Chapitre 6
Alors voila, je trainais dans les rues de Londres, retardant mon retour dans les quartiers sorciers où je devais rejoindre le ministère. Je jetai un coup d'œil à ma montre et poussai un soupir à fendre l'âme. Je forçai la porte du Chaudron Baveur et me faufilai dans le bar miteux. Il n'y avait pas âme qui vive. Tous célébraient sans aucun doute le quatrième anniversaire de la mort de Voldemort. Seul Tom, le barman, essuyait avec un vieux torchon des verres ternes. Et il ne faisait pas exception à la règle ; il sifflotait. Et croyez-moi, Tom n'était pas du genre à pousser la chansonnette. Je lui adressai un petit geste de la main et continuai mon chemin vers la cour où les poubelles étaient entreposées. Je tapotai machinalement quelques briques autour de moi et le mur se dissipa pour me laisser passer. Le Chemin de Traverse s'ouvrait devant moi. Il était aussi bondé que lors de la séance spéciale de dédicace des joueurs de Quidditch de l'équipe d'Angleterre. Tout un programme…La foule dansait, chantait en rythme d'une fanfare installée pour l'occasion. De nombreux enfants s'étaient dessinés une cicatrice sur le front ou s'étaient colorés les cheveux en orange. De multiples stands s'étendaient sur toute la rue principale, vendant principalement de la nourriture. Je me glissai entre les passants, le plus rapidement possible dans le but d'arriver à l'heure au ministère, le lieu de mon malheur. D'après ce que j'avais compris, tout avait été organisé, jusqu'à mes vêtements et ma coiffure. Et je ne m'en plaignais pas, parce qu'en ce qui concernaient les tenues de soirées mondaines, je n'étais pas fortiche. Je pénétrai enfin dans le bâtiment et fus surprise (dans le mauvais sens du terme) par l'aménagement de l'atrium. C'était affreux. Ignoble. Epouvantable. Le hall avait été visiblement agrandi, et pas qu'un peu. Des centaines, que dis-je, des milliers de chaises étaient proprement alignées devant une estrade digne de l'Olympia. J'étais en plein cauchemar. L'idée de m'échapper discrètement et de m'enfermer dans mon appartement me traversa alors l'esprit. J'amorçai déjà quelques pas vers la sortie qu'une voix m'interpela :
- Ah ! Miss Granger vous voila enfin ! J'ai cru que vous vous défilerez de nouveau ! Haha !
Haha. Totalement hilarant ce cher monsieur ! Je suis déjà fan ! Il ne nous manque que le one man show ! Crétin. Je me retournai et retrouvai face à un homme un peu plus grand que moi, âgé d'une quarantaine d'années et plutôt maigrichon. Ses cheveux roux étaient coupés courts et des lunettes à monture noire habillaient son visage. Il me tendit sa main, ornée de fins doigts en se présentant :
- Harold Fox pour vous servir.
Je serrai brièvement sa main et m'apprêtai à la lâcher lorsqu'il me tira à travers l'atrium.
- Euh…Excusez-moi mais…
- Où je vous emmène ? Me demanda avec un sourire.
J'hochai la tête.
- Et bien, étant donné que je suis chargé de m'occuper de vous, je vais tout d'abord vous coiffer, puis vous choisir une tenue digne de ce nom ! M'expliqua t-il, tout en me trainant vers une porte que je n'avais jamais remarquée auparavant, dissimulée derrière un pan de mur.
Il lâcha enfin ma main ouvrit la porte et me poussa dans une petite pièce sombre, éclairée par une simple ampoule. Petite pièce sombre, certes, mais elle restait un vrai paradis terrestre. Des dizaines de portiques, tous pleins à craquer de vêtements, étaient collés les uns aux autres. De nombreuses caisses bourrées d'accessoires en tout genre s'entassaient dans tous les coins et un mur entier étaient recouvert par des sacs à mains et pochettes, tous plus beaux les uns que les autres. Je restai ébahie, figée dans l'encadrement de la porte. Harold eut un petit rire satisfait et me désigna la pièce d'un vague geste de la main en commentant :
- Miss Granger, bienvenue dans mon antre ! Veuillez entrer s'il vous plait.
