprenait toujours plus chaque jour sur cet ordre. Ce qu'il ignorait, c'était qu'elle insistait à ce point animée d'une idée précise en tête.

— D'accord. Où est ce qu'on va ?

— Je n'en sais rien, fit-elle naturellement. A toi de choisir, c'est chez toi ici.

— Je connais un coin plutôt tranquille, et la nourriture humaine n'y est pas mauvaise.

— Alors c'est parti.

 La navette se dirigea en dehors du centre ville, vers un restaurant servant des spécialités typiquement humaine. Le menu était également accessible pour les non-humains, en adaptant les recettes avec des ingrédients compatibles avec leur physiologie. Pour la plupart, il s'agissait de plats renommés et constitués d'ingrédients naturels mais légèrement modifiés pour être consommable par différentes espèces. Ils s'installèrent dans un coin près d'une fenêtre, et une serveuse twi'lek s'approcha pour prendre leur commande. La jeune femme entama la conversation le temps qu'ils reçoivent leurs plats.

 — C'est très bien de s'accorder un peu de temps, tu ne trouves pas ? Parce que tu dois te rendre compte que tu travailles beaucoup trop Crail...

Et voilà que ça commence, songea-t-il. Le léger agacement qui naissait sur ses traits interpella la jeune femme, affichant un regard interrogatif.

 — Je me doutais que l'idée du resto cachait un interrogatoire, fit-il pour préciser sa pensée.

 — Tout de suite les grands mots... Nous ne pouvons pas simplement discuter ?

 — Je travaille beaucoup parce que je crois en ce que je fais, dans la différence que ça peut faire, et c'est tout, fit-il comme s'il récitait des phrases déjà toutes prêtes. Etonnant que tu poses ce genre de questions, parce que tu es un peu dans le même cas, non ?

 — Je n'ai jamais affirmé le contraire, admit-elle sans retenue.

 — Alors pourquoi cette question ?

 — Parce que toi, tu n'as pas l'air aussi épanoui que tu le prétends.

 — Comment ça ?

 — Même quand Anakin était encore là, nous avions tout les deux remarqué que les relations avec tes collègues étaient... comment dire...

 Crail voyait bien où elle voulait en venir. Il fallait que la confrontation face à Dake revienne sur le tapis...

 — Si le but était de reparler de cette fois-là...

 — Pas seulement mais oui, admit-elle. Parlons-en de l'échange avec ton collègue. Je ne t'avais jamais vu ainsi. Tu étais prêt à lui rentrer dedans...

 — Parce que tu trouves qu'il ne mériterait pas que quelqu'un le remette à sa place ?

 — Ce n'est pas la question, recentra la jeune femme. Je te parle de ce que ça te fait à toi, dans quel état ça te mets.

L'agent été pris au dépourvu par le discours d'Alana. Elle semblait se préoccuper de lui... Mais pourquoi donc ? Qu'est-ce qu'elle cherchait à accomplir en définitive ?

 — Et alors, qu'est-ce que ça peut te faire ? fit-il alors qu'un fond d'agacement commençait à croitre. On se connait depuis, quoi, deux-trois semaines ? Je crois juste que tu aimes trop analyser les gens. Que tu t'es fait une fausse impression sur moi. Du coup, tu essaies de me faire coller à l'image que tu crois avoir de moi.

 — Je ne pense pas. J'arrive plutôt bien à cerner les gens.

 — Vraiment ? Alors je t'en prie, dis moi c'est quoi mon problème !

 La jeune femme prit quelques instants pour marquer une pause. Uniquement pour le ménager, et lui faire croire qu'elle l'observait sincèrement. Car en réalité, elle savait déjà ce qu'elle comptait dire. Elle avait analysé Crail pendant un moment, en particulier depuis l'affaire Taan Bailum. Elle se souvenait de l'expression qui avait traversé le visage de l'agent après que le suspect eut été maitrisé. Elle en avait fait les déductions qui s'imposaient, et guettait simplement l'occasion où elle aurait la possibilité d'aborder le sujet. La confrontation avec un de ses collègues accéléra les choses, motivant ce désir de repas plus posé qu'ordinaire.

