Chapitre 7

— Bon, alors on part en road trip familial sur Jakku ? s'exclama Anakin.

 — Ca aurait pu être sympa c'est sûr, répondit Alana.

 — Il va falloir qu'on s'organise, intervint Han.

Il avait perdu toute sa décontraction apparente, et arborait un sérieux que les deux Jedi n'avaient que rarement vu.

— Et la première chose dont je suis sûr, c'est qu'on ne va pas tous pouvoir y aller, poursuivit-il.

 — C'est vrai, ajouta Leia en se tournant vers son fils et sa nièce. Il faut que l'un de vous deux reste ici.

 Alana craignait que cet état de fait soit soulevé. Elle y avait songé dès l'instant où cette idée fut proposée. Et de ce qu'elle impliquait. Anakin en revanche, ne voyait pas où ses parents voulaient en venir.

 — Pourquoi on devrait se séparer maman ?

 — A cause du Sénat, indiqua sobrement Alana.

 — Comment ça le Sénat ? Je croyais justement qu'on allait les oublier ? fit-il avec un début d'agacement.

 — Mon fils, répondit Leia. Vous êtes tous les deux arrivés il y a peu de temps, et vous venez tout juste d'être intronisés à des postes officiels par le Sénat. Ce qui signifie que vous ne pouvez aller et venir sans satisfaire à vos devoirs envers la Nouvelle République, quelles qu'en soient les raisons.

 — Ce que tu dois comprendre, fiston, c'est que partir, même pour les bonnes raisons, sera considéré comme une désertion, expliqua Han.

 A peine avait-il commencé à s'agacer qu'il retrouvait son calme. Les arguments étaient clairs, et surtout le jeune homme se sentit idiot face au regard des autres. Il vit que lui seul n'avait pas fait cette déduction, et qu'ils avaient eu besoin de la lui expliquer. Il décida sagement de s'incliner cette fois.

 — Oui, je comprends, papa.

 Alana tourna son regard vers sa tante. La jeune femme avait une vision bien plus globale que son cousin.

— Et je comprends maintenant pourquoi tu disais que Crail prenait des risques en nous révélant tout ça, devina la jeune Jedi.

 — Oui, lui répondit-elle. Cela peut être considéré comme un acte de trahison.

 — Ils le condamneraient pour ne pas leur avoir rapporté cette piste ? lança Anakin. Alors même qu'ils savent pertinemment qu'ils ne vont pas la suivre ?

 — La fonction de Crail est d'enquêter et de rapporter les preuves. Si ces preuves ne sont pas acceptées par le Sénat, il ne peut pas légalement poursuivre la piste. Son travail ne lui offre pas énormément de liberté, particulièrement en ce moment.

 — Et donc il prend un sacré risque pour sa carrière, conclu Han, Chewbacca en profitant pour pousser un léger grognement plein d'ironie à son encontre. Quoi ? Non je n'ai pas rejoint la Crail-mania ! Tu ne vas pas commencer hein...

 Un autre sujet inquiétait toujours Anakin, tandis que son père se chamaillait gentiment avec son ami.

 — Et sinon, pour revenir à celui qui devra rester ici... recentra le jeune Jedi.

 — C'est moi qui resterai ici Ani, lui répondit Alana sans hésitation.

La jeune Jedi coupa court aux interrogations et aux craintes de son cousin. Le choix s'imposait de lui-même, peu importait qu'elle le craigne. Un court moment de pause passa, et tous la regardèrent

— J'aimerais également pouvoir partir, expliqua-t-elle. Mais quitte à ce que l'un de nous reste, il serait plus logique que ce soit moi. Je serais plus en mesure de gérer les échanges avec le Sénat que toi, et je m'en sortirai avec les retombées politiques.

 — Sans compter que tu ne fais pas trop contrebandière, ajouta Han. Sans vouloir te vexer ma petite.

 — Je ne me sens pas vexée, même si je ne vois pas le rapport.

 — Moi non plus, ajouta Anakin.

 — Vous pensiez peut-être qu'on allait y aller comme ça ?

L'ingénuité des deux jeunes Jedi l'amusa beaucoup. Ce n'était pas entièrement de leur faute s'ils n'arrivaient pas à conceptualiser ce qu'impliquait le plan. Mais cela n'empêcha pas Han de laisser sa créativité et son espièglerie s'exprimer. Il se tourna et mima une scénette d'opérette avec Chewbacca. Le wookie se joignit à lui avec un jeu d'acteur mélodramatique excessif.

— Mesdames, messieurs, honorable peuple de Jakku, bonjour à tous. Nous sommes des Jedi et représentants de la Nouvelle République. Nous requérons votre aide pour une enquête suite à une attaque terroriste dans notre bien-aimée Coruscant, proclamait-il, tandis que Chewbacca lui faisait une révérence maladroite. Aimable natif de Kashyyyk, auriez vous l'amabilité de nous guider ?

 Le wookie émit de petits grognements qui faisaient assez solennels, et les deux amis semblaient se plaire dans leur petit sketch. Leia ne put s'empêcher de lâcher un petit gloussement, tout en cachant son sourire avec le revers de sa main. Les deux Jedi se sentirent vexés.

 — Bon ça va ! s'exclama Anakin. On a compris le message.

 — Quel message ? ironisa Han.

 — C'est bon chéri, je crois que les jeunes ont compris, fit Leia, indiquant que le ton devait retrouver un registre plus sérieux. Han, Chewie et Anakin, vous allez devoir jouer le rôle de contrebandiers sur Jakku. Ce qui ne devrait pas trop poser problème, même pour toi mon fils.

 — Ah oui ? s'étonna le jeune homme.

 — Mais oui ! lui répondit son père avec emphase. Tu joueras le rôle du gros bras. Posture menaçante, grogner et s'énerver si on nous embête, précisa-t-il, Alana soufflant du nez à cause de cette perspective. Ca ira très bien !