J'obéis et m'installai sur une chaise qu'il me désigna. Je découvris alors une multitude de pairs d'escarpins de toutes les couleurs possibles et inimaginables. Merlin ! Qu'avais-je fais pour bénéficier d'une chance pareille ? Les voleurs se cassaient la tête à pénétrer dans Gringott pour quelques gallions alors qu'une petite salle de rien du tout à quelques mètres de là contenant le plus beau trésor du monde !
- Bon, alors ? Dites moi tout ! Qu'est ce qu'on fait ? Me demanda t-il tout en tripotant mes cheveux.
- Euh…Et Ben…
- Non ! Chut ! Ne dites rien ! A voir l'état de votre chevelure, je doute de votre connaissance en la matière.
- Mais…
- Un chignon ? Non, trop stricte. Brushing ? Trop banal. Queue de cheval ? Trop…
J'avais abandonné tout espoir d'en placer une. Cet Harold était excentrique et parlait tout seul mais j'aimais bien sa compagnie. Il était drôle et me détendait inconsciemment. Je ne savais pas sur quoi il avait arrêté son choix, mais j'avais étrangement confiance en lui. Il semblait s'y connaître.
Après un bon nombre de grimaces, de « aïe ! » et de « il faut souffrir pour être belle » (notons que je déteste cette expression), il s'avérait que ma coiffure était terminée. Je voulus toucher mes cheveux mais un coup de baguette sur les doigts plus un regard meurtrier me dissuada de toute tentative. Je cherchai discrètement un miroir des yeux lorsqu'un léger cognement contre la porte attira mon attention. Harold s'empressa d'ouvrir et une jeune femme d'une vingtaine d'année pénétra dans la pièce, les bras chargés de vêtements. Je dépérissais à vu d'œil. Tous ces habits, c'était trop pour mon organisme plus habitué à autant de luxe. J'interceptai toutefois la conversation entre Harold et la brunette :
-…Oui. Il me les a remit lui-même.
- Et c'est la nouvelle collection de soirée ?
- Oui. Vous êtes le seul à l'avoir pour l'instant. C&C s'est dépassé cet automne !
Attendez une seconde. Elle a bien dit C&C ? C'est la nouvelle collection qu'elle tient dans ses bras tel un paquet de linge sale ? Sacrilège ! Quelle empotée ! Mais qu'on l'enferme ! Voyons ! Tenir ces tissus d'une valeur inestimable comme…Comme…Raah ! J'en perdais mes mots !
Harold récupéra les vêtements et les accrocha avec nonchalance sur un portique. Il se tourna vers moi, me lança un regard étrange puis pointa sa baguette sur moi. Je n'eus pas le temps de réagir que déjà un éclair mauve m'arrivait en pleine tête. J'eus tout juste de temps de fermer les yeux, attendant un choc quelconque mais rien ne vint. J'ouvris une paupière, puis une autre et découvris avec stupeur qu'Harold farfouillait dans ses tonnes de vêtements, comme si de rien n'était.
- Que m'avez-vous fait ? Demandai-je sèchement, toute sympathie envolée.
Il releva la tête, esquissa un sourire et répondit comme s'il s'agissait d'une évidence :
- Je vous ai maquillé pardi ! Et soit dit en passant, ça vous va très bien.
Quoi de plus chiant qu'une robe bustier ? Laissez-moi-vous répondre : Rien. Elle était belle, certes, très belle même et était griffée C&C mais toujours était-il que cette œuvre d'art tout droit tirée de la nouvelle collection glissait constamment sur ma poitrine. Dans un soupir particulièrement bruyant, je la remontai.
- Bon, récitez le moi une dernière fois.
- Mais Harold…
- Non Hermione ! Il faut que vous soyez prête ! Prouvez à tous ces gens qu'ils ne vous connaissent pas ! Montrez leur une nouvelle Hermione !
J'avais passé trois heures en compagnie d'Harold. Les trois meilleures heures de ma vie depuis une éternité. Il était compréhensif, attentif et avait su me cerner dès le début. Je n'avais pas pu faire autrement que de lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. Tout. J'avais pleuré, ri, il m'avait épaulé et maintenant, il m'aidait à préparer mon discours.
- Bon…Chères sorcières, chers sorciers, c'est avec plaisir que je me joins à vous ce soir…
Il agita un de ses longs doigts sous mon nez.
- Ayez au moins l'air sincère dans ce que vous dites !
- Mais je le suis ! M'exclamai-je.
