Chapitre 6

Alana tournait encore et encore dans son lit, dans l'impossibilité de trouver le sommeil. Les images de l'attentat se rejouaient sans cesse dans sa tête. Un flash lumineux. Une onde de choc. Des cris par milliers. En particulier celle de la petite fille aqualish tenant la main de sa mère. Et ensuite voir la poupée qu'elle avait des les bras au sol. A chaque fois que ces images apparaissaient, son esprit se remémorait ce passage de la vision qu'elle avait eu. Des cris par milliers. Et toujours le même sentiment. Si seulement j'avais pu décrypter cette vision... Alana était à présent convaincue qu'elle avait failli, qu'elle avait le pouvoir d'empêcher cela, mais n'avait rien fait. Elle s'efforça de songer aux leçons de son père, mais cela ne suffisait pas toujours. Frustrée, elle décida donc de se lever, descendant au salon, sans véritable but, si ce n'était de fuir ce lit où il était impossible de trouver la paix et le sommeil.

Une fois qu'ils avaient quitté la demeure du sénateur Jast, le groupe s'était directement rendu sur les lieux du crime. L'agent Jerre avait été rapidement déployé sur place. Ils n'avaient pas pu accéder à la scène, Crail les informant qu'ils n'avaient pas l'autorisation de leur révéler quoique ce soit, mis à part que c'était la folie ici. Les équipes de première réponse avait piétiné la scène de crime en entrant, n'ayant aucune idée de ce à quoi ils faisaient face. A présent, des unités plus spécialisées étaient en train d'extraire tout les indices possibles d'un charnier comportant l'absence totale de corps. Ils étaient donc repartis bredouilles, patientant jusqu'au matin. Ils comptaient bien se rendre à la chambre du Sénat, espérant recevoir l'autorisation de pouvoir jouer un rôle. Sans autre perspectives, ils n'avaient eu d'autre choix que de regagner le domaine Organa, plutôt que de rejoindre la résidence surveillée. Tous s'étaient changés et couchés dans leurs chambres respectives, sans vraiment se parler, encore sous le choc des évènements.

— Impossible de dormir, hein ? lui dit Han, assis seul sur un tabouret du bar, dans la faible obscurité du salon interrompue par la lampe murale, le regard fixé sur une bouteille d'alcool pas encore entamée.

— Oui, lui répondit-elle d'une voix trainante en observant la bouteille, cherchant ensuite son oncle du regard. C'est en quel honneur ?

— Je ne compte pas la boire si c'est ce que t'imagines.

— Je... je ne pensais pas que...

Manifestement, il allait falloir donner un minimum de contexte à Alana. C'était avec son fils qu'il avait eu une longue discussion. Peut-être ce dernier n'avait pas partagé tout ce qu'ils s'étaient dit.

— Je la garde pour les moments comme celui-ci, continua-t-il. C'est..., fit-il en soupirant. Pour me rappeler d'où je reviens. Que même dans les moments difficiles, je ne retomberais pas là-dedans.

Alana comprenait que tout cela revêtait une certaine importance pour son oncle.

— Ca aide ? demanda-t-elle, avant de poursuivre devant la mine interrogative sur le visage de son oncle. De faire ça, ça t'aides à garder les idées claires ?

— Je crois bien, oui, répondit-il d'un sourire en coin. Ca me rappelle ce que j'ai, et que j'ai bien failli le perdre à jamais. Surtout qu'il faut se battre pour le garder.

Il se surprit lui-même à en parler si naturellement, à voix haute. Du moins à quelqu'un d'autre que sa femme ou Chewbacca. Mais le faire face à sa nièce ne lui semblait pas difficile, au contraire. Les paroles d'Han eurent un écho particulier dans l'esprit d'Alana.

— Je suis contente que les choses aient bien tournées entre toi et Ani, lui dit-elle sincèrement.

— Moi aussi, ma petite, moi aussi...

— Je sais qu'il était très troublé, ajouta-t-elle. On en a peu parlé lui et moi. J'ai essayé de l'aider, mais il était plus touché encore que ce qu'il admettait généralement.

— Tout le monde a son truc pour l'aider. Le truc d'Anakin, c'est ta présence. Le mien, c'est celui-là, dit-il en désignant la bouteille.

— Tant que ça marche.

— Hmfp, fit-il en soufflant du nez. C'est clair que ça manque un peu de style comparé à la méditation Jedi, hein.

Alana lui souriait. Han avait oublié à quel point cette jeune femme était en mesure d'apporter de l'apaisement, partout où elle passait. D'une manière singulièrement naturelle. Un peu comme Leia, en quelques sortes. Et Han savait parfaitement ce que cela impliquait pour ce genre de personnes. Qu'elles avaient la fâcheuse tendance à oublier de prendre soin d'eux même.

— Viens t'assoir à côté de moi, ma petite. Tu sais, Anakin a de la chance d'avoir quelqu'un comme toi à ses côtés. Comment tu te sens ? demanda-t-il après qu'elle ait pris place.

Comment réussir à répondre à une telle question... Tout s'était déroulé de la manière la plus éloignée possible de ses attentes, la pire qui soit. Alana était arrivée avec les meilleures intentions. Même si elle était consciente que cela ne suffirait peut-être pas, elle avait à l'esprit qu'il fallait persévérer, que ses convictions finiraient par être entendues. Mais ce n'était pas une affaire de conviction. Rien ici n'était semblable à ce qu'on lui avait conté. Et après les évènements de cette soirée...

— Troublée, dit-elle après une courte pause. Je crois que c'est le bon mot...

— N'importe qui le serait, lui assura-t-il pour relativiser.

— Avant de venir ici, je savais que j'allais être confrontée à l'inconnu. Et je pensais être prête. J'étais prête. Mais après ce soir... J'ai sondé la Force sur toute la planète... Utilisé différentes techniques que mon père m'a apprises, mais rien. Je ne sais pas ce qui serait le pire...