 — La façon dont tu t'investis dans ton travail, c'est parce que tu penses qu'en réglant le problème des autres, ça règlera les tiens par la même occasion, déclara-t-elle pour commencer. Je ne doute pas de ta foi en ce que tu fais. Mais tu es plus doué que tous tes collègues réunis. Et être aussi peu considéré, compte tenu de ce que tu accomplis, devrait te faire comprendre que quelque chose ne va pas. Mais tu persistes... Je n'ai même pas l'impression que tu as vraiment une vie en dehors de ton travail...

 Alana fût interrompue par la serveuse qui apporta les plats. Un moment de silence bienvenu flotta, qui permit à Crail de se remobiliser pour préparer sa réponse. Les affirmations de la jeune femme l'avaient désarçonné. Il avait beau l'avoir raillé, elle avait raison lorsqu'elle affirmait savoir cerner les gens. Mais il n'était pas question de recevoir une leçon sur comment mener sa vie. Certainement pas de la part d'un Jedi. Il prit l'initiative à peine la serveuse partie.

 — La leçon de morale des Jedi... Tu prêches, mais tu n'es pas la mieux placée pour savoir. Ce que je fais de ma vie privée ne te regarde pas Alana.

 Il regrettait déjà d'avoir utilisé un ton aussi cassant. Mais la discussion devenait trop intime pour qu'il réussisse à garder le contrôle. Et il devait le faire, sous peine de faire n'importe quoi.

 — J'essaie simplement de t'aider Crail, relança-t-elle d'un ton qui se voulait apaisant. Je suis consciente que ma position semble privilégiée. Que tout va bien pour moi. Que tout me réussi. J'ai vécu des moments difficiles moi aussi. Ce n'est pas parce que je ne les laisse pas me définir que je n'en ai pas souffert.

 Un moment de silence passa. Crail ne savait plus quoi répondre, repassant dans sa tête les derniers mots d'Alana, et ceux qu'il avait prononcé avant. La tactique qu'il avait utilisée pour dresser des barrières solides s'écroulaient comme un château de cartes balayé par un simple coup de vent. Il était désarmé.

 — Je... Désolé Alana, je ne voulais pas... C'est que..., fit-il en hésitant, soupirant longuement. Tout est toujours si compliqué avec les gens. Mais quand je me concentre sur le travail...

 — C'est normal. Et crois bien que je comprends.

 Un nouveau moment de silence passa. Alana choisit de laisser de l'espace à Crail, sentant qu'il se préparait à en dévoiler davantage. Cela prit plus de temps qu'elle n'avait imaginé. Mais cela traduisait également quelque chose d'important.

 — Je... J'ai perdu mon père, pendant la guerre des Cartels. J'étais très jeune. Du coup, j'ai suivi sa voie. Je voulais devenir le meilleur, et j'ai préférer me concentrer sur le travail. Je n'ai pas beaucoup d'amis, je...

 — Eh bien, la transition de fermé et opaque à tu me dis tout...

 — Excuse-moi, je ne voulais pas...

 Il était tellement ouvert à présent que sa surprise se lisait aisément sur son visage. Il ne fut même pas capable de décrypter l'expression sur le visage d'Alana, qui se voulait décontractée.

 — C'était une plaisanterie, dit-elle en le coupant, accompagné d'un sourire rassurant.

 Ce sourire... songea Crail.

— On ferait mieux de manger avant que ça refroidisse, poursuivit Alana.

Ils entamèrent sérieusement leurs assiettes, avant de reprendre ensuite la conversation.

