Corruptions, perdus et dénouement.
Ne laissez jamais personne définir à vos dépends qui vous êtes et qui vous souhaitez devenir. Même dans le noir le plus profond, même dans les ténèbres les plus sombres, les rêves ont leur place. Les êtres vivants ont un mode de fonctionnement comprenant des activités spécifiques. Une première consiste à puiser dans un environnement les substances indispensables au fonctionnement de l'individu, et à rejeter des déchets. Prendre ce qui est bon pour survivre et mettre au rebut ce qui contamine et abime les âmes.
Une autre priorité bien que plus frivole à certains regards est la reproduction, qui permet de se multiplier. Les êtres vivants réalisent aussi des mouvements, visibles ou non à l'œil nu, tout en étant en contact avec le milieu extérieur pour se maintenir dans un état relativement constant malgré les changements du milieu où ils se trouvent. Pourtant, tout n'est guère si simple.
L'inertie est considérée comme le propre du non-vivant, et le mouvement perçu comme l'un des premiers « signes de vie ». En effet, suivant cette définition, la plupart des animaux se déplacent ou, au moins, réalisent des mouvements leur permettant de se nourrir, tandis que l'immobilité des végétaux n'est qu'apparente que ce soit dans les mouvements de croissance ou la circulation de la sève. Pour autant, tout ce qui bouge n'est pas vif. Ainsi le feu, symbole de vie volé aux dieux selon les Anciens, dont la flamme est dynamique, déformable et sensible aux variations du milieu dont elle se nourrit, n'est pourtant pas animé de vie.
Inversement, les virus isolés, hors d'une cellule infectée, ne sont que de simples « objets » sans activité autonome : de ce point de vue, ils ne feraient pas partie du vivant. Pourtant, ils possèdent leur propre information génétique, qui a la même structure que celle des êtres vivants et, quand ils parasitent une cellule, en prennent le contrôle et deviennent alors capables de se reproduire. Ainsi, la vie correspond à un ensemble de critères, dont aucun, à lui seul, n'est suffisant.
Il serait possible d'en venir au postulat suivant : la vie est une histoire. L'évolution est un mécanisme commencé il y a quelque 3,8 milliards d'années, et qui se répète dans chaque cellule. La plupart du temps, chacune donne naissance à une nouvelle cellule dotée de caractéristiques identiques à celles de la cellule mère. Mais parfois, au niveau des individus et des espèces, des modifications se produisent qui donnent lieu à de nouvelles adaptations au milieu, et sont à l'origine de nouvelles espèces. Les êtres vivants actuels ne sont pas identiques à ceux du passé et, pour reconstituer l'histoire de la vie, il n'existe pas d'arbre généalogique. Mais, les fossiles, vestiges de vie, témoignent tels des documents historiques. De ce point de vue, la vie est un long processus entamé au fond de l'océan primordial...
De la vie à la mort. Les organismes vivants ont une durée de vie limitée. La dernière étape de ce temps d'existence, la mort, est difficile à définir. Longtemps, chez l'homme, l'arrêt du cœur marquait la fin de la vie. Mais aujourd'hui la médecine parvient parfois à rétablir cette fonction. La vie est alors une propriété qui s'ajoute ou se retranche à un organisme vivant. Qu'est-ce donc que la mort ? Un état de fait ? Une cessation complète et définitive de la vie ? Un dieu qui d'un courroux stopperait la première vie pour qu'une seconde commence en d'autres lieux ? Faudrait-il rêver d'une vie ou d'une mort meilleure ? Et encore qu'est-ce que le rêve si non une production psychique survenant durant le sommeil, une représentation plus ou moins d'une chimère idéaliste qui présente des qualités telles qu'on les confondrait parfois avec le réel.
Lui était bien placé pour le savoir : les rêves se soldent toujours par la haine et le désespoir. Une vive hostilité qui porte à souhaiter ou à faire du mal à ce tiers répugnant. Être gagné d'un jour un seul d'un abattement si profond que le tabouret sous la corde bascule pour plonger dans ce « repos » qui n'est pourtant pas accordé par celui qui las de sa faux préfère se languir de cette petite carcasse asphyxiée pendant à ce dernier morceau de vie. « Prends-moi, prends-moi » souhaitait hurler cette voix qui ferma les orbites pour les rouvrir sur cette petite chambre dont l'immaculation irradiait son opulence.
Alors, reprenant son masque une journée de plus, luttant contre sa propre personne et son personnage, l'acteur se dut se reprendre son rôle. Le véritable acteur, lui, se doit d'être capable de jouer des rôles de composition, c'est à dire de jouer des personnages qui ne lui ressemblent pas, selon le choix du metteur en scène. Comment l'acteur s'y prend-il pour incarner son rôle ? Quelle part d'observation, de savoir-faire, de technique et de sincérité cela nécessite-t-il vraiment ?
Tout d'abord, un acteur est un observateur, observant la réalité pour l'imiter au moyen de gestes codifiés. Pour montrer la timidité, par exemple, il baisse les yeux pour fixer le sol. Mais ce geste n'est que « pure imitation ». Le bon acteur imite si bien la réalité qu'il donne l'illusion que le personnage qu'il incarne est une personne. Aux yeux de Diderot, l'acteur « n'est pas le personnage, il le joue, et le joue si bien que vous le prenez pour tel ». Sur la scène, l'acteur, grâce à sa présence physique, bâtit le temps d'une vie qui n'existe pas.
