Chapitre 20
Il ne me laissa pas le temps d'assimiler ses paroles, attrapa ma main et me tira dans le fond des archives. J'apercevais de loin une vive lumière orangée et supposai que les flammes avaient fini par ronger la porte. Très vite, nous nous retrouvâmes face au mur. Une fumée avait envahi la salle et mes poumons commençaient doucement à manquer d'oxygène. Psycho-Matt s'était manifesté. J'en étais certaine. Je serrai la main de Malefoy dans la mienne. Il se tourna vers moi et à ma plus grande surprise, me sourit. Je ne pus malheureusement lui répondre. Crispée par la peur et l'anxiété, je n'ébauchai qu'un rictus. Il pressa doucement ma main et m'entraina à nouveau au milieu des nombreuses étagères. Le cœur et les poumons en feu, je ne pouvais plus suivre son rythme effréné. La fumée m'irritait la gorge, le nez et me piquait affreusement les yeux. Mais j'avais confiance. Confiance en Drago. Et soudain, face à nous, nous les vîmes. Ces chimères de feu. Ces animaux faits de flamme, plus sauvages et dangereux que jamais. Ils nous remarquèrent aussi et nous chargèrent à une vitesse incroyable. Nous fîmes demi-tour et nous précipitâmes dans la direction opposée. Mais très vite, les êtres maléfiques nous entourèrent. Dans ma course, je trébuchai sur un livre et Drago me rattrapa in extremis. Puis je la reconnus. Elle était là. Droit devant nous.
- Drago ! Hoquetai-je. La pièce secrète !
Il comprit immédiatement et se précipita vers l'étagère, me tirant à sa suite. Je dégainai ma baguette et d'un geste du bras ouvris la petite fente. Nous nous engouffrâmes dans la grotte et je m'empressai de refermer le passage secret.
- Ca…ne…tiendra…pas longtemps, articula Drago, à bout de souffle.
Courbé, les mains sur les genoux, il tentait de retrouver un rythme cardiaque à peu près décent. De mon côté, je fis le tour de la petite pièce. Il devait y avoir une sortie de secours. Un passage dans un passage. C'était toujours comme ça. Ce qui avait une entrée avait une sortie. Ma main glissa sur une pierre du mur plus bombée que les autres et instinctivement je la poussai. Aussitôt, le panneau de pierre pivota pour laisser place à un couloir très étroit. Malefoy releva la tête et sourit face à ma trouvaille. Un bruit sourd retentit contre l'entrée et la fumée commença à envahir la grotte. Nous devions nous dépêcher.
- Viens ! Vite !
Il m'attrapa une nouvelle fois la main et m'entraina à sa suite dans le sombre couloir. Nous courûmes le plus vite que nos jambes ne nous le permirent. Mon cœur allait exploser. Ma poitrine était terrassée par un incendie. Mon visage était poisseux et noir de suie, ainsi que mes vêtements. Mais pire que tout cela, la première mise en garde de Matthew Duncan me terrorisait. Qu'allait-il advenir de la suite ? Quelles horreurs nous réservait-il ? Allions-nous nous en sortir ? En voulait-il aussi à ma peau ou était-ce uniquement le tour de Malefoy aujourd'hui ? Malgré la chaleur qui irradiait mon corps, un frisson de dégoût agita chacune de mes cellules. Nous débouchâmes finalement sur l'atrium. Etrangement vide, sombre et silencieux. La fraîcheur que dégageaient les dalles de marbres sous nos pieds caressa ma peau bouillante d'un léger souffle. J'inspirai profondément essayant de réaliser en vain que nous avions failli y passer. Mais c'était trop facile. Trop simple. Loin d'être la fin. PM ne se contentait pas d'un unique feudeymon de rien du tout. Il y allait crescendo. La nuit risquait d'être longue. Très longue. Et chacune des étapes que nous nous apprêtions à franchir avec Drago allaient être de plus en plus difficiles. Ce n'était pas une hypothèse. C'était une certitude.
Un bruit assourdissant brisa soudainement le silence qui s'était imposé. L'immense statut de pierre qui trônait au centre de l'atrium venait de se mettre en mouvement. La vélane, le gobelin, le phénix et le sorcier qui la composaient prirent soudainement vie. Et à la lourdeur de leurs pas et au regard menaçant qu'ils nous lançaient, je me doutai bien qu'ils n'étaient pas là pour nous aider. Les yeux rivés sur ces gigantesques gargouilles, nous reculâmes à petits pas. Par reflexe, je sortis ma baguette et au moment où une pluie de caillou se déchargea sur nous, je lançai un puissant protego. Mais quelque chose n'allait pas. Le bouclier n'avait pas la même teinte habituelle. Je le maintins toutefois en place et lorsque la première pierre le traversa, Drago me poussa sans aucun ménagement sur le sol dur et glacé.
- Pourquoi ça ne marche pas ? M'écriai-je ahurie, à travers l'assourdissant bouquant qui régnait dans le ministère.
- J'en sais rien ! Répondit Malefoy. Mais on a intérêt à vite dégager si on ne veut pas finir en pâtée pour le piaf !