Il haussa un sourcil et répondit d'un ton narquois :
- Oh et bien je n'en doute pas ! Vous êtes totalement avachie sur votre fauteuil et je n'ai pas aperçu l'ombre d'un sourire au moment où vous avez prononcé le mot « plaisir ».
Je baillai à m'en décrocher la mâchoire et répéta pour la dixième fois mon speech. Cette fois-ci due être la bonne car il ne dit rien, me força à me lever et me serra dans ses bras.
- Allez Hermione, il faut y aller maintenant. Je sais que vous pouvez y arriver, me chuchota t-il dans l'oreille.
- J'espère, répondis-je sur le même ton.
Je me dirigeai vers la porte. Depuis quelques minutes déjà un brouhaha s'était levé dans l'atrium. Je ne doutais pas que les nombreuses chaises se remplissaient au fur et à mesure. Oubliant les mises en garde d'Harold, je me passais la main dans mes cheveux et fus surprise par leur douceur et leur fluidité. Cet homme était un saint. Je me retournai vers et lui adressai un sourire désolée face à son regard perçant. Il leva les yeux au ciel et articula silencieusement un « vas-y ». Je rejoignis enfin la porte et tournai la poignée. A peine eus je mis un talon dehors qu'une tornade brune s'accapara mon bras droit. Je me laissai trainer à travers les dédales de l'atrium tel une poupée de chiffon, trop angoissé pour protester. La brunette, que je reconnus comme étant l'incapable de tout à l'heure, me vomissait un flot de conseils et de recommandations qui me passait loin au dessus de la tête. Ce n'est que lorsqu'elle m'annonça le planning qu'elle eut toute mon attention :
- ...Commence dans dix minutes avec le discours habituel de monsieur le ministre. Puis c'est au tour de messieurs Potter et Weasley de remercier l'Ordre, rendre un hommage aux morts et tout le reste, puis c'est à vous. Personne ne s'attend à vous voir, la surprise sera totale !
Oh mon Dieu…Je comprenais mieux maintenant pourquoi elle s'agrippait avec autant de force à mon bras. Avec ce qu'elle venait de me dire, il y avait peu de chance que je ne prenne pas le large. J'avais du blêmir car elle me lança un étrange regard avant de demander si ça allait. Je me contentais d'hocher la tête, trop faible pour dire ne serait-ce qu'un mot. La peur tiraillait mes entrailles, mon cœur s'accélérait considérablement et des sueurs froides couraient le long de mon échine. Nous arrivâmes finalement devant une nouvelle porte, située juste derrière l'estrade. Elle l'ouvrit et me poussa à l'intérieur d'une petite salle semblable au paradis d'Harold, contenant de nombreux fauteuils. Je compris rapidement qu'il s'agissait d'une salle d'attente lorsque je croisais les regards interrogateurs d'Harry, Ginny et –malheureusement pour moi- Ron.
- Installez-vous avec vos amis, nous viendrons vous chercher, me déballa rapidement la brunette (Eva, d'après le badge qu'elle portait sur sa poitrine), le ne fourré dans des papiers.
Sans un regard, elle referma la porte et me planta là, face à un couple d'ami avec qui le contact était tendu et un ex, crétin comme ses pieds. Le silence était de marbre dans la pièce. Je n'osais pas m'avancer et laisser tomber mes fesses dans un des fauteuils. Les regards scrutateurs des trois héros me mettaient plus mal à l'aise que jamais. Mes joues étaient en feu et mes genoux claquaient l'un contre l'autre. Je n'étais déjà pas très stable sur mes talons de dix centimètres aussi fin que des brindilles…Le regard rivé sur la moquette pourpre, je finis par m'avancer et me laissai choir sur le sofa le plus éloigné d'eux. Je ne savais quoi dire. J'avais merdé et maintenant je devais assumer. Super Hermione, encore un bon point. Avec Ron, encore, ça passait, mais Ginny et Harry…J'avais fais fort. C'était il y a quelques semaines déjà. Comme tous les week-ends, j'étais passée boire un verre dans leur manoir. Comme tous les week-ends nous avions discuté et comme tous les week-ends, nous nous étions pris la tête.
- Mais Hermione ! Ouvre un peu les yeux ! Tu vis comme une clocharde alors que ce ne sont pas les occasions qui manquent ! S'exclama Ginny, les joues teintées de rouge.