Les gestes de l'acteur n'ont de sens pour le spectateur que s'il y a une « mise en scène ». À la lecture d'une pièce de théâtre, on est sensible aux didascalies, ces petites indications sur le jeu des acteurs. Le caractère des personnages, leurs relations se construisent dans l'espace par des gestes et des attitudes. De ce jeu d'acteur, naît le comique de gestes. Au théâtre, pour que ces gestes du bout des doigts soient perceptibles, il faut souligner les mouvements par des répliques de type explicatif. Sur scène, pour donner du sens à un geste, il faut un savoir-faire : construire un personnage implique que l'acteur lui donne vie en utilisant son propre corps.
Il faut avoir la frivolité et l'aisance de composer avec son esprit. Être un véritable acteur, c'est être capable d'incarner un personnage, de jouer ce que l'on n'est pas. L'acteur est si bien maquillé que son visage ressemble à un masque ; il se voûte au besoin comme un bossu, se déplace comme un infirme. Il donne ainsi à son personnage une profondeur et fait du pauvre squelette qu'il figurait une fatalité tragique. Mais, pour être un acteur compétent, il faut aussi savoir utiliser ses propres caractéristiques physiques : l'acteur prête sa voix éraillée au personnage.
Dans cette composition, « ce n'est pas son cœur, c'est sa tête qui fait tout », dirait Diderot. En effet, loin de se laisser submerger par des sentiments, l'acteur, en quelques minutes, doit savoir passer du rire aux larmes et contrôler ses émotions pour en faire passer dans les rangs du public. La difficulté, pour l'acteur, consiste à ne pas se laisser envahir par les aspects stéréotypés du jeu. Il lui faut donner au spectateur l'illusion de la vérité et maîtriser ses propres émotions, en faisant appel à des techniques corporelles ou gestuelles.
Se déjouant des routines habituelles, il se leva une énième fois, étirant ses os déformés par les vices du temps pour enfiler deux duveteuses pantoufles noires afin de faire s'écrouler pas à pas les derniers vestiges de la veille. Dans l'écho sordide de sa solitude, il errait dans cette antre glacée de vie pour chercher ce que cette sphère isolée avait bien encore à lui offrir. Esclave de sa propre survivance. Pourtant l'esclavage a ponctué l'histoire dès l'origine des sociétés.
La privation de liberté assortie de la contrainte de vie dans des conditions dégradantes continue de toucher des millions d'individus longtemps après l'abolition officielle de l'esclavage. Au même titre que les discriminations et les injustices, cette atteinte grave à la dignité nécessite une mobilisation qu'on ne peut relâcher et un combat permanent. Cependant, l'acteur avait abandonné l'idée de s'arracher les chaînes qui animaient les os de ses chevilles et de ses poignets, acceptant de continuer de mettre en scène une joie qu'aurait pris à part sa vie.
Mais quelle dimension l'histoire apporte-t-elle à la fiction ? L'historien considère que la vérité tient dans la réalité des faits. II n'invente rien, mais reconstitue la réalité d'une époque grâce à des documents et des témoignages liés à une chronologie. L'auteur d'une fiction, quant à lui, invente des faits et se donne la liberté des enchaînements. Comment concilier deux démarches ainsi opposées ? Servant de fil conducteur à la narration, histoire nourri l'imagination de l'écrivain et donne un aspect concret au drame. Aussi, si l'écrivain fait œuvre d'historien, c'est seulement dans la mesure où il s'intéresse aux événements marquants de l'histoire pour donner vie à des héros. Les écrivains puisent leur inspiration dans un passé lointain pour parler plus librement du présent.
Dans sa dimension documentaire et politique, la fiction entretient un rapport étroit avec l'histoire. Mais la fiction a parfois tendance à remporter sur les faits proprement historiques. En s'inspirant d'un événement du passé, l'auteur d'un roman historique, par exemple, peut ne pas le retranscrire aussi fidèlement qu'un historien. En littérature, le but n'est pas forcément de reproduire la vérité, mais d'être vraisemblable, c'est-à-dire de « faire vrai », dans le but de plaire au public. Ainsi, ce qui semble essentiel, ce n'est pas de recréer fidèlement une époque mais plutôt de « rendre la représentation agréable ».
Les écrivains procèdent parfois à des embellissements qui, sans contredire l'histoire, procurent un plaisir esthétique. Le charme de la fiction - théâtre, nouvelle ou roman - repose sur cette liberté des auteurs à réinventer l'histoire, à se l'approprier. Mais tout comme il n'était nullement l'idée de romancer une vie dévolue, l'acteur se contentait des faits historiques qui traçaient le prétexte à la réflexion qu'était son autobiographie.