Vivement, il me traina à travers l'atrium jusqu'à la sortie. A plusieurs reprises, nous dûmes nous baisser pour éviter les projectiles mortels que les statues mobiles ne cessaient de bombarder dans notre direction. Une pierre traversa une des vitres de la baie vitrée, la cassant en un milliard de minuscules morceaux de verre. Tous se répandirent sur le carrelage marbré, rendant le sol d'autant plus glissant. J'en avais plein les cheveux mais peu m'importait. Pour l'instant, je devais sortir au plus vite de cet enfer. Nous arrivâmes finalement devant la porte, que Drago ouvrit d'un énergique coup d'épaule. Elle n'opposa aucune résistance et s'ouvrit, laissant l'air froid de cette nuit d'automne pénétrer dans nos poumons. Cela ne nous empêcha pas de continuer notre course. Drago m'entraina jusque devant le magasin Quidditch qu'il ouvrit de la même façon. Comme s'il connaissait parfaitement les lieux, il m'attira dans l'arrière boutique sans même jeter un regard aux balais et aux différents matériaux qui attendaient patiemment de trouver acheteur. Il roula le vieux morceau de tissu moisis et poussiéreux qui servait de tapis laissant apparaître une trappe qui se découvrait doucement à nous.
- Qu'est-ce que…
- Pas le temps, me coupa t-il. Entre là-dedans.
Sans aucune douceur, il me poussa dans le trou. Si ma tête n'avait pas été vide de pensée par l'adrénaline qui coulait à flot dans mes veines et par la trouille qui me rongeait le ventre, j'aurais aisément pu imaginer toutes sortes de lieux qui m'attendaient là-bas dessous. Oui, beaucoup, beaucoup de lieux. Excepté celui-ci. Un large couloir illuminé étrangement semblable à ceux de Healthpotion s'étendait face à moi. Drago tomba souplement sur ses pieds à mes côtés et ne me laissa pas le temps de le questionner. Il traversa le couloir en quelques enjambées et nous débouchâmes dans une vaste pièce confortable. Aménagées avec de nombreux tables et fauteuils, je compris immédiatement face à l'insigne qui trônait fièrement sur le mur face à moi et aux expositions des balais de compétition les plus éblouissants que je me trouvais dans le prestigieux quartier général de Nimbus & Broom, une des compagnies de Malefoy. Doucement, je m'approchai d'un des balais. Je le reconnus immédiatement. Sa photo avait longuement fait la une de la Gazette, récemment. C'était le nouveau balai le plus puissant du monde. Pouvant atteindre la vitesse de deux cents trente kilomètres heure en trois secondes. Le joliment nommé Tornade Véloce. Je caressai d'une main légère et noire de suie le manche vernis et brillant du balai. Silencieux, Drago me regardait faire. Je me tournai finalement vers lui.
- Ce truc coûte une fortune. Je le dérobe et mes dettes sont effacées.
Il hocha la tête et le délogea de son socle.
- Qu'est-ce que tu fais ? M'indignai-je.
Il ébaucha son célèbre sourire.
- Je nous évite une mort imminente, Granger. Maintenant, fais-moi le plaisir d'enfourcher ce « truc qui coûte une fortune ».
- On ne peut pas transplaner ?
Il secoua la tête avec force.
- Je viens d'essayer. Il y a une sorte de barrière, de champ qui nous empêche tout transplanage.
Psycho-Matt avait pensé à tout. Je m'exécutai alors, refermant mes mains moites autour de Drago qui avait pris place devant moi avec assurance. Mon estomac se souleva une première fois et je fus prise d'une violente nausée.
- Prête ?
Je ne répondis pas immédiatement, tentant de calmer les soubresauts de mon ventre.
- Est-il vraiment utile que je précise que je déteste les balais volants et que j'ai le vertige ?
- Non. Ce n'est d'aucune utilité. Accroche-toi bien.
Il leva sa baguette vers le plafond et une brèche s'ouvrit, découvrant un ciel étoilé. Le balai s'envola perpendiculairement vers le ciel, accompagné de mon cri strident qui déchira le silence de la nuit.
Un froid mordant blessait la peau nue de mes bras. Je frissonnais autant de peur que de froid et me cantonnai autant que je le pouvais contre Malefoy. Je lui enserrais tellement fort la taille que je devais lui faire mal. Mais il ne se plaignit pas une fois. J'étais terrorisée. Les paupières closent avec force et le visage enfouit dans le dos de Drago, je n'osais plus bouger. La terreur rongeait mes entrailles, créant chaque seconde des nausées de plus en plus violentes. Je ne survivrais pas à ce vol de l'horreur. J'allais mourir. Comme ça. Aussi bêtement. J'allais tomber du balai le plus prodigieux du marché, faire une chute d'une centaine de mètres et m'écraser en sang sur les pavés de Londres. C'était tellement idiot. Et puisque j'allais mourir, autant éclairer certaine de mes interrogations. Sans même réfléchir –je n'en étais d'ailleurs plus vraiment capable depuis le feudeymon- j'hurlai un flot de parole dans le vent, même pas certaine que Drago m'entende.
- Tu sais, si je suis partie de chez Ginny, c'est parce qu'elle pensait qu'il se passait quelque chose entre toi et moi. Je ne pouvais pas concevoir que ma meilleure amie ose penser des horreurs pareilles. Comme si je pouvais faire à une autre femme ce que Ron m'avait fait ! Mais ses paroles m'ont longuement trottée dans la tête et je me suis demandée s'il était possible que je tombe amoureuse de toi. C'est trop idiot, n'est-ce pas ? Comme si toi et moi…Bref. Tu sais, j'ai revu Ginny aujourd'hui. Elle m'a dit un truc bizarre. Elle m'a dit…Tu flippes pas, hein ? Elle m'a dit que tu m'aimais. Toi. C'est drôle non ? Pourquoi les gens pensent que quelque chose pourrait se passer entre toi et moi ? Je veux dire c'est tellement improbable ! Tellement débile ! Enfin, tu vois, je suis moi et tu es toi et…
- Granger ?
