Chapitre 6.
Les jours qui suivirent furent remplis de lecture pour Makaela et Jaidyn qui se retrouvaient forcées de se voir pour lire ensemble les dossiers sur Elsbeth. Elles avaient appris que les Créatures de l'Ombre s'étaient ralliées à elle et qu'elle était en train d'essayer de rallier le plus de créatures magiques possibles à sa cause. Elle avait déjà essayé d'approcher les habitants d'Athelynna et de Clerebold en plus de quelques fées et sorcières solitaires. Elle avait été aperçue par des habitants terrifiés qui avaient rapportés à Rosamonde et au prêtre Serell ce qui leur était arrivé. Bizarrement, ces mêmes personnes avaient perdu la vie dans d'étranges circonstances les jours qui suivirent leurs révélations. D'ailleurs, d'après Okosano, elle avait essayé d'approcher les sirènes aussi. Ce qui ne laissait aucun doute, c'était ceux qu'elle allait essayer d'approcher après.
- A ton avis, elle va commencer par les ogres, les trolls ou les gnomes ?
Makaela releva la tête vers Jaidyn qui reposait le papier qu'elle lisait. Il n'y avait pas d'animosité dans sa voix. Pour la première fois de sa vie, Makaela entendait la rousse lui parler comme à un être normal.
- A sa place, qui t'irais voir pour essayer de ramener des personnes puissantes dans tes rangs ? demanda-t-elle, quelque peu déstabilisée.
- Un minimum d'intelligence et de force étant nécessaires, les ogres.
- Alors on sait où aller.
- Tu rigoles j'espère ? J'mets pas les pieds dans les montagnes.
- Maneta, on doit travailler ensemble, là. C'est pas une question de c'que tu veux ou non, c'est une question de vie ou de mort. Si tu viens pas, j'irai toute seule, je m'en fiche. Mais on a besoin de découvrir ce qui va se passer chez les ogres et surtout, s'ils vont être réceptifs.
- Bien sûr qu'ils vont l'être, ces gros idiots ! Elle prépare une armée avec les Créatures de l'Ombre, seuls des abrutis refuseraient de l'aider. Tu as bien lu, des dizaines de personnes ont disparues, ce n'est pas un hasard. Soit ils sont morts, soit ils l'ont rejoint parce qu'ils savaient que nous perdrions contre les Créatures de l'Ombre.
- Ou juste parce qu'ils adhèrent à ses mensonges.
- C'est ce que je dis, faut être débile pour ça, râla-t-elle.
- On ne sait pas ce qu'elle promet, rappela Makaela. Qui dit que ça t'intéresserait pas, hein ?
Le ton commençait à monter entre les deux jeunes femmes, si bien qu'Eileen arriva vers elles en les entendant s'agacer.
- Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda-t-elle.
- Il se passe que Jaidyn s'est engagée à faire quelque chose et qu'elle a choisi d'y mettre des conditions maintenant ! Et tout ça va finir par retomber sur moi.
- Non, ce qui se passe, c'est que Makaela est complètement inconsciente.
- On s'est engagées ! Tu savais que cette histoire était inconsciente ! On part à la chasse aux sorcières, là, on va pas jouer aux cartes !
Makaela se leva, énervée, et se tourna vers Eileen.
- Je ne peux pas travailler avec elle, c'est impossible.
- Mak, tu es engagée, tu l'as dit toi-même.
- On doit se rendre aux montagnes, et elle refuse, expliqua Makaela. Si on n'y va pas, on rate une opportunité d'avoir un énorme coup d'avance sur Elsbeth. On va peut-être découvrir un de ses plans.
Eileen tourna la tête vers Jaidyn et s'approcha d'elle en levant un index accusateur.
- Ecoute-moi bien, toi, tu t'es portée volontaire pour faire quelque chose qui ferait de toi une héroïne et ce n'est pas pour rien, alors je te conseille de suivre tes plans initiaux plutôt que de les changer à la dernière minute parce qu'ils ne suivent pas ce que tu veux faire, je me suis bien fait comprendre ? On essaye de survivre, nous, et c'est pas une petite peste comme toi qui va nous faire crever.
Jaidyn avait les yeux grands ouverts. Ses iris émeraudes dirigées sur Eileen, elle ne sut pas quoi répondre, puis, elle sembla reprendre ses esprits en voyant l'air rieur de Makaela.
- On part demain à la première heure. Rejoins-moi chez moi, et ne sois pas en retard, ordonna la rousse.
- Très bien.
Et sur ces mots, elle détourna les talons pour rejoindre son cheval.
