Chapitre 22
Gazette du Sorcier, le 28 novembre 2002.
L'affaire Psycho-Matt, un canular ?
Nous énoncions il y a trois mois l'existence d'une liste comportant le nom de nombreuses personnalités de notre monde poursuivies par le tueur en série Psycho-Matt. Une rumeur courrait qu'on aurait retrouvé une tête chez Hermione Granger, fervente héroïne de guerre. Cependant nous ne pouvons que constater que ces affabulations n'étaient que l'œuvre d'une rumeur populaire au regard de l'avancée de l'enquête. Cela fait à présent plusieurs mois qu'aucun cadavre n'est à déplorer. Psycho-Matt serait donc bien mort et enterré, loin de créer de nouvelles émeutes au sein de notre communauté soudée.
Gazette du Sorcier, le 24 décembre 2002.
Un record dans les rues de Londres !
Cette année encore, en cette veille de fêtes, la neige s'est une nouvelle fois échouée sur les pavés de Londres. Cependant il semblerait bien qu'elle soit présente en plus grande quantité ! Serait-ce un record ? Le département des accidents et catastrophes magiques du ministère annonce que cet incroyable phénomène n'est aucunement l'œuvre d'un sorcier. Il semblerait bien que le ciel se joue de nous. Près de soixante-dix centimètres de poudreuse ont été mesurés sur le Chemin de Traverse, provocant la fermeture exceptionnelle de ses commerces. Même si le paysage est magnifique, il n'en reste pas moins que cet évènement pose quelques problèmes. A une journée de Noël, les retardataires ont du souci à se faire et les commerçants parlent déjà d'une baisse de profit en cette période importante de l'année.
N'oubliez donc pas d'utiliser le sort antiglisse lors de vos sorties.
La Gazette vous souhaite un joyeux Noël et vous rappelle, comme tous les ans, qu'il n'y a pas d'édition le 25 décembre.
Chicaneur, le 8 janvier 2003.
Vigilance ! Chute de grenouilles lunaires.
Il est important de rappeler à nos lecteurs que le mois de janvier est réputé pour ses chutes de grenouilles lunaires. En effet, pour une raison encore inexplorée, les grenouilles lunaires ont tendance à sauter du satellite pour atterrir sur notre planète. Le froid de janvier attirerait-il les amphibiens ou serait-ce une forme de suicide raté ? Nul ne peut encore répondre à ces questions. En attendant, sortez muni d'un parapluie.
Gazette du Sorcier, le 18 février 2003.
Des Flèches bien rapides !
C'est une belle victoire qu'on remporté les Flèches d'Appleby ce 17 février lors de la coupe du Royaume-Uni de Quidditch. La chance n'était pourtant pas de leur côté puisque leur rivaux étaient leurs ennemis de toujours, les Frelons de Wimbourne. Après un long match de trois jours, l'attrapeur des Flèches, le très célèbre Brian Quick a refermé ses doigts sur le vif d'or, sacrant son équipe première du Royaume-Uni. Le score final est donc de quatre cent cinquante contre quatre cent. Les rues d'Appleby sont actuellement secouées d'une effervescence peu commune. N'hésitez pas à vous y rendre, on y tire depuis la veille de magnifiques feux d'artifices de chez Weasley, Farces pour sorciers facétieux.
Sorcière Hebdo, le 20 mars 2003.
Il était temps !
Depuis le temps qu'on nous l'avait promis, le voici enfin ! D'après des sources sures, Maëlla Van Broussik va officiellement épouser le très sexy héritier des Malefoy en mai prochain. Sortez vos mouchoirs, sorcières, le beau Drago n'est dorénavant plus sur le marché. Il semblerait que le couple ait été dans une impasse ces derniers mois mais il n'en ressort que plus fort. Cet heureux évènement a été annoncé comme le plus beau mariage de l'année par Narcissa Malefoy, la mère du futur époux. Connaissant la famille, nous ne doutons pas face à de tels propos et n'avons qu'une hâte : voir les photos !
La gazette du Sorcier, le 24 avril 2003.
Kingsley Shacklebolt démissionne.
C'est une bien triste nouvelle qui circule dans le ministère. Notre ministre depuis la chute de Vous-Saviez-Qui vient d'annoncer son retrait de la vie politique sorcière.
Cette décision est pourtant compréhensible. Après une participation active au sein de l'Ordre du Phénix et sans doute un rôle déterminant dans la guerre, Kingsley Shacklebolt fut proclamé à l'unanimité ministre de la magie. Cependant, quatre ans après, le monde magique ayant retrouvé sa stabilité d'entant, il est normal que l'ex-auror veuille se retirer.
De nouvelles élections sont d'ores et déjà prévues pour juillet prochain.
La Gazette du Sorcier, le 30 mai 2003.
Le plus beau mariage de l'année, ils n'avaient pas menti !
En cette veille du mariage de l'hériter de la famille Malefoy, Drago, avec Maëlla Van Broussik, la Gazette a dépêché quelques journalistes sur le lieu de la cérémonie. Le spectacle est paraît-il « grandiose » et « sensationnel ». Il semblerait que les Malefoy n'aient pas lésiné sur les moyens !
Le couple avait annoncé deux mois auparavant la date fatidique avec un regard amoureux. Rappelez-vous, lorsque nous avions demandé au futur marié ce qu'il prévoyait comme cérémonie, il avait rit avant de lâcher avec amusement « je préfère laisser carte blanche à ma mère et à Maëlla. La déco, ce n'est vraiment pas mon truc ! ». Quant à la mariée, elle s'était exclamée être une femme « épanouie » et « heureuse ». Nous souhaitons donc tous nos vœux de bonheur aux futurs mariés et rendez-vous demain pour une édition spéciale contenant toutes les plus belles photos de la cérémonie et une biographie complète des deux futurs époux !