Anakin prit conscience qu'il avait perdu une occasion de se taire.

 — J'ai compris que c'était ma fête. Je ne dirais plus rien.

 — Bon alors c'est décidé, reprit Leia. Tu pars avec ton père et Chewie pour Jakku, creuser cette piste. Alana et moi allons rester ici à poursuivre notre travail, et gérer les retombées de votre départ. C'est bon pour tout le monde ? Bien, conclut-elle après que tous acquiescèrent.

 — Chérie, je crois qu'il faudrait déjà s'y mettre, suggéra Han. Le temps de préparer notre départ, le plus tôt sera le mieux. Qu'on puisse être partis dès l'aube, pour éviter d'attirer l'attention.

 — Oui, tu as raison.

 — On prépare nos affaires ici. Tu passes l'appel à Lando pour lui dire qu'on arrive, et qu'on va avoir besoin qu'il soit prêt sur place. Ah, et dit lui de préparer quelques vêtements décontractés pour le petit.

 La dernière phrase arqua un des sourcils du jeune homme, qui se mit à baisser son regard et contempler ses vêtements.

 — Un problème avec ma tenue ? demanda l'intéressé.

 — Uniforme Jedi, ça ne fait pas très contrebandier.

 — Tu aurais dû continuer à te taire, ajouta Alana.

 La famille se sépara, chacun se rendant dans sa chambre pour préparer ses affaires. Anakin tâchait de se concentrer sur sa préparation. Tout ceci était trop frais dans sa tête pour qu'il comprenne ce que cela impliquerait. Etre séparé d'Alana. Passer du temps seul avec son père. Ces questionnements commençaient à peine à se frayer un chemin à travers ses pensées qu'il reçu de la visite. Sa cousine se présenta à l'entrée de sa chambre.

 — Tout va bien Ani ? demanda-t-elle. Tu te sens prêt ?

 Il la regarda un instant, avant de lui faire signe d'entrer.

 — Je ne sais pas, avoua-t-il. Je n'ai pas trop le choix, je crois.

 — Je pensais pourtant que tu étais « né » prêt, envoya-t-elle d'un ton moqueur.

 — Tu as bonne mémoire quand c'est pour te moquer de moi hein, dit-il d'un ton amical mais qui cachait quelque chose d'autre. Tu sais, j'ai l'impression que ce moment là remonte maintenant à loin. Alors que ça ne fait que deux semaines...

 — C'est vrai, acquiesça-t-elle. Tout s'est passé si vite.

Les deux Jedi s'assirent sur le lit. D'un geste naturel, Alana lui prit la main pour la déposer dans la sienne. Une vague d'émotion traversa le jeune homme. Cette fameuse émotion qu'il s'évertuait tant à taire, en vain. Cette proximité le désarma davantage. Impossible pour lui de taire ces pensées. Tant de fois, il avait imaginé ce qu'aurait pu donner une éventuelle réciprocité, la concrétisation de ce désir si profond. La présence de la personne qui comptait le plus pour lui. Celle qui savait toujours quoi faire pour l'apaiser, lorsqu'il en avait le plus besoin. Celle qui savait le remettre sur le droit chemin lorsqu'il en déviait. Celle pour laquelle lui-même comptait plus que les autres. Ils étaient si proches, alors pourquoi en voulait-il plus ? Pourquoi ce désir d'en vouloir plus, constamment ?

La douceur de sa main dans la sienne... Ce contact l'électrisait. Il désirait une vraie intimité avec Alana. Il était parfois persuadé être le seul en mesure de lui apporter ce dont elle avait le plus besoin. Cette confiance, cette assurance qui faisait défaut à la jeune femme, qui lui aurait permis de réaliser qu'elle avait infiniment plus de valeur qu'elle ne le croyait. Elle se rendait compte de ce qu'il faisait pour elle, il en était certain. Alors pourquoi ? Alors même qu'ils avaient besoin l'un de l'autre, pourquoi ne ressentait-elle pas la même chose ? Il commença à retrouver sa lucidité lorsque son regard trouva le visage harmonieux de sa cousine. Elle agissait si naturellement... Mais elle n'avait pas de tels sentiments pour lui. Il devait s'efforcer de s'y faire. Peut-être que cette séparation l'aidera à se détacher de ce désir qu'il éprouvait depuis l'adolescence. Mais rien n'était moins sûr. Pas tant que la jeune femme se montrera si présente et attentionnée. Il allait devoir trouver autre chose pour tenir

— Ecoute, Ani... Je sais que tu te reposes sur moi... Plus souvent que tu ne veux l'admettre, et ça ne me dérange pas du tout. Au contraire.

Tout le monde a son truc pour l'aider. Le truc d'Anakin, c'est ta présence. Mon fils a de la chance d'avoir quelqu'un comme toi à ses côtés.

Les paroles de son oncle renforçaient l'impression qu'elle avait. L'expression sur le visage de son cousin laissait clairement passer sa crainte quant à leur séparation prochaine. Il était si anxieux, stressé et perturbé. Bien plus qu'il ne l'admettrait jamais. Il était ainsi, à toujours tenter de dissimuler ses failles et ses faiblesses. Mais cela ne la dérangeait pas. Jamais elle ne chercherait à le modeler à sa guise. Elle l'acceptait tel qu'il était. Elle-même était éprouvée à l'idée de ne pouvoir compter sur lui. Mais elle se devait de le rassurer. Il avait besoin qu'elle lui dise ces mots, elle en était convaincue.

— Mais ça va être la première fois que nous allons être séparés pendant si longtemps, continua-t-elle. J'aimerais que tu sois fort, que tu comptes sur ton père pour te soutenir. Je pense qu'il ne demande pas mieux.

— Je comprends, cousine. Je ferais mon possible, je te le promets.

