le temps d'une balade.

VAGUE003 - Tonigt

Un vent froid et hivernal s'était levé. Eddie regrettait de ne pas avoir d'écharpe. Il mit donc sa capuche et enfonça ses mains dans ses poches tout en continuant à marcher à travers les bois. Il devait sûrement être 17h à présent. Richie était probablement entrain de sortir de cours et de venir le récupérer devant sa classe. Il ne le trouverait pas, il trouverait seulement Bill qui lui donnerait son sac de cours. Il avait envoyé un message à celui-ci en lui demandant de récupérer ses affaires et de les donner à Richie. Il ne lui avait pas donné plus d'informations mais, il lui avait assuré qu'il allait bien.

Mensonge.

Il espérait juste que Stanley tiendrait sa parole. Il avait besoin d'être seul pour le moment, pour se retrouver ou bien il se perdrait à tout jamais, et Eddie ne voulait pas finir comme ça, même si cette alternative était à portée de main. Le garçon était peut-être sans espoir mais une petite voix dans sa tête l'incitait de ne pas abandonner. C'était sûrement cette voix qui l'obligeait également à marcher dans les bois sans but précis. Un cri d'oiseau lui fit lever
la tête vers le ciel. Il était seul, vraiment éloigné de tout, et cela lui faisait du bien. Il s'assit au pied d'un immense arbre et appuya sa tête contre le tronc en soupirant.

Ici en plein milieu des arbres, Eddie se sentait protégé. Une petite partie de lui n'avait pas oublié que c'était dans ses bois même qu'il avait passé la pire nuit de sa vie. Mais bizarrement, le brun n'avait pas peur d'être là. Le soir où Henry et les autres lui étaient tombés dessus, la forêt lui avait paru effrayante. Mais aujourd'hui tout était différent, le ciel était bleu, l'air était froid mais à la fois vivifiant, et les arbres, qui étaient immenses, semblaient l'accueillir et non pas l'oppresser comme la dernière fois.

Eddie se mit à penser au fait que la nature était exactement comme les humains. Et qu'à elle aussi il lui était permis de changer.

Au final, la nature qui était terrassée par les actions humaines, n'avait-elle également pas le droit d'être triste et en colère ?

Oui elle en avait tous les droits, tout comme les Hommes ont l'entière liberté de pleurer, de s'énerver et de changer. Les états d'âmes ne sont peut-être pas seulement réservés aux humains après tout, pensa le garçon.

Sans vraiment réfléchir, Eddie approcha son oreille de l'arbre sur lequel il était appuyé, et demanda tout haut, comme si celui-ci allait lui répondre :

« Est-ce qu'il t'arrive de pleurer ? »

Le garçon laissa échapper un rire nerveux en se rendant compte de ce qu'il venait de dire, mais reprit vite sont calme en inspirant profondément.

Eddie posa une main sur l'écorce humide, comme si un battement de cœur allait retentir contre le creux de sa main. Mais rien ne vint. Il se rapprocha tout de même un peu plus du tronc et ferma les yeux. Il arrivait à entendre le souffle des légères bourrasques d'hiver et des quelques oiseaux qui passaient par là. Eddie se concentra un peu plus et ralentit sa respiration. Il arrivait à entendre le bruit des branches qui craquaient face au vent, et tous les autres sons quasiment silencieux qui l'entouraient : les feuilles qui bougeaient, les bruits de pas des quelques rongeurs aux alentours, les voitures au loin, et l'arbre qui semblait presque respirer dans son étreinte. Eddie rouvrit les yeux et se leva en faisant le moins de bruit possible, il ne voulait pas perturber le calme de cet endroit.

À pas de loup, il continuait de marcher à travers les bois, sans vraiment trop savoir où il allait. Bien vite, Eddie entendit comme le bruit d'une rivière. Il se rapprocha et arriva au repère des Losers, tout était à sa place, rien n'avait bougé, et le garçon se retrouva submergé par la mélancolie. Les soirées à la belle étoile avec les autres lui manquaient. Et la vue de leur cabane de fortune, sans personne autour, lui était insoutenable.