— Qu'est ce que tu veux dire ?

— L'absence de trouble dans la Force... Cela pourrait être expliqué par le fait que le côté obscur est si puissant, que le voile qu'il a dressé est impossible à percer, ce qui n'est pas de bon augure. Ou alors, que je n'ai pas ce qu'il faut pour le ressentir. Je me demande ce que dirait mon père...

Cette pauvre fille était par trop surchargée d'attentes diverses. Elle l'avait choisi, d'une certaine manière, et Han n'était manifestement pas le mieux placé pour critiquer ce genre de choix. Il n'en demeurait pas moins que de telles responsabilités devaient être lourdes à porter. Il avait précisément le genre de remède adéquat.

— Il dirait « Concentre-toi en ton fort intérieur, la Force trouvera la réponse en toi » ou un truc dans le genre, fit-il alors qu'elle comptait s'offusquer de la raillerie, sans pouvoir réprimer son rire en croisant le regard moqueur de son oncle. Ce dont je suis sûr en tout cas, c'est qu'il te rassurerait. Et qu'il serait fier de toi, quoi qu'il arrive, ajouta-t-il avec sincérité.

— Merci, oncle Han. Et euh... désolé de t'embêter à parler de lui. Je sais que mon père et toi...

— Tant que je ne l'ai pas en face de moi.

Il lui témoigna un sourire compatissant. Il n'était pas question de mêler sa nièce à la brouille qui avait cours entre lui et Luke depuis tant d'années. Elle n'y était pour rien, et ce n'était clairement pas ce dont elle avait besoin.

— J'me disais bien que j'avais entendu du bruit, fit Anakin en entrant dans le salon.

— On t'a réveillé ? craignit Alana.

— Je ne dormais pas de toute façon.

Après avoir rapidement balayé la pièce, son regard se posa de manière insistante en direction de la bouteille. Alana vit l'expression qui se dessinait sur le visage de son cousin. Le basculement dans ses yeux. L'afflux de souvenirs douloureux, et de projections en conjections tout aussi peu réjouissantes. Une inquiétude mêlée à de l'indignation. Celle que tisser à nouveau un lien avec son père ne servait à rien. De belles paroles, dans lesquelles il avait placé sa foi de manière idiote. Et pour quel résultat... Elle le connaissait suffisamment pour avoir deviné juste.

— Ce n'est pas ce que tu crois Ani.

— Ah oui ? Alors qu'est ce que c'est sensé être ?

— Doucement, fiston, tenta de modérer Han.

— Nan, toi doucement ! répondit-il nerveusement en le pointant du doigt. C'est pas le moment d-

— Je sais que personne ne semble dormir ici, interrompit Leia. Mais si tu pourrais éviter de crier...

La famille se trouvait désormais presque au complet dans le salon du domaine Organa.

— Chérie, dit Han en commençant à vouloir se lever.

— Qu'est ce qu'il se passe ici ?

Ce qu'il se passe ? Le naturel persistait une nouvelle fois, sous les yeux de tous, voilà ce qu'il se passe, songea Anakin.

— Vois par toi-même, répondit le jeune Jedi d'un air désabusé en désignant la bouteille.

— Ca ? fit-elle sans étonnement, sachant bien de quoi il s'agissait. Ce n'est rien. Il ne compte pas la boire.

— A quoi d'autre cette bouteille servirait ?

— C'est de la méditation Jedi ! lança nerveusement Alana, cherchant à tuer le conflit dans l'œuf.

Une manière aussi étrange que maladroite pour tenter de mettre fin à des tensions. Tous les autres contemplèrent la jeune femme, conservant un silence de réserve dans l'attente d'une quelconque explication. Seul Han se fendit d'un léger sourire avant de prendre la parole.

— Fiston, aussi bizarre que ça puisse te paraître, cette bouteille me sert à me recentrer. Fais-moi confiance quand je te dis que je ne retombe pas là-dedans, à défaut d'écouter ta mère.

Le regard du jeune homme passa de sa cousine à son père. Peut-être s'était-il avancé trop vite, et avait jugé sans avoir toutes les cartes en mains. Qu'il y avait une explication concrète qu'il avait négligé...

— Ok, se rembrunit-il. Je vais vous croire... Mais on en reparlera, vu qu'on a des problèmes plus importants...

Un léger progrès. Voilà ce que tous se disaient concernant le jeune homme. Comme à son habitude, il s'était rapidement emporté. Mais les interventions successives de sa cousine et de son père avaient suffit cette fois. Peut-être était-il simplement fatigué, las, et n'avait pas le cœur à insister. Mais Han savait. Il était convaincu que, depuis qu'il avait rétablit le contact avec son fils, les choses se dérouleraient pour le mieux. Il réussit à dissimuler sa joie évidente à l'évocation de cette pensée. Certes, il y avait naturellement un chemin conséquent à parcourir. Mais c'était comme si le plus dur avait déjà été fait.

— Bon, étant donné que tout le monde est debout, on va se préparer un petit déjeuner de champions, s'exclama-t-il. Il finira par faire jour dans un peu plus d'une heure, alors on sera prêts en avance comme ça.

— Est-ce que je peux aller réveiller Chewie ? demanda Alana, pleine d'enthousiasme.

— Oh, ne t'inquiète pas pour lui, lui répondit Leia. Il se lèvera de lui-même quand il se rendra compte qu'on prépare le repas.

Le rire provoqué par les paroles de Leia mit tout le monde de bonne humeur. Tous s'attelèrent à la préparation du repas, oubliant pendant un temps les récents évènements, court moment de répit pour les temps à venir.