- Oui ?
- Nous sommes arrivés.
Je remarquai alors que le fracassant bruit du vent dans mes oreilles avait cessé et que le balai n'était plus en mouvement. Mais depuis combien de temps ? Je détachai doucement mes doigts engourdis du corps de Drago et m'écartai lentement de lui. Immédiatement il sauta du balai et s'éloigna, me tournant le dos. Je reconnus tout de suite le lieu dans lequel il nous avait emmenés. Nous n'étions pas très loin, en réalité. Nous étions sur le toit de Gringott. Une vague d'anxiété parcourra mon corps tandis qu'un feu remontait dans mes joues. Je lâchai le balai qui s'écrasa en un bruit sourd sur la dalle de pierre.
- Pourquoi n'es-tu pas allé plus loin ? Demandai-je timidement.
Il ne se retourna pas et me répondit d'une voix neutre :
- Il y une sorte de bulle qui recouvre le Chemin de Traverse. On est coincé ici.
- Qu'est-ce qu'on fait, alors ?
- On attend.
Il joignit le geste à la parole et s'assit contre la balustrade. Dans un lourd silence, je repensais à tout ce que je venais de lui dire. Il m'avait entendu, c'était certain. Mais il ne réagissait pas. Il aurait du éclater de rire, hurler au monde entier à quel point je pouvais être idiote de croire que peut-être il avait une quelconque considération pour moi. Au lieu de ça, il se murait dans un silence chargé d'électricité. Pourquoi ?
Je m'approchai de lui et m'assis à ses côtés.
- Il s'est passé quelque chose au mariage de Ginny ? Y a-t-il un truc que j'ai manqué ?
Il tourna lentement sa tête vers moi et m'hypnotisa avec ses pupilles sombres.
- Pourquoi ? Articula t-il finalement.
- Je ne sais pas. J'ai l'impression que tout est parti de là.
Il détourna la tête et fixa longuement un point au loin avant de répondre.
- Tu as manqué bien plus qu'un truc, Granger.
Il n'ajouta rien d'autre, laissant cette phrase lourde de sens en suspens. Et puis je compris. Ginny avait raison. Drago avait raison. Tous avaient saisis bien avant moi. Pour une fois dans ma misérable vie, j'avais été reléguée au second plan, aveuglée par un amour faux et une vie défaillante. Emprisonnée par mes sentiments destructeurs, ma culpabilité et ma rage, j'avais inconsciemment quitté le monde dans lequel je vivais. Je pensais m'être réintégrée à l'issu de mon discours lors de l'anniversaire de la mort de Voldemort, mais je m'étais trompée. Je n'avais rien fait qu'une petite apparition. Un rapide aller-retour dans la réalité. Au fond, il ne m'avait pas fallu très longtemps pour tomber amoureuse de Drago Malefoy. Juste un macabre concours de circonstances, mené par un psychopathe qui ne souhaitait qu'une chose : me tuer. Nous tuer. Ca avait toujours été là. Dans les profondeurs de mon être. Dans les abimes de mon corps. Dans les abysses de mon cœur. Je n'avais juste jamais réalisé. Ca venait de me frapper. Tout à coup. Comme ça. C'était soudain, imprévu et à l'encontre de toutes les règles érigées jusqu'alors. Plus aucune logique n'apparaissait. Tout ce que je savais à présent avec exactitude était que ça avait toujours été lui. Depuis le premier jour où je l'avais revu. Depuis le mariage. Pourquoi ? Comment ? C'était un mystère. Ce n'était pas Ron, ni Miguel. C'était lui. Juste lui.
- Raconte-moi. Raconte-moi cette histoire qui s'est déroulée devant moi sans que je n'en comprenne un chapitre. Raconte-moi ces derniers mois, comme j'ai t'ai raconté mes sept années à Poudlard. N'omet rien. Parle-moi. Je ne jugerais pas. Parce que cette histoire c'est la tienne. C'est la mienne.
Il inspira profondément, le regard toujours rivé au loin.
- C'est trop tard maintenant. Regarde-nous. On est coincé là, sur un toit au milieu du Chemin de Traverse parce que Psycho-Matt s'apprête à nous réduire en charpie. Et je ne vais pas faire ça. Je ne vais pas tout te dire comme dans un vieux film romantique à l'eau de rose. La vie n'est pas une fiction, c'est une réalité. Même si nos rêves et nos fantasmes nous poussent parfois à croire le contraire. Alors je ne dirais rien, Hermione. Peut-être un jour tu connaitras cette histoire qui t'a échappée. Peut-être. Si je m'en sors. Sinon tans pis. La vie continue.
Il ne me regarda pas ne fois. Puis il se leva, s'approcha d'une démarche féline du balai laissé à terre et l'enfourcha. Pétrifiée par les paroles qu'il venait de me dire, je mis un certain temps à comprendre que nous repartions. A mon tour, je me redressai et me plaçai une nouvelle fois derrière lui. Doucement, je repassai mes bras autour de son corps. Son odeur musquée et légèrement citronnée me chatouilla les narines et je collai ma joue contre son dos.
- Où allons-nous ? M'enquis-je dans un murmure.
- Affronter Matthew Duncan.
Et sur ces paroles, il frappa brusquement son pied sur le sol et nous nous envolâmes vers notre destin. Tragique ou pas, seul Merlin connaissait l'issu de cette funeste aventure.