Eddie tourna les talons et commença à suivre le chemin de la rivière. Le bruit de l'eau qui glissait sur les cailloux lui était incroyablement apaisant. Eddie s'arrêta, observa les éléments qui l'entouraient, respira un bon coup et s'installa assis en tailleur sur un gros rocher qui surplombait le bord de Wavy River. L'eau était transparente et Eddie se mit à admirer son sillonnement. Cela lui paraissait incroyable de voir comment elle pouvait aussi facilement changer de forme.

Eddie ferma à nouveaux les yeux, et laissa ses doigts effleurer la surface de la rivière. L'eau était glacial mais cela ne le gênait absolument pas. Plusieurs minutes passèrent et le garçon rouvrit les yeux. Il adorait cet endroit. Il allait mieux. La douleur sourde avait été remplacé par une paix intérieur.

La nature avait guéri les maux d'Eddie le temps d'une balade.

Le garçon se releva et aperçut une pierre plutôt aiguisée à quelques centimètres de là. Il la saisit et la serra dans sa main. Il pensa à son bras puis secoua la tête. Il s'approcha du rocher sur lequel il s'était assis et grava quelque chose dans la pierre.

ici

Eddie jeta la pierre dans l'eau et se redirigea vers les bois. Cette balade lui avait fait énormément de bien. Il aurait souhaité ne jamais quitter le bord de rivière. La vie de l'autre côté des bois, à Derry, lui faisait peur. La balade lui avait été bénéfique, mais le retour le ramènerait instantanément dans la dure réalité.

Ces cicatrices n'avaient pas guéri comme par magie. Le vide était toujours là, même si il avait été comblé le temps de quelques minutes. Eddie pensa à emmener Richie ici. Cela faisait assez longtemps qu'ils n'étaient pas sortis ensemble.

Tout en continuant de marcher le garçon alluma son téléphone et démêla ses écouteurs. Il avait huit appels manqués et quinze messages de Richie. Le garçon les ignora, choisit un album qu'il aimait, et enfonça ses écouteurs dans ses oreilles pour ne pas avoir à attendre le bruit des voitures qui roulaient dans les rues de Derry, non loin de là.

°°°

Richie était accoudé sur le rebord de sa fenêtre, Eddie n'avait répondu à aucun de ses appels et messages, il faisait nuit et il venait d'écraser sa quatrième cigarette dans un cendrier poussiéreux.

Richie allait allumer sa cinquième quand il vit la petite silhouette d'Eddie apparaître au coin de la rue. Il entra dans la maison et Richie commença à paniquer. Il ne savait pas si il devait se précipiter en bas pour le bombarder de questions ou bien l'attendre ici sagement, comme si Eddie revenait juste des toilettes. Il n'eut le temps de choisir aucune des deux options car sa porte de chambre s'ouvrit laissant apparaître un Eddie à l'air tout à fait normal. Richie ferma la fenêtre et se rapprocha de lui. Le brun avait la même expression que d'habitude, son visage était fermé et ses yeux cernés, mais il y avait tout de même quelque chose de différent chez lui. Il avait l'air plus calme. Richie laissa échapper un soupir de soulagement et demanda à Eddie :

« Je... Eddie t'étais où ? J'étais hyper inquiet. »

« Parti faire un tour. » répondit-il d'une toute petite voix.

« Faire un tour ? » répéta Richie en haussant légèrement la voix sans vraiment le vouloir.

Eddie recula d'un pas.

Le bouclé le remarqua et une expression peinée se peignit sur son visage. La vérité était qu'il ne savait plus comment agir avec le garçon. Et Richie détestait ça, il détestait le pont qui se dressait un peu plus chaque jour entre lui et Eddie. Il l'aimait tellement que cela lui déchirait le cœur de le voir si distant. Il avait parfois peur que tout cela soit de sa faute, qu'il soit fautif de toutes ces horribles choses qui étaient arrivées à Eddie. Il ne pouvait pas supporter cette idée. Tout comme le fait qu'il ne pouvait pas supporter qu'Eddie agisse parfois comme un inconnu. Tant de doute, de peur, de colère et d'incompréhension venaient subitement de frapper Richie, qu'il aurait pu éclater en sanglots.