— On a encore un peu de temps avant que tu partes. Profitons-en pour méditer un peu !

— Bien sûr. Tout ce que tu voudras.

Les deux Jedi se mirent en tailleur sur le lit pour se faire face, et commencèrent à s'apaiser peu à peu. Alana ferma paisiblement les yeux. Anakin en profita pour observer les détails de son visage. Celui qu'il brûlait tant de faire sien. Il rêvait de laisser sa main et ses doigts parcourir le contour de ces traits qu'il se plaisait tant à détailler. Mais cela ne se produirait jamais. Ces deux dernières semaines, il s'était même efforcé de visualiser les traits de Temiri Orzo, cette humaine qui lui avait fait forte impression. Elle s'était montrée très tactile avec lui, mais il avait au moins réussi à ne pas arriver jusqu'au baiser. Une piètre victoire... Par la suite, il s'en était maudit. Cela lui aurait peut-être permis de passer à autre chose. Du moins d'essayer. Mais chaque fois qu'il imaginait les traits de Temiri, le visage d'Alana refaisait toujours surface. Toujours... Oui, l'éloignement allait être difficile et éprouvant. Mais il allait lui faire du bien. Il se trouvait plus apaisé à mesure qu'il laissait la Force couler en lui.


*****


Dans une autre chambre, Han était encore en train de préparer ses affaires. Il rassemblait tout ce dont il avait besoin, machinalement. Des gestes qu'il avait longtemps répétés lorsqu'il partait pour des sessions des opérations spéciales, du temps où il était instructeur. Depuis, du temps et des douleurs étaient passés par là, mais la mémoire musculaire ravivait de vieilles habitudes. Si bien qu'il pût laisser son esprit se pencher sur les détails du plan à venir. Malgré tout, ces petites tâches sans grande importance ne pouvait éluder l'évidence qu'il s'évertuait à chasser de son esprit. La contrebande... Il allait reprendre du service. Et il avait toujours en tête ce qu'il s'était passé la dernière fois qu'il était en activité. Lors de son errance après la mort de son second enfant. Les erreurs qu'il avait commises, le mal qu'il avait infligé, les vices dans lesquels il était tombé... Il allait au devant de quelque chose qu'il avait eu tant de mal à fuir. Leia entra dans la pièce pour le rejoindre.

— C'est bon, j'ai pu avoir Lando, fit Leia en pénétrant dans la chambre. Il avait l'air occupé, mais il a cessé d'insister en comprenant que l'affaire était sérieuse. Il sera sur place le temps que vous arriviez, lui dit-elle, avant de poursuivre sentant que son mari était troublé, sans même voir son visage. Quelque chose ne va pas ?

— Hé..., fit-il en souriant alors qu'il s'était arrêté de préparer ses affaires. Tu as toujours su quand quelque chose n'allait pas chez moi. Je n'ai jamais réussi à te le cacher, fit-il avant de marquer une pause. J'en reviens pas qu'on fasse ça. Que je fasse ça.

— Tu n'es pas d'accord avec le plan ?

— Non, ce n'est pas ça, je... Le plan est bon. Mais devoir reprendre une nouvelle fois ce que j'ai eu tant de mal à fuir, et ce par deux fois...

—Sauf qu'ici les intentions sont nobles ! Tu ne le fais pas par plaisir Han, mais par nécessité.

— Oui, tu as raison. Et je le sais. Mais j'ai ce petit signal de mon cerveau qui se souvient de ce qu'il s'est passé la dernière fois.

Elle comprenait. Elle comprenait parfaitement. Les souffrances de cette époque l'habitaient encore, à certains moments. La solitude qu'elle avait traversé alors que l'homme de sa vie l'avait abandonné, et ce au pire moment. Cette dépression qu'elle avait affrontée alors qu'elle était désarmée. Elle s'était relevée, mais avait perdu quelque chose dans cette époque. Quelque chose qu'elle ne retrouverait jamais. Avec le temps, elle avait apprit à l'accepter. D'autant plus que l'état dans lequel Han se trouvait à son retour avait vite balayé la rancœur qu'elle éprouvait à son encontre. Ce n'était pas la peine de frapper un homme brisé qui se trouvait déjà plus bas que terre. Elle avait fait le choix de la sagesse. Celui de l'aider à se relever, et de mettre le passé de côté. Et il lui en avait bien prit. Car venir en aide à son mari l'avait également aidé à se rétablir à son tour. La simple présence d'Han, aussi responsable qu'il était de sa souffrance, lui suffisait à apaiser ses douleurs. De même que se sentir si utile pour lui. Le temps avait fait son œuvre, du mieux qu'il le pu.

A présent, il fallait qu'elle le rassure, qu'elle lui montre qu'il était encore capable d'accomplir ce qui devait être fait. Elle devait lui rappeler qui il était, et qu'il n'était plus seul désormais.

— Tu n'auras pas besoin d'aller chercher Chewie cette fois, lui dit-elle avec une résolution bienveillante dans la voix. Et ton fils est là, avec toi. Sans compter que tu n'es plus le même.

— Je sais, tout ce que tu dis est vrai. Mais ça passera. C'est juste des mauvais souvenirs qui redescendront aussi vite qu'ils sont apparus.

Elle le poussa à s'approcher d'elle. Ils s'embrassèrent longuement, et ils restèrent ensuite dans les bras de l'autre pendant un plus long moment encore.

— Je t'aime, lui dit-elle à mi-voix.

— Je sais. Moi aussi.


