Chapitre 4.
Résolue à suivre le demi-gnome, Makaela se retrouva rapidement dans les couloirs du château qu'elle avait tant arpentés à la recherche de la salle d'entraînement. Elle reconnaissait maintenant le chemin à emprunter, et en se rendant compte que c'était exactement celui qu'ils étaient en train de suivre, elle ne put s'empêcher de froncer les sourcils. Pourquoi se rendaient-ils à la salle d'entraînement ? Pourquoi le roi Josef voulait-il s'entretenir avec elle dans un lieu si spécial pour elle ? Allaient-ils être seuls ?
Elle n'eut pas le temps de se poser plus de questions, puisque le demi-gnome l'invita à entrer dans la pièce, restant pour sa part à l'extérieur. En poussant la grande porte en bois, ce n'est pas seulement le roi Josef qu'elle vit. Il y avait plus de monde qu'elle aurait pu le penser. Mildred était là, tendue comme elle ne l'avait jamais été. A ses côtés se tenait le général Athan Maneta et le roi Josef, dont le physique reflétait la sagesse et la grandeur. Immédiatement, Makaela se rappela qu'il lui fallait faire la révérence et elle s'empressa de s'abaisser, si bien qu'elle perdit l'équilibre une seconde. Mais il n'y avait pas qu'eux. Okosano, Rosamonde et le prêtre Serell étaient aussi présents. Tous les dirigeants et personnalités importantes étaient là. Pourquoi avait-on fait venir Makaela ?
- Approche, mon enfant.
La voix forte et profonde du roi fit sursauter la jeune femme qui s'exécuta, stressée. Elle pouvait déjà sentir l'odeur de la sueur émaner d'elle, et les gouttes perler sur son front.
- Votre Altesse, êtes-vous bien sûr ?
Mildred semblait aussi inquiète que tout le monde dans cette pièce, si ce n'est plus. Makaela ne comprenait pas ce qui semblait inquiéter tout le monde. Sa présence, peut-être ? Ils n'en savaient sûrement pas plus qu'elle sur les raisons qui avaient poussé le roi à demander la venue d'une humaine.
- Je n'ai jamais été sûr de quelque chose comme je le suis de ce choix, Mildred.
- Permettez-moi d'émettre quelques doutes... commença le prêtre Serell.
- Ce n'est qu'une humaine, comment voulez-vous qu'elle réussisse une tache si compliquée ? lança Rosamonde, soutenue d'un hochement de tête d'Okosano.
- Je pense que cette jeune femme est pleine de ressources.
- Votre Majesté...
- Silence !
Et ainsi, le silence se fit.
- Ma chère enfant, connais-tu la sorcière Elsbeth ?
Elsbeth était la menace qui planait sur Erna depuis plusieurs mois. Une menace pour le royaume et pour le roi de qui elle voulait la tête plus que tout au monde. Assoiffée de sang, elle n'hésiterait pas à utiliser la force pour obtenir le trône, mais cela signifierait la fin pour les vies de nombreux innocents. Bien sûr, Makaela connaissait la sorcière Elsbeth. Mildred avait déjà parlé d'elle. Mais elle ne la connaissait pas personnellement, ce qu'elle fit savoir.
- Je ne connais d'elle que ce que ma mère a bien voulu nous faire savoir, répondit-elle.
- Et que connais-tu du combat ?
- Votre Altesse, elle n'a aucune chance contre de la magie noire !
Makaela tourna la tête vers Mildred et ouvrit de grands yeux. Combattre de la magie noire ? Elle s'était entraînée en cours et avec sa mère face à de la magie blanche, mais la magie noire était plus puissante... Et plus dangereuse.
- Je lui fournirai l'entraînement nécessaire.
- Votre Majesté, je ne suis pas sûre de comprendre... articula Makaela. De quoi parlez-vous ?
- Elsbeth menace de plus en plus la tranquillité de notre royaume, commença le roi Josef. Et j'ai besoin de quelqu'un pour l'arrêter. Et je t'ai choisi toi, Makaela Lane, pour être notre sauveuse.