— Je ne voulais pas te forcer à parler à tout prix, relança Alana. Simplement te faire comprendre que tu n'es pas seul. Tu m'as moi comme amie, et je suis sûr qu'Anakin pourrait aussi le devenir. Ma tante t'apprécie aussi beaucoup, tu sais.

 — Je la respecte énormément, dit-il avec tout son sérieux. C'est elle qui m'a donné envie de travailler pour le Sénat. J'ai toujours rejoint ses valeurs.

 — Etrange..., fit-elle sincèrement. J'aurai pensé que tu suivais plutôt un modèle comme Han.

 — Tu vas t'y mettre toi aussi..., lâcha-t-il alors qu'Alana ne comprenait pas. Certains collègues ont tendance à m'appeler Crail Solo, expliqua-t-il. Soit disant parce que je lui ressemble...

 — C'est vrai que tu t'habilles un peu comme lui...

 — Ils me disent ça parce qu'ils savent que je ne l'apprécie pas, et que ça m'agace.

 — Tu n'aimes pas Han ? fit-elle d'un air aussi étonné qu'amusé.

 Voilà ce qu'il risquait lorsqu'il perdait le contrôle...

 — Je respecte ses états de service, admit-il en préambule. Mais qu'un criminel ait été porté aux nues de cette façon, ça me dépasse. Ce sont les gens normaux, avec un vrai attachement envers la Rébellion, qui sont les vrais héros.

Alana avait véritablement percé la carapace de Crail, qui avait volé en éclat. Chaque phrase qu'il prononçait était désormais chargée d'information et de sens plus profond.

 — Les gens comme ton père, devina-t-elle.

C'était si évident que cela à décrypter ? s'interrogea-t-il.

 — Oui... Ta perspicacité est agaçante à la longue. T'en vouloir pour ça est encore pire, parce que tu es toujours dans le vrai.

 Ce n'était pas la première fois qu'on lui faisait ce reproche, et elle en était consciente.

 — Ca m'attire souvent des problèmes, avoua la jeune femme. Mais c'est plus fort que moi. On ne se refait pas... Rassuré de savoir que je ne suis pas parfaite ?

 — Juste un peu, fit-il d'un sourire en coin.

 Ils continuèrent plus tranquillement leur repas, parlant de choses plus légères, se racontant des morceaux de leurs vies. Crail ne voyait pas Alana comme une femme véritablement parfaite. Mais cela s'y apparentait à mesure qu'il pensait à elle. De plus en plus fréquemment. Depuis l'instant où il l'avait vue pour la première fois, il ne pouvait nier une certaine attirance pour la jeune femme. Il ne s'en étonna pas, Alana était effectivement une femme séduisante. Mais cela semblait aller au-delà d'une alchimie physique. Il se dégageait quelque chose de spécial, de très inspirant, suscitant un désir différent envers la jeune femme. Il avait surmonté sa légère aversion pour les Jedi bien plus rapidement qu'il ne l'aurai cru. Il doutait néanmoins que ce sentiment soit réciproque. Il se contenta de sa frustration de la côtoyer tous les jours. Sans compter qu'elle ne faisait rien pour que ce désir ne faiblisse. Alana n'avait aucune idée de l'attirance de Crail. Elle qui pensait savoir cerner les gens ne se doutait de rien. A défaut d'autre chose, Crail se contenta de devenir son ami. Elle se comportait effectivement comme tel, se montrant présente et à l'écoute. Même s'il désirait plus.

 Ils repartirent une fois leur repas terminé, et s'attelèrent au reste de leur journée, une nouvelle fois bien chargée.


*****


— Bonjour Crail, fit Leia, d'un ton accueillant. Je vous en prie, entrez !

 — Merci, Madame la sénatrice.

 — Ah non, Crail. Si vous comptez entrer, il va falloir m'appeler par mon prénom.

 — J'essaierai, dit-il avec un sourire poli.