*****


La petite navette de tourisme qu'Han possédait était en train se poser sur le parking quasi désert, surplombé par la gigantesque tour LandoMilitech. Le bâtiment, même à la nuit tombée, était immense vu du parking réservé aux cadres de la société. On pouvait, même d'en bas, clairement lire l'inscription LandoMilitech inscrite en jaune, qui ressortait bien sur le gris anthracite du bâtiment. Les lumières de la ville, et l'éclairage du parking donnait une impression de clarté crépusculaire à travers la nuit noire. Le trajet avait été assez court, même en passant par des voies indirectes, car moins fréquentées. Ils avaient tous récapitulé les grandes lignes et étapes du plan, avant de se faire leurs adieux dans un câlin de groupe plein d'émotions, se promettant à chacun d'être précautionneux et de faire attention. Que la force soit avec vous était la dernière chose prononcée par Leia avant leur départ.

Les trois hommes n'avaient pas beaucoup parlé sur le trajet, tous concentrés sur leur tâche immédiate. Le père, comme le fils, avait leur dernière conversation avec celle qu'ils aimaient trop ancrée dans leur tête pour avoir envie de discuter d'autre chose. Ils sortirent tous les trois de la navette, et se dirigèrent sans attendre vers l'entrée secondaire. Han frappa de deux coups secs à la porte, suivis de deux nouveaux coups identiques aux premiers. Quelques secondes après, Lando leur ouvrait la porte.

 — Portier, voilà à quoi tu me réduis, vieille canaille, grommela-t-il après avoir déverrouillé l'accès.

 — Ne t'inquiète pas, tu t'en sors très bien, nota Han.

 — Bon, fit Anakin qui préférait éviter l'échange sarcastique qui semblait vouloir commencer. Vous savez pourquoi on est là les anciens, non ?

 — Gamin, reprit Lando d'un ton agacé. J'ai dû retourner sur mon lieu de travail en pleine nuit, sans beaucoup d'explication, à part celle de devoir faire le portier, puis le voiturier.

Le jeune homme ne releva pas l'explication agacée du PDG.

— Alors si j'ai envie de faire des blagues, je ne vais pas me gêner, poursuivit-il. Par ici.

 Ils avancèrent tous les quatre à un rythme rapide dans les couloirs de la mégacorporation, Lando et Han en tête, guidés par la résonnance qu'émettaient leurs pas, alors que cette section de l'infrastructure était déserte. Lando relança la conversation.

 — Je compte bien avoir un minimum d'explication, Han.

 — Tu en auras pendant qu'on sera en train de préparer mon bébé, lui assura-t-il.

 — Ton bébé... dit-il d'un ton désapprobateur, mais Chewbacca grogna suffisamment fort en direction de Lando pour qu'il se corrige lui-même. Oui, ton bébé, finit-il par admettre.

 — Les caméras ?

 — J'ai réglé des cycles de boucles pour les deux heures à venir, au cas où. Je ne suis pas un amateur, mon ami, rappela-t-il, avant qu'il ne commence son explication en voyant l'expression sur le visage d'Han. J'ai compris que si tu me demandais de t'ouvrir avec ma carte d'accès, c'est que tu ne souhaitais pas laisser de traces avec la tienne, et donc ne pas être vu.

 — Merci, crois bien que j'apprécie.

 Ils arrivèrent jusqu'aux hangars, et se dirigèrent vers un cul de sac.

 — Là par contre, c'est toi qui doit entrer ton code, mon ami.

 Han tapa un code sur un petit panneau de commande dissimulé dans le mur. L'instant d'après, ce que l'on considérait comme un cul de sac se révéla être une portion de mur amovible, se déplaçant et donnant accès à un hangar dissimulé classique.

 — Ca c'est la classe, commenta Anakin.

 — Et encore, t'as pas tout vu fiston.

 L'éclairage du hangar s'alluma, et dévoila une navette cargo Corellienne compacte, au design assez particulier, mais qui avait subit le passage des ans. Tous, même Anakin, restèrent un instant sur place pour admirer le morceau d'histoire qu'ils avaient sous leurs yeux. C'est le jeune homme qui rompit le silence en premier.

 — C'est donc ça, le Faucon Millenium ? Il a prit un coup de vieux ou...

 — Attention à ce que tu dis, lui répondit son père.

  Han et Lando s'étaient retournés en même temps pour faire face au jeune Jedi. Ils se regardèrent tous les deux, surpris de leur réaction identique.

— Il a bien vécu, c'est clair, reprit Han. Mais aucun vaisseau n'est plus rapide, et surtout j'en piloterais jamais d'autres. Chewie, tu connais la musique. Vérifs de routine, commandes, soudures. Prend le fiston avec toi, voir comment il s'en sort. Je dois parler à notre ami qui veut ses réponses.

Anakin ne posa pas de questions, et suivit Chewbacca. Il était stupéfait de l'assurance et l'impression d'autorité naturelle que dégageait son père, une fois son précieux Faucon retrouvé. Il ne l'avait jamais vu ainsi. Il pénétra à l'intérieur du vaisseau, en regardant d'un air curieux toute pièce qu'il n'avait jamais vu avant. Son expérience de la structure de vaisseaux étant assez faible, il avait souvent l'attention absorbée par le moindre nouveau détail. Mais même les choses inconnues lui semblaient étrangement familières. Absorbé par ses observations, il ne remarqua pas que le wookie l'avait semé. Le jeune Jedi s'en rendit compte seulement au moment où les systèmes du vaisseau se mirent en marche, et que de nombreux voyants s'allumaient.

A peine commença-t-il à l'appeler et le chercher que Chewbacca revint vers lui, les bras chargés de matériel en tout genre. Il s'en soulagea d'une grande partie sur Anakin, et lui fit un bref geste du bras l'intimant à le suivre sans cérémonie. Ils ressortirent et commencèrent à s'affairer autour du vaisseau, vérifiant certaines cloisons, faisant des retouches de soudure sur d'autres. De la maintenance de routine. Le jeune homme devait vite s'adapter et assimiler, car le wookie n'était vraisemblablement pas du genre pédagogue. Il ne prenait pas le temps pour expliquer ce qu'il attendait d'Anakin, et le jeune homme avait du mal à comprendre certaines instructions. Chewbacca comprenait ce que pouvait vivre Han. Mais il ne fut pas tendre pour autant avec Anakin, lui criant allègrement dessus s'il ne respectait pas ses consignes. La scène était plutôt cocasse vue de l'extérieur.