Blaise Zabini reposa avec une certaine irritation le journal sur la table. Sérieusement ? Quelle bande d'idiots. Tous autant qu'ils étaient. D'un geste de la baguette, il ordonna à toutes ses affaires de se ranger dans la valise ouverte sur son lit. Il était grand temps qu'il rentre. Il savait bien que Drago ne pouvait pas se passer de lui. Quelques mois sans son meilleur ami et il enchainait les conneries. Ridicule. Blaise referma sèchement le couvercle de sa malle et jeta un rapide coup d'œil dans cette chambre qui fut si longtemps sienne. Ses yeux s'attardèrent quelques secondes sur un paquet de lettres récemment reçues. Elle était la preuve de cette absurde mascarade. Il hésita une poignée de seconde puis s'en empara. Qui sait, elles pouvaient peut-être servir. Et, sans un dernier regard pour cet endroit qui fut trop longtemps sa prison, il quitta définitivement les sous-sols de Healthpotion.
Au même moment, à quelques milliers de kilomètre de là, Drago Malefoy incendiait du bout de sa baguette la Gazette du jour. L'esprit ailleurs, il regarda le morceau de papier brûler entre ses doigts. Il allait se marier. Avec Maëlla. Alors que toutes ses pensées étaient tournées en permanence depuis sept mois vers Hermione. C'était tellement idiot. Tellement illogique et improbable. Ce n'était pas lui. Il ne se mariait pas. Et encore moins avec une femme qu'il n'aimait pas. Ou du moins qu'il n'aimait plus. Alors pourquoi ? Il n'en avait aucune idée. Peut-être parce qu'elle lui avait demandé. Hermione. Elle avait changé sa vie. En bien, en mal, il ne saurait la dire. Mais tout avait basculé depuis ce jour de juillet où il l'avait rapidement aperçu recroquevillée dans un couloir dans sa robe immaculée et griffée à sa compagnie. Le jeune homme étira un sourire à ce souvenir. Tant de choses avaient changées depuis. Ils s'étaient rapprochés pour ne former plus qu'un et finalement se séparer brutalement, douloureusement sans aucune raison apparente. Enfin si, il y avait cause, il le savait. Un point de départ, une origine qui était surement lié à Matthew Duncan. Mais qu'était-ce ? Il avait la désagréable impression depuis plusieurs mois d'avoir tous les éléments en main sans pour autant pouvoir faire le lien. Tout était là, devant lui, et pourtant tout lui échappait. Le journal n'était devenu qu'un tas de cendre entre ses doigts qu'il laissa glisser sur le sol.
Les yeux d'Harry fixaient la Gazette sans vraiment la voir. C'était impossible. Le destin ne pouvait pas emprunter ce chemin. Pas après tout ce qu'ils avaient vécu. Pas après tout ce qu'ils avaient sacrifié. Sept mois. Sept longs mois qu'il sillonnait secrètement Londres dans l'espoir de mettre la main sur Matthew Duncan et le tuer. Enfin. Pour libérer Hermione de ce serment qu'elle ne méritait pas. Ni elle, ni Drago. Mais il n'y avait rien. Aucun indice, aucune trace qui pourrait le mettre sur une éventuelle piste. C'était comme si Psycho-Matt n'avait jamais existé. Peut-être avait-il quitté la ville. Peut-être avait-il quitté le pays. Dans tous les cas, le Survivant avait failli à sa mission. Et désormais il était trop tard. Malefoy se marierait au lendemain.
Ma mère reposa délicatement la Gazette sur la table basse du salon. Elle ne dit rien, se contentant de croiser ses mains sur ses genoux. Mais je savais qu'au fond, je l'avais déçue. Je venais de briser ses rêves, ses espoirs. Le silence se faisait de plus en pesant dans la pièce, interrompu en intermittence par le tic tac d'une horloge. Dans un soupir, mon père se redressa et me vrilla de son regard avisé.
- Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus plus tôt ? Ca nous aurait évité tout ce désordre.
Je glissai un regard douloureux dans le fond de la pièce. Des cartons remplis de dragées, d'invitations et de catalogues en tout genre gisaient sur le sol, attendant d'être ouverts, prêts à accueillir une des nombreuses disputes qu'ils avaient l'habitude de provoquer. La gorge sèche, j'essayai d'inventer une nouvelle excuse mais seul un affreux croassement franchi la barrière de mes lèvres.
- Voyons Roger ! Il est parti avec une autre ! Hermione a du être anéantie lorsqu'il l'a quittée. Elle ne voulait pas en parler, voila tout.
Elle se tourna ensuite vers moi et posa une main compatissante sur ma cuisse.
- Ne t'inquiète pas ma chérie, il n'en valait pas la peine de toute façon.
Mon père toussota de manière suggestive, s'attirant un regard foudroyant de ma mère. Je soupirai et étirai un mince sourire que je voulais convaincant.
- C'est bon maman. Moi aussi je le trouvais parfait. Mais il a trouvé mieux ailleurs. C'est la vie.
- Mais tout de même Hermione ! Il se marrie demain ! Le même mois où était prévu votre mariage ! S'insurgea t-elle.
Une boule remonta le long de ma gorge. C'était incroyable, la façon dont j'étais passée maître dans l'art du mensonge. Ne me manquait plus qu'un Oscar pour conclure ma prouesse. Depuis sept mois, je ne faisais que ça. Mentir. Encore et encore. A tout le monde. Tout le temps. Ce n'était plus seulement dans les paroles. Même mes sourires paraissaient sincères. Oh, ça avait dur au début. Très dur. Puis à force, on avait fini par me prendre au sérieux et je m'étais améliorée. Et me voila, face à mes parents, à leur annoncer que mon pseudo mariage avait été annulé parce que Drago avait trouvé mieux que moi. Au fond, j'avais espéré qu'ils ne me croiraient pas. Qu'ils me fixeraient, sceptiques, puis secoueraient la tête. Devinant du premier coup cette histoire de Serment Inviolable. Mais ce n'était pas le cas. Au lieu de ça, ils avaient bu mes paroles comme un bon vin et les assimilaient du mieux qu'ils le pouvaient.
- C'est bon maman, répétai-je.
- Non ce n'est pas bon ! Tu aurais du le retenir, Hermione ! Lui prouver que tu valais mieux que cette catin !