Makaela préparait ses affaires quand Mildred entra dans sa chambre. Se questionnant sur les raisons qui l'avaient poussée à venir à sa rencontre alors qu'elle ne lui parlait plus depuis le bal, elle attendit que sa mère entame la discussion sans pour autant la regarder, toujours aussi rancunière.
- Eileen m'a informée de vos plans, dit-elle d'une voix tremblante.
C'était la première fois que la jeune femme voyait sa mère si fébrile. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait l'air soudainement si inquiète pour la vie d'une pauvre humaine insignifiante.
- Je pensais que tu me tiendrais au courant.
- Parce que ça t'intéresse, maintenant ? répondit-elle en mettant ses dernières provisions dans son sac. Je ne suis plus une simple humaine insignifiante ?
- Je suis ta mère, je mérite de savoir quand ma fille va dans les montagnes pour une mission suicide. Les ogres adorent la chair humaine, je te rappelle. Si vous vous faites attraper, ils vous tueront toutes les deux et en profiteront pour faire de toi leur repas.
- Adoptive, rappela Makaela. Tu es ma mère adoptive. Rappelle-toi que tu es aussi l'assassin de mon père. Je ne te dois plus rien depuis le jour où tu lui as fait prendre son dernier souffle.
- Si l'on suit ta logique, Eileen n'est pas ta sœur. Pourquoi mériterait-elle plus d'être au courant que moi ?
- Parce que je l'ai décidé. Et qu'on partage le même père. Avec toi, je ne partage rien.
- Je sais que j'ai une manière étrange de te le montrer, mais je tiens à toi, ma chérie.
Le cœur de Makaela fit un bond dans sa poitrine en l'entendant l'appeler « ma chérie ». Ces marques d'affection, elle n'y avait jamais le droit d'habitude. Elle voulut se reprendre et ferma son sac avant de prendre une grande inspiration, mais elle fut coupée par la voix de Mildred.
- Je ne veux pas qu'on m'annonce ta mort.
- On ne va pas t'annoncer ma mort, tenta-t-elle de la rassurer en se retournant malgré sa rancœur. Jaidyn et moi allons gérer et revenir avec assez d'informations pour le bal de demain. On commencera par les ogres, puis les gnomes. On campera quelque part, assez écartées des grottes pour éviter les Créatures de l'Ombre. Et si on s'est trompées, alors tant pis, on recommencera et on réfléchira à ce qu'on a pu rater.
- Je pense que vous êtes sur la bonne voie, affirma Mildred. Bon courage, Makaela.
- Merci maman.
Un silence gêné s'installa entre les deux femmes et la plus âgée des deux décida finalement de tourner le dos à sa fille pour sortir. Se retrouvant à présent seule, Makaela prit une grande inspiration et attrapa Vengeance dans un coin de sa chambre qu'elle accrocha autour de sa taille. Puis, alors que le soleil n'était pas encore levé, elle se dirigea à l'extérieur pour préparer un cheval et partir rejoindre la propriété des Maneta.
Makaela ne put s'empêcher de repenser à sa rapide discussion avec sa mère. Elle lui avait donné un surnom. Elle lui avait avoué qu'elle tenait à elle. Ça n'était jamais arrivé. Pas une seule fois elle pouvait se souvenir d'un jour où Mildred avait été assez honnête pour lui faire part de ses sentiments et de ses pensées sur elle. Elle qui croyait que jamais elle n'aurait voulu la garder en vie... Elle qui croyait qu'elle serait toujours le vilain petit canard de la famille... Il avait suffi d'un moment de vulnérabilité après la découverte d'un plan dangereux pour qu'elle laisse savoir ses vrais sentiments.
Une fois arrivée, Makaela n'entendit que des cris sortir de la maison. Il lui sembla reconnaître les voix qui se disputaient. Tryphosa et Jaidyn.
- Vas-y, espèce de petite incapable sans cervelle ! On verra bien qui aura raison quand tu ne seras plus qu'un cadavre ! s'écria Tryphosa, ce qui choqua l'humaine.
Jaidyn, elle, sortait du manoir le visage tendu et les yeux humides de colère. Elle s'empressa de monter sur un cheval, mais en voyant qu'elle était observée, elle essuya ses joues et se tourna vers Makaela.
- Qu'est-ce que tu regardes, comme ça ?
- Est-ce que ça va aller ?
- Pourquoi ça n'irait pas ? Dépêchons, on ne sait pas quand elle va se décider à leur délivrer son p'tit discours.
Et ce sont sur ces mots que les jeunes femmes se mirent en route vers les montagnes, priant pour revenir en vie.
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