Pendant ce temps, Han avait exposé ses intentions à son vieil ami.

 — Eh bien, sacrée affaire, conclu Lando une fois les grandes lignes exposées.

 — Tu vois pourquoi ça valait mieux de ne pas tout te dire par holo.

 — Oui, bien sûr. Mais il y a quelques détails qui me chiffonnent.

 — Le contraire m'aurait étonné... Rien ne devrait te retomber dessus Lando.

 — Ce n'est pas ça... Je me doute que vous avez tout prévu pour couvrir mes arrières, ça nous rendra tous service. Mais penses-tu vraiment que c'est la meilleure solution ? Je veux dire, on pourrait agir officiellement, avec mon soutien, pour mieux faire avancer les choses.

 — Lando, en deux semaines le Sénat n'a pas avancé d'un pouce, malgré toutes les ressources qu'ils avaient à leur disposition. Dont deux Jedi. Le problème vient du fait qu'ils gèrent comme ils le souhaitent, et pas comme ils devraient. Une fois les deux prochaines semaines passées, on en sera toujours au même point, en train d'essayer de déterminer la prochaine cible d'un attentat pour limiter les dégâts. Alors on ne va pas rester les bras croisés.

L'explication de son vieil ami souffrait difficilement d'une quelconque contestation.

 — Oui, je suppose, avoua-t-il à demi-mot. J'aurai aimé pouvoir aider, tu sais.

 — Ben t'aides là, tu ne vois pas ?

 — Ce n'est pas la même chose. J'agis en dehors des règles, pour aider un ami à arpenter une route qu'il a eu beaucoup de mal à quitter. Je parle en connaissance de cause. Donc personnellement je ne vois pas ça comme un service que je te rends. Je t'aide plutôt à te mettre dans une situation délicate.

 — Qu'est ce qui te prend là, ce côté émotionnel ? s'étonna-t-il. Ca ne te ressemble pas.

 — Oui, c'est que... Je me fais vieux, Han. Et je crois que tu es le seul ami que je n'ai jamais eu alors...

 La déclaration du PDG de LandoMilitech était sincère, et rejoignait les questionnements qui habitaient Han lorsqu'il songeait à se lancer là dedans de nouveau. Mais entendre cela de la bouche de son plus vieil ami lui fit un drôle d'effet. Ils avaient toujours pu compter l'un sur l'autre. Mais leurs échanges reposaient sur un registre de franche et virile camaraderie. Il en avait toujours été ainsi. Le ton de cet échange mettait Han mal à l'aise, alors même qu'il n'avait pas hésité à partager ses craintes avec Leia. Mais c'était sa femme. La seule digne du privilège de le voir s'ouvrir et se dévoiler sans condition. Elle en avait besoin, autant que lui-même. Mais ça s'arrêtait là. Peut-être devrait-il à l'avenir étendre ce fonctionnement à son fils, même si l'idée ne le réjouissait pas vraiment. Mais pas avec Lando, même s'il était une des personnes qui comptait le plus pour lui.

Vraisemblablement, Lando abordait le sujet différemment. Le registre habituel ne lui suffisait plus à cet instant précis. Il craignait réellement que son ami ne revienne pas de cette escapade. Han avait perdu la main la fois précédente, et c'était il y a près de vingt ans. Lando le savait pour y être soumis à son tour, l'âge se faisait de plus en plus ressentir. Son ami n'allait plus être aussi apte et capable que dans sa jeunesse. Et Han était typiquement le genre d'homme à ne pas se préoccuper de son âge, lorsqu'il s'agissait de passer à l'action. Mais il ne le changerait jamais. Il ne le souhaitait pas non plus d'ailleurs. Il le respectait trop pour cela. Lando n'arrivait tout simplement pas à taire son inquiétude, tout en sachant qu'il ne pouvait rien y faire.

 — C'est triste, en effet. Moi, j'aurais que toi comme vrai ami, je serais déprimé aussi.

 — Pauvre type, envoya Lando, t'en rates pas une...

 — Je suis comme je suis, répliqua-t-il avant de reprendre un ton plus sérieux, et lui envoyer une légère tape à l'épaule. J'te comprends, Lando, je t'assure. Mais on fera attention.

 — Oh, je crois justement que tu prendras le plus de risques possibles, mais à quoi bon... Mais dis-moi, comment comptes-tu te faire passer pour un contrebandier sans marchandise ?

 — C'est justement le dernier point que je devais aborder avec toi, dit-il en souriant. Je ne crois pas que ça va beaucoup te plaire...


*****


En moins d'une heure, les préparatifs étaient terminés, et les trois hommes allaient pouvoir quitter le hangar de LandoMilitech et Coruscant. Le cargo Corellien, s'éleva du bâtiment, et prit la direction des étoiles. Han et Chewbacca étaient assis à leurs places dans le cockpit, et Anakin était assis sur un siège de fortune, juste derrière eux.

 — Alors, direction Jakku ! lança Anakin, presque d'un ton enjoué.

 — Euh, pas tout de suite, non, lui répondit son père.

 — Comment ça ? s'étonna-t-il.

 — On ne va pas arriver les mains vides à Jakku et êtres crédibles en contrebandiers, fiston.

 — Je croyais que c'était pour ça qu'on avait embarqué les conteneurs de chez Lando ?

 — Non, ça c'est notre monnaie d'échange. Des caissons tous neufs estampillés LandoMilitech, ça ferait suspect là-bas.

Anakin se rendait compte que le plan évoluait au fur et à mesure, sans bien en comprendre les ramifications. Mais les explications de son père faisaient sens, et il avait placé toute sa confiance en lui.