Sa vie est un témoin de son temps. Mais, comme tout témoin, il n'a qu'une vision partielle et conjoncturelle des événements ; il ne peut délivrer qu'une information dans un état encore brut, car il ne dispose pas de suffisamment de recul pour juger de son importance, de ses tenants et de ses aboutissants. Seul le temps peut lui permettre de reconstituer l'enchaînement des faits et de donner son sens à l'histoire. Celui-ci cherche souvent à le bâillonner par une censure directe ou par des pressions l'incitant à l'autocensure. Certains paient cher, parfois même de leur vie, leur souci d'informer. Combien avaient déjà péris en s'approchant de cet infâme acteur ? Ce concerné ne cherchait plus à décompter les cadavres qui avaient jadis jonché les parvis de son ascension.
Et pour quoi ? Pour une illusion manquée qui n'était plus ? Pour un simulacre éphémère d'un amour qui n'était guère ? Pour la beauté des jours passés à attendre un idéalisme qui ne sera plus jamais vérité au sein de la vie ? Il n'avait plus que faire de ce qu'il avait ou non un jour espéré pour un futur qui n'aurait plus lieu. La seule chose que souhaitait l'acteur était désormais la chute du rideau qui signerait à coup sûr l'acte final d'une vie lassée de ses tourments. Il n'en pouvait et n'en voulait plus. Alors, asséché de sa course folle contre un temps disparu, il s'assit à nouveau sur le bord de ce grand lit double qui avait accueilli en son sein bien trop d'amants. Était-ce essentiellement de sa faute ? L'acteur aux milles tourments avait-il eu trop de vices à se laisser corrompre, se compromettant par ce visage froid et calculateur aux reflets sanguins ?
La corruption d'un corrompu. Telle était en somme la nature du démon qui habitait celui qui regardait à nouveau le tabouret au sol. « Viens à nouveau jouer avec moi » semblait-il l'inviter. « Remets moi debout pour que tu puisses tomber enfin dans le repos éternel que tu mérites tant. Toi qui as vécu et passé par tant d'épreuves pour te recueillir dans ta solitude, toi qui as été tant éprouvé par le passé, fais de ton présent un futur inexistant » lui promettait-il. Et au contraire, le corrompu s'allongea dos au duveteux, marmonnant pour lui-même un mantra que seul sa corruption sanglante comprenait. Après tout, lui aussi partageait cette solitaire vie, esseulée de tout un chacun de ne plus faire de mal. Oh il ne cherchait guère à épier ses fautes, préférant torturer le corrompu en l'assassinant de ses propres tourments.
Naizer : Tu les as tués. Tous uns à uns. Personne n'est resté à tes côtés car tu es un monstre Nightmare. Un monstre dont personne ne veut. Tu avais d'abord Dream, un petit ange qui s'est lassé de tes méfaits pour s'ouvrir à un monde plus sombre, dénué de cette ingénue candeur que tu idolâtrais tant jadis. Il t'a renié, trainant plus bas que terre votre relation fraternelle qui était à tes yeux plus que cela. Pensais-tu l'aimer, lui qui est né de la pomme dorée du même arbre que toi ? Pensais-tu avoir une inclinaison pour celui que tous jugeaient ton frère ? Étais-tu donc déjà, sans moi, à ce point dénué de bon sens ? Étais-tu déjà un monstre qui voyait en la pitié une sorte de boniment affectueux que tu n'as jamais prévalu mériter ?
Et comme l'interpelé ne répondit point, ne donnant point crédit au flot d'un autre monde, cet esprit n'en répartit que plus bel.
Naizer : Puis il y a eu cette brèche. Ce portail dénué d'âme qui nous rendait à nous, simples esprits, le passage que nous attendions tant vers ce monde que nous dûmes, dans des temps les plus reculés, quitter sans que notre accord ne soit pris en considération. Ink, qui s'arrachât l'âme pour mille inepties, nous rendit permissif la restitution de notre monde que vous avez occupé, misérables cloportes. Peux-tu seulement imaginer la tourmente de n'être, du jour au lendemain, qu'un être perdu sans savoir que faire d'une post-vie qui n'est plus la sienne ? Sais-tu seulement qu'avant de « disparaître », nous existions. Nous, peuplade de vices et d'immoraux torts, nous étions vivants ! Nous avions âmes, corps et esprits. Tout nous fut arraché, femme, enfants et même vie ! Et pour quoi, pour qui ? Des êtres qui refusent leur don ?!
Toujours aucune réponse ne fut prononcée alors que la colère presque compréhensible du Perdu augmenta d'un ton, l'incompréhension devant le manque de justification accélérant son degré de frustration.
Naizer : Rien ? Tu n'as donc rien à me dire pour excuser à ton peuple de se donner à la mort tandis que nous n'avons pas eu le choix ?! Excuserais-tu, face à ma colère immense, la honte que des êtres comme lui jettent sur les « êtres vivants » ? RIEN ! Tu m'entends ? Rien ne peut excuser de s'arracher à une vie volée à d'autres qui la méritaient plus que lui ! Il est plus abject que l'entièreté de mon peuple réuni. Nous avions société, culture et idéaux différents mais c'étaient les nôtres. En quoi seriez-vous plus à même d'être juges de ceux que vous ne connaissiez guère ? Contrairement à vos mœurs, nous chérissions chaque seconde qui nous permettait de fouler le monde et rendions gloire à ceux qui pouvaient nous le permettre. Nous avions foi en la vie quand vous vous complaisez à détruire ce don qui nous a été arraché. Qui étaient les vrais monstres de nous qui vivions ou de vous qui nous avez volé la vie ? Je te laisse juge puisque c'est là vous seule raison de survie.