Les paupières fermement fermées, je tentai par tous les moyens possibles de calmer les battements de mon cœur. L'altitude, Drago, Psycho-Matt, ça faisait trop pour une seule et même personne. Je ne tiendrais pas le choc. Je ne passerais pas cette fichue nuit. Et comme à chaque fois que le stresse et l'angoisse devenait trop grand, je ne pus m'empêcher de briser le silence.
- Cette soirée est étrange. Psycho-Matt n'applique pas mon modus operandi habituel. On dirait qu'il tourne autour du pot. Qu'il contourne carrément la Terre. Je ne comprends pas. Pourquoi ne se contente t-il pas de nous démembrer avant de nous arracher le cœur ?
A ma plus grande surprise, Drago me répondit.
- Il atteint le haut de la pyramide. Il s'approche des gens qu'il tenait le plus à tuer. Notre mort sera plus longue, plus douloureuse. Nous n'avons même pas encore droit à l'apéritif. Il s'est contenté pour l'instant que de nous rappeler la date. Il ne joue même pas. Ce n'est même pas une mise en garde. Ce n'est rien. Rien du tout. La suite risque d'être un peu plus…intéressante.
Un long frisson contamina chaque cellule de mon corps. Il dut le sentir car il ajouta :
- Mais toi tu n'as pas de soucis à te faire. Tu es la dernière de la liste.
- Quelle chance, raillai-je.
Le reste du voyage se passa en silence. Toujours accrochée à Drago, je profitais du mieux que je le pouvais de ce dernier contact. Les paupières toujours closent, je sentis toutefois que l'air se faisait moins glacé et que nous perdions doucement de l'altitude. Le bout de mes chaussures effleura finalement les pavés du Chemin de Traverse et je me détachai de Drago à contre cœur. Nous avions atterri dans une de ces minuscules ruelles, presque invisibles lorsque les foules parcouraient le village en pleine journée. Malefoy cacha le balai derrière une gouttière et s'approcha dans un terrifiant silence du bout de la ruelle. Elle débouchait sur la cour principale du Chemin, abritant l'entrée du ministère et un monument rendant hommage aux héros décédés de la guerre. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que je doutais que Drago ne l'entende pas.
- Regarde ça ! Me murmura t-il.
Je m'approchai à mon tour et regardai dans la même direction que lui. Mes yeux s'écarquillèrent de surprise et je me retins de les frotter. Le ministère que nous avions quitté quelques temps plus tôt n'avait pas bougé. Il n'avait pas brûlé, comptait encore toutes ses pierres, n'avait pas suscité un attroupement curieux en son centre et la vitre brisée avait miraculeusement été rétablie.
- Tu ne trouves pas ça bizarre qu'il n'y ait…personne ? Demandai-je finalement dans un chuchotement.
Je vis l'ombre des sourcils de Drago se froncer. Je continuai, remarquant au fur et à mesure que je parlai les multiples incohérences qui nous entouraient.
- Et pourquoi il n'y a aucune lumières ? Les enseignes continuent toujours de briller en temps normal.
Les choses devenaient de plus en plus étranges. De plus en bizarres. Il y avait un truc qui clochait. Je le sentais. Et ce truc était là. Juste devant moi. Je me tournai vers Drago, inquiète. Son regard sombre m'indiqua immédiatement qu'il était dans le même état que moi. Puis il eut un sursaut, accompagné d'un drôle de hoquet. Les yeux grands ouverts et les lèvres frémissantes, il se laissa tomber sur les genoux, les mains plaquées contre son torse.
- Drago ?
Je me rapprochai précipitamment et m'agenouillai face à lui, dégageant ses mains. Une tâche sombre sur sa chemise s'élargissait à vue d'œil. Prise de panique, je plaquai à mon tour mes mains sur la plaie béante qui déchirait sa poitrine. Le sang chaud sous mes doigts me souleva le cœur et je retins ma respiration quelques secondes. Drago ne tint pas plus longtemps et s'écroula sur le sol.
- Non, non, non ! Relève-toi !
Ses yeux fatigués se fermèrent lentement et il poussa un râle douloureux. Je remontai mes mains sanglantes autour de son visage.
- Drago ? Non ! Ouvre les yeux ! Réveille-toi ! Ne me laisse pas toute seule ! Pas ici ! J'ai besoin de toi !
Il rouvrit faiblement les paupières et ébaucha un léger sourire avant de rester figé dans cette position. Mort. Ce fut comme si ma propre poitrine se déchirait pour laisser sortir la place qu'occupait Drago dans mon corps. Et je me sentis vide. Plus rien n'existait en moi. Une première larme coula le long de ma joue, rapidement suivie par des dizaines d'autres. Sous le choc, je ne pouvais plus bouger. Plus penser. Plus respirer. J'aurais voulu mourir à mon tour. Etre noyée dans mes larmes et mon chagrin. C'était trop stupide. Trop injuste. Trop rapide. C'était maintenant qu'il n'était plus là, que je me rendis compte à quel point il était devenu une personne indispensable à ma survie. D'une certaine façon, il m'avait sauvé. Sauvé d'une vie qui n'était pas la mienne, sauvé d'une dépression accablante. Il avait changé mon futur. Modifier mon destin. Et je lui en serais à jamais reconnaissante.