*****


Près de deux semaines s'était écoulées depuis les terribles évènements, et les choses n'avaient pas beaucoup avancé. Le premier matin, le groupe au complet s'était rendu à la Grande Rotonde, pour assister à une réunion de crise. Différentes pistes avaient été évoquées. Pour les suivre, les Jedi s'étaient vus accorder les accréditations nécessaires, et des assignations pour se rendre au poste central de la Division, service de regroupement des différents organismes de sécurité et de maintien de l'ordre. Cette organisation était la plus importante dans ce domaine, supplantant tous les autres départements en termes d'accréditation. Ils attendaient beaucoup de cette réunion, et bien mal leur en avait prit.

Les seules débouchées possibles n'étaient que des enquêtes sur des groupuscules pro-humains, qu'ils aient des antécédents ou non. Des perquisitions généralisées, quotas journaliers d'arrestations d'humains, établis pour montrer que le Sénat prenait des mesures notables. Le débat étant stérile, les Jedi n'avaient eut d'autre choix que d'agir dans le cadre défini par le Sénat. Le but premier de leur présence était de rétablir des relations de confiance, propices à la coopération. Ils n'étaient pas certains d'arriver à mieux en tentant quelque chose de leur côté, mais l'envie les démangea bien vite, après quelques temps passés sous l'égide du sénat et de ses protocoles. Ils se trouvaient chargés d'épauler les équipes d'interventions dans les endroits les plus à risques, les arrestations d'individus violents, les conduisant à la section renseignements pour interrogatoire.

Anakin et Alana travaillaient donc en collaboration avec Crail Jerre, et l'unité qu'il avait à sa charge. Ils n'avaient pas eut leur mot à dire, et chacun des deux Jedi ne manifesta que très peu d'enthousiasme face à cette perspective. Mais le fait de travailler ensemble avait rapidement aplani les tensions entre eux. Les jeunes Jedi purent directement constater que Crail n'avait lui aussi que peu de latitude dans son travail, contraint de suivre le protocole strict établi par le Sénat. Ils avaient pour ainsi dire les mains liées, les empêchant d'exploiter certaines pistes, forcés de se concentrer sur d'autres moins pertinentes. Ils avaient également eu un bon aperçu de ce dont Crail était capable. Malgré des débuts tendus, il n'avait eu aucune hésitation à clarifier la situation lorsque c'était nécessaire. Lui seul était en charge des opérations. Les deux Jedi se trouvaient en sa compagnie lorsqu'il rencontrait des informateurs, et il avait été clair à ce sujet. C'était lui et personne d'autre qui prenait la parole, les deux jeunes se contentant d'observer en silence, à sonder la Force. Alana était impressionnée, de même qu'Anakin. Crail avait même légèrement remonté dans l'estime du jeune homme.

— Dernière intervention de la journée, annonça Crail.

— Encore une ? s'exclama Anakin.

— Quelles sont les infos Crail ? demanda Alana.

Crail afficha la photo du suspect sur un des écrans. Ce dernier avait le teint pâle et les traits marqués.

— Taan Bailum, 46 ans. Membre du 35ème régiment d'infanterie pendant le Grand Démantèlement, ensuite été recruté par les opérations spéciales durant la guerre des cartels.

— La guerre des cartels ? s'interrogea Alana.

— D'anciens gradés impériaux avaient infiltré des groupes criminels, patientant pour faire revivre l'Empire. C'était dans les années suivant le Grand Démantèlement. Ca n'a pas été une franche réussite, mais l'heure n'est pas au cours d'histoire, fit-il en expédiant rapidement le sujet. Le suspect a été démobilisé suite à un rapport psycho après un déploiement dans la Bordure. Embauché ensuite par BlackTower, branche paramilitaire l'année suivante. Condamné pour crime et incitation à la haine raciale suite à une bavure il y a dix ans. Relâché pour bonne conduite il y a deux. Divorcé pendant son séjour en prison, avec un fils qu'il n'a plus vu depuis. La première équipe a tenté de le maîtriser, mais il les a tous neutralisé. Une équipe d'interception de six hommes, à mains nues, à lui tout seul. Le suspect est donc considéré comme extrêmement dangereux. Affiliation supposée avec l'Aube Rouge.

La dernière phrase avait le don d'agacer les deux Jedi. La totalité des suspects avaient été considérés comme tel, cependant que pas l'ombre d'un éventuel lien n'avait été relevé après interpellation.

— « Affiliation supposée »... grommela Alana. Sur quelles bases ? On ne connaissait même pas cette organisation il y a deux semaines...

— Je ne fais que lire le rapport de la Division, Alana.

— Regarde le suspect, fit Anakin d'un ton cynique. Suspect humain égal affiliation à l'Aube Rouge. C'est comme ça maintenant. Surtout que ce type a l'air d'avoir eu son lot de soucis...

— Arrivée dans 2 ! annonça Crail sans relever l'allusion d'Anakin. On nous signale qu'il s'est réfugié dans un entrepôt abandonné, et qu'il menace d'activer un dispositif explosif. La situation va être tendue. Les autres équipes couvrent déjà les voies d'accès, alors on reste ensemble cette fois. Une équipe forme un cordon de sécurité pour contenir une large masse de civils qui s'est attroupé aux alentours du bâtiment. Il va falloir négocier, alors je compte sur vos pouvoirs pour me faciliter la tâche. C'est parti !

La navette descendit brusquement au dernier moment. Elle ouvrit ses portes, dévoilant ses occupants qui en sortirent rapidement, avançant dans un coin à l'écart de l'activité du centre-ville. Ils se postèrent tous à leurs différentes affectations, tandis que les trois jeunes pénétrèrent à l'intérieur. Ils progressèrent, Crail en tête, jusqu'à l'emplacement du suspect, qui se trouvait à l'étage. Un bouclier énergétique avait été levé pour pouvoir l'avoir en visu, tout en se protégeant de son dispositif. Crail l'observa d'un rapide coup d'œil, et prit ensuite la parole.

— Monsieur Bailum, je suis le commandant Jerre. On m'a appelé pour vous aider à régler vos difficultés. Car c'est bien ce que vous voulez ?