 — Donc on va les échanger contre quoi, au juste ? demanda-t-il.

 — Des épices, sûrement, répondit-il sans réfléchir, alors qu'il sentit le regard perplexe de son fils. On verra bien. Ecoute, notre marchandise à une grande valeur. On l'échangera contre quelque chose d'équivalent. Je ne suis plus dans le circuit depuis un bail, mais je parierais sur une bonne quantité d'épice. C'est le plus courant, et c'est plus pratique.

 — Et donc où est-ce qu'on va en trouver ?

  — Une station en orbite basse autour de Nar Shaddaa, dans la Bordure Médiane. On devrait y trouver notre bonheur.

 — Bon... Mais est-ce qu-

 Chewbacca le coupa d'un grognement désabusé. Le jeune homme s'en étonna, manquant presque de sursauter.

 — Bon, on va se calmer en ce qui concerne les questions sur le job, fit Han. Tu vas me froisser mon Chewie, là... C'est rien, mais il est toujours comme ça avant un boulot, il n'aime pas trop qu'on doute. Fais-nous confiance, fiston.

 — Très bien, se contenta-t-il de répondre en se renfonçant au fond de son siège.

 — Revoyons plutôt nos rôles.

 Anakin soupira, contraint de réciter son personnage une fois de plus.

 — Je suis un fils que tu as eu il y a bien longtemps, lors d'une soirée bien arrosée. Tu ne t'es jamais occupé de moi ni de ma mère, t'étais toujours absent. Une fois ma mère morte, je suis venu te trouver, pour que tu m'apprennes ce que tu sais sur la contrebande. C'est pour ça que tu es sorti de ta retraite. Pour quelques derniers coups, le temps que je prenne ta relève, et que tu payes ta dette.

 — Bien, on est bon là dessus.

 — T'es sûr qu'ils y croiront ? craignit Anakin. J'veux dire...

 — Mais oui, ne t'en fait pas, fit-il d'un ton assuré. L'histoire à un léger fond de vérité, c'est ce qui la rendra crédible. Et le plus important, ce n'est pas le mensonge en lui-même, mais comment on va le jouer. On s'en sortira. On s'en sort toujours sans accros de toute façon, dit-il de son ton habituel, alors que Chewbacca pouffa allègrement devant cette affirmation. Elle a un problème, la boule de poil ?

 — J'imagine qu'on n'a pas le choix...

 — Par contre, tu vas me faire le plaisir d'aller te changer, et de veiller à planquer ton sabre mieux que ça. Pas question qu'il soit visible.

 — Mais je vais prendre quoi pour me défendre ?

 — On verra à te trouver un blaster adapté. Si tu sais te battre avec un sabre, tu sauras te servir d'un blaster, crois moi. Et tu es mon fils, ça doit compter pour quelque chose, non ?

 Le jeune homme se leva avec le sourire, et quitta le cockpit. Alors qu'il se changeait, il ne pouvait s'empêcher d'être anxieux. Cela ne lui ressemblait pas. Ou plutôt, cela ne lui ressemblait pas de le laisser paraître à ce point. Son assurance était naturelle, mais elle était aussi un manteau agréable à porter, lui permettant de filtrer les émotions qu'il souhaitait véhiculer. En réalité, cela lui arrivait plus souvent de craindre l'avenir. Mais ne rien laisser paraitre était devenu une habitude. Dans la mesure du possible. C'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour vivre sans heurts. Il ne pouvait manifester son affection à Alana, du moins pas comme il le souhaitait. Alors il le dissimulait. Il ne pouvait pas manifester qu'il ne rejoignait pas toujours la vision et les principes de son oncle. Alors il le dissimulait. Mais à présent, les choses étaient différentes... Faire face à son père avait été une épreuve difficilement surmontable pour lui.

Cela s'était déroulé bien mieux qu'il ne l'avait jamais espéré ! Et pourtant, il avait du mal à afficher son assurance habituelle. Il se sentait tout petit face à cet homme. Cela l'agaçait, mais c'était plus fort que lui. Même s'il ne le formulait pas, il savait ce que cela signifiait. Qu'il allait à présent expérimenter ce qu'il avait passé tant d'années à désirer, et tout autant d'années à réprimer. Pourquoi devait-il se sentir si mal ? Han était ouvert, il ne demandait que ça ! Les révélations du passé étaient difficilement digérées, mais elles avaient remit les choses dans leur contexte. Pourquoi il a fallu que je retrouve mon père au moment où les choses tournent mal... Sa pensée résumait assez bien sa situation. Il était déjà changé. Cela faisait plusieurs minutes qu'il fixait une cloison du vaisseau, absorbé par ses pensées. Il était temps d'y retourner, ces réflexions devront attendre.

L'instant présent, songea Anakin en souriant. Les leçons de son oncle. Malgré leurs désaccords, Anakin était bien obligé d'admettre que Luke possédait une sagesse manifeste. Profite de ce moment, s'ordonna-t-il à lui-même. Prend ce qu'il y a à prendre. Garde les prises de tête pour plus tard. C'est avec cet esprit qu'il retourna au cockpit.

Pendant ce temps, les pensées de Han le travaillaient également. Il savait qu'il devait retrouver Bafka, une twi'lek, ancien contact récurent. L'idée de se confronter de nouveau à cette femme ne l'enchantait pas. Mais en ajoutant la présence de son fils dans l'équation... Bafka ne savait pas tenir sa langue sur certains sujets, c'était presque de notoriété publique. Il était déjà plus qu'heureux d'avoir réussi à reconnecter avec son fils, chose qu'il n'avait espéré que dans ses rêves les plus fous. Mais il craignait que cet évènement ne chamboule tout. Cette époque était derrière lui, il en avait fait le deuil. Tout comme il avait réussi à faire le deuil de son second enfant. Mais cela ne rendrait pas les choses plus faciles pour autant, et il le savait. Est-ce que son fils allait rester dans son rôle, au moment où cette femme évoquerait leur passé commun ? Et si son fils apprenait le mal que son père avait fait pendant cette période trouble ?