- Qu'est ce que tu ne comprends pas dans « c'est ma vie, Ginny et je fais ce que je veux » ? M'écriai-je sur le même ton.
Je me rappelais qu'Harry était apparu à ce moment là et qu'il avait levé les yeux au ciel, geste qui m'avait d'autant plus agacé.
- Quoi ? Qu'est-ce que tu as, toi ?
Il leva les mains en signe de paix et haussa les épaules.
- Zen, Hermione. Ginny ne dit pas ça pour t'embêter mais parce qu'elle ne comprend pas ton choix. Et elle n'est pas la seule d'ailleurs.
Je soupirai bruyamment et articulai méchamment :
- Ce…Sont….Mes…
- Tes affaires, on sait, me coupa t-il en fronçant les sourcils. Mais qu'est-ce qu'il t'ait arrivé, Hermione ? On ne te reconnaît plus. Tout avait pourtant bien commencé après la guerre. Ta nouvelle vie était parfaite. Tu avais Ron, tu avais la célébrité, on te proposait des milliers de postes, tous plus intéressants les uns que les autres, tu étais acclamée partout où tu mettais les pieds et surtout, Hermione, tu étais heureuse.
A l'entente de ces derniers mots, je m'étais levée d'un bon et lui avait hurlé des choses toutes plus affreuses les unes que les autres. Oh, je m'en étais voulue, vraiment, mais ce qu'Harry m'avait dit ce jour là m'avait profondément touché. Il avait en parti raison. En parti, parce que j'avais tout pour être heureuse, mais je ne l'étais pas. Et je lui en voulais pour ne l'avoir jamais remarqué. N'était-il pas censé être mon meilleur ami ? Celui qui voit et qui sait tout ? Sans plus de cérémonie, j'étais parti de chez eux et n'y avait jamais remis les pieds. Et voila que maintenant je me retrouvais dans la même salle qu'eux, en plus de Ron. Le bonheur…
J'aperçu du coin de l'œil Ginny regarder avec insistance Harry et Ron se curer les ongles, les oreilles rouges pivoines. L'air était lourd, très lourd. Le silence était pesant et j'étais pratiquement certaine qu'on entendait les battements précipités de mon cœur. J'haletais légèrement et ma robe bustier (très belle et très chère, soit) qui m'enserrait la poitrine ne m'aidait pas à mieux respirer. La tête me tournait et de fortes nausées s'étaient appropriées mon estomac. Le stress, l'anxiété et la gêne n'étaient vraiment pas faits pour moi. Il fallait que ça cesse. Il fallait que je sorte. Sans réfléchir d'avantage, je me levai d'un bond et sortis à toute vitesse de cette pièce à l'atmosphère étouffante.
Mes talons claquaient sèchement sur le sol marbré de l'atrium bondé. Je n'avais jamais vu autant de monde au ministère. Jamais. Je jetai un œil du côté de l'estrade mais détournai rapidement le regard lorsque je sentis mon cœur au bord des lèvres. Toutes les chaises avaient trouvé un occupant. Toutes. Et c'était sans compter sur les sorciers bienveillants qui restaient debout, les bras croisés sur leur poitrine et le dos appuyé contre un quelconque mur ou caisse. Je vivais un cauchemar. J'avais perdu tout espoir de sortir indemne de cette interminable journée. Je ne savais où aller. Tout était trop grand, tout était trop plein. Je ne reconnaissais plus rien. Ma démarche se fit de plus en plus précipité. Je bousculais tout sur mon passage, courant vers un coin tranquille, loin des regards euphoriques que cette journée fériée provoquait. Le cœur dans un étau et le corps oppressé par l'angoisse, je repérai les toilettes visiteurs. Je m'y engouffrai et m'enfermai d'un rapide Collaporta. Le silence remplaça rapidement le bruit sourd des conversations. Ce calme soudain, cette tranquillité brutale me troublèrent presque. Les battements de mon cœur résonnaient dans mes oreilles. Je m'appuyai fébrilement contre la porte close et me laissai glisser le long de la paroi. Je me rendis seulement compte à cet instant précis que des larmes inondaient mes joues. Je les essuyais d'un geste rageur et me relevai péniblement. Je me plantai face au miroir et fus stupéfaite par le reflet qu'il me renvoyait. J'étais belle, ou du moins je l'avais été, avant que mon maquillage ne coule. Mes cheveux avaient simplement été tirés en une queue de cheval qui tombait dans une matière lisse et soyeuse le long de mon échine. Mon regard était considérablement agrandi et expressif, en plus de mes yeux à présent rouges. Des traces noirâtres s'étalaient le long de mon visage et je les essuyais rapidement avec du papier toilette. Un sautoir en perle habillait mon buste dénudé. Ma robe, d'un magnifique gris, créée à partir d'un corsage complexe, me remontait généreusement la poitrine et m'enserrait la taille jusqu'aux hanches, à partit desquelles elle s'évasait légèrement. Je tournai sur moi-même et ne pus m'empêcher de sourire. Harold avait fait des merveilles. Harold... Que dirait-il s'il me voyait dans cet état ? Que pensera-il de moi lorsqu'il remarquera que je ne suis pas sur scène ? Je fus prise de remord. Il avait tant fait pour moi durant ces dernières heures. J'entendis la voix d'Harry me parvenir de derrière la porte. La cérémonie avait commencé.