 — Ah, les cachotiers, fit Alana lorsqu'elle les vit. Qu'est ce que vous manigancez encore ?

 — Salut Alana.

 La veille, le jour avant leur journée de repos hebdomadaire, Alana avait apprit la venue de Crail. Après une longue journée, au moment de se quitter, Crail avait gratifié Alana d'un « on se voit demain du coup », ce qui avait prit de court la jeune femme. En effet, Leia avait invité Crail à venir passer sa journée de congé en leur compagnie, dans la résidence familiale. Il avait accepté, mais ne devait pas en parler, la sénatrice voulant en faire une surprise. Alana lui avait raconté la discussion qu'elle et Crail avait eut lors de leur moment au restaurant, et Leia avait choisit de faire d'une pierre deux coups. En permettant tout d'abord à Crail de se changer les idées. Ensuite, d'amorcer un rôle d'entremetteuse entre les deux jeunes, sentant qu'un rapprochement était à l'étude.

La propriété était une vaste demeure, en périphérie de la ville, et un héritage de la lignée prestigieuse de la famille Organa. Comme beaucoup de propriété sur Coruscant, il n'y avait que peu de verdure sur la devanture, la norme étant d'orner son extérieur avec des arrangements teintés. Les petits espaces de verdure se trouvaient dans la cour, arrangés sobrement, accompagnés d'une fontaine d'un côté, et d'un petit étang de l'autre ou vivait une petite famille de poissons. La demeure en elle-même avait une forme cylindrique, assez large, et surmontée d'un dôme plat en guise de toit. L'association des couleurs rappelait celles de la planète Naboo, les murs étant teinté d'un blanc cassé, allant jusqu'à des couleurs plus chaudes et rosées. Le toit offrait un bleu-vert nuancé selon l'intensité et l'inclinaison des rayons du soleil, alliage du plus bel effet. Les fenêtres étaient toutes de petites tailles, mais nombreuses, donnant un effet plutôt exotique et raffiné à l'ensemble. L'entrée proposait une petite série de colonnes blanches qui entouraient une dizaine de marches, la demeure étant légèrement surélevée par rapport au sol. La forme rectangulaire de cette entrée offrait un contraste certain avec la forme plus circulaire de l'ensemble

 Une fois rentré dans la maison, Crail cru avoir mis les pieds dans un véritable palais. L'intérieur était une merveille de beauté, combinant à la fois de la pierre marbrée et des éléments technologiques, du portique d'entrée jusqu'au salon principal. Les murs du salon étaient ornés de tapisseries aux teintes lumineuses, tandis que le sol brillait nettement. Le reste de la décoration était constitué de mobilier sur mesure, des exceptionnels objets d'art, et encore d'autres signes de richesse évidente. L'agent était subjugué.

 — Vous avez une demeure magnifique, Madame... Leia, se corrigea-t-il.

 — Merci, Crail. C'est un domaine familial. La plupart des choses ici sont telles quelles depuis des dizaines d'années. Je l'ai hérité de mon père, mais je n'y ai jamais fait beaucoup de changements. Par manque de temps, ou aussi parce que je n'ai pas forcément la fibre artistique.

 — Ou qu'il n'y a pas grand-chose à modifier, reprit-il. L'ensemble est resplendissant, elle n'a rien à envier à l'architecture de la Grande Rotonde Sénatoriale.

 — Je ne vous ai pas invité seulement pour cela, Crail.

 — Oui, naturellement. Et je vous en remercie.

 — Venez, installons-nous.

Elle l'invita d'un geste à prendre place dans le salon, où se trouvaient plusieurs canapés et une table basse.

— Voudriez- ous boire quelque chose ?

 — Je ne voudrais pas vous faire vous lever...

 — Mais ce n'est pas moi qui vais nous servir. C5, appela Leia, pourrais-tu servir notre invité ?