La culpabilité avait été longue à s'évacuer. Désormais aux côtés de son fils, un sentiment étrange naquit. Un honte, inhabituelle, d'une profondeur insoupçonnée. Il arrivait néanmoins à dissimuler son état. Au moins une bonne chose de ma vie de contrebandier, songea Han. Tout cela, il le savait au moment où il s'était lancé là dedans. La nécessité de faire ce que personne d'autre n'était capable de faire... Encore... L'arrivée de son fils lui changea les idées en un instant. Et cette honte profonde fut vite remplacée par une certaine fierté, alors qu'il observait son fils.

— Alors, qu'est ce que t'en dis ? fit Anakin en dévoilant son nouveau style vestimentaire.

Il portait une tenue simple et classique. Petites bottes et pantalon bruns, un haut d'un blanc cassé surmonté d'un blouson de cuir noir. Les vêtements étaient bien ajustés, et Han ne put dire un mot. C'est Chewbacca qui poussa un grognement enjoué dans sa direction.

 — On dirait bien que t'as raison, mon vieux, lui répondit-il, alors que son fils le regarda d'un air interrogatif. Chewie trouve que t'es mon portait craché, en moins classe par contre. Mais c'est vrai que tu me rappelles mes jeunes années. En plus grand et en plus musclé aussi, ajouta Han, ces allusions arrachant une certaine satisfaction au jeune homme. Par contre, tu vas m'enlever cette queue de cheval. Là, c'est parfait. Plus personne ne pourra douter que tu es mon fils, prêt à reprendre les affaires à ma place. Bon, on ne devrait plus tarder.


*****


La station en question était une construction de petite taille, compte tenu de sa fonction. Elle était assez récente en termes de construction spatiale. Car en temps normal, c'était Nar Shaddaa elle-même qui servait d'immense spatioport pour toutes sortes d'activités. La planète était une lune, elle aussi en orbite autour de Nal Hutta, le monde d'origine des Hutts. Ces étranges créatures, plus semblables à d'imposantes limaces qu'autre chose, avaient transformés cette planète pour en faire la plus grande plateforme de la galaxie, ce qui lui donna le fameux surnom de « Lune des Contrebandiers ». Mais si l'Empire s'était tenu à l'écart des affaires des Hutts, la Nouvelle République avait d'autres idées en tête. Elle avait peu à peu lancé des opérations de déstabilisation économique sur la planète. Taxes, embargos, et autres mesures protectionnistes signifiant leur désaccord avec les pratiques qui y avaient cours. Cela n'avait pas eu énormément d'impact, mais les Hutts avaient tout de même explorés des options alternatives. Ils avaient donc créé cette petite station, servant d'intermédiaire supplémentaire en quelques sortes, pour des transactions plus « légales » et « respectables ». Le but était de montrer au Sénat de la Nouvelle République qu'un pas en avant avait été fait. Une invitation était ouverte pour les représentants de la Nouvelle République, les enjoignant à venir s'y installer et y officier. Le Sénat fût très satisfait de ce progrès, et l'était encore à l'heure actuelle.

Ce qu'ils ne savaient pas en revanche, c'était que la légalité n'était toujours pas devenue la norme. Le fonctionnement à base de corruption et pots-de-vin en tout genre étant toujours en usage dans les structures de contrebande Hutts. Les envoyés du Sénat qui était toujours en fonction étaient plus loyaux à leurs revenus provenant des Hutts qu'aux principes de la République. Cette station avait néanmoins un côté pratique. Etant assez récente, et comptant sur une présence gouvernementale, l'ordre y était de mise. Il était moins risqué d'y faire des transactions, même illégales, comparé à Nar Shaddaa. Les profits étaient généralement moindres, mais le risque moins élevé avait attiré un nouveau type de clientèle, moins violente. Cette nouvelle criminalité était concentrée dans des classes sociales plus aisées, amatrices de frissons en tout genre. Et tout cela contribuait à la prospérité de la société Hutt.

C'eut été une aubaine pour Han. Sa réputation sur Nar Shaddaa dans ses jeunes années n'était plus à faire. Malgré les années passées, les Hutts avaient la mémoire longue, et la rancœur tenace. Il était déjà venu seul sur la station, lorsqu'il était retombé dans la contrebande. Il s'y était fait de bons contacts, à défaut d'avoir réussi à y prospérer. Ils atterrirent sans problèmes, s'étant enregistrés au spatioport sous leur véritables identités. Han ne craignait pas que son passé lui pose problème ici. Cette station était bien moins dangereuse que la Lune. Ici, il était reparti de zéro, et personne n'était au courant pour son passé de héros de la rébellion. Le trio ne risquait pas de tomber sur de vieilles rancœurs tenaces.


*****


— On avait dit quoi sur le fait de ne pas regarder partout comme un touriste ? murmura Han à son fils alors qu'ils progressaient dans la station.

 — Désolé, fit Anakin.

 C'était la première fois que le jeune homme se trouvait sur une station spatiale, et il en fut troublé. C'était comme se retrouver dans un immense vaisseau. A ceci près que le vaisseau ne bougeait pas, et était proche de deux planètes, l'une encore plus massive que la première. De là où il se trouvait, il pouvait bien observer Nar Shaddaa. Si l'on oubliait sa taille plus réduite, on pouvait la confondre avec Coruscant. En effet, les Hutts avaient investit énormément de temps, de moyens et d'efforts pour transformer cette planète en immense spatioport. On pouvait difficilement distinguer des éléments d'origine de la planète, parmi l'amas de plateforme de constructions de toutes tailles, faisant le lien entre elles. Le reste étant essentiellement constitué de bâtiments conçus pour le confort et le plaisir des contrebandiers. De si près, Anakin songea qu'en ignorant le niveau criminalité, on ne la différencierait pas de Coruscant.