- M... Moi ? Mais... Je n'ai même pas encore mon diplôme !
- Je ne crois pas en ces bouts de papier, dit le roi. Mais je crois en toi. Je sais que tu en as les capacités car tu es spéciale.
Makaela ne savait pas quoi dire. Spéciale ? Elle ? La plus lambda des êtres humains ? Venant de la part du roi, cela ne pouvait qu'être vrai, mais elle avait encore bien du mal à y croire. Toute sa vie, elle l'avait passée à être la jeune fille sage, et maintenant, on lui annonçait qu'elle devait aller affronter une sorcière noire qui menaçait la paix instaurée depuis des années ? Elle n'était pas certaine de pouvoir y arriver toute seule.
- Tu ne seras pas seule sur ce chemin, annonça le roi, comme s'il avait lu dans les pensées de la jeune femme. Tu seras accompagnée de Jaidyn Maneta. Elle s'est portée volontaire pour aider quiconque se lancerait après Elsbeth il y a quelques jours.
- Jaidyn ? s'exclama Makaela avec surprise et horreur. Vous plaisantez j'espère ? On va s'étriper avant le premier coucher du soleil !
- J'ai confiance en vos capacités à rester civiles.
- C'est une très mauvaise idée.
- Elle reste meilleure que de laisser Elsbeth s'emparer du trône.
Ça n'en restait pas moins une très mauvaise idée. Si les deux jeunes femmes devaient faire équipe, toute cette histoire allait finir par être un combat d'ego à celle qui fera les meilleures décisions. Makaela entendait déjà les nombreux « j'ai un meilleur plan que toi » et tout ce qui va avec lui ronger les oreilles. Mais elle n'avait pas d'autres choix que d'accepter, ce qu'elle fit savoir.
- Très bien. Je serais votre femme pour ce travail.
- Vraiment ? s'étonna Mildred.
- Oui, répondit Makaela avec assurance. Oui, je serai celle qui arrêtera Elsbeth. Avec Jaidyn.
Cette expression sur le visage de Mildred apporta satisfaction à Makaela. Elle aimait voir sa mère si surprise par le choix de sa fille. Elle ne croyait pas en elle, alors elle allait lui prouver qu'elle était capable de ce qu'elle voyait comme l'impossible. Elle était capable de tout et n'importe quoi si elle en décidait ainsi. Elle en était certaine. Elsbeth était peut-être dangereuse, mais elle n'avait jamais eu à faire à Makaela Lane déterminée comme elle ne l'avait jamais été.
Après une discussion agitée entre les convives qui se trouvait face à elle, Makaela fut priée de sortir et rejoignit donc la salle de bal, avec en tête la perspective de parler tout de suite de son nouveau rôle plus que capital pour la paix du royaume à sa sœur. A la recherche de celle-ci, c'est sa robe d'un rouge flamboyant qui l'aida à la trouver facilement. Elle se précipita à sa rencontre et l'attrapa par le bras pour la retourner vers elle. Son visage s'illumina d'une énorme curiosité.
- Mak ! s'écria-t-elle. Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi il t'a demandée ?
- Si j'te racontais tout en détails, tu me croirais pas ! s'enthousiasma la jeune femme. Mais je vais tout te raconter quand même, t'inquiète pas, ajouta-t-elle en rigolant, voyant la tête déçue de sa sœur.
Sur ces mots, elle s'exécuta et lui raconta tout en détails. Les personnes présentes, la mission qu'on lui avait confiée, les rendez-vous réguliers qu'elle allait avoir au Palais, sa nouvelle alliée inattendue... Et à la vue de l'expression de sa sœur, elle avait raison quand elle disait qu'elle ne l'aurait pas cru. Si elle ne l'avait pas vu partir à la demande du roi, bien sûr.
- T'es en train de me dire que t'as été choisie avec Jaidyn Maneta pour aller combattre la sorcière la plus puissante du pays ?
- Exactement.
- Mais c'est de la folie, Mak ! De la folie pure et simple ! Comment est-ce que tu peux te dire que tu as une chance ?