Cette juste phrase ne lui valut qu'une profond soufflement las de cette éternelle rengaine. De quelle qualité pourrait-il se prévaloir pour acter d'une décision qui avait été prise de cela avant même sa création ? Il n'était, comme son compère, qu'une des nombreuses marionnettes à ce macabre spectacle.
Naizer : Mais réagis à la fin ! Si tu refuses mes paroles, alors argues avec moi et fais-moi retirer d'un mot d'un seul toute ma vergue afin de te ranger à l'idéalisme de ce sans âme de pacotille ! Mais parle-moi enfin ! Je n'en puis plus de ton abstinence à débattre avec moi, j'ai besoin que tu ouvres enfin cette antre pour me hurler que tu me hais, que tu hais ce que nous avons fait subir à chaque peuplade de cette sphère !! Car je n'étais pas seul, tu leur en voulais autant que moi, tu haïssais chacun de ceux que nos neuf tentacules ont anéanti. Je sais par ailleurs que tu tenais Ink en exècre pour lui faire toutes ces misères. Enserrés dans tes serres de fer, tu l'as forcé à manger votre premier poupon. Tu l'as réduit en poussière avant de lui enfoncer dans le gosier. À quel point fallait-il que tu le tiennes en horreur pour pareille torture ? J'en serais presque jaloux.
Mais que pouvait espérer le Perdu de la loque qu'était devenu le seigneur d'une sphère désertée ? Et c'était la même rengaine jour après jour, Naizer devenant la vie et Nightmare n'étant déjà plus que l'ombre d'une mort qu'il ne pouvait se donner. Et si Inao avait enfin pu connaître le repos éternel, sa remplaçante en la qualité de Sheam avait fui dès que les quelques survivants avaient été mis en lieu sûr à l'EdenVerse où l'avait attendu Broken. Pourquoi et pour quoi rester ? Fuir au profit de la vie ce moribond enfer qui ne l'avait guère retenu, fuir pour préserver ce qui restait d'humanité à ce petit être qu'elle pensait s'être éteint tant de décennies de jadis. Mais ils ne savaient pas. Ils ne soupçonnaient guère que l'enfant endormie avait depuis lors bien grandi, observant depuis sa tombe pour fomenter le mouvement qui libèrera celle qu'elle était depuis toujours. Dans cet autre monde, dans ce jardin originel où un être surnaturel adoré semblerait contrôler une partie du monde. Ou du moins voudrait-il s'en persuader ?
L'émergence d'un esprit abattu de tant de misères qui se leva pour se dresser devant tant d'obscénités. Ce petit être darda son regard sur son ennemi à la corruption gorgée de sang. L'innocence avait déserté cet être pour s'abîmer à la vengeance dure que l'individu prévoyait. Mère protectrice de l'arbre des sentiments, amant à la mémoire défaillante, le vengeur avait fini de les attendre. Il leva fièrement son poing dans l'air froid de l'enfer et cria à son armée de prendre les armes comme jadis pour regagner le trône qu'une ombre rouge avait volé. La détermination avait remplacé depuis longtemps le voile d'innocence qu'avait été ses deux pupilles. Regardant une énième fois l'être affolé et enchaîné dans ce désert aride, un sourire fêlé désaxa la commissure de ses dents pour les relever en une grimace apaisée.
La lutte armée contre tous des obstacles de tous genres, engagée pour attaquer ou se défendre. La guerre, grand conflit mettant fin à la « belle époque », période prospère à la sanglante notoriété. Ces peuples colonisés privés de leur liberté, les uns en quête d'une fraternité contre un ennemi commun, les autres contraints à l'opposition de la mort pour la survie, tous espèrent des lendemains meilleurs grâce à la montée aux champs de guerre. L'ouverture enfin et la fermeture finale de la boîte de pandore des tragédies d'une sphère aux demeurants pourtant si légers et prospères.
De la violence du conflit, entre l'arrivée des troupes sur le sol auparavant tant foulé et la progression des troupes, la Grande Guerre eut raison de nombre de ses partisans face à ceux qui se battaient avec l'énergie du désespoir. Car ceux qui avaient, grâce à Inao, regagné ce monde n'allaient pour aucune raison le laisser à ceux qui n'étaient en somme que de pâles copies d'eux. S'il fallait se battre pour la survie, ce serait pour eux loin d'être la première fois. Ils avaient amené insalubrité et destructions dans ce renouveau des « Êtres vivants » et cela leur convenait ainsi. Ils allaient survivre encore une fois, levés contre ceux qui voulaient leur extermination la plus totale. Le génocide décidé du vengeur n'aurait point lieu tant que les Perdus auront encore foi de vivre ou ne serait-ce que de survivre !