 Un droïde apparu dans la pièce, de forme humanoïde, mais entièrement recouvert de plaques argentées. Il ressemblait beaucoup à C3-PO, à ceci près qu'il semblait plus mobile, et de couleur différente.

 — Tout de suite maîtresse, répondit le droïde avec une voix féminine modulée.

 — Alors, comment allez-vous mon cher ?

 Il ne savait pas vraiment quoi répondre. Il devait l'admettre, il était nerveux. Très nerveux...

 — Je... Bien, bien... Et vous ?

 — Les temps sont difficiles, mais nous faisons ce que nous pouvons.

 Il y eut un blanc, qui semblait s'éterniser. Alana décida de briser le silence. Elle savait certes se montrer diplomate, mais elle était parfois impatiente en ce qui concernait des sujets plus légers.

 — Bon si on passait aux choses sérieuses ?

 — Comment ça ? demanda Crail.

 — Tu sais ce que tu veux dire, fit-elle comme si c'était évident. Mais tu ne sais pas comment le demander, alors lance-toi !

 — Je..., hésita l'agent, se tournant vers Leia avant de s'éclaircir la voix. Votre invitation est pour moi l'occasion de vous poser quelques questions sur... Vous savez...

 — Il veut pouvoir parler du plan avec toi.

 — Merci, Alana, répondit Leia. J'avais compris, j'attendais simplement qu'il ne formule sa demande. Ma nièce vous a pourtant tout expliqué, me semblait-il ?

 — Oui elle l'a fait, répondit Crail. Il n'en demeure pas moins que je m'interroge sur l'avancée de ce plan. Et de la suite, une fois les informations obtenues...

 — On ne peut décider maintenant, nous aviserons selon leurs résultats.

 — Attendez, comprit-il. Les chances sont assez minces, mais vous n'avez rien prévu pour la suite ?

 — Crail, répondit Alana. Tu te doutes bien qu'on ne saura quoi faire uniquement qu-

 — Nous comptons nous occuper du problème nous-mêmes, l'interrompit Leia.

 Elles ne devaient pas révéler cette partie là, à quiconque. Mais la sénatrice avait jugé pertinent de mettre l'agent Jerre dans la confidence. Alana fût également prise au dépourvu.

 — Nous ne pouvons anticiper la valeur de l'information, continua-t-elle. Mais nous n'en feront part au Sénat qu'en ultime recours. Nous pensons qu'il nous faudra agir promptement, et ne pas être enlisé dans les procédures officielles.

 — Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais de votre part, Madame la sénatrice, admit Crail. J'ai toujours respecté votre attachement pour les principes de la Nouvelle République. J'ai souvent été membre de vos partisans. Mais ce que vous me demandez...

 — Je ne vous demande rien, Crail. Je ne fais que vous offrir la possibilité de choisir. Le choix que vous ferez ne regarde que vous. Le but était de vous informer de ce qu'il vous en coûterait de nous suivre jusqu'au bout. Ainsi, vous avez toutes les informations pour vous décider. Je sais qu'en tant que sénatrice, aller contre ma fonction peut paraître déroutant. Mais je fais ce choix, car ma priorité est d'empêcher une nouvelle tragédie.

 Il était venu en pensant acquérir davantage de certitudes. Mais il se trouvait désormais plus perdu qu'autre chose.

 — Donc si je refuse, je suis sensé faire quoi ? se demanda-t-il. Vous dénoncer ? Vous arrêter ?

 — Vous ferez ce que vous dictent vos convictions et votre cœur, Crail. C'est tout ce que j'attends de vous.

 Le droïde de protocole domestique arriva, et déposa un plateau sur la table basse, contenant une théière et des tasses. Après un signe envers sa maîtresse, le droïde fut congédié. Crail profita du moment de répit pour faire le point. Sa loyauté envers les principes de la Nouvelle République était inconditionnelle. De cela, il en était convaincu. La solution s'imposait d'elle même. Mais ces dernières semaines avaient chamboulées son univers. Elles lui avaient apportées de nouvelles perspectives. Etait-ce suffisant pour mettre de côté toute une vie de principes profondément ancrés...