J'haussai un sourcil.
- Jane, calme toi, intervint mon père. Ce qui est fait et fait. Hermione s'en sort très bien et je suis certain qu'elle a su gérer cette situation à la perfection.
J'esquissai un sourire en direction de mon géniteur. Il avait toujours été intelligent et je lisais dans son regard qu'il n'était pas dupe. Même s'il ne savait de quoi il s'agissait réellement, il doutait sérieusement de la véracité de mes propos.
Mal à l'aise, je me levai finalement et me dirigeai vers la porte d'entrée, mes parents sur mes talons.
- Je dois y aller. Je reviens bientôt, promis.
- Avec un homme, de préférence, ne put s'empêcher d'ajouter ma mère.
D'un même geste, mon père et moi levâmes les yeux au ciel. Je les serrai rapidement tous les deux dans mes bras et quittai pour de bon le Londres moldu.
A peine avais-je franchi le seuil d'entrée de mon immeuble, qu'un raclement de gorge que j'aurais reconnu entre mille m'interpela. Avec un soupir non dissimulé, je me retournai. Frusquin était là, son ventre bedonnant dépassant allègrement de son pantalon et sa chemise à carreau verte le serrant au torse.
- Mr Frusquin, le saluai-je, me forçant à être un minimum polie.
La Gazette roulée dans la main, il la pointa sur moi dans un geste menaçant. J'haussai les sourcils.
- Ca fait six mois que je vous paye sans aucun retard. Quel est le problème, cette fois ? Protestai-je, agacée par ses manières.
Il fronça les sourcils avant de déclarer ironiquement :
- Six mois ? Mais c'est un record !
Je ne répondis rien, me contentant de serrer les dents. Il ne tarda pas à reprendre :
- Je voulais juste vous rappeler que je savais tout.
Il déplia dans un geste théâtral le journal, me dévoilant cette une que je connaissais par cœur. La page était principalement occupée par une large photo de Drago et Maëlla, accompagnée d'un texte de quelques lignes que j'aurais pu réciter sans hésitation de mémoire.
- Vous savez tout quoi ? Lui demandai-je de guerre lasse.
Il étira un sourire, visiblement fier de lui.
- Votre liaison ! Avec lui !
Il écrasa un doigt boudiné sur la tête de Drago. J'arquai un sourcil.
- Je vous ai déjà dit qu'il ne s'était rien passé entre lui et moi.
Il tira sur la paupière inférieure de son œil droit dans un geste presque grossier.
- Mon œil ! Je me rappelle très bien vous avoir vu vous embrasser, là, dans ce coin.
Je levai les yeux au ciel.
- Nous ne nous embrassions pas. Et c'était il y a des mois. Je ne vois pas le rapport.
Il esquissa un nouveau sourire.
- Le rapport ? Un mot à la Gazette, vous êtes cuite et moi riche !
J'ébauchai une moue ennuyée.
- Et vous avez des preuves, mon cher Monsieur ? Non ? Quel dommage ! Personne ne croira un petit rat de votre genre.
Je le détaillai rapidement de la tête au pied et corrigeai :
- Enfin je dirais plutôt un rat de taille…moyenne.
Il serra les poings, le visage soudain gonflé et rouge.
- Je ne vous permets pas ! Brailla t-il
Mais je ne l'écoutai plus et montai en courant les escaliers me séparant de mon appartement. Claquant la porte derrière moi, je ne pus m'empêcher de pouffer. Par Merlin, combien de fois avais-je rêvé de clouer le bec à cet idiot ! Ca faisait du bien. Vraiment. Un très léger poids en moins dans la poitrine. M'avançant dans l'appartement, je déposai mon sac sur la table, à côté d'un parchemin qui trônait sur le large plateau de bois depuis près de trois semaines. Ca ne me faisait presque plus rien maintenant. Juste un petit pincement au cœur. Rien de plus. De toute façon je n'avais pas le droit de me plaindre, tout était de ma faute. J'avais voulu cette situation. Je l'avais souhaitée. Alors je faisais profil bas et me contentai d'hurler ma peine en silence. Je pris le papier déjà bien froissé entre mes doigts. Je le connaissais par cœur. Chaque mot, chaque détail, chaque nuance de couleur laissée par l'encre. Et malgré ça, je ne pus m'empêcher de lire une nouvelle fois l'invitation au mariage de Drago et Maëlla.
C'était demain. Plus qu'une journée et tout serait terminé. J'avais répondu présente, évidemment. Pour quelles raisons ne pourrais-je pas venir, après tout ? Mais plus les minutes me séparant de cette date fatidique s'écoulaient, plus je doutais de ma capacité à encaisser ce nouveau coup dur. Je sais, je sais, tout était de ma faute. Mais ça ne rendait pas pour autant les choses moins difficiles. Le cœur lourd, je reposai le faire-part, récupérai mon sac et sortis de mon immeuble, veillant à ne pas croiser Frusquin. Je ne pouvais pas rester chez moi, seule, à me tourner les pouces et à me morigéner mentalement sur l'idiote que j'étais. Dehors, le soleil s'apprêtait à nous quitter et colorait la ville d'une magnifique teinte orangée. Tranquillement, je me dirigeai vers le ministère. Je croisai beaucoup de sorciers qui en sortaient, certains me saluant d'un signe de tête. Les notes volantes dans le hall se faisaient rares à cette heure-ci de la journée et la queue devant les ascenseurs inexistante. J'arrivai rapidement au niveau cinq, sanctuaire du Département de la Coopération Magique Internationale. Quelques sorciers s'affairaient encore à leur bureau mais je ne leur accordai pas d'importance. Je m'orientai vers le fond du long couloir et pénétrai dans une vaste salle circulaire, abritant de nombreuses portes et accueillant un seul et unique bureau en son centre. Avec un petit sourire, je m'en approchai et m'y accoudai.
- Salut Natacha.
La dénommée Natacha releva la tête, ses grands yeux bruns me dévorant avec curiosité.
- Hermione ! S'exclama t-elle. Qu'est-ce que tu fiches ici ? Ce n'est pas ton soir de garde.