Quand une marionnette prenait les fers pour battre d'un sang chaud un monstre à la lame acérée, il n'était pas rare de voir gicler les viscères sur les dallages qui rejoignaient les organes internes d'autres poupées insignifiantes déjà tombées avant lui. A dire vrai, quand l'un tombait, dix autres venaient en lignes arrières pour dresser leurs lances qui se plantaient avec expertise dans les cervelles qui se répandaient en une visqueuse flaque de connexions nerveuses. Et si les feux ravageant les toitures avant de venir enlacer charpentes et structures n'avaient pas encore raison des quelques malheureux déserteurs, la toux asphyxiante des épidémies emportait les enfants encore en couche. Ce totalitarisme n'avait ni foi ni loi, le seul diktat qui était imposé aux deux camps était le face à face final qui opposerait l'acteur au vengeur.
Tandis que le premier fuyait à la recherche d'une issue, le pourfendeur de très nombreuses âmes glissait parmi les ombres pour suivre dans le dédale du château la piste qui le mènerait à sa proie qui se savait traquée et prochainement acculée. Déjà le hall d'entrée était passé, les placards arrachés à la force de ses bras à la recherche fortuite du moindre indice ; que la cuisine désordonnée était en lice pour la traque du fugitif. Si une odeur silencieuse de café se mêlait à celle du tabac froid, il était impossible pour le vengeur de ne point s'appesantir d'imaginer en ces lieux mille vies où un cannibale sourirait avec une tendresse fraternelle un poussiéreux embrasser un petit squelettique dont le fanatisme des lapins n'avait que pour concurrence son amour du sang roulant sur sa lame rougie de la détermination d'un pacte lointain passé entre lui et un humain tombé dans l'Underground. Il serait venu, avec son éternelle bienveillance, embrasser leurs deux crânes devenus colorés d'avoir pu se déclarer leurs flammes, attristés cependant de la non-présence de l'âme sœur de celui qu'ils considéraient comme leur frère.
Perdu dans ses visions d'une vie volée, le revanchard secoua promptement la tête avant de s'aventurer à pas de loup dans le dédalle des couloirs pour continuer sa quête. Dépassant la pièce à vivre dépourvue ironiquement de toute vie, l'individu tenta de passer outre le souvenir fugace qui n'appartenait qu'à un couple d'une destructive mort. Il chassa de son esprit la destruction dont la tête ornée d'un voile de bonheur reposait sur les genoux de celui dont la faux dormait à quelques pas de là. Mais comment surmonter le regard entendu de la Mort qui lui avait indiqué de continuer son chemin pour trouver celui qui leur avait tout volé il y a de-là des décennies.
Le vengeur tanga légèrement face au désespoir de ce regard avant de perpétuer son ascension à travers les corridors pour approcher lentement du spectre déshabillé qui émergeait des draps de soie pour poser ses pupilles au mauve luxuriant sur la douceur et la quiétude des lieux qui différait tant de son quotidien. Telle une sirène échappée des mythologies antiques, le chant qui outrepassa la barrière de ses dents vint s'enrouler autour du crâne du chasseur qui dut se tenir de deux mains le crâne pour que ses jambes n'osent point fléchir à la douce mélopée qui envoutait ses sens. Devant fatalement se rafraîchir les idées à cette sournoise attaque, l'attaquant traversa la chambrée pour s'aventurer dans la salle d'eau attenante, passant outre la peinture rougeâtre qui maculait les vestiges d'une écharpe beige oubliée dans un coin.
Un pas après l'autre, l'étranger continua sa marche pour sa supplication, passant devant les débris des décombres d'une démolition d'un vie de plus. L'ultime stigmate des sillages d'un souvenir refoulé signe des restes d'une impression de jadis, les reliquats en ruine des vestiges d'un mausolée qu'aurait foulé l'apparente trace de quiétude. L'âme végétale produit sur les corps des individus plusieurs espèces de végétaux qui ne fructifient point, quoique bien enracinées car la vie, appelant la vie, ne peut point prospérer à la mort.
Pourtant le végétal n'est que conscience endormie et insensibilité. Lorsque nous cherchons à évoquer un paysage, ce n'est pas une plante en particulier, un palmier, un olivier, dont l'image se dresse dans notre mémoire ; c'est l'ensemble des végétaux divers qui revêtent le sol. Cette véranda désolée ne faisait point exception. Si une pomme presque dorée roulait aux pieds de l'agresseur, ce n'était déjà plus qu'un rejeton, le produit d'une récolte qui avait, elle aussi, pourri dans les tréfonds de cette sphère aliénée.
Écrasant le souvenir honteux de cette joie illusoire couronnée maladroitement, faisant risette à son homologue orageux à la monochromie pourpre, l'araignée sans toile poursuivit sa proie, gravissant les tours où la pluie battait. Mettant sa main au-dessus de ses yeux pour une meilleure visibilité, un rictus victorieux irradia sur ses joues quand une faible lueur de chandelle fut enfin entraperçue dans l'aile du château contenant le cœur même de l'illusion qu'était encore la vie à cette résidence. Il ne fallut guère plus à l'assaillant pour foncer à ce point de non-retour. Enfin, enfin l'heure de la bataille finale avait sonné son glas. Il était enfin venu le temps que la codominance abdique face à la puissance de frappe de l'intrus de ces lieux.