 — J'accepte de suivre votre plan, se contenta-t-il de répondre, son regard fixant toujours la table basse.

 Alana ne pu cacher sa surprise, au contraire de Leia. Elle était certaine qu'il accepterait, connaissant également ce qui avait fait pencher la balance.

 — Vous en êtes sûr ?

 — Oui, répondit-il, avant de relever la tête pour lui faire face. Oui, j'en suis sûr.

 — Eh bien, bienvenu parmi les rebelles, agent Jerre.

 Il soupira en affichant un sourire timide.

 — Je ne sais pas quoi dire, admit-il. Qu'est-ce que cela changera pour le travail ?

 — Oh Crail, objecta gentiment Alana. Pas le travail, s'il te plaît...

 — Ma nièce a raison, Crail. Nous aurons tout le temps d'en reparler. Profitons-en pour discuter d'autres sujets.

 Ils continuèrent à discuter pendant une bonne heure, sirotant lentement leurs tasses de thé, parlant de tout et de rien. Crail revenait plus amplement sur son passé. La perte de son père, pilote dans la Rébellion et dans les troupes de la Nouvelle République ensuite. Leia se souvenait de lui, juste de nom. Il révéla qu'il était amateur de course de fonceurs, et lui-même plutôt bon pilote. Ensuite de ce qui l'avait poussé à s'engager dans les forces de l'ordre. Alana parla de sa vie de Jedi. Crail essayait sincèrement de s'y intéresser, même si il n'arrivait pas à comprendre certaines notions de la Force et des propriétés associées. Elle lui parlait des autres jeunes apprentis, de ses deux maîtres, son père Luke et Ahsoka Tano. La relation qu'elle avait avec les deux droïdes, C3-PO et R2-D2. Celle avec Grogu, élève le plus perturbateur selon l'avis de tous. La voie vers l'apprentissage de certains pouvoirs que le petit alien détenait. Leia avait elle moins de chose à partager, se contentant de quelques commentaires. Le plus souvent, elle écoutait les deux jeunes parler. Cela l'apaisait réellement. Elle avait tendance à oublier le simple plaisir d'écouter une conversation ou un échange, sans devoir y déchiffrer un sens caché, une requête, ou une faille pour convaincre un interlocuteur agacé. Elle finit par inviter Alana et Crail à la suivre dans la cour pour marcher un peu, et ils la suivirent.

Au bout de quelques minutes, C5-D arriva jusqu'à hauteur de la sénatrice, lui indiquant qu'elle avait reçu un appel important concernant le travail. Leia s'excusa, et leur indiqua qu'elle devait les laisser pendant quelques temps. Ils se retrouvèrent donc seuls, continuant à marcher, en se contentant de commentaires sur des petits bruits ou des détails dans la cour.

 — Je crois que c'est la première fois qu'on se retrouve en dehors du travail, dit Crail.

 — Non, non, répondit Alana. On a dit pas le travail Crail. Tu ne peux pas t'en empêcher, hein.

 — Je... Non. En parler, ça m'aide généralement à ne pas penser à autre chose.

 — Pourquoi ? Tu as une chose qui t'obsèdes ? demanda-t-elle en souriant.

 Crail se crispait. Il en disait trop. C'était tellement évident pour lui. La situation le rendait dingue.

 — Alana, dit-il en la dépassant légèrement pour se mettre sur son chemin. Je dois te parler de quelque chose, et c'est très délicat.

 — Euh, tu m'inquiètes Crail.

 — En temps normal, je n'aurai jamais accepté consciemment de prendre position contre le Sénat. Même si vos arguments étaient convaincants, j'aurai fini par dire non.