Je rabattis quelques mèches rebelles derrière mes oreilles.
- Je sais mais comme je m'ennuyais fermement, je me suis dit que ça t'arrangerait peut-être si je te remplaçais, répondis-je avec désinvolture.
Les yeux de ma collègue pétillèrent de plaisir et elle se leva d'un bon.
- Je t'adore, tu le sais ça ? Me lança t-elle en même temps qu'elle attrapait son sac et son pull.
Je contournai le bureau et m'assis à la place où elle se trouvait quelques secondes auparavant.
- Je crois que je ne te comprendrais jamais. Tu dois être la seule sorcière au monde à venir travailler lorsqu'elle s'ennuie. Enfin, ça fait de moi une chanceuse !
Je pouffai doucement tandis qu'elle me décochait un bisou bruyant sur la joue.
- En plus j'ai rendez-vous avec Max, ajouta t-elle le regard malicieux.
Je levai les bras au ciel dans un geste dramatique.
- Ah, si Max t'attends…
Elle disparut alors laissant derrière elle l'écho de son rire cristallin. Je m'avachis contre le dossier de mon siège, toute trace de sourire envolée. J'avais trouvé ce nouveau travail peu de temps après l'affaire Psycho-Matt. Légèrement plus renommé que le poste que j'occupais au Mangenmagot, il me permettait de payer Frusquin à temps. Je n'avais pas grand-chose à faire, en réalité. Un travail de secrétaire pour les personnalités importantes du département dont les bureaux m'entouraient. Faire passer des dossiers à la Confédération Internationale des Sorciers, récolter les signatures utiles au Bureau international des lois magiques ou encore organiser les réunions interminables de l'Organisation internationale du commerce magique. Nous étions deux à nous relayer chaque jour. Natacha et moi. J'avais trouvé en sa personne une amie drôle et gentille, qui égayait quelque peu ma triste vie. Je ne lui avais rien dit à propos de Drago ou Duncan. Son comportement aurait changé et elle était la seule à pouvoir encore me faire rire.
Une note voleta tranquillement jusqu'à moi et se posa délicatement sur le bureau. Elle était adressée à Jason Duke. Je m'en emparai dans un soupir, me levai et pénétrai dans le bureau portant sur sa porte le même nom. Je m'engageai doucement dans la pièce sombre et déposai la note sur une imposante table, déjà bien encombrée. Alors que je m'apprêtai à sortir, un cadre m'interpela. M'en approchant, je le détaillai. La photo mettait en scène trois personnes. Un homme, grand et souriant, passait sa main autour de la taille d'une femme, qui elle tenait dans ses bras une petite fille qui agitait la main en direction de l'objectif. Une famille. Celle que je n'aurais jamais. La gorge nouée, je détachai mon regard de l'image qui faisait remonter en moi des souvenirs amers d'un rêve qui ne se réaliserait sans doute pas.
- Il y a quelqu'un ?
La voix me tira de mes tristes et sombres pensées.
- J'arrive, m'écriai-je alors que j'essuyai mes joues d'un rapide geste de la main et me forçai à afficher un sourire serein et poli. Un sourire qui disparut bien rapidement lorsque je sortis du bureau de Jason Duke. Un sourire qui s'envola à la même vitesse que la couleur sur les joues de mon interlocuteur. Un sourire qui ne réapparaitrait pas de sitôt. La dernière fois que je l'avais vu remontait au mois dernier. Le souvenir cuisant de cette rencontre était encore frais dans ma mémoire. Je me rappelais de chaque détail.
- …et c'est pour ça que je lui ai dit qu'il ne pouvait pas marquer ça dans le dossier. Enfin je veux dire c'est logique non ? Et puis il m'a répondu que de toute façon il…merde !
J'arquai un sourcil.
- Il merde ? Ca veut dire quelque chose ça ?
- Ne te moque pas, ronchonna Harry tandis qu'il se dirigeait vers une poubelle et y jetait les derniers vestiges d'une glace qui avait préféré terminer sa course sur sa chemise plutôt que dans son estomac.
Je me retins de rire face au tableau que j'avais devant moi. Harry était peut-être l'Elu mais il était surtout un grand maladroit. Je secouai la tête de gauche à droite, amusée.
- Si tu arrêtais de gesticuler dans tous les sens aussi.
Il marmonna quelques mots incompréhensible que je soupçonnais être des insanités avant de me demander :
- Tu n'as pas un mouchoir ?
Je levai les yeux au ciel.
- Non, mais j'ai une baguette. Tu sais, cet espèce de bout de bois qui a pour principe de régler tous tes problèmes ?
Il étira un sourire, visiblement fier de lui.
- C'est une glace de chez Fortârome. Tu sais bien que leurs tâches sont tenaces.
Je grimaçai avant de tourner sur moi-même à la recherche d'une solution à notre problème. Et puis je la vis. Là, coincée entre le vendeur de chaudrons et d'hiboux. J'attrapai le bras d'Harry et le trainai dans la boutique. A peine eut-on mis un pied dans le magasin qu'une vendeuse nous accueilli.
- Bonjour ! Bienvenue chez C&C ! Que puis-je faire pour vous ?
Je pointai du doigt la chemise tâchée de mon ami et lui répondis :
- Lui trouver une chemise, c'est possible ?
Elle hocha la tête et entraina un Harry visiblement peu emballé par ma brillante idée dans le fond de la boutique. L'attendant, j'allai m'assoir sur un fauteuil dans un coin du magasin. Et puis je pris conscience de deux choses. La première, c'était la boutique de Drago. La seconde, la dernière fois que j'y avais mis les pieds remontait à la veille du mariage d'Harry. Tellement de choses avaient changées depuis ce jour là. Trop de choses, à vrai dire. Je n'étais plus sure que mon ancienne vie me déplaisait, finalement. Quelques fois, je venais même à la regretter. Tout était plus simple. Tellement plus simple.
- Vous n'êtes pas sérieuse, j'espère ? C'est ça que vous appelez simplicité ? Il y a des fanfreluches à toutes les coutures !