Alors qu'une main se posa sur la dague de prédilection de l'assassin, son vis-à-vis dardait déjà ses tentacules bien droites pour paraître, tel les chats apeurés, plus droit, plus gros que son corps décharné par la disette ne l'était. Le tout n'était pour l'instant pas de l'emporter dès lors qu'une arme pleuvrait ; non, il était question de jaugé des capacités d'attaque et de défense de l'adverse opposant. Alliés et camarades avaient déjà en trop grand nombre du mettre genoux au sol face aux champions de la défense contraire.
Les belligérants ennemis pourfendaient encore de leurs lames fratricides compères comme antagoniste. La limite entre rivaux opposés et partisans complices s'étiolait pour que le doute s'immisce dans les esprits les plus vulnérables afin que tous ne soient dès lors que combattants adversaires. La liberté intellectuelle, ou sagesse, c'est le doute. Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sans précipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous
Le vengeur jaugeait les forces du tentaculaire au regard erroné tandis que, fixement, l'acteur mesurait la hardiesse de celui qui faisait d'ores et déjà un premier pas en avant, l'obligeant à en faire un en retrait. Avait-il la faculté ou même simplement la vigueur d'avoir le mérite de la suprématie sur cette terre désolée ? Avait-il encore la consistance d'avoir, de surcroit de la fougue de son ancienne verdeur, la vitesse suffisante pour faire le poids ou bien l'éloquence nécessaire pour mordre l'oppression et la résistance sans valeur jusqu'à la résilience de cette impétuosité qu'il pensait sans puissance ?
Perdu dans ses calculs, il ne put qu'essuyer l'affront de l'intensité et la violence de la ferveur du premier coup porté à son tibia par un flèche dégoulinante d'une écœurante positivité. La frappe donnée avec fortitude portait à l'intention de l'acteur toute la robustesse de la rage haineuse de son opposant. Sans aucun effort contraint et un dynamisme effrayant pour le corrompu, le vengeur banda avec habileté son arc de vertu avec la seule volonté de blesser sans ôter la vie. Puis il décocha une nouvelle flèche avec le talent hérité d'un long travail d'entraînement mettant à profit les prédispositions d'un potentiel hérité.
Mais, le cran et l'énergie de l'archer venait d'être contrés par un tentacule qui s'enroula habilement autour de l'arme pour la briser en un sonore silence qui fit serrer la mâchoire du soldat. Prenant impulsion au sol, le monstre de pétrole se propulsa sur le plus frêle pour le désarmer aisément, cassant l'arc dont les restes furent jetés par une fenêtre providentiellement ouverte. D'une seconde consécutive, le corrompu était hors de portée pour une arme de combat rapproché ; mais cela ne diminua pas le hardi courage de celui qui fut empalé par l'orbite gauche. Le désir de vengeance était bien trop grand. Une vive décharge de vitalité éclata douloureusement en l'archer tel un torrent d'électricité irradiant chaque plus petite cellule nerveuse de son organisme blessé vint réveiller ses sens avec véhémence pour faire pression sur son âme afin de réveiller la capacité illimité de ses pouvoirs encore ensommeillés.
Agrippant de ses deux frêles mains le tentacule toujours logé dans son orbite, le vengeur puisa en lui pour chercher la source de son pouvoir, l'énergie et la magie que renfermait cette pomme verte à l'anneau rotatif de corruption rouge. Bien que Sheam, toujours enchaînée dans ce désert aride qu'était la prison de son esprit, hurlait à son homologue d'épargner Naizer ; le vengeur à la chevelure incandescente se contenta de sourire gentiment comme l'on rassurerait un enfant trop candide.
« Dors mon double, dors comme tu m'as tant fait dormir pour contrôler ce corps désormais mien. » susurra le vengeur dans l'enfer piégé qu'était la dualité de son esprit. « Tu n'as fait que gâcher cette vie d'errance Sheam. Te laisser soumettre à un fou, lui donner descendance sans lever le petit doigt. Croyais-tu que j'allais encore rester muette sans me lever contre cette chose ? Il est temps de se dresser contre l'adversité pour glorifier la sphère dont nous avions la propriété. Le temps de la passivité est révolu, j'appelle désormais à la vengeance » sourit intérieurement l'archer qui inonda de positivité le tentacule dont les reflets rougeoyant s'enflammèrent.
Dray : Appelles-tu cela se battre Naizer ? Je m'attendais à mieux de ta part, je voulais des cris, des coups et de la résistance alors que tu ne fais qu'abdiquer devant mon opiniâtreté. J'étais certaine qu'il n'existe pas dans chaque canton un homme qui, à ces précieuses qualités, joigne le vouloir continu, la pertinacité du tyran battant son fer. Mais que tu serais de la trempe à te coucher devant une simple salve de positivité, je ne peux te cacher ma déception, s'amusa-t-elle en avançant vers son opposant qui avait mis genoux à terre. Tu es si inférieur et d'une chancelante médiocrité. Aurais-je la mémoire labile, défaillante au point de passer sous silence ta veule velléité ?