Mais Eddie secoua la tête et s'avança vers Richie qui avait la tête baissée. Il lui prit la main et le fit s'asseoir à côté de lui sur le lit.

« Écoute je suis vraiment désolé de ne pas t'avoir prévenu, ni répondu à tes message mais j'avais vraiment besoin de partir faire un tour seul. »

Richie acquiesça et déglutit toujours sans regarder Eddie.

« Tu sais j'ai trouvé un super endroit près de la cabane à côté de la rivière, dit-il d'une voix douce, faudrait qu'on y aillent. »

Richie releva son regard vers le brun et esquissa finalement un petit sourire.

« Quand tu veux, seulement si tu me promets de me prévenir la prochaine fois que tu organises une promenade de dernière minute.»

« Promis. »

Richie sourit et s'allongea sur le lit en entraînant Eddie avec lui. Le brun posa sa tête sur le torse de Richie qui l'enroula de son bras. À ce moment là, Eddie décida de ne pas lui dire pour son bras, ni pour la visite imprévue de sa mère au lycée.

Il venait lui même de se remettre d'une épreuve difficile, Eddie ne pouvait pas lui rajouter ce poids sur les épaules, il ne se le pardonnerait pas.

Il y avait quelque chose de rassurant et de confortant à garder tout ça pour lui. Et même si le fait de ne pas partager sa douleur pouvait paraître égoïste, Eddie se rassurait en se disant qu'il n'infligeait donc à personne ses problèmes.

Mais garder ce fardeau ne lui facilitait pas la tâche dans sa relation avec Richie. Et le garçon ne pensait même pas à la bombe qu'il était en train d'assembler en faisant tous ces choix, car si elle venait à exploser un jour, les personnes les plus proches de lui se verraient sûrement décimées.

Peut-être qu'Eddie pensa à tout ça, mais ses doutes s'envolèrent dès que le sommeil prit le dessus sur ses pensées.

°°°

La sonnerie du téléphone de Richie retentit dans le calme paisible de la chambre. Le bouclé se leva en grognant et Eddie se retourna dans le lit en se frottant les yeux.

Qui pouvait bien l'appeler à...

4h18.

Les yeux de Richie étaient toujours à moitié fermés, alors il décrocha sans prêter attention au prénom qui s'affichait sur son écran.

Bev.

« Ouais ? » marmonna Richie d'une voix endormie.

« Ri-Rich, j'ai b-besoin d'aide. » supplia la voix de Beverly entrecoupée de sanglots.

Richie se redressa vivement dans son lit, tout d'un coup bien réveillé. Eddie curieux, se retourna vers le bouclé une expression intriguée sur le visage.

« J-je ne pensais pas qu'il aurait pu Richie, i-il voulait, et j'ai eu tellement peur que j'ai pris le pr-premier objet que j'ai vu. Il me faisait tellement peur, j'ai juste, j'ai juste voulu me défendre et... et il est tombé et y'avait du sang partout. I-il m'a arraché les cheveux Richie. Il est par terre mais il respire... je sais pas... »

« SORS !! » cria Richie comme si il se trouvait dans la même pièce que la jeune fille.

Eddie sursauta, surpris. Maintenant il s'inquiétait.

« J-je peux pas le laisser là Richie. » bafouilla Beverly en continuant à pleurer.

« Écoute moi Beverly, ordonna Richie d'une voix ferme même si sa main tremblait, sors de chez toi maintenant, ne prend rien, tu dégages maintenant et tu cours jusque chez moi sans jamais te retourner. »

Richie pouvait entendre Beverly faire les cent pas. La jeune fille laissa échapper un sanglot étouffé et répondit :

« D'accord. »

play

Dès qu'elle raccrocha, Richie bondit hors du lit et se précipita vers son armoire. Eddie se leva plus lentement mais tout de même inquiet, il attrapa son bas de survêtement sans vraiment trop savoir pourquoi il s'habillait. Il était encore à moitié endormi et n'avait rien compris de la conversation.

« Richie ? »

Le garçon ne répondit rien et venait de jeter une pile de vêtement par terre.

« RICHIE, cria Eddie, qu'est ce que tu fais ? Il se passe quoi ? »

Richie se retourna finalement vers le brun avec un pistolet dans la main.