Reconnaissant la voix d'Harry, je me penchai et l'aperçus devant sa cabine, vêtu d'une chemise pour le moins originale. Je pouffai discrètement et me réinstallai contre le dossier de mon siège.
- Tu crois que je ne t'ai pas vu, toi là-bas ? Viens m'aider au lieu de te bidonner toute seule, me lança t-il.
Tout en mordant l'intérieure des joues pour ne pas éclater de rire, je me levai de mon observatoire.
- Ca va, ça va, je vais te la chercher ta chemise.
Joignant le geste à la parole, je déambulai dans les rayons à la recherche d'une chemise décente.
- Et dépêche toi, je reprends dans dix minutes, me cria t-il.
- Tu n'avais qu'à manger proprement, lui répondis-je sur le même ton.
Par habitude, je laissai mes doigts glisser le long des tissus soyeux qui ornaient les nombreux cintres jusqu'à ce que j'arrête mon choix sur une chemise qui me semblait appropriée. Je la décrochai et la portai sur mon bras. Lorsqu'Harry fut dans mon champ de vision, je levai l'habit de la même façon que l'aurait fait un vainqueur avec son trophée. Mais il ne broncha pas. Il ne sourit même pas, à vrai dire. Ses yeux étaient rivés sur moi dans un regard inquiet.
- Quoi ? Des joncheruines me sortent des oreilles ?
Il ignora ma remarque, s'empara de la chemise et m'entraina directement vers la caisse.
- Tu ne l'essayes pas ? M'étonnai-je.
- Non. Je suis certain qu'elle va très bien, marmonna t-il, me trainant toujours vers l'avant du magasin.
Agacé par son soudain comportement, je m'arrêtai et croisai les bras sur la poitrine.
- Moi, je préférerai que tu l'essayes.
Et sans attendre sa réaction, je me dirigeai vers les cabines d'essayages.
- Hermione, non !
Alors que je m'apprêtai à lui lancer une remarque désagréable, je le vis enfin.
- Vous êtes idiote ou quoi ? Je vais me marier, pas à un bal costumé ! Il va vraiment falloir que je pense à changer de designer. Et de vendeuse, rajouta t-il en fusillant du regard la pauvre jeune femme.
Pétrifiée au milieu du passage, je n'étais même plus capable d'émettre un raisonnement sensé. Six mois. Six longs mois que je ne l'avais ne serait-ce qu'aperçu. Et voila qu'il déboulait devant moi, comme une étoile filante dans un ciel sombre. Illuminant mon monde. Eclairant mon cœur et ma tête. Dans un geste instinctif, je m'approchai de lui mais Harry qui était arrivé à ma hauteur me retint doucement par le bras.
- Viens, me chuchota t-il. Il ne t'a pas encore vu. C'est mieux comme ça.
Au moment même où il prononça ces mots, Drago tourna la tête vers nous. Son regard me transperça avec force et je sentis toutes mes résolutions fondre comme neige au soleil. Il esquissa un pas dans ma direction et inéluctablement je fis de même, mon regard toujours accroché au sien. C'était étrange. J'avais l'impression d'occulter toutes les pensées sensées de mon esprit et pourtant de faire la chose la plus intelligente depuis bien longtemps. Dans son pantalon retenu par aucune ceinture et dont le bas tombait négligemment sur ses chaussettes immaculées, il était beau. Dans sa chemise à peine attachée et qui dépassait allègrement, il était éblouissant. Avec ses cheveux passablement décoiffés, il était magnifique. Et je savais au plus profond de moi, qu'il était mien. Sans réfléchir une seule seconde, je levai lentement ma main dans sa direction et il m'imita. Nos doigts étaient sur le point de se frôler lorsqu'Harry me ramena à la réalité. Il m'attrapa par la taille et me détourna de lui en m'entrainant à l'extérieur de la boutique, laissant au passage la chemise sur le comptoir. Lorsqu'il nous jugea suffisamment éloigné, il me lâcha. Furieuse et soulagée, je me tournai vers lui. La colère l'emporta :
- Non mais ça ne va pas ? De quoi tu te mêles, hein ? Tu n'avais pas le droit de m'emmener de force comme ça !
Il soupira, soudain las.
- Hermione…
- Non ! Le coupai-je. Tu n'aurais pas du faire ça ! Il…
- Il quoi ? S'exclama t-il d'une voix forte. Il allait te toucher et tu étais sur le point d'hurler de douleur, le bras ouvert et ensanglanté. C'est ça que tu aurais voulu ? Tu as fait un Serment Inviolable, Hermione. Ce n'est pas n'importe quoi. Tu ne peux pas jouer avec ça. Et si tu n'es pas capable de gérer tes émotions lorsque tu es avec lui, alors débrouille-toi pour ne plus jamais avoir à le recroiser. Jamais. Je ne serais pas toujours là.
Vaincue, je m'effondrai dans ses bras, salissant un peu sa chemise.
Harry avait raison. Et j'avais suivi ses conseils à la lettre. J'avais évité tous les lieux où Drago aurait pu se trouver. Mais il semblerait qu'il avait omis la partie où le danger venait de lui-même à moi. Et c'était de cette partie dont j'avais le plus besoin maintenant.
Il semblait aussi surpris et troublé que je l'étais. Mais comme à son habitude, il revêtit rapidement son masque d'impassibilité. Bien trop vite pour que ce soit honnête. Lentement, je me rapprochai du bureau et remarquai qu'il tenait un dossier. Suivant mon regard, il leva le document.
- Il faut faire suivre ça le plus rapidement à Taylor Georges. Ca concerne l'ouverture du marché international à Healthpotion.