Les jambes tremblante, je me levai, tenant par un quelconque miracle debout. La vision du cadavre encore tiède de Drago sur les pavés me souleva une nouvelle fois le cœur et je me retournai, vomissant tous mes tripes et boyaux. Le visage trempé de sueur et de larmes, je me laissai tomber sur le sol, dos à ce corps qui abritait autrefois l'âme de celui dont j'étais malencontreusement tombée amoureuse. De violents sanglots bloquèrent ma gorge. J'étouffai. Suffoquai. L'air ne passait plus. J'allais mourir. Je voulais mourir. A quoi bon rester dans un monde où il n'était pas ?
- Hermione ?
Sa voix retentit à mes oreilles. Mon cerveau manquait cruellement d'oxygène. J'étais à présent sujette à des hallucinations. Ma vue se brouilla et je m'obligeai à prendre une grande inspiration. Je forçai le passage de l'air contre cette boule qui m'obstruait la gorge. Deux mains empoignèrent mes épaules et me remirent sur pied. Etaient-ce des anges ? La mort avait-elle finalement eu raison de moi ? C'était étrange. Je n'aurais jamais imaginé le paradis aussi sombre. En parlant de paradis, quelqu'un devait m'indiquer l'antre de Merlin. Depuis le temps. J'avais quelques réclamations à lui faire. Notamment sur l'aspect pourri de ma vie dont il m'avait largement pourvu. Il fallait que je lui explique que son partage était foireux. Et injuste. Il fallait que je lui dise que c'était mal de tout donner à certaines personnes et de ne rien donner aux autres. Il devait revoir la répartition de ses grâces.
Les mains m'avaient retournées et m'appuyaient contre une matière dure et chaude. Qu'était-ce ? Ce paradis était vraiment étrange. Difficilement, je rouvris les paupières, les cils collés par les larmes et la saleté. Je reconnus périlleusement l'endroit où je me trouvais. C'était la même ruelle. Je jetai un coup d'œil douloureux au cadavre de Drago. Ou du moins à l'endroit où il aurait du se trouver. Parce qu'il n'était plus là. Il avait disparu ainsi que le sang qui aurait du souiller les pavés inégaux de la rue. Puis je pris conscience que quelque chose me caressait les cheveux. Quelque chose de doux. De délicat. Et cette odeur… je la connaissais. J'en étais certaine. C'était celle de Drago. Il n'y avait aucun doute là dessus. Doucement, je m'écartai de l'étrange matière contre laquelle j'étais appuyée et croisai ces deux pupilles que je croyais mortes à jamais.
- Drago ? Articulai-je à mi-voix.
Il sourit largement et m'entoura de ses bras avant de me coller une nouvelle fois contre lui. Telle une poupée de chiffon, je me laissai faire. J'étais perdue. Prudemment, je me reculai une nouvelle fois et posai mes mains sur la chemise immaculée, cherchant une trace de ce qui s'était passé quelques minutes auparavant. Il ne bougea pas, me laissa faire, passant de temps en temps une main tendre dans mes cheveux puis le long de ma joue.
- Ta poitrine, murmurai-je la voix tremblante. Tu…tu es vivant.
Il fronça les sourcils et me demanda :
- Qu'est-ce tu as vu ? Que s'est-il passé ?
Je levai un regard douloureux vers son visage.
- Tu…tu étais là et puis d'un coup…ta chemise…et puis tu es tombé…du sang, il y avait du sang partout…sur mes mains et ton visage et ta chemise…et tu m'as souri. Puis c'était fini.
Il se pinça fortement les lèvres, se retourna et frappa férocement dans le mur de son poing. Comme un fou, il se retourna vers mon être tremblant, les yeux illuminé d'une lueur rageuse.
- Merde ! Il est bon ! Très bon ! Écoute-moi Hermione ! Regarde-moi ! Regarde-moi ! Il nous affaiblit ! Ce sont des visions ! Ce n'est pas la réalité. Il fait tomber toutes nos défenses une par une. Reste forte. Ne rentre pas dans son jeu. Il nous a projetés dans un monde imaginaire. Il faut que tu comprennes : rien de tout cela n'existe. Le feudeymon, la statue, notre mort, c'est faux. Du vent. Ca devient sérieux, Hermione. Il a commencé. La partie est lancée, le jeu en route.
La gorge sèche, je m'approchai de lui et me blottis dans ses bras.
- Pourquoi notre mort ?
Je l'entends soupirer.
- Moi aussi je t'ai vu.
Il hésita et lâcha très rapidement :
- C'étaient tes bras. Il les avait sectionnés. Il y avait du sang partout et tu hurlais et…
- Chut, le coupai-je. Ce n'est pas important. Le principal c'est que nous soyons en vie. Tous les deux. Pour le reste, on trouvera bien une solution.
Oui. Nous trouverions une solution. Ce n'était pas un espoir, un désir ou un projet. C'était une obligation, une exigence, une nécessité. Nous devions battre Matthew Duncan. Nous devions l'arrêter. Peut-être même le tuer. Nous nous devions juste d'être les plus rapides. Et pour l'heure, c'était plutôt mal parti.
Toujours contre Drago, le silence était devenu maître. Mon regard se baladait négligemment dans la ruelle jusqu'à ce que je les remarque. Je m'écartai vivement de lui, le cœur battant à une vitesse incroyable.
- Drago ! Les lumières ! Il y a des lumières !
Un large sourire étira ses lèvres lorsqu'il constata à son tour que nous étions de retour dans le vrai Chemin de Traverse. Quelques ombres passaient parfois devant les fenêtres illuminées et j'aperçus même au loin un vagabond.
- Nous ne sommes plus dans le monde imaginaire, pas vrai ? Continuai-je, pleine d'espoir.