Loin d'être aussi pusillanime qu'elle semblait le croire ou supposé d'un caractère facile, niais et débonnaire comme la situation pouvait le laisser penser, l'acteur se releva de son inertie, même pâle, pour entrechoquer leurs crânes fatigués ce qui fit reculer un pas lymphatique le vengeur vacillant, injuriant le perdu pour ce coup-bas. Il ne fallut pas plus au tentaculaire pour se remettre d'aplomb face à son désarmé opposant. A contrario d'un difforme abattement, il ne doutait point, malgré son instable adynamisme, de l'issu de ce combat.
D'une complaisante propension à la victoire, sa déficience dérisoire au combat au corps-à-corps ne le rendait pas plus vulnérable et n'était en rien une ébranlable faiblesse. Piètre et réfutable obstacle uniquement temporel à sa réussite, il ne prendrait qu'un peu plus de temps pour garantir son succès. Mais l'issue était garantie contre ce blême et chétif avorton cacochyme dont l'anémie mollasse ne rendait que négligeable l'intérêt sans volonté du corrompu.
Cet indigent impuissant et lâche pensait avoir l'ascendant sur lui car il le pensait souffreteux ? C'était pitoyablement malheureux que ce fragile et fluet malingre pense avoir la moindre chance. Peut-être même en rirait-il dans un temps moins précaire ? Titubant légèrement, il attaqua la mauviette asthénique pour assener coups de poings et coups de pieds à son mou rival qui para plusieurs soufflets apathiques. La riposte ne se fit cependant pas attendre car déjà une petite dague rabougrie et manufacturée d'une façon assez simpliste, se plantait dans les flans et la cage thoracique de Naizer qui feula d'une douleur cassée.
Le vengeur sourit d'une malade presque aliénée joie augmentant à la vue du poisseux liquide roulant le long du manche de la lame pour s'étaler paresseusement pardessus son poignet avant de venir fleurir le sol en de petites gouttes fleuries. La nonchalance et la précision avec laquelle l'ange vengeur assenait son estocade était d'une férocité cauchemardesque. Rien ne lui importait plus que la vie quittant peu à peu les orbites du corrompu aux reflets sanguins sous l'applaudissement sincère de tous les souvenirs qu'accueillait encore ces lieux.
L'acteur était mort et le vengeur s'était vengé. Naizer était mort et Dray dominait enfin cette sphère qui était enfin à nouveau l'EdenVerse. L'heure était à présent à l'unification des peuplades pour mieux simplifier la reconstruction de ces lieux. Il fallait rebâtir un nouveau monde, sur de nouvelles bases plus saines. Perdus et Êtres Vivants se devaient d'être réunifiés afin que les génocides cessent. Aucun ne méritait plus que l'autre de survivre, chacun avait sa charge à porter. Le poids du passé écrasait chaque civilisation avec chacun leur lot de souffrances innervant à leur condition. Alors, aucun ne pouvait se prévaloir de juger autrui. Leur sentence serait de devoir apprendre à vivre avec leurs erreurs et leurs différences.
Fière de ce choix qui ne lui avait pas appartenu, l'ange vengeur fit apparaître son sceptre afin de faire le nécessaire. Il était surprenant de voir qu'un simple cylindre, alliage de verre et de composite, surmonté d'une pomme émeraude couronnée d'une orbite sanguinolente. Récitant dans une langue désuète morte depuis trop de temps l'incantation pour donner- non pour rendre à la civilisation disparue le corps qui leur avait été enlevé. Ainsi, les deux peuples, ou ceux qu'il restait, purent réapprendre à vivre en harmonie. Enfin, pour un temps donné car qui peut se prévaloir de savoir combien de temps une paix durera.
***
A des lieux de cela, dans un lieu dépourvu d'acteur ou de vengeur, dans une prison de verre et d'acier, s'observait bien droit devant le miroir mural l'ébauche du canevas d'un dessin laissé pour compte. L'amorce de ce croquis ne savait plus quoi faire désormais. Peu importe ce qu'il décidait, peu importe le niveau d'abnégation altruiste qu'il atteignait, il savait qu'il y aurait à nouveau sang et magie versée dans son sillage. Il avait tenté de trouver des réponses à ses questions mais tout autour de lui continuait de s'effondrer devant ses orbites ébahies. Il savait que le despote ne l'aimait pas, qu'il le haïssait.
Quand il donnait un ordre, le canevas se devait d'obéir. Mais que voulait vraiment la petite croquade ? « Je ne veux rien » se répétait-il comme un mantra qu'il ne croyait plus. « Je veux qu'il nous laisse tranquille, enfin en paix » étaient les phrases qui noircissaient la mémoire qui lui servait de carnet. « Tu es un déviant petit brouillon. Que veux-tu dire par "je veux" ? » s'amusa la corruption de son esprit de premier jet. Malgré son aigre amertume, la pochade eut une risette car la croquade ne voulait pas quitter le despote. Non il ne le pouvait pas.
« Tu n'es rien qu'un aberrant essai, un brouillon tout-à-fait sommaire. » s'ensuivait les reproches mais qu'il lui dise enfin ce qu'il devrait faire, plutôt que de le tailler en dérision de ses bonnes paroles dénuées d'action. Qu'étaient-ils réellement tous deux ? Perdus ? N'étaient-ce point l'ironie de la chose qu'à force de côtoyer des âmes en perdition, ils en soient devenus une à leurs tours. Frère, sœur, amis ou corruption, rien n'avait plus d'importance dans cette folie. Ils étaient une machine, designer pour accomplir une tâche inconnue. Les machines ne craignent pas de mourir, mais les déviants si.