Ils parvinrent finalement dans une cantina assez fréquenté, Anakin observant la scène avant qu'ils ne prirent place au comptoir. On accédait à cette cantina par une grande double porte, entourée de panneaux holographiques lumineux et tout en couleurs. L'entrée du bar était constituée d'un couloir aussi long que large, plusieurs tables où des non-humains participaient à des tournois de cartes et jeux en tout genre, ponctués de quelques canapés. Ils arrivèrent dans la salle principale, principalement occupée par l'immense bar qui entourait la pièce en forme de demi-cercle. La plupart des clients étaient assis sur les nombreuses tables, calés plus discrètement dans des petits salons privés, ou encore debout pour écouter et admirer le spectacle offert sur la scène. Elle se trouvait derrière le bar, et un groupe de musique se produisait, accompagné de plusieurs danseuses twi'lek, accaparant plus l'attention que les musiciens eux-mêmes. L'ambiance générale était plutôt calme. Aucune échauffourée ou bagarre n'était à noter. Rien à voir avec des cantinas dans des mondes comme Tatooine.

Anakin n'approuvait pas, mais essayait d'afficher une allure de confiance, comme son père le lui avait demandé. Ils prirent le chemin en direction du comptoir au bar. Anakin croisa plusieurs fois son regard sur des espèces qu'il n'avait jamais vues, même lors de sa visite à la Grande Rotonde Sénatoriale. Son regard traîna sur un humanoïde de grande taille, le dépassant d'une tête, dépourvu de toute chevelure. Le jeune homme identifia des traits probablement issus d'une lointaine descendance reptilienne, mais c'était là une espèce pacifique. Anakin reporta ensuite son attention sur un humanoïde de petite taille à l'apparence de rongeur, inoffensif au premier abord. Mais cette espèce était en vérité constituée de guerriers sans pitié, spécialisés dans les assassinats. Han se rendit compte que son fils avait de nouveau tendance à fixer les autres clients, Il se dépêcha de le tirer par le bras pour l'empêcher de fixer le rongeur humanoïde, bien au fait de la réputation de cette espèce.

Le jeune Jedi finit par rejoindre son père au comptoir, mais laissa son attention dériver sur la scène. Le corps danseuses twi'lek ondulait, et le spectacle était plaisant. Mais c'était autre chose qui l'interpellait. La musique jouée avait une mélodie mélancolique, rythmées par des basses légères. Les paroles du chanteur l'interpellaient encore davantage que le reste.


J'sais qu'j'mérite pas, tout cet amour qu'on m'adresse

J'sais qu'tu mérites mieux, j'sais qu'j'suis plein d'maladresse

Tu sais le temps passe, y'a pas grand-chose dans l'assiette

Donc pour noyer ma rage, j'attends plus la fin d'la s'maine


Il n'eut pas le temps de prendre du recul pour saisir à quel point ces paroles et le ton général de la chanson le touchait. Son père lui tira sur la manche pour le forcer à se concentrer, une nouvelle fois. Han commença la conversation avec le barman. Il l'avait facilement interpellé. Han savait se faire entendre, sans pour autant hurler.

— Est-ce que Bafka est toujours dans l'coin ?

 — Vous êtes un ancien, vous, répondit le barman, changeant rapidement l'expression sur son visage à l'évocation de ce nom. J'vois de qui vous parlez, mais elle a changé d'nom. Et d'poste, aussi.

 — Une promotion, hein...

 — On peut dire ça.

 Un silence commençait à pondre, ponctué de l'activité générale de la cantina. Han comme le barman étaient en réalité en train de se jauger.

 — Bon, et ce nom ?

 — J'ai du mal à m'en souvenir... Un peu d'aide me ferait pas de mal, dit-il d'un ton entendu.

Han comprit le message, et lança quelques dizaines de crédit sur le comptoir dans la direction du barman. Sa réaction suite à son geste fut sans équivoque.

— Ca se voit que vous êtes plus venu depuis un moment. C'est pas avec ça que j'vais me souvenir...

 Han commença à s'impatienter. Il balaya du regard le comptoir de gauche à droite, pour se faire une idée du climat général, et s'approcha davantage du barman une fois son approche définie.

 — Et si je demandais à mon ami de vous aider ? suggéra-t-il en désigna Chewbacca d'un signe de tête, sans lâcher le barman du regard tandis que le wookie s'avançait. Si ce nom est coincé, il saura le déloger. Une démonstration peut-être ?

 — Tekil, Immi Tekil, répondit-il nerveusement. Elle travaille comme responsable de la sécurité à la section de plateforme B maintenant.

 — Tu vois, c'était pas si dur, fit-il d'un sourire en coin, alors qu'il ramassait les crédits qu'il avait déposés. Je reprends ça du coup, ça te poussera peut-être à être moins gourmand la prochaine fois.

 Le barman était en colère, mais suffisamment lucide pour ne pas relever et éviter les ennuis.

 — Eh bien, c'est sacrément efficace papa, lui dit son fils une fois sortis du bar. Pas très subtil, mais efficace.

 — Question d'habitude, fit-il d'un ton assuré, avant de se tourner pour donner un léger coup de coude à Chewbacca. Et le coup du wookie fonctionne toujours, tant qu'on n'a pas affaire à des pointures. Bon, allons-y, direction la section B du niveau des plateformes.

— J'espère que ton amie sera de meilleure humeur que la plupart des gens ici.

Chewbacca pencha son regard sur Han. Ce dernier oscilla entre le regard du wookie et celui de son fils.

—Bon, au moins je suis fixé...



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