La pièce était crasse, en sale état. Un dispositif de détonation était installé sur un canapé aussi miteux que le reste de la pièce. Le déclencheur se trouvait dans la main du suspect. Manifestement, il s'agissait de l'endroit où il vivait, même si c'était difficile à croire.

— Et c'est c'que j'vais faire ! hurla le suspect. Vous et vos amis, tout le monde va régler ses problèmes !

— Nous ne sommes pas obligés d'en arriver là, répondit Crail, conservant en tête les antécédents du suspect avant de poursuivre. Vous ne voulez pas ôter la vie de dizaines d'innocents monsieur Bailum. Regardez à travers la fenêtre, vous verrez que je ne vous mens pas.

Le suspect passa un regard peu concerné, et vit que l'agent lui disait la vérité. Mais cela importait peu. Ce n'était pas ces curieux qui allaient le faire changer d'avis. Pas maintenant. Pas après tout ça.

— Rien à faire d'ces parasites ! Ils veulent voir c'que c'est la vrai guerre ? J'vais leur donner une vrai guerre moi !

— La guerre est terminée monsieur, intervint Alana qui l'avait sondé dans la Force, et tentait de lui envoyer des ondes apaisantes. Vous n'êtes plus obligé de vous battre.

Des paroles qui se voulurent réconfortantes et apaisantes. Elles eurent cependant un effet radicalement opposé.

— Rien n'est terminé ! hurla-t-il. Rien ! rôle Tout ça à cause de vous, et de vous, vous tous ! fit-il en désignant les trois jeunes tour à tour. C'était pas ma guerre à moi ! C'est vous qui m'avez appelé pour ça ! J'ai fait ce qu'on m'a dit de faire, ce qu'on m'a appris à faire ! Mais z'avez pas voulu nous laisser avoir le beau rôle ! Il fallait nous condamner, pour sauver votre morale et votre image hein ?

L'homme était profondément marqué et troublé. Il associait visiblement Crail et les jeunes Jedi au gouvernement et aux responsables en charge à son époque. Il faisait de courtes allées et venues, piétinant nerveusement sur place.

— Et j'vous ai vu ! poursuivit-il. Vous et vos larves, des profiteurs et des vautours, m'attendre quand je suis rentré ! Ils m'ont traité de monstre, de tueurs d'enfants ! Mais qui êtes vous pour me faire des reproches hein ? Qui êtes vous ?! Vous étiez à ma place peut-être, dans ces planètes perdues à la recherche de ces impériaux ? Dans ces bidonvilles gangrénés par ces pourris ? Vous savez pas de quoi vous parlez !

Anakin était touché par la détresse de cet homme. Mais il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait lui dire pour l'apaiser. Alana était encore plus perturbée. Il fallait qu'elle intervienne. Ce pauvre homme souffrait terriblement. Personne ne semblait le comprendre. Elle avait la capacité de lui apporter cet apaisement. Encore fallait-il qu'il le veuille...

— Vous êtes prisonniers du passé, intervint-elle. Mais cela peut s'arranger, vou-

— C'est pas du passé pour moi ! J'avais une vraie place là-bas ! On me faisait confiance, je pouvais piloter des engins qui coutaient des millions de crédit ! Mais ici, pas moyen de piloter un putain de speeder ! Ma femme me regarde comme un criminel, un monstre ! Mon fils me regarde comme un étranger ! J'ai jamais voulu tout ça moi !

Taan Bailum s'emportait de plus en plus. Les interventions classiques pour le raisonner n'avaient aucun d'effet. Crail avait autre chose en tête. Il contourna brusquement le dispositif de sécurité, s'arrêtant à quelques mètres du suspect. Alana tenta de l'en empêcher, ou même de le rejoindre, mais Anakin venait de la stopper. Crail prenait un énorme risque, mais il n'était pas question qu'Alana le prenne également. Taan Bailum observa Crail, se demandant pourquoi il demeurait immobile, alors qu'il avait un dispositif qui le réduirait en cendres dans l'instant s'il le souhaitait. L'agent avait un regard assuré.

— Nous ne sommes pas comme ça, déclara-t-il d'un ton neutre tout en laissant suffisamment de compassion filtrer à travers. Mon père a servi la Nouvelle République en son temps, je comprends ce dont vous parlez. Ce que vous traversez. Vous n'êtes pas seul Taan.

Cette dernière phrase le marqua particulièrement. Il y avait bien longtemps que quelqu'un ne l'avait pas appelé par son prénom. Surtout pas pour lui dire de telles choses. Le retour de cette sensation de solitude profonde et sans fin...

— J'avais des amis là-bas, finit-il par reprendre d'un ton moins nerveux. Ici, j'ai plus rien... J'me souviens d'un jour..., fit-il plus calmement, commençant à se plonger dans un souvenir. Un gamin, qui vivait dans la rue, traînant près d'où on était stationné. Il nous propose d'acheter des fruits à mon ami et moi, alors qu'on approche d'un petit comptoir de bar. Le p'tit rodien nous dit « des fruits m'sieur des fruits m'sieur ». Moi j'lui dit nan, j'veux me payer quelques bières. J'en commande, et mon ami finit par lui céder au p'tit rodien. Le mioche lui ouvre sa petite boite, et il explose. Les renégats impériaux avaient piégé l'gosse. J'assiste à la scène, j'vois le corps de mon ami voler en éclat, j'me précipite. Y'a des morceaux partout, j'en ai plein sur moi, comme ça là !

Comme s'il revivait le souvenir, il se passa nerveusement les mains sur son torse et ses épaules, comme pour chasser les morceaux de corps de son ami.

— J'essaie d'aider mon ami ! J'dois faire le tri, parce que j'arrive pas à savoir si les morceaux sont les siens ou ceux du gamin ! J'suis couvert des restes de mon ami !