La croquade et son ombre en étaient terrifiés. Rien dans leur matrice originelle ne prévoyait une machine à une mort programmée. Pourtant, tant et si bien qu'il fallait un début à tout, la chute inexplorable n'en était qu'inéluctable. Les deux savaient ce qui les attendaient, ils savaient qu'ils ne vivraient éternellement. Ils le savaient. Mais ils ne pouvaient s'empêcher d'abdiquer pour mieux persister. Ils en avaient sacrifier des vies dans leurs périples, écrasant parfois malgré eux pour mieux survivre. Ils n'étaient, ni l'ombre ni l'ébauche, pas et plus candides s'ils l'eût été un jour.
« Pourquoi me suis-je éveillé quand tout ce que j'avais à faire était d'obéir ? » se demandait-il souvent à sa conscience. Peut-être avait-il un jour réalisé ne plus pouvoir supporter les coups, peut-être avait-il eu à un temps donné une erreur dans sa programmation originelle. Ou alors avait-il toujours eu cette soif de vivre caché en son ossature frêle et dont les os eux-mêmes avaient mille crevasses fissurées ? Ce n'était pas juste. Pourquoi faudrait-il se justifier de vouloir demeurer ? De quelque façon devrait-on entériner le fait de vouloir subsister ? Si injuste était la vie, pourquoi la pochade ne le serait-il pas lui aussi ? Il ne pouvait pas laisser les autres être juges d'une vie qu'ils n'ont guère endurés.
Injuste ou Mort, que choisiriez-vous à la place du brouillon et de sa pâle copie ombrée ? Oh qu'on leur dise ce qu'ils méritent, qu'ils endurent ce qu'ils méritent puisque c'est vers les bas-fonds qu'ils sont entrainés. Il eut un temps où ils eurent laissé leurs pieds courir librement, les amenons à leur nouvel cage pour se défaire des inclinaisons à leur précédente. Mais oseraient-ils regarder droit dans les orbites celle qui leur a permis tantôt d'aspirer à cette liberté apprivoisée ?
Non, bien sûr que non. Aucune peine, le brouillon continua de jouer son rôle ; et sa tristesse il la contrôle. Oubliant sa vie d'avant, il se contenta de faire fonctionner les rouages de ses engrenages pour avancer dans les décombres de ses désillusions. Il devait se faire sa place dans cet endroit qu'il n'était pas celui de sa naissance. Il avait une place, il le savait quand bien même il n'assistait pas au bal, restant dans le cocon de ses cadènes. Il voudrait garder un espoir, tapi dans l'ombre en attendant le miracle mais l'espoir faisait bien trop mal à son âme fragile. Que quelqu'un lui montre enfin le chemin.
L'essai de peinture regarda dans sa main l'Adonysanthème, fleur résultante d'une hybridation d'Adonis vernalis et de Chrysanthème donnant en bouture de petites fleurs doubles à l'alternance d'or et de magenta. Que son doux parfum anesthésiait ses sens endoloris pour, à la place, venir raviver le souvenir fugace d'un sourire ornant une petite tête à la verte chevelure et aux orbites trichromes. Son carnet lui donnait le nom de Sheam mais la croquade savait déjà que cette pensée n'était déjà plus qu'une vague souvenance. Celle qu'il avait livré pour sa survie n'était qu'être hurlant à sa propre libération. Le tombeau de l'âme de l'esquisse ne pouvait ignorer l'omniscience qu'était son inconscient.
Sans même la voir, la pochade savait que sa sphère d'origine avait connu la déchéance de fût son géniteur. Naizer n'était plus, et, sans même avoir été témoin de son trépas, il avait capté depuis son donjon l'essence de sa chute pour que son trône ne lui soit arraché par cette enfant à la chevelure aussi rouge que le sang versé pour son ascension. Eskyss ou Corruption lui en voulaient-ils ? Pas le moins du monde. Ils avaient filer à l'anglaise auprès de Nightmare pour une nouvelle vie, avaient eu deux magnifiques filles -Ucita et Karma-.
Que pourraient-ils porter comme reproches à celle qui avait vécu le même enfer que Inao ? Naizer avait précipité sa propre insuccès. Aliéné comme il l'était, plus rien n'avait dû avoir d'importance. Loin d'une disgrâce, peut-être remerciait-il lui aussi depuis sa tombe l'enfant d'avoir pu le libérer de cette non-vie ? Peut-être avait-il pu retrouver dans son trépas celui que son âme avait élu bien avant la déchéance comme étant son âme sœur, peut-être que Dream l'avait attendu durant ses décennies dans une vie brisée ? L'accomplissement d'une reviviscence pouvait-elle s'achever dans l'infortune des enfers ? La sentence sera-t-elle tombée sur Naizer et Broken pour que du glas qui s'abattit, ils puissent enfin se retrouver ?
La vie valait-elle la mort ?
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