 — J'avoue avoir été surprise, ma-

 — Laisse-moi terminer, s'il te plaît, l'interrompit-il délicatement. La chose qui a fait pencher la balance, c'est toi...

 — Moi ? fit-elle avec une surprise manifeste.

Evidemment qu'elle ne l'avait pas vu venir. Mais il devait poursuivre. Il n'avait pas ressenti cela depuis sa relation inaboutie, en compagnie de la seule femme pour laquelle il avait eu des sentiments. Et il avait laissé passer sa chance parce qu'il n'avait pas fait ce qui s'imposait. Il ne referait pas la même erreur.

 — Alana... Je crois que... Non, j'en suis sûr... Tu me plais... Depuis l'instant que je t'ai vue, précisa-t-il en se rapprochant d'elle. Je pense souvent à toi, et j-...

 — Euh attends Crail, doucement, fit-elle, submergée par cette manifestation inédite.

 — S'il te plaît, laisse-moi aller au bout. Parce que ça me rend fou de garder ça pour moi. C'est ce que je fais en temps normal. Ca fonctionnait tant bien que mal jusqu'ici. Mais plus on discute, et plus ma façon de gérer ça me rend dingue... Je comprendrais que ce ne soit pas réciproque. Je ne t'en voudrais pas. Mais impossible de garder ça pour moi. C'est que... personne ne s'est jamais comporté ainsi avec moi, depuis... depuis beaucoup trop longtemps. Quels que soient tes sentiments pour moi, je les accepterais. Mais je devais te dire tout ça.

 La situation était aussi intenable pour elle à présent. Quelle idée de lui avouer toutes ces choses ! Elle ne connaissait que trop peu de chose sur le reste du monde, sur les relations avec des personnes qui n'étaient pas initiées à la Force, sur l'amitié, et plus... Cela lui faisait repenser à certaines conversations avec Ahsoka, sur « les choses de l'amour » comme le maître Jedi les avait maladroitement appelées. La manière dont Crail la regardait pouvait difficilement laisser une femme insensible. Son intérêt s'exprimait de façon manifeste à travers celui-ci. C'est vrai qu'il est plutôt mignon, songea Alana. Mais ces pensées ne lui ressemblaient pas du tout, peu importait si cela devait finir par arriver. Il n'y avait aucun mal à trouver un homme attirant. Loin s'en faut.

Il n'en demeurait pas moins qu'elle ne ressentait pas ce petit quelque chose en plus, cette petite étincelle. Crail pouvait bien être l'idéal masculin, elle ne pouvait mentir et affirmer éprouver un quelconque frissonnement en sa présence. Elle se sentait mal. Cet homme, seul réel ami qu'elle avait en dehors de sa famille, se mettait à nu devant elle. Et elle était incapable de lui offrir ce qu'il désirait. C'est cruel... Mais elle l'appréciait sincèrement. Elle n'avait aucune envie de le blesser, mais elle se devait au moins d'être sincère.

— Je ne m'attendais pas à ça Crail, admit-elle, déstabilisée. Je ne sais pas trop quoi dire.

— Alors ne dis rien, fit-il en se voulant apaisant. Ce n'est pas grave. Je tenais juste à ce que tu saches qu-

— Non, ce ne serait pas correct de te laisser dans le flou, l'interrompit-elle d'un ton plus assuré. Je t'apprécie Crail. Beaucoup même. J'apprécie tout les moments que l'on passe ensemble, mais...

Ce mais, songea le jeune homme.

— Pas de la même façon que toi... Pas de cette façon... Je suis désolée de ruiner tes espoirs...

C'était dur, mais honnête. Alana venait de plaquer une certitude sur ce que Crail craignait de voir arriver. Il s'y était préparé. Il savait qu'aborder ce sujet, surtout de manière si précipitée, ne serait pas la bonne approche. Mais il n'avait plus le choix. Il ne pouvait plus conserver ses pensées pour lui seul. Il fallait qu'il évite de les transformer en angoisses, que cela ne déborde et affecte son travail. Le moment serait dur à passer, mais ce serait ensuite terminé.