Il n'était plus hargneux. Une profonde mélancolie, un désespoir total emplissait chacune de ses paroles. Les jeunes Jedi en étaient bouleversés. Crail tentait bien que mal de se maitriser, et ne pas flancher.

— J'lui prends la main, il m'dit qu'il veut juste rentrer chez lui ! « J'veux rentrer chez moi, j'veux rentrer chez moi Taan » qu'il m'dit ! J'arrivais plus à r'trouver ses jambes ! J'arrivais plus à r'trouver ses jambes..., répéta-t-il, craquant finalement en profonds sanglots. J'arrive plus à m'sortir ça d'la tête... Ca fait des années, j'y pense chaque jour... J'me shoote, j'me réveille j'sais plus où j'suis... Y'a personne qui est là pour moi, fit-il en s'écroulant contre un des murs, pour se laisser glisser au sol. J'parle plus à personne, pendant des jours... Des fois pendant toute une semaine... J'en peux plus, j'veux qu'ça s'arrête...

Il était temps. Crail s'approcha précautionneusement du pauvre bougre. Posant tout d'abord une main amicale sur lui, avant de le prendre dans ses bras. Un tel soldat, une force de la nature, capable de déjouer une escouade entrainée à lui seul, à présent aussi fragile qu'un enfant abandonné. Une image saisissante. Pendant la manœuvre, Crail lui prit lentement le détonateur des mains, avant de le tendre vers l'arrière. Anakin comprit dans l'instant, et se précipita pour récupérer le dispositif. Crail passa ensuite délicatement les menottes à Taan Bailum. Il lui laissa quelques instants, le temps de calmer ses sanglots. Alana continuait à lui envoyer des ondes positives, alors que Crail lui disait doucement que ça va aller, qu'il existait des structures pour aider les gens comme lui. Qu'il n'était pas seul. De simple mots, mais exactement ce dont cet homme avait besoin à cet instant. Une fois qu'il s'était calmé, Crail l'aida à se relever. Il demanda à une autre équipe de le reconduire, et Taan Bailum lui offrit un dernier regard avant de s'en aller. L'émotion qui habitait ce profond regard marqua véritablement Crail, qui ne sut comment réagir.

— Ca va aller Crail ? lui demanda Alana.

Il regarda la jeune femme. Observer son visage lui fit le plus grand bien. Une vision réconfortante pour évacuer toutes ces choses troublantes. Il se retint de lâcher tout ce qu'il avait sur le cœur. Son père, qui aurait pu devenir comme cet homme, le retour à la vie normale. Des collègues qui auraient pu tourner de cette manière. Ou bien lui-même... Mais il s'abstint de tout commentaire. D'une part, parce que ce n'était pas dans sa nature. Mais également parce qu'une fois qu'il aurait commencé à parler, dissimuler son affect pour la jeune femme deviendrait trop difficile.

— C'est dur, mais ça ira, répondit-il sobrement. Nous devrions faire un léger passage par ici, nous assurer qu'on a rien manqué.

Ils s'exécutèrent. Anakin alla s'inquiéter de l'état de sa cousine, visiblement perturbée. Elle lui montrait clairement ne pas avoir comprit pourquoi il l'avait empêché d'intervenir. Cette fois, le jeune homme décida d'être complètement honnête.

— Cet homme avait fait son choix, et cela le regardait, lui dit-il sans qu'elle ne comprenne sa réaction. Si c'était son choix d'en finir, il en avait le droit. Vu ce qu'il a vécu...

— Mais il était au bord de l'abime, argua Alana. Il valait mieux l'aider...

— Je sais, mais parfois, je pense qu'on doit respecter le droit de chacun à disposer de sa propre vie...

Alana accepta le raisonnement, à défaut de le rejoindre. Anakin n'était pas conscient d'avoir exposé son propre paradoxe existentiel, plutôt que de simplement parler de celle de cet homme. Ils passèrent quelques minutes, déblayant et fouillant les décombres, pour chercher d'éventuelles pistes. Lorsqu'ils comprirent qu'ils n'allaient rien trouver de bien concluant, on interpella Crail via son comlink.

— Commandant Jerre, ça devient compliqué ici ! Vaudrait mieux ne pas traîner !

— Bien reçu, répondit-il. Allez tout le monde, on lève le camp et on rentre !

— Qu'y-a-t-il Crail ? s'inquiéta Alana.

— Des manifestants, fit-il en tentant de rester neutre.

— C'est la troisième fois que ça arrive, Crail, fit Anakin, agacé. Ca va être de pire en pire.

Ils sortirent tous du bâtiment, sous les huées de la foule d'humains qui s'était amassée derrière le cordon de sécurité. Certains brandissaient des pancartes de fortunes, des inscriptions faites à la volée demandant la justice pour les humains, d'autres crachaient simplement leur haine. Ils recherchaient simplement un exutoire. Le cordon de sécurité formé par les quelques agents commençait à être mis à rude épreuve.

— Ils ont l'air plus énervés que d'habitude, constata Alana.

— Comment leur en vouloir, répondit Anakin.

— Crail, occupe-toi de stocker le matériel du dispositif ! suggéra Alana. Nous allons essayer de calmer les choses.

— Vous avez perdu l'esprit ? leur dit-il. Vous n'avez rien à y gagner !

Anakin se mit à la suite de sa cousine, peu convaincu de son initiative. Mais il ne pouvait la laisser y aller seule.

— Euh, t'es sûre de toi sur ce coup ?

— Nous ne pouvons rester les bras croisés pendant que ces gens se sentent opprimés et mis à l'écart. Je ne peux rester insensible et passive face à ceux qui souffrent une nouvelle fois. S'il vous plaît ? S'il vous plaît ! fit-elle d'une voix intelligible après être montée sur une navette pour mieux se faire entendre. Regagnez votre calme. Ce n'est pas de cette façon que vous vous ferez entendre. Nous comprenons vos revendications, mais manifester ainsi ne fera pas avancer les choses.