La chute fut très haute pour Makaela qui perdit le léger sourire de fierté qu'elle avait récupéré. Elle qui s'attendait à ce que sa sœur soit heureuse pour elle et comprenne ce que ce défi représentait, elle ne pouvait pas être plus déçue que ça.
- Tu ne crois pas en moi ?
- Je crois en toi plus qu'en moi-même, lui répondit sa sœur. Mais ça ne signifie pas que je veux te voir risquer ta vie dans un défi pour prouver au monde entier ta valeur. Tu vas te faire tuer ! Cette sorcière est l'une des plus puissante du royaume ! Et toi, tu es humaine... Tu n'as pas de pouvoirs pour te protéger.
- J'ai quelque chose de bien mieux, répondit Makaela, agacée. J'ai ma tête.
Elle devait prendre l'air. Elle en avait besoin. Se dirigeant jusqu'au balcon le plus proche, elle tomba nez-à-nez avec la dernière personne qu'elle avait envie de voir.
- Dis-moi que mon père me joue une mauvaise blague et que ce n'est pas toi que je me suis engagée à aider.
Jaidyn lui barrait la route dans sa magnifique robe sirène d'un vert bouteille majestueux.
- Laisse-moi passer, Maneta.
- Donc c'est vrai ? C'est toi ?
Elle lui jeta un regard noir et la bouscula pour passer. Elle s'engouffra à l'extérieur et attrapa le balcon de ses deux mains tremblantes. Elle pouvait sentir l'angoisse la submerger comme une vague terrifiante prête à l'engloutir.
- Putain, mais j'y crois pas ! Je voulais faire quelque chose de bien, mais si je me retrouve avec toi, je vais te laisser crever au fond d'un ravin.
La voix de Jaidyn se faisait de plus en plus lointaine. Tout ce que pouvait entendre Makaela étaient les battements de son cœur fracassants dans sa tête et elle put même la sentir tourner. Elle se sentait mal. Trop mal.
- Non mais soyons honnêtes, toi et moi, c'est mort. L'une de nous va crever, c'est certain. Et je prédis que ce sera l'humaine parce qu'au cas où tu l'aurais oublié, Elsbeth est une sorcière, et qui plus est, une sorcière puissante. Tu n'as rien pour te protéger à part moi, et je ne te servirai pas de bouclier.
En voyant que son ennemie ne répondait pas à ses provocations, Jaidyn réalisa enfin que quelque chose clochait.
- Lane ? Tout va bien ?
Celle-ci se retourna vers elle et lui attrapa un bras en respirant difficilement. La rouquine se recula soudainement, n'aimant pas le contact si soudain avec sa pire ennemie qui semblait manquer d'air.
- Il t'arrive quoi, là ?
L'angoisse était survenue si brusquement qu'elle n'avait pas pu la voir venir. Elle était montée après sa discussion avec Eileen et quand toute l'adrénaline de sa discussion avec le roi était redescendue.
- Tu veux pas arrêter ta comédie et te reprendre un peu ?
A l'angoisse se mêlait peu à peu la colère. Ce n'était pas une comédie. Elle ne pouvait pas se reprendre si facilement. Elle avait l'impression que cette cage qui entourait sa poitrine allait la tuer. Elle avait l'impression d'être au bord de la mort.
Soudain, une violente douleur à la joue sembla la ramener sur Terre. Jaidyn venait de la claquer. Sous le choc, sa réponse ne se fit pourtant pas attendre, et elle lui rendit la claque avec cette même violence. Les deux jeunes femmes se fixèrent un instant qui leur parut être une éternité. Makaela allait mieux.
- Ne crois pas que je vais te remercier pour ça, articula-t-elle enfin.
- J'attends rien de toi.
- Tant mieux.
Pourtant, elle savait qu'elle aurait dû la remercier de l'avoir sortie de sa crise d'angoisse si soudaine et si forte. Mais c'était plus fort qu'elle. Elle ne pouvait pas la remercier. Elle avait cette impression que les mots lui arracheraient la bouche.
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