-…Heureux de célébrer cet événement avec vous…
Ma gorge était sèche, ma bouche rugueuse et mon palais collant. J'ouvris le robinet et bus quelques gorgées. Cet agissement m'empêcha d'entendre la suite. A la fermeture du robinet, de nombreux rires me parvinrent. Il avait du dire quelque chose de drôle. J'avais toujours su qu'une âme de comique se cachait en lui.
-…Enfin bon, ne nous attardons pas longtemps sur ce sujet. Que puis-je vous dire d'original par rapport aux autres années ? Je remarque que mon discours est toujours le même…
Les rires retentirent une nouvelle fois. Je n'écoutais plus ce qu'il baragouinait. Mon estomac contenait ses soubresauts et mes mains tremblaient. Super…J'étais dans un état lamentable. Mentalement parlant, parce que physiquement j'étais plutôt canon. Ca me faisait d'ailleurs mal au cœur que personne n'aurait jamais l'occasion de me voir dans cette tenue, excepté Harold et mes amis. Je prenais une longue bouffée d'air et tendis à nouveau l'oreille. C'était au tour de Ginny de vanter les mérites de son mari. Rien d'extraordinaire, voyez par vous-même :
- …Tellement contente d'être ici ce soir. Je reste persuadée que sans l'intervention d'Harry et Ron, nous ne serions pas aussi nombreux à célébrer cet évènement. Il y a deux mois j'ai épousé cet homme et je ne le regrette en rien. C'est vrai, il fait bien la cuisine, m'aide parfois au ménage, et est capable de me défendre face à un grand mage noir ! Quoi demander de mieux ?
De nouveaux éclats de rire résonnèrent mais je ne les entendais plus. Mon cerveau se répétait en boucle une phrase que Ginny venait de prononcer. Sans l'intervention d'Harry et Ron…Harry et Ron…Nous ne serions pas aussi nombreux…Harry et Ron…Et moi ? D'accord, ma réaction était puérile mais elle savait…Elle savait…Elle connaissait parfaitement mon rôle dans cette guerre. Elle savait que sans moi, Harry et Ron n'aurait jamais réussi aussi facilement. Elle le savait, et pourtant…Une nouvelle force apparue en moi. Je me sentais revivre, nourris par la colère et la contrariété. J'annulai le sort sur la porte et sortait le plus dignement possible. L'estrade se trouvait à une centaine de mètres de l'endroit où je me trouvais. C'était au tour de Ron de prendre le micro. Je m'approchai sans réfléchir du lieu de prédilection. Ou allais-je ? Aucune idée… Qu'allais-je faire ? Aucune idée…Qu'allais-je dire ? Aucune idée…Plus que cinquante mètres. Mes talons ne me permettaient pas de marcher vite et Ron arrivait à la fin de son discours. J'aperçus sur le bord de la scène le ministre et Eva, la brunette. Je ne sais pas ce qu'il lui disait mais elle s'en prenait plein la figure. Une pointe de remord tordit un peu plus mes entrailles. J'accélérais le pas en remarquant que Ron avait terminé. Le ministre s'avança, un sourire hypocrite sur les lèvres.