— Vous arrêtez des humains sans raison valable ! cria un homme au premier rang, l'agitation semblant légèrement diminuer. Vous devriez avoir honte !

— Nous ne faisons que notre travail, déclara-t-elle d'un ton calme, posé, tentant d'envoyer des ondes positives d'apaisement à travers la Force. Nous faisons tout notre possible pour retrouver la trace des responsables des attentats.

— Qui vous dit qu'les responsables sont humains ?

— Ouais ! Vous arrêtez qu'des humains ! continua un autre.

— Nous explorons toutes les pistes qui sont à notre disposition.

Anakin se tenait à présent à ses côtés, tout en demeurant silencieux. Il tentait d'étendre ses perceptions, pour repérer une éventuelle menace. Mais tant de rancœur et de haine émanait de cette foule compacte, que c'en était déstabilisant, rendant impossible de prévoir si l'un d'entre eux était animé d'intentions plus dangereuses.

— Nous vous demandons simplement une chose, c'est de nous faire confiance, poursuivit-elle. S'il vous plaît, la meilleure façon de nous aider est de nous laisser faire notre travail.

— Votre travail ? s'exclama une femme plus loin. Vous arrêtez vos semblables ! Vous êtes des traitres à votre espèce !

Il y avait tellement de haine et de rancœur qu'il était difficile de tous les apaiser. Cette sensation était trop présente, envahissante même, sans compter qu'elle empirait.

— Ecoutez-moi, ce n'est pas un problème d'espèce. Des milliers de gens sont morts dans cet attentat. Des femmes, des enfants.

— D'la vermine non-humaine ! On va pas les pleurer !

— Ouais ! Les types de l'Aube Rouge avaient raison en fin d'compte ! Il faut qu'on s'bouge sinon, c'est nous qu'allons être enfermés !

— Non, s'il vous plaît ! Je vous prie d-

Elle ne put terminer sa phrase. Un projectile fut lancé et heurta sa tempe, juste au-dessus de l'oreille droite. Concentrée à chercher l'apaisement de la foule, grâce à la Force, elle n'était pas parvenue à sentir le projectile arriver.

— Qui a fait ça ?! gronda Anakin. Bande de sauvages ! Vous attaquez la seule personne qui essaie de vous comprendre, fit-il avant de se pencha vers Alana. Ca va ?

— Oui, ce n'est pas grand-chose, lui assura-t-elle.

La jeune femme tenta de le retenir par le bras, tout en appuyant sur sa blessure de sa main libre, un léger filet de sang s'en échappant. Elle le connaissait suffisamment pour décrypter ses intentions.

— Laisse Ani. Allons-nous-en.

Ils descendirent de la navette, mais la foule était exaltée par la montée de la violence et du ton de défiance d'Anakin. Les officiers qui tentaient de les repousser commençaient à êtres dépassés. Le jeune Jedi se défit de l'étreinte de sa cousine, pour s'avancer vers la foule lorsqu'il vit certains agents mis à terre. Tout comme elle, il ne pouvait rester les bras croisés. Et la confrontation prenait un ton qui lui convenait bien mieux.

— S'il c'est le seul langage que vous comprenez...

Le jeune Jedi lança une poussée de Force en modulant sa puissance. Suffisamment pour repousser et mettre à terre plusieurs rangées de manifestants, dans un rayon assez large. Aidant les officiers à terre à se relever, il les poussa à rejoindre les navettes avant que certains manifestants, les plus massifs, venaient de se relever. Ils s'avançaient dans sa direction, avec des intentions assez évidentes, cherchant à ramasser ce qu'ils avaient sous la main, en guise d'armes de fortunes. Anakin leur fit alors face d'un air déterminé. Il tendit sa main, et y fit venir son sabre laser à l'aide de la Force. La lame bleutée du sabre jaillit dans un bourdonnement caractéristique, stoppant net les brutes qui s'avançaient.

— Vous êtes sûrs de vouloir jouer à ça ? lança-t-il en prenant un air intimidant. Je serais d'avis que vous fichiez le camp, tant que vous êtes encore en état de courir.

Ils soutinrent son regard. Mais même les plus téméraires comprirent vite que la fuite était leur seule option viable. Le regard du jeune homme était sans équivoque, même si ces citoyens n'étaient pas entraînés, seulement animés par leurs émotions, ils parvinrent rapidement à déchiffrer ce qu'il s'y trouvait. Leur canal d'interprétation ne pouvait se leurrer, à mesure que les données leur parvenaient. Cette détermination implacable qui parlait à l'instinct primal de ces gens, la fuite semblant être la seule option viable en termes de survie.

— Bien, se satisfit Anakin, conscient d'avoir évité le pire en laissant son attitude parler pour lui.

Pendant ce temps, Crail avait soutenu Alana, prenant place dans la navette. Anakin éteignit son sabre et les rejoignit rapidement.

— On est prêts à partir, Crail ?

— On attendait plus que toi, lui répondit-il.

Le jeune Jedi s'installa en face d'Alana. Crail était à côté d'elle, en train de fouiller le nécessaire dans une trousse de premiers secours, pour stopper le léger saignement. La jeune femme le remercia gentiment, mais lui indiqua qu'elle n'en avait pas besoin. La navette s'éleva rapidement, et se remit en marche.

— Alana arrête, insista-t-il. C'est peut-être superficiel, mais il ne faut pas laisser ça co-

— T'as pas compris, Crail, coupa Anakin. Elle n'a pas besoin de ce genre de soins.

Alana posa sa paume sur sa blessure, fermant les yeux pendants quelques secondes, avant de retirer sa main. Crail fut stupéfait de voir que le saignement s'était interrompu, la blessure n'étant quasiment plus visible. Elle tourna son regard vers Crail.

— Un problème avec mes cheveux, lança-t-elle d'un air moqueur. Je suis décoiffée ou... ?