— Tu n'as pas à t'excuser. Comme je te l'ai dis, je voulais juste t'en parler, je ne t'en veux pas.

Le pauvre... Comment pouvait-il se montrer si mesuré malgré ce qu'elle venait de lui asséner ? Ce ne pouvait être pas grave » comme il le disait. Elle savait qu'elle n'avait pas de mauvaises intentions. Mais elle se doutait qu'elle venait de lui faire du mal.

— Comment pourrais-tu ne pas m'en vouloir ? Je voudrais que l'on reste ami comme nous le sommes, mais je ne peux pas te demander ça. Ce n'est pas juste...

— Alana, je te l'ai dit. Si l'amitié est le tout que je peux obtenir, je m'en contenterais.

— Crail...

 — N'en parlons plus. Je ne suis pas triste, mais reconnaissant d'avoir une personne comme toi à mes côtés.

Un long moment de silence passa, pendant lequel Alana eut du mal à regarder Crail en face. Lui contemplait le ciel et le paysage, le soleil commençant à se coucher dans un magnifique dégradé pastel. C'est seulement lorsqu'il reprit la parole que leurs regards se rejoignirent.

— C'était une belle journée, déclara-t-il d'un ton faussement apaisé. Nous devrions retourner voir Leia.

 Et ils rentrèrent tous les deux en silence. Une fois de retour au salon, aucune trace de la sénatrice, il n'y avait que le droïde de protocole domestique qui s'affairait çà et là. Crail l'interpella.

 — Excusez-moi, mais Leia est-elle toujours occupée ?

 — Oui monsieur, et je crains qu'elle ne soit retenue encore un bon moment. Elle m'a conseillé de vous dire de partir sans l'attendre, si vous le souhaitiez.

 — Très bien, je vais donc y aller. Vous la remercierez de ma part.

 — Je n'y manquerais pas, monsieur.

 Crail se retourna vers Alana, qui gardait toujours le silence. Il décryptait aisément ce qui l'a traversait.

 — Ne soit pas déçue Alana, déclara-t-il. J'ai beaucoup apprécié cette journée. Tu remercieras bien ta tante de ma part.

 — Je crois que c'est inutile, fit-elle dans un soupir.

 — Et moi je crois bien que ça l'est, maintint-il. Je ne suis pas dupe, tu n'es certainement pas étrangère à mon invitation ici. On se voit demain de toute façon...

 Crail commença à s'avancer vers la sortie, quand la jeune femme l'interrompit. Elle ne pouvait le laisser partir ainsi, c'était insupportable.

 — Crail, attends ! fit-elle en marchant rapidement vers lui, puis pour le prendre dans ses bras. Je suis désolé, mais je veux bien qu'on reste amis.

 Il lui rendit son étreinte. L'avantage de taille dont il disposait lui permettait de sentir le parfum enivrant des cheveux de jais de la jeune femme. Malgré la déception qu'il avait eue, le sentiment de pouvoir être proche si de la femme qu'il désirait reprit le dessus. Il savait pertinemment que cela ne déboucherait sur rien. Mais il s'en fichait. Il décida de ne pas ruiner ce moment. Il n'en était pas question.

 — Alors nous resterons amis, dit-il tout bas, une pointe de regret imperceptible dans la voix.


*****


 Une fois Crail parti, Alana s'enquit de poser une question à C5-D. Elle cherchait à savoir si l'annonce de l'appel que le droïde devait apporter avait été prévu avec Leia avant même que le jeune homme arrive. Le droïde balbutia, répondant qu'il n'en savait rien. Il affirma qu'il ne faisait que suivre les instructions qu'on lui avait programmées. La semi-réponse offerte par cette unité protocolaire suffit à Alana pour confirmer son intuition


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