« PUTAIN RICHIE, s'exclama Eddie d'une voix étranglée en reculant, qu'est ce que tu fous avec un flingue ? »

Richie rangea l'arme dans sa poche de sweat-shirt et s'approcha d'Eddie. Le garçon eut un mouvement de recul et tomba assis sur le lit. Richie posa ses mains sur les cuisses du brun d'une manière rassurante et lui expliqua d'une voix tendue :

« Beverly a eu de gros problème avec son père. Je lui ai dit de venir le plus vite possible. Je pars la rejoindre sur la route. Et j'ai juste pris le pistolet au cas où il l'ait suivi, je ne l'utiliserai jamais ou juste pour lui faire peur. »

Eddie secoua la tête.

« C'est une mauvaise idée, marmonna t'il d'une voix inaudible, c'est une très mauvaise idée, laisse moi t'accompagner.» dit-il en se levant.

Richie le prit par les épaules et le fit se rassoir.

« Non. »

« Quoi non ? Oui plutôt, s'énerva Eddie. Il est hors de question que tu y ailles seul. »

Le brun se releva et Richie essaya de nouveau de le stopper mais Eddie l'esquiva et se précipita vers la porte. Il dévala les escaliers à toute vitesse.

« Eddie non !! » supplia Richie en lui courant après.

Eddie ne l'écoutait pas et sortit de la maison en vitesse. D'habitude, Richie l'aurait rattrapé en un quart de seconde car il le brun ne courait pas vite, mais cette nuit là tout était différent.

L'adrénaline bouillonnait dans le sang d'Eddie, lui donnant presque des ailes.

À cette allure là, il ne savait plus si il courait pour rejoindre Beverly ou fuir Derry.

Richie finit tout de même par le rattraper mais resta à côté de lui au lieu de le persuader de rebrousser chemin. Il espérait vraiment que la situation ne dégénèrerait pas, car il ne savait pas maîtriser sa colère. Et si le père de Beverly, avait le malheur de se trouver là, Richie serait vite tenté de se défouler sur lui. Beverly avait toujours eu peur de son père, à un tel point qu'elle n'avait jamais osé partir ou le dénoncer. Mais Richie, lui, n'avait pas peur alors s'il en avait l'occasion, il se vengerait pour Beverly, pour tous ces bleus dissimulés au fond de teint, pour toutes ces clopes fumées, et pour toutes ces larmes versées.

Une silhouette vacillante, maigre et faiblement éclairée apparue au milieu de la route. Les souffles d'Eddie et de Richie s'arrêtent simultanément quand ils reconnurent Beverly. Richie se précipita du plus vite qu'il put vers elle. Quand il l'atteignit, la jeune fille s'écroula dans ses bras en l'entraînant au sol. Richie l'enlaça fermement, un bras autour de sa taille et une main derrière sa tête.

Eddie arriva devant les deux adolescents et se laissa tomber à genoux à côté d'eux.

Il glissa sa main dans la poche du sweat de Richie, et en sortit le pistolet qu'il éloigna avec précaution. Beverly releva ses yeux baignés de larmes vers ceux d'Eddie. Elle tremblait et du sang coulait le long de son cou.

« Oh, Bev... » chuchota Eddie, en la prenant dans ses bras.

La jeune fille laissa tomber sa tête sur l'épaule d'Eddie et l'étreignit aussi fort qu'elle le put. Richie se retourna et essuya ses yeux, qui croisèrent ensuite ceux du brun.

En un seul regard, les deux garçons se comprirent.

La lumière jaunâtre du seul lampadaire dans la rue grésillait, et éclairait faiblement les corps recroquevillés des adolescents.

« On doit partir. » chuchota Richie en ravalant ses larmes.

Eddie acquiesça. C'était la seule et dernière alternative possible. Malheureusement, il savait très bien qu'elle ne laisserait qu'entrevoir une fin amère.


« And that's where the beginning of the end begun. »

Je ne sais pas quoi dire de constructif, alors j'espère juste que ce chapitre vous a plu, et merci de lire cette fanfic qui, quand j'y pense et un bordel sans nom...

Lou <3

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