J'hochai la tête et il me tendit le papier. J'hésitai une poignée de secondes, les yeux rivés sur l'objet qu'il me livrait. Je devais reprendre mes esprits. Ne pas me laisser aller. Je ne pouvais pas. Je n'avais pas le droit. Et Harry n'était pas là. Pas cette fois-ci. J'inspirai longuement et, du bout des doigts, m'emparai de l'écrit avant de le reposer sur le bureau. Je n'osai pas relever la tête. Pas par peur. Je savais très bien ce qui se trouvait au fond de ces prunelles. Mais par lâcheté. Je n'étais pas sure de pouvoir résister face à son regard. Alors je restai tête basse, comme inspirée par les minuscules trous dans le bois du bureau. De son côté, il ne bougeait pas non plus, se contentant de me vriller en silence. Je savais la tentation forte. Trop forte. Je la sentais aussi. Cette traitresse. Elle se glissait sournoisement derrière nous et nous poussait de ses grandes mains et de toutes ses forces l'un vers l'autre. Mais je résistais, les pieds ferment ancrés dans le sol. Je n'avais pas le choix. Puis un mouvement de la part de Drago m'obligea à relever la tête. Il avait fait demi-tour. Il s'en allait. Il abandonnait. Encore. Mais pouvais-je l'en blâmer ? Encore une fois, tout était de ma faute.
Sans que je ne puisse les contrôler, les larmes coulèrent toutes seules le long de mes joues, venant mourir sur le dossier que Drago venait d'apporter. Des sanglots d'une violence rare secouaient silencieusement tout mon corps. Il partait. Pour de bon. La prise de conscience de cette réalité me heurta comme un coup de poignard dans le cœur. Il s'en allait. Il partait se marier, m'abandonnant à mon triste destin.
Et puis, soudainement, il fit volte-face et revint vers moi en de grandes enjambées, se plantant, le corps raide, devant moi. Son regard était plus ténébreux que jamais. Ses yeux semblaient possédés par la foudre. La colère de ses iris était telle que j'eus un mouvement de recul. Les traits de son visage étaient tirés par la fureur et la déception et je remarquai les muscles de sa mâchoire se contracter régulièrement. Pourtant, lorsqu'il parla, ce fut d'une voix calme.
- Je vais me marier demain.
Je fermai une seconde les paupières, encaissant docilement le coup.
- Je sais.
- Tu comptes venir, n'est-ce pas ?
Je déglutis difficilement.
- Pourquoi ne viendrais-je pas ?
Il ne répondit rien, sa colère semblant retomber doucement.
- Tu pleures, constata t-il d'une voix paisible.
Je restai muette, me contentant de fuir du mieux que je le pouvais son regard de braise. Le silence nous enveloppa doucement tel un drap de soie mais il fut balayé par de nouvelles paroles de Drago.
- Donne-moi une raison. Une raison et je reste. Donne-moi une raison et je pars. Juste une raison. Ce n'est pas trop tard. Je peux encore tout annuler.
Je secouai la tête de gauche à droite, tentant de chasser les sanglots qui forçaient le passage de mes désirs.
- Veux-tu que je me marrie avec Maëlla ? Répond-moi. Un mot. Un seul mot et tu ne me revois plus jamais.
Continuant de secouer la tête, j'articulai d'une voix étranglée :
- Je ne peux pas.
Visiblement irrité, il frappa du poing sur le bureau et reprit, d'une tonalité plus forte, plus cassante.
- Qu'est-ce tu veux ? Bon sang mais ce n'est pas compliqué ! Qu'est-ce tu veux ? Je ne te demande qu'un mot. Qu'est-ce que tu veux ?
Je sursautai et me contentai de répéter la même phrase, les joues ruisselantes. Il recula finalement, les traits tendus.
- J'ai essayé de t'oublier, Hermione. Mais le fait est que tu ne m'as donné aucune raison pour te détester. Je n'ai rien pour me raccrocher. Et pourtant j'essaye. Je ne sais même pas pourquoi. La seule chose dont je suis certain est que tu ne veux pas tout ça non plus. Mais tu n'as pas le choix. Pourquoi ? Comment ? Il me manque un élément. Et sans ça, Hermione, je ne pourrais jamais envisager ma vie sans toi.
Il lâcha un rire amer.
-Tu te rends compte ? J'en suis réduis à te faire une déclaration ridicule. Je deviens fou. Tu me rends fou.
Je relevai enfin les yeux sur lui, le cœur en feu.
- Je suis désolée, murmurai-je. Je ne peux pas t'aider. Je ne peux pas te donner ce que tu me demandes, parce que la vérité est trop douloureuse.
- Je peux la supporter.
J'ébauchai un fin sourire.
- Non. Tu ne peux pas.
Il secoua la tête, soudain las et fatigué.
- Quoi que tu dises, quoi tu veuilles, je ne pourrais jamais mener la vie que tu me souhaites. Tu es dans mes veines, dans mon sang, dans chaque cellule de mon corps sans que je puisse t'y extraire. Tu es mon âme sœur. Tu ne pourras jamais rien contre ça, malgré toutes tes vaines tentatives.
Je plongeai mon regard dans le sien, déchiffrant toute la douleur qu'il avait voulu cacher. Le reflet de ma propre peine. Il avait raison. Quoi que je lui demande de faire, il ne serait pas plus heureux. Il avait besoin de moi, tout comme j'avais besoin de lui. J'étais un monstre. J'avais fait ce Serment Inviolable en connaissance de cause. Matthew Duncan avait eu raison. Ce pacte assurait notre destruction mutuelle.
- C'est mieux comme ça, soufflai-je faiblement.
- Aucun regret ?
J'esquissai un sourire fatigué.
- Des milliards de regrets. Mais ce n'est pas suffisant.
Il étira à son tour un léger sourire puis il s'approcha doucement de moi, tendant sa main vers mon visage. Je reculai d'un pas et il stoppa son geste.
- Tu devrais t'en aller. Une longue journée t'attend.
Il n'ajouta rien, se contentant de me dévisager. C'était comme s'il gravait pour la dernière fois l'image de mon visage dans sa mémoire. Puis il tourna les talons et parti pour de bon.