- Bien ! Merci Mr Weasley ! Nos trois héros mondiaux ont encore fait des merveilles cette année ! Cependant, cher sorciers, ce n'est pas fini ! Une surprise de taille est ici, en exclusivité et pour vous !
Eh ho, calme ta joie coco, je ne suis pas un morceau de viande ! Non mais franchement…En exclusivité…On n'était pas à téléshopping là ! Je me rapprochais tant bien que mal de l'estrade mais un vigile gardait les escaliers pour y accéder.
- Bonjour, je suis très pressée, pouvez-vous me laisser passer ? Demandai-je rapidement.
Il se contenta de secouer la tête. Je sentis la moutarde me monter au nez. Ce n'était pas le moment, vraiment pas.
- Mais je dois monter sur scène là !
Un sourire sarcastique se dessina sur ses lèvres.
- Ah oui ? C'est drôle pourtant, tous les invités y sont déjà.
- Miss Hermione Granger !
Merde, merde, merde ! Des applaudissements retentirent, rapidement suivit par des murmures excités.
- Laissez-moi passer ! Je suis Hermione Granger !
Il éclata franchement de rire.
- Et moi la reine d'Angleterre !
Les murmures devinrent de plus en plus nombreux et le ministre répéta à nouveau mon nom.
- Mais vous voyez bien que tout le monde m'attend ! Et vous savez pourquoi ? Parce que vous M'EMPECHEZ DE MONTER SUR CETTE FICHUE ESTRADE ! Hurlai-je.
Le silence plomba soudainement la salle. Peut-être avais-je parlé un peu fort ? Mes joues s'empourprèrent et c'est avec un certain soulagement que distinguai le ministre derrière le vigile.
- Ah ! Mr le ministre ! Voulez-vous bien demander à ce crétin qu'il me laisse passer ? Demandai-je d'une voix mielleuse.
Encore sous le choc de me trouver là, il inclina une fois la tête, ce qui suffit à la sentinelle qui me laissa la voix libre. Je le frôlai et dépassai le ministre. Je me retournai et vis avec amusement que ce dernier claqua le geôlier derrière la nuque en murmurant un vague « idiot ». Satisfaite, je rejoignis alors la scène.
Je m'approchai lentement du micro et le pris entre mes mains. J'étais tétanisée par la peur. Je n'ai jamais su combien de temps j'étais resté plantée là, au milieu de la scène, le micro entre les mains et les yeux rivés sur mes chaussures. Seul le silence m'entourait. C'était comme si le public retenait sa respiration. Je me décidai finalement à lever les yeux. La salle était encore plus pleine que je ne le pensais. Tout ce monde me donnait le tournis. Mes yeux parcoururent rapidement le premier rang, réservé aux célébrités. Je reconnus une chanteuse populaire dont le nom m'échappait, quelques adjoints du ministre, Harold, Maëlla et Malefoy. Ce dernier me dévisageait d'ailleurs avec un petit sourire sardonique que je lui reconnaissais bien. Je détournai les yeux, inspirai profondément et me lançai :
- J'ai entendu mes précurseurs commencer leur discours par cher sorciers, chère sorcières. Je vais donc suivre leur chemin. Cher sorciers, chères sorcières, c'est avec plaisir que je me joins à vous ce soir…
Je me forçai à sourire sous l'œil bienveillant d'Harold, mais je me trouvai particulièrement fausse. J'étais sur le point de me lancer dans un long discours digne d'Hermione Granger, barbant, ennuyeux et monotone. J'allais remercier des gens que je ne connaissais même pas et j'allais sans aucun doute attraper une crampe aux joues à force d'afficher mon sourire hypocrite. Prouvez à tous ces gens qu'ils ne vous connaissent pas ! Montrez leur une nouvelle Hermione ! La voix d'Harold résonna dans ma tête. Il avait raison. Je devais montrer une nouvelle moi. Je me raclai la gorge et repris :
- Non, vous savez quoi ? On va tout recommencer. J'étais sur le point de déblatérer un discours long et monotone où je remercie plein de personnes dont je ne connais que le nom, mais j'ai changé d'avis. Harry, Ginny et Ron s'en sont déjà chargés.