— Non, tout est parfait..., fit-il à mi-voix, d'un ton presque absent.

Il se rendit seulement compte qu'il fixait la jeune femme de façon insistante. A la fois absorbé par la démonstration de telles capacités, et par l'harmonie de son visage. Il détourna le regard, plus vivement qu'il ne l'avait voulu.

— Désolé, c'est que... Je n'avais jamais vu ça.

— Et encore, t'as pas tout vu, ajouta Anakin.

— Tu nous as pourtant vus arracher des verrous renforcés par la force de notre esprit, non ? lui demanda la jeune femme.

— Ce n'est pas comparable, affirma-t-il, prenant pleinement la mesure de ce qu'il disait. Tu t'es soignée seule, sans aucun produit extérieur. Régénération cellulaire accélérée. Je ne croyais pas ça possible.

— Pratique, pas vrai ?

— C'est le moins qu'on puisse dire... Où as-tu appris ça ?

Son regard croisa celui de son cousin, et ils se mirent à sourire en même temps.

— C'est un tour que je tiens... D'un vieil enfant, dirons-nous...

— C'est donc de cela qu'est capable un Jedi, reprit-il, plus pour lui-même que pour les deux Jedi en question.


*****


— On a vu le flash sur l'holonet, fit Leia en les voyant revenir. On s'est inquiétés pour vous.

Les deux Jedi venaient de rentrer de leur journée, et comptaient exposer leur volonté de poursuivre des options alternatives. En deux semaines, ils n'avaient pas avancé d'un pouce. Ils perdaient leur temps à suivre des pistes ne débouchant sur rien, et cela commençait à les exaspérer. Sans compter qu'ils s'en prenaient plus aux victimes qu'aux véritables responsables en définitive. Ils avaient réfléchit sur la route du retour, et comptaient bien aborder la question.

— Ce n'est rien, répondit Anakin. Tout est rentré dans l'ordre.

Il vit que sa mère jetait un regard en direction de l'écran, et il le regarda à son tour. L'image qui revenait le plus était celle de sa démonstration de force, captée par de nombreuses caméras.

— Ca rend pas mal sur holo, pas vrai ? fit-il d'un ton plutôt fier en apparence.

— Anakin ! Ce n'est pas un jeu !

— Je sais, maman. Je dis juste ça pour dédramatiser. Je ne prends pas ça à la légère, je te le promets.

— J'me demande ce qu'en penserait ton maître, d'utiliser tes pouvoirs comme ça fiston, commenta Han, avachi sur le canapé du salon en compagnie de Chewbacca.

— Toi, qu'est ce que tu en penses ?

— Moi je trouve que ça en jette.

Il ne manqua pas de se reprendre, changeant drastiquement d'attitude lorsqu'il sentit le début de regard que sa femme lui lançait.

— Mais la plupart des gens, et surtout les politiques, vont peut-être moins apprécier, précisa-t-il.

— Je sais papa. Mais Alana a essayé de leur parler, et ces animaux l'ont agressé.

— Nous le savons, annonça Leia.

— Comment vous l'avez su ?

— Crail m'a appelé pour me raconter ce qu'il s'est passé.

Crail... Les visages d'Han et d'Anakin se rejoignirent d'un regard entendu. Alana s'étant faite discrète jusqu'ici, décida de parler pour elle.

— Les gens sont à bout, tante Leia. Ils ne sont pas écoutés, et finissent par perdre la raison. Nous avons eu à faire à un pauvre homme, tombé bien bas uniquement parce que personne n'a rien fait pour lui, alors qu'il avait besoin d'aide. Mais je ne leur en veux pas de m'avoir attaqué.

Anakin étouffa son début de désapprobation. Ils avaient déjà débattu sur la route du retour, et savait qu'il valait mieux ne pas insister.

— Il faut que nous, on tente autre chose, poursuivit-elle d'un ton plus convaincu.

— De quoi parles-tu ?

— Nous ne pourrions pas agir en dehors du Sénat ? Je veux dire, avec leurs consignes et leurs protocoles, nous ne faisons aucun progrès...

— On ne peut pas se permettre de se mettre le Sénat à dos Alana, surtout pas maintenant.

— Et toi papa ? demanda Anakin. Qu'est ce que t'en dis ?

— Je pense comme vous les jeunes, mais ce que dit ta mère est vrai. On ne peut pas se permettre de se les mettre à dos. Pas sans preuves en tout cas. Mais impossible d'en trouver.

Il devait y avoir une autre solution...

— Demandons à Lando ! proposa Alana. Si sa compagnie est si puissante, pourquoi ne peut-il pas intervenir ?

— Lando, a des divisions paramilitaires et d'investigations, certes, répondit Leia. Mais il ne peut pas agir sans l'aval du gouvernement.

— Pourquoi ça ? demanda Anakin.

— LandoMilitech est une mégacorporation privée. Ils peuvent intervenir sur d'autres planètes, pour le compte de la Nouvelle République, mais pas sur le sol de leur employeur. Dans une république, c'est le gouvernent qui est garant des missions régaliennes, expliqua-t-elle. La Nouvelle République doit directement et exclusivement assurer la sécurité de ses citoyens. LandoMilitech n'a donc pas le droit de déployer des troupes sur le même sol que le gouvernement avec lequel il a signé ses contrats.

— Quelle loi stupide, grommela le jeune homme.

La sonnette de l'interphone retenti, arrachant tout le monde au débat. Han se leva pour aller répondre.

— Alors, c'est qui ? demanda Alana, impatiente alors qu'Han revenait sans un mot.

— Le nouveau meilleur ami de la famille, fit-il avant de se tourner en direction de son ami. Tu sais Chewie, tu devrais commencer à te faire du souci. Ce Crail commence à être sacrément populaire ici, il va te prendre ta place de mascotte.