XXX
Lorsque Blaise Zabini pénétra dans le Chaudron Baveur, il ne put que constater l'absence de modification, même légère, dans le pub. Tout était identique. C'était comme s'il n'était jamais parti. Il s'assura rapidement d'une main que sa capuche cachait bien son visage et s'approcha de Tom, le barman. Ce dernier le regarda un long moment. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus revu une robe de sorcier comme celle que portait le nouveau venu. Longue, noire et surmontée d'un large capuchon. Depuis quatre ans, en réalité. Depuis que Voldemort avait disparu. Tom fronça les sourcils, soucieux d'avoir face à lui une personne mal intentionnée.
- C'est pourquoi ? Grogna t-il finalement, tentant d'intimider l'inconnu.
- Une chambre. Pour une nuit.
Tom poussa un nouveau grognement que Blaise prit comme un « suivez-moi » lorsque le barman disparut derrière une porte près du comptoir. Il l'entraina en haut d'un large escalier puis s'arrêta face à une porte portant le numéro six. Il tendit sans un mot la main et Blaise y déposa quelques gallions. Puis, toujours silencieux, le barman lui tourna le dos et redescendit à son bar.
La chambre était confortable. Composée d'un lit, d'une commode, d'une petite salle de bain et d'une large fenêtre donnant sur le Chemin de Traverse, Blaise ne pouvait demander mieux. Il aurait pu séjourner au manoir Malefoy mais l'agitation qui devait y régner l'en avait dissuadé. Il lança sa valise sur le lit puis sa cape suivit. Il regarda un long moment l'étoffe noire, hésitant. Peut-être tout cela n'était plus nécessaire. Mais il suffisait qu'une personne, une seule, le reconnaisse et fasse part de sa découverte au ministère pour qu'il soit fichu. Il n'était pas criminel, loin de là. Mais qui le croirait ? Qui prendrait seulement la peine de l'écouter ? Dans un soupir, il revêtit sa cape et sortis. Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait plus revu la lumière du jour et l'idée de rester enfermer ne l'enchantait guère.
XXX
C'était une magnifique journée. L'air était tiède, balayant ma peau d'une caresse agréable et le ciel d'un bleu tel qu'on en avait rarement vu à Londres. Un temps parfait pour un mariage. Et un mariage il y en aurait un. Dans moins de quatre heures. Deux cent quarante minutes qui me semblaient à la fois si longues et si courtes. Si importantes et si dérisoires. Si réelles et si improbables. Perdue dans mes sombres pensées, je ne vis pas la silhouette s'avancer face à moi et pris conscience trop tard de l'inévitable. Je tombai lourdement sur le sol pavé, mon coude s'ouvrant sous le choc. Les larmes aux yeux, je me relevai. Mais je n'eus pas le temps de prononcer un mot qu'une poigne ferme m'entrainait déjà dans une ruelle. Sonnée par le coup, je ne pensai même pas à protester et me laissai porter vers une destination inconnue. Notre escapade fut brève. Nous arrêtâmes brusquement dans une petite rue étroite que je reconnus aussitôt. C'est ici que j'avais cru voir Drago mort. J'essayai de chasser cette pensée de mon esprit mais il semblait de toute façon bien trop embrouillé pour développer. La douleur se répandait dans mon bras et remontait à présent jusqu'à l'épaule. Avec une grimace je passai ma main sur la plaie et constatai que la blessure saignait. Alors, seulement, je relevai la tête vers mon ravisseur. Un sentiment d'horreur s'empara de tout mon corps et je crus un instant revenir cinq ans en arrière. Cette robe. Cette capuche, masquant le visage de l'inconnu. Ce silence. Un mangemort. Je devais crier. Nous étions en pleine journée, quelqu'un viendrait m'aider. Un mangemort était en liberté, bon sang ! Alors que j'entrouvrais les lèvres, une large main sombre s'aplatit sur ma bouche tandis qu'une deuxième retirait la capuche qui me cachait l'identité de mon ravisseur. Aussitôt, je laissai un soupir de soulagement filtrer entre les doigts de Zabini. Il me relâcha. Je vacillai dangereusement sur mes jambes tremblantes et m'appuya contre un mur.
- Si tu voulais passer discret, une robe rose avec des cœurs aurait été plus utile. Non mais franchement, tu t'es vraiment senti obligé de ressortir ta vieille cape de mangemort ? Bravo, Zabini, en matière de camouflage, je t'accorde un Troll ! Pestai-je, le cœur encore affolé par cette soudaine apparition.
Blaise esquissa un sourire narquois.
- Granger. Quelle bonne surprise. Toujours aussi aimable. Dis-moi, c'est une habitude de croire que je veux perpétuellement te tuer ? Non parce que si c'est réellement ton souhait le plus cher, je pourrais peut-être faire quelque chose…
J'eus un rictus méprisant.
- Qu'est-ce que tu fiches ici ? Je pensais que ton existence se résumait à remuer des fonds de chaudrons en Alaska ?
Il s'appuya à son tour sur le mur face au mien et croisa les bras sur sa poitrine.
- Mon meilleur ami se marrie dans quelques heures. Je n'aurais manqué ça pour rien au monde.
Ses paroles auraient pu passer pour banales s'il ne m'avait pas lancé un regard si pénétrant. Se pouvait-il qu'il…
- Tu t'es blessée ?
Il désigna d'un geste du menton mon coude sanglant et douloureux, emprisonné dans ma main droite.
- Tu m'as blessée.
Il leva les yeux au ciel.
- C'est toi qui ne regarde pas ou tu mets les pieds…Ton binoclar d'ami devrait peut-être te prêter ses lunettes ?
J'eus un rire ironique qui s'étrangla dans ma gorge. La douleur devenait de moins en moins supportable.
Zabini se décolla de son mur et s'approcha de moi.
- Aller, donne. Je te répare ça en moins de deux.
Je m'apprêtai à lui tendre gracieusement le bras lorsque je me rendis compte que c'était le même qui portait la marque de mon Serment. La cicatrice n'était pas bien large mais il suffisait qu'on détail un tant soit peu mon bras pour la remarquer. Et avec la chance que j'avais, Zabini n'allait pas la louper. Je me rétractai aussitôt, ce qui n'échappa pas à l'ancien Serpentard. Il étira un drôle de sourire et sans prévenir, s'empara de ma main et déplia doucement mon bras devant ses yeux. La douleur m'empêcha de lutter et c'est vaincue que je le laissai examiner la cicatrice. Il siffla entre ses dents, l'air impressionné.