Il récupéra rapidement son air sérieux. Ses sourcils se froncèrent et il me lâcha, s'approchant discrètement du bout de la ruelle.
- Tout me semble normal. Je pense qu'on est de retour dans la réalité. Mais il y a un truc…
- Qui ne va pas, terminai-je dans un souffle. C'est trop simple. Trop court. N'est-ce pas ? Pourquoi Psycho-Matt nous aurait-il retiré de son monde imaginaire ?
Drago se retourna vers moi et posa son regard sur moi. Il ne semblait pas vraiment me détailler. Ses yeux étaient vides et immobiles. Il paraissait juste réfléchir.
- Et s'il ne nous avait pas retiré ? Et si nous nous en étions sorti tous seuls ?
Je fronçai les sourcils. J'avais déjà lu des textes sur les mondes imaginaires mais c'était il y bien longtemps. A l'époque, j'étais encore trop naïve, même si des milliers de problèmes m'étaient déjà tombés dessus. Je n'aurais jamais pensé que je serais un jour plongée dans ces créations fictives. D'après mes vagues souvenirs, il était possible de sortir de soi-même d'un monde imaginaire. Il fallait juste…
- Prendre conscience !
Malefoy m'interrogea du regard et je développai, plutôt fière de moi.
- Pour sortir d'un monde imaginaire, il faut prendre conscience que ce qui nous entoure n'est pas réel. Seulement à ce moment-là, nous pouvons espérer retourner dans la réalité. C'est ce qui vient de nous arriver. Lorsque nous nous sommes rendu compte que nous ne vivions pas dans le réel. Comment aurions nous pu évoluer dans un monde que nous savions imaginaire ? C'est logique !
Drago esquissa un sourire moqueur.
- Miss-je-sais-tout le retour.
Je lui tirai la langue en guise de réponse.
- Quelle maturité !
Je ne répondis pas à sa pique. Une idée venait de germer dans ma tête.
- Drago ! Le transplanage ! Nous ne pouvions pas transplaner parce que nous ne vivions pas dans la réalité. Mais maintenant, on doit pouvoir !
Il haussa les épaules.
- Pour aller où ? Il veut me tuer, il me tuera.
Ignorant sa remarque dénuée de tout espoir, j'attrapai sa main et tentai un transplanage qui marcha. Je n'aurais jamais pensé être aussi heureuse de pouvoir me sentir compresser dans l'étroit tuyau noir. Cependant, l'endroit où nous atterrîmes ne ressemblait en rien à ce que j'avais imaginé. Drago se tourna vers moi, sceptique.
- Sérieusement, Granger ? Le seul endroit auquel tu penses alors qu'un tueur fou nous suit à la trace est…une bibliothèque ? Je te savais un peu folle mais là…
Piqué au vif, je lâchai hâtivement sa main et m'éloignai de lui.
- Je n'ai pas pensé une seule seconde à une bibliothèque, Malefoy. Je voulais nous emmener à Paris.
Il s'approcha d'une étagère et s'empara d'un livre. Il tourna rapidement une ou deux pages, le referma et le reposa à sa place.
- Et bien c'est raté. Ces livres sont en anglais. Mais tu devrais heureuse. Cet endroit est un paradis pour toi.
Je levai la tête tandis qu'un long frisson coula le long de mon échine. La bibliothèque était la plus lugubre que j'avais jamais vu. Ses étagères étaient immenses, atteignant facilement cinq mètres. Toutes remplies de livres, elles formaient un incroyable labyrinthe. Des couloirs et des couloirs d'étagères s'étalaient face à nous dans une lumière sombre et sinistre.
- Ce n'est pas vraiment le mot que j'emploierai. Cet endroit me file la chair de poule.
Je ne savais pas où nous avions encore atterri mais cela ne me disait rien qui vaille. Nous n'aurions peut-être pas du transplaner, finalement. J'avais la désagréable impression d'être une nouvelle fois tombée dans un piège de Psycho-Matt. Tels des marionnettes, nous nous laissions mener par cet être abject et sans cœur. Etait-ce un nouveau monde imaginaire ? Etait-ce une pièce réelle ? Je n'en avais aucune idée. Et visiblement, Malefoy non plus.
- Garde bien ta baguette, me chuchota t-il.
Le silence qui nous entourait était terrible. Tellement pesant qu'il m'empêchait de respirer correctement. Il semblait s'épaissir face à nos peurs, devenant de plus en plus lourd. Ne pouvant en supporter plus, je le brisai brutalement.
- Dis quelque chose !
- Qu'est-ce que tu veux que je dise ?
- J'en sais rien ! Quelque chose.
Il me transperça un court instant de ses yeux cendrés. Quelques secondes, à peine. Et pourtant je me sentais déjà mieux. Il avait cette incroyable emprise sur moi que je ne pouvais contrôler. C'était indescriptible. Comme si aucun danger ne pouvait m'atteindre du moment qu'il était avec moi. Comme si tout ce qui nous entourait n'était finalement pas si grave. Parce que nous étions tous les deux. Et parce que nos deux âmes réunies étaient invincibles.
Son expression changea subitement. Il tourna vivement la tête vers une étagère et fronça ses sourcils en aile de corbeau.
- Tu entends ? Chuchota t-il d'une voix qui trahissait l'éveil soudain de tous ses sens.
Je tendis l'oreille et perçus le bruit qu'il avait capté quelques secondes plus tôt. Ploc ploc ploc. Au milieu de ce silence accablant, ce léger bruit. Une succession infinie de clapotis qui inconsciemment déclenchèrent en moi une cascade de frissons. Malefoy amorçait déjà un pas en direction du son quand je lui saisis hâtivement la main et le tirai doucement vers moi.