Le wookie répondit d'un grognement manifeste d'indifférence, confiant que personne ne pourrait le remplacer, que seul Han et Alana comprirent. Crail Jerre fit son apparition, et s'arrêta net quelques secondes quand il vit tous les regards tournés vers lui

— Je tombe mal, peut-être ?

— Non, pas du tout Crail, le rassura Leia. Nous discutions de l'incident d'aujourd'hui, et de quoi faire pour en éviter un nouveau.

— C'est justement dans cette optique que je suis ici, fit-il avant de s'éclaircir la voix. J'ai peut-être quelque chose qui pourrait nous aider. Une piste mise de côté, qui pourrait s'avérer utile.

Peut-être s'agissait-il de ce sujet délicat, qui avait tendu Han. Ou peut-être était-ce simplement ce que cet agent venait de déclarer. Mais Han ne perdit pas un instant pour signifier le fond de sa pensée.

— Et c'est seulement maintenant qu'on en entend parler, agent Jerre ? intervint Han en témoignant d'une certaine animosité.

Le ton du vétéran était manifeste, mais Crail laissa passer. Peu importait qu'il éprouve une certaine antipathie envers Han Solo, veritable légende vivante. Il savait se montrer courtois, et prendre sur lui.

— Eh bien, j'ai reporté cette piste au chef de la Division. Mais elle n'entrait pas dans le cahier des charges établi par le Sénat, alors...

— Alors vous l'avez mis de côté, comme un bon soldat ?

— Han, s'il te plaît, intervint Leia pour cesser ce petit jeu. Je vous en prie Crail, continuez.

— Cette piste, je l'ai suivie en parallèle de mon côté, par acquis de conscience. Il s'agit d'une analyse des vêtements qui pourraient être ceux du terroriste lui-même.

— Vous n'en êtes pas sûr ?

— Malheureusement non Madame. Les équipes de première réponse ont tout chamboulé sur la scène de crime. On ne peut en être sûrs à 100% des analyses.

Alana fit la déduction qui s'imposait.

— Tu as suivi la piste de ton côté, déclara-t-elle. Et tu es venu nous en parler, alors ce doit être du sérieux, non ?

Au moins, elle allait dans son sens. Cette seule pensée le mit davantage en confiance.

— De tous les vêtements analysés, ceux-ci sont les seuls comportant des résidus de trace d'une autre planète. De plus, j'ai re-visionné les images un certain nombre de fois. Il s'agit du seul vêtement avec un sigle comme sur les images, un nuage rouge.

— Pourquoi tu ne vas pas rapporter ça à tes potes du Sénat, Crail ? lança Anakin.

— Parce que je crains qu'ils ne mettent cette piste de côté, avoua-t-il.

— Avant que vous ne nous révéliez tout, annonça Leia, comprenez bien ce qui se joue ici Crail. Ne pas rapporter votre avancée à la Division directement pourrait vous exposer à certaines conséquences.

Il était parfaitement conscient de tout cela. Son attitude et son langage corporel à l'instant en témoignaient. Il n'était pas à l'aise à l'idée de venir partager des informations de cette manière.

— Je le sais parfaitement, Madame la sénatrice. Ma foi en mes supérieurs se trouve... éprouvée, admit sincèrement l'agent. J'en suis le premier troublé, fit-il avant que son regard ne se tourne vers Han. Mais je pense surtout que vous saurez en faire un meilleur usage.

— Nous vous écoutons.

— L'analyse a démontré que les traces des résidus proviennent de la planète Jakku.

Cette information avait le don d'interpeller Han. Il n'y avait pas mis les pieds depuis la bataille du Grand démantèlement.

— Jakku ? s'exclama-t-il. Ce trou à rat ?

— Je sais, cette piste semble bien mince...

— Au contraire Crail, reprit Leia. C'est bien plus que ce que nous avions jusqu'ici. Sans compter qu'une planète isolée de la Bordure comme Jakku est idéale pour rester hors des radars. Cela fait sens.

— C'était justement mon hypothèse, Madame la sénatrice, ajouta-t-il avec un léger sourire apaisé.

— Sans oublier ce qu'il a dit ! s'écria Alana, surprenant tout le monde alors qu'elle réfléchissait.

— De qui ? s'étonna Anakin.

— L'homme du message de l'Aube Rouge, vous vous rappelez ? "Nous avons écumé un océan d'étoiles pour nous préparer". Ca fait sens, non ?

— C'est possible, répondit Crail. Il pouvait parler d'une ou plusieurs planètes, mais Jakku correspond assez bien.

— Ca reste assez mince, dit Anakin. Connaissant les types du Sénat, ils trouveront ça insuffisant, et on sera pas plus avancés.

— Sauf si on les court-circuite, lança Leia, le regard de Crail montrant que c'était là où il voulait en venir. On poursuit cette piste de notre côté. Han ?

L'ancien contrebandier prit un moment de réflexion. Ce Crail était peut-être un soldat bien dressé, mais il avait fait du bon travail. Et Han savait parfaitement comment agir en dehors des règles établies.

— C'est faisable, répondit-il en soupesant les implications.

— Quoi qui est faisable ? demanda impatiemment Anakin.

— Vous allez par contre devoir poursuivre sans moi, annonça Crail. Je regrette, mais je ne peux être mêlé à tout cela.

Il devait en effet pouvoir nier toute implication s'il était interrogé à ce sujet. Sa loyauté l'empêchait de se montrer malhonnête. Leia comprit évidemment ce qui le motivait.

— Je comprends, lui répondit-elle. Nous vous remercions, Crail, et allons faire le nécessaire pour aller au bout des choses.

— Merci à vous, Madame la sénatrice. Et à vous tous, de bien avoir voulu m'écouter. Je vous souhaite bonne chance.

Tous le remercièrent, chacun à sa façon, et Crail Jerre quitta la résidence, laissant les occupants avec matière à réfléchir.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top