Quelques sourires se dessinèrent sur la bouche de mon auditoire. Je repris mon souffle et continuai :
- Tout d'abord, cher public, je profite de votre attention pour préciser certaines petites choses. Je ne reviens pas de Bulgarie. Je n'y ai jamais mis les pieds. Je suis effectivement sortis avec Viktor Krum mais c'était durant le tournois des trois sorciers, enfin quatre, et ça n'a duré que quelques semaines. Ensuite, je ne suis pas plein aux as. J'habite sur le Chemin de Traverse. La, encore une fois ne vous méprenez pas, brave gens, je n'ai pas dit Upper Street. Je travail depuis quatre ans au ministère, en tant qu'assistante au second degré. Et encore, je viens d'avoir une promotion !
L'assemblée rigolait à mon plus grand étonnement. Je les amusais. Plus confiante, je poursuivis :
- La robe que je porte ne m'appartient pas et il en est de même pour les chaussures et le collier. Mais devenons sérieux. La mort de Voldemort n'est finalement pas la plus belle chose qui me soit arrivée. Je dois surement en choquer plus d'un, mais laissez moi vous expliquer selon mon point de vue.
Je remarquai que le ministre se tortillait dans tous les sens, lançant des regards gênés à tous ceux qui croisaient ses pupilles.
- Et ne vous inquiétez pas monsieur le ministre. C'est la première et la dernière année où j'accepte votre invitation. Tenez encore cinq minutes et je disparais. Je reprends. Beaucoup d'entre vous doivent se demander pourquoi je me suis faite toute petite. Et bien la réponse ne révèle pas du miracle : Je ne voulais pas qu'on me considère comme un héro. Après la guerre, mon nom était étalé partout, on nous idolâtrait, nous étions vos sauveurs. Rappelez-vous, l'euphorie, l'extase et la joie étaient les seuls sentiments nourrissant la rue, tout comme aujourd'hui. Et pourtant des gens étaient morts. Des sorciers étaient morts pour que vous puissiez ressentir un jour la joie dont vous débordez actuellement. Oh, bien sur, des statues ont été élevée en leur honneur, mais quoi de plus ? Dans une centaine d'années leurs noms seront oubliés tandis que le mien, celui d'Harry et Ron, rempliront au moins une page de chaque livre. N'est-ce pas malheureux ? Alors, pour rendre un hommage à tous ces amis morts pour un avenir meilleur, pour notre avenir, j'ai décidé de me faire oublier.
Voila. C'était dit. Toute la communauté sorcière connaissait à présent mon ressentiment le plus profond, mon secret le mieux gardé. Je me sentais nue devant ces milliers de personnes. Mes yeux me piquaient et je devinais qu'ils étaient à nouveau rouges. Ne pouvant en supporter plus, je murmurais un merci et tournai les talons. A peine fis-je trois pas qu'un torrent d'applaudissement me stoppa. Je me retournai, frémissante et fus surprise de découvrir tous ces inconnus debout, ovationnant mon discours. Harry et Ginny me souriaient et je jurerai avoir vu une larme couler le long de la joue du ministre. Harold applaudissait avec tous les autres, un sourire bienveillant et les yeux brillants. J'avais réussi. Je venais de rentrer à nouveau dans la vie. Dans cette génération qui était à présent mienne.
- Jolie robe. Rappelle moi qui l'a créée ?
Je me retournai surprise. Malefoy était là, une coupe de champagne entre les mains.
- Je ne me souviens plus de son nom. Il ne vaut pas la peine d'être retenu, répondis-je, le regard malicieux.
Il ébaucha un sourire et avala une gorgé, son regard de fer planté dans la mien.
- Qu'est ce que tu veux Malefoy ? Demandai-je, sérieusement.
Son sourire s'élargit et lentement, il daigna me répondre :
- Mais je fais comme tout le monde, petite Granger, je viens saluer ton discours émouvant.
Je ne sus dire s'il était ironique ou sérieux. Son sourire avait disparu mais ses yeux restaient illuminés par une lueur que je ne lui connaissais pas.
- Et bien maintenant c'est fait.
Sous-entendu, tu dégages. Mais ça ne semblait pas être le numéro un dans l'ordre de ses priorités.
- Exact. Mais j'ai encore une petite chose à te demander.
- Tu ne te passes plus de moi, Malefoy.
Il leva les yeux au ciel et secoua la tête, amusé :
- Ne prend pas tes rêves pour des réalités, petite Granger, mais tu as en parti raison. J'ai encore besoin de ton aide.
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