- N'y va pas, le suppliai-je.
Il m'interrogea du regard. Je me mordis avec force la langue, retenant mes larmes.
- Je ne sais pas de qui il s'agit, mais il y a surement une nouvelle victime là-bas.
- Mais de quoi tu parles ?
Il secoua la tête, l'incompréhension se lisant sur son visage aux traits angéliques.
- Tu ne comprends pas, lâchai-je, dépitée. Qu'est-ce que tu t'attends à découvrir ? Une fuite dans un tuyau ? Psycho-Matt nous a trainés ici intentionnellement. Nous somme piégés. Encore. Et ce bruit, ce n'est surement pas de l'eau qui coule, Drago. Sens. Sens cette odeur qui plane. C'est l'odeur de la mort. La mort de cette pauvre victime et la notre qui ne tardera pas à venir.
- La mienne, rectifia t-il avec un léger sourire. Toi, il te reste encore quelques jours. Tu devrais partir, Hermione. Ne reste pas là. Sauve-toi. Je suis certain qu'il te laissera partir. Fuis. Loin. Très loin. Oublis cette nuit d'horreur qui n'est censée être que la mienne. Tu ne t'es pas demandée une seule fois pourquoi Psycho-Matt mettait autant de cœur à nous faire peur ? Tout cela est pour toi. Il veut que tu partes. Il tente désespérément de te faire dégager. Ce n'est pas ton tour. Pas encore, du moins. Laisse-moi. Va-t'en. Il te reste encore du temps pour essayer de sauver ta vie. Pour moi, il est trop tard.
Un violent sanglot obstrua ma gorge, empêchant tous mots de passer. Qu'aurais-je pu répondre de toute façon ? Il abandonnait. Et malgré toute la colère et le désespoir qui serrait avec force chaque organe de mon corps, je savais qu'il avait raison. Il était trop tard. Je laissai alors mon regard se perdre dans les profondeurs de ses pupilles de glace. L'ambiance autrefois palpable était devenue plus légère. La fin était proche.
Au fond, tout était éphémère. La vie n'était qu'une succession d'instants, tous plus courts les uns que les autres. Parfois heureux, tantôt funestes. Des instants qui se transformaient rapidement en souvenirs dont les contours s'estompaient avec le temps. Dont les détails se faisaient de moins en moins nombreux. Oui, tout était éphémère. La vie, le temps, l'amour. C'était trop court. Tellement bref et fugace que ça en devenait douloureux. Finalement, la vie n'était que torture. A peine effleurions nous notre but du bout des doigts qu'il s'éloignait un peu plus, nous observant narquoisement de son nouveau poste. C'était tellement injuste. Notre existence se résumait-elle à ça, finalement ? Ces étroits liens qui nous permettaient de rester en vie n'étaient-ils bâtis que par nos moments heureux ? Je n'en avais pas connu beaucoup pourtant. Du moins jusqu'à ce que je rencontre Drago. Malgré l'incroyable histoire qui nous liait, je n'avais jamais été plus vivante qu'avec lui à mes côtés. Et le destin voulait que je m'en rende compte le jour où sa vie se terminait.
Je glissai mes mains derrière sa nuque et me hissai sur la pointe des pieds, nichant ma tête au creux de son cou. Il referma ses bras autour de ma taille.
- Je ne veux pas tu meurs, Drago, soufflai-je d'une voix tellement basse que je doutai qu'il m'ait entendu.
Il desserra son étreinte et remonta ses mains autour de mon visage, me forçant à le regarder. Le feu contre la glace.
- Tu es tellement stupide, Hermione.
- Je sais, confessai-je dans un murmure.
Il étira un léger sourire et continua :
- Tu n'as rien compris, pas vrai ?
Je secouai la tête, les larmes au bord des yeux.
- C'est ta dernière chance pour m'expliquer, risquai-je.
Son sourire ne le quitta pas et il se contenta de m'embrasser le front. Je fermai les yeux sous ce contact qui plomba mon corps tout entier. Je rompis tout contact avec lui et m'hasardai à demander, déçue :
- Tu n'as rien de mieux ?
Son sourire tendre se transforma en son habituel rictus qui réchauffa mon cœur glacé. Félin, il s'approcha de moi et glissa furtivement une main dans mon dos tandis que l'autre se promena le long de ma nuque. Et sans prévenir, il posa ses lèvres sur les miennes. Un intense courant électrique me traversa. Malgré la douleur que me procura cet étrange phénomène, je ne pus me contraindre à me séparer de Drago. De sa bouche qui caressait avec délectation la mienne, de ses dents qui mordillaient légèrement mes lèvres, du bout de sa langue, espiègle, qui chatouillait nonchalamment la mienne. Comment avais-je pu manquer ça tout ce temps ? L'ambiance autour de nous devint plus lourde. Notre baiser se fit plus précipité. Plus bestiale. Plus sauvage. Il descendit une main sur mes fesses, l'autre toujours accrochée à ma nuque. Instinctivement, j'entourai ses hanches de mes jambes et nous restâmes ainsi de longues minutes. Le temps semblait s'être suspendu. Juste pour nous. Seulement maintenant. Pour que nous profitions une dernière fois l'un de l'autre. Nous ne fîmes pas l'amour, cette nuit là. Mais c'était comme si. Notre baiser fut si intense et passionné que je n'en oublierais jamais le goût.