- Un Serment Inviolable, hein ? J'en étais presque sur. Ca explique tout. Granger, tu es décidemment la fille la plus idiote que je ne connaisse.
Je serrai avec force les dents, déterminée à ne pas lui en révéler d'avantage. Mais il semblait qu'il était bien plus informé qu'il n'était censé l'être.
- Je suppose que tu as fait ce pacte idiot avec un certain Matthew Duncan, non ? Et que l'enjeu était d'épargner la vie de ton âme sœur, Drago, et de ton meilleur ami, Potter. Foutu courage des Gryffondors. Il y a juste un truc qui m'échappe dans toute cette histoire. Quelle est ta part du contrat ? Tu ne dois pas être avec Drago ? Tu ne dois pas lui parler ? Pas l'épouser ? Pas…
- Le toucher, terminai-je d'une voix étranglée. Je ne dois pas le toucher.
Il haussa les sourcils très haut, visiblement surpris.
- Waouh, souffla t-il finalement. T'es définitivement pas nette comme fille.
Secouée par ces relents de souvenirs bien trop douloureux, je me mordis violement les joues, espérant ainsi ravaler mes sanglots. Mais mon état n'échappa pas à Zabini. Il me fixa quelques secondes puis fit tomber le masque qu'il portait. L'inquiétude était nettement visible sur ses traits.
- Tu ne peux pas le laisser se marier, Granger. Ce n'est pas une bonne chose. Ni pour toi, ni pour lui. C'est injuste.
J'effaçai de la main une larme qui avait échappé à ma vigilance.
- Mais que veux-tu que je fasse ? Si je lui révèle la vérité, il traquera Psycho-Matt et risquerait de faire des choses idiotes. En gardant le Serment secret, je garde espoir pour qu'il m'oublie.
Zabini contracta sa mâchoire, contrarié.
- Vous êtes âmes sœurs, Granger. Je ne sais pas comment te fourrer dans le crâne l'idée qu'il ne pourra jamais t'oublier. Même s'il le souhaite ardemment.
Peu désireuse de m'avancer sur ce terrain dangereux, je changeai brusquement de sujet.
- Je suis surprise qu'il t'ait tout révélé, pour les âmes sœurs et pour le reste.
Il étira un léger sourire.
- Je savais pour les âmes sœurs bien avant toi. Quant au reste, ose prétendre que Potty ne sait rien.
- Harry, rectifiai-je entre mes dents.
- Je prends ça comme une affirmation.
Je grognai quelques paroles incompréhensibles, qui ne faisaient définitivement pas l'éloge de Zabini. Au fond, il ressemblait un peu à Drago. En un peu moins mystérieux et en plus décontracté. Je comprenais désormais pourquoi ces deux là s'étaient trouvés.
- Tu devrais aller te préparer pour le mariage. Je suis certaine que tu es témoin. C'est un jour important pour ton meilleur ami. Il ne faudrait pas que tu sois en retard. Et par pitié, jette une bonne fois pour toute cette cape. Elle ne t'attirera que des ennuis. Plus personne ne recherche les mangemorts, maintenant. Tu peux vivre tranquille.
Sur ces paroles, je tournai les talons et m'en allait. Etonnement, Zabini ne chercha pas à me retenir.
XXX
- Alors ? Laquelle ? La bleue ou la noire ?
Mais seul le silence répondit à Ginny Potter. Avec un soupir résigné, elle laissa tomber les deux robes qu'elle tenait entre ses mains et vint s'assoir sur son lit, à côté de son époux. Elle passa un bras autour de ses épaule et laissa tomber sa tête tout contre lui.
- Il va se marier, Ginny, articula t-il finalement, dépité.
- Je sais, soupira t-elle. Ne te blâme pas Harry, ce n'est pas de ta faute. Tu as fait ce que tu pouvais.
Harry Potter se leva brusquement, les traits de son visage tirés par la fatigue et la colère.
- Ce n'est pas de ma faute ? Répéta t-il. Tu rigoles j'espère. Tout, absolument tout est de ma faute. C'est moi qui ait ordonné la mort de Psycho-Matt par potion. C'est de ma faute si ça à échouer et c'est de ma faute s'il s'est échappé pour se venger.
Oui. Tout était de sa faute. Et il n'avait rien pu faire. Le pire allait désormais se produire. Abattu, il vint se rassoir à côté de sa femme.
- Ils sont âmes sœurs, Ginny. Ames sœurs. Et ils sont séparés à cause de moi.
Ginny ne répondit pas tout de suite, laissant un léger silence s'installer entre eux deux. Quand finalement elle entrouvrit les lèvres, ce fut pour laisser passer quelques mots qui laissèrent son époux pantois.
- Tu sais, je savais bien avant toi pour les âmes sœurs.
- Elle te l'avait dit ? S'étonna Harry.
Ginny secoua la tête.
- Non. Je l'avais deviné.
Il haussa un sourcil tandis qu'elle se penchait vers sa table de nuit pour en tirer un bouquin de taille raisonnable et dont le titre scintillait en lettre dorées.
- A quoi reconnait-on son âme sœur, lut Harry à voix haute.
- J'ai trouvé ce livre chez Fleury & Bott il y a un moment déjà. Et puis au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture, je me suis rendue compte que beaucoup de choses écrites correspondaient au comportement d'Hermione et Drago. Et puis, ose prétendre que tu ne sentais pas l'alchimie qu'ils dégagent !
Harry hocha tristement la tête mais Ginny ne s'avoua pas vaincue. Elle bondit sur ses pieds, attrapa la robe noire, la main du survivant, le forçant à se lever.
- Qu'est-ce que tu fabriques ? Marmonna t-il.
- Le mariage. On va le manquer si on ne se dépêche pas. Et ne t'inquiète pas, si Hermione et Drago sont faits pour être ensemble, le destin se chargera de les réunir.
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