Je dus cependant redescendre. Et notre étreinte s'arrêta comme elle avait commencé. J'avais étrangement mal partout et chaque muscle de mon corps semblait inapte à répondre aux exigences de mon cerveau. J'étais une poupée de chiffon dans les bras de Drago. Il nous laissa glisser sur le sol dur et glacé de la bibliothèque, mon corps à moitié couché sur le sien.
« Une âme sœur peut mettre un certain temps à reconnaître sa moitié. Des millénaires nous séparent de la légende et notre esprit peut s'être assoupi. Cependant, il est tout à fait possible qu'un élément déclencheur unisse à jamais deux âmes sœur. Prenons comme exemple un baiser incongru ».
Je relevai vivement la tête. Ces phrases…je les avais lues en découvrant l'existence des âmes sœurs. Etait-il possible que…
- Drago ?
Je tournai la tête dans sa direction. Les yeux fermés et le visage détendu, personne n'aurait pu imaginer à cet instant précis que son bourreau l'attendait, à quelques pas d'ici.
- Hmmm ?
- Tu as déjà…lu dans mes pensées ?
Ma question ne le laissa visiblement pas de marbre. Il rouvrit immédiatement les yeux et me détailla longuement. Il soupira puis céda :
- Une fois. C'était quand on était à Sainte Mangouste, après que nous nous étions hurlé dessus. Tu t'étais blessée, tu te souviens ? Weasley était arrivé alors que patientons. C'était très bref. Très bas. Mais j'ai entendu ton appel au secours.
Je restai silencieuse quelques minutes, assimilant sa confession. Je me souvenais très bien de ce jour là. La venue de Ron m'avait chamboulée et Drago m'avait sans doute évité une énorme erreur en m'empêchant de prendre sa main.
C'était clair, à présent. Je ne pus empêcher un sourire de prendre possession de mes lèvres.
- Je suis tellement stupide.
- Je sais.
J'hésitai à lui poser la question qui me brulait les lèvres. Je connaissais déjà la réponse. Je me lançai tout de même.
- Depuis combien de temps ? Depuis quand sais-tu ?
Il ébaucha un sourire.
- Tu te souviens au mariage ? La première fois que nous nous sommes vus ? Tu étais accroupi au milieu du couloir et je cherchai Maëlla. Je t'ai aidé à te relever. Ca m'a frappé subitement lorsque ma main a touché la tienne. Et puis ça ne m'a plus quitté.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Demandai-je dans un souffle.
Il lâcha un ricanement.
- Tu m'aurais cru ? Je te rappelle que tu étais transie d'amour pour Weasley.
J'ajoutai rien et posai ma tête sur sa poitrine. Nous ne restâmes pourtant pas longtemps dans cette position. Drago me poussa et se leva. Je l'imitai, interrogatrice.
- Qu'est-ce qu'on fait ?
Il se tourna vers moi, le visage froid et figé dans une impassibilité déconcertante.
- On ne fait rien. Toi tu t'en vas.
Ses paroles m'anéantirent. Je ne pouvais plus partir après ce qu'il venait de se passer. C'était lui et moi contre le monde. Rien d'autre.
- Mais…
- Tu ne comprends pas ce que je te dis ? Va t'en. Dégage. Transplane loin d'ici.
Il était tellement froid et semblait tellement sincère que j'eus du mal à garder mon sang froid. Je savais qu'il bluffait. Je savais que son attitude et ses mots n'étaient là que pour me dissuader de rester. Et ça ne marcherait pas. Il ne se débarrasserait pas comme ça de moi.
- Non.
Ma réponse avait été sèche. Déterminée. Il haussa un sourcil.
- Non ? Répéta t-il en s'avançant d'une démarche souple vers moi.
- Non. Je ne partirais pas sans toi.
Il esquissa un sourire dénué de tout amusement.
- Dans tous les cas possibles, tu partiras sans moi, Granger. L'issue de cette journée ne changera pas, quoi que tu fasses. Tu as le choix, alors choisis la bonne opportunité. Pars. Maintenant.
Il me poussa légèrement vers l'arrière et je revins à ma place, mes pupilles férocement plantées dans les siennes. Il soupira.
- Qu'est-ce que tu veux ? Tu veux me voir mourir sous tes yeux ? Tu veux voir mon corps se faire déchiqueté et mutilé par ce fou ? C'est ça que tu veux ? Si c'est vraiment ce que tu recherches alors je t'en prie, fais toi plaisir. Dans le cas contraire, casse-toi.
Il avait raison. Il avait entièrement raison. Mais pouvais-je réellement partir sans me retourner ? En étais-je capable ? Me certifiait-il que la culpabilité ne me rongerait pas ?
- Pars, Hermione. Je suis assez grand pour me débrouiller tout seul.
Ses derniers mots résonnaient comme une plainte à mes oreilles. Une supplique, un dernier vœu. Et si c'était ce qu'il voulait vraiment, alors je respecterais sa volonté. Quitte à me haïr par la suite. Du moment que lui ne me haïssait pas.
- D'accord, soufflai-je finalement.
Mon cœur se déchira sous cette abdication. C'était maintenant. C'était la fin. La fin d'une vie, la fin d'une relation plus qu'éphémère. C'en était ridicule. J'en aurais ri si j'avais pu émettre un son. C'était maintenant que nous étions censés nous dire adieu. Mais ni lui ni moi ne bougeâmes. Comment dire adieu à quelqu'un sans qui la vie n'a plus aucun sens ? Alors nous n'avions rien dit. Il s'est juste retourné et a disparu derrière une étagère, sans un dernier regard.
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