Chapitre 19
Des heures. Ça faisait des heures que je cherchais en vain une quelconque piste pouvant me mener à la destruction de Matthew Duncan. Mais à vrai dire, il n'y avait plus rien à chercher. Tout avait été trouvé, décortiqué, examiné avec soin et minutie. Et maintenant il ne restait que des morceaux, des débris à recoller entre eux afin de résoudre le puzzle. Afin d'éclaircir cette histoire. Et de préférence avant une nouvelle victime. Je me laissai tomber sur un vieux fauteuil poussiéreux des archives. Tout était sombre et silencieux. C'était comme si j'étais enfermée dans une bulle, dans un cocon où rien ne pourrait jamais m'arriver. Extenuée, j'appuyai ma tête contre le dossier et fermai les yeux. Quelle heure pouvait-il bien être ? Avait-on passé minuit ? Nous restait-il à présent vingt quatre heures pour résoudre l'affaire Psycho-Matt avant que Drago ne passe définitivement sous sa baguette ? En parlant de Drago, il semblait bien qu'il m'avait posé un lapin. Avec un soupir, je rouvris les yeux, relevai la tête et me hissai difficilement sur mes jambes. Lentement, je me dirigeai vers la sortie, marquée par une porte et suivit par l'habituel escalier en colimaçon. Alors que je posai mon pied sur la première marche, un étrange grincement retentit au dessus de ma tête. Je m'immobilisai et attendis, à deux doigt d'extirper ma baguette de ma poche. Mais rien. Seul le silence répondit à ma question muette. Je posai un second pied sur la marche suivante et le bruit retentit une nouvelle fois. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et je sortis d'un geste vif et agile ma baguette de sa cachette. Je la pointai devant moi, tel un bouclier et continuai doucement mon ascension. Le bruit ne se manifesta plus. J'arrivai finalement en haut des escaliers sans encombre et déboulai discrètement dans l'atrium. Tout était vide et silencieux. Les vitres me permettaient de constater que dehors, la nuit était plus noire et sombre que jamais. Sur la pointe des pieds et le cœur en feu, je traversai le hall désert et alors que j'arrivais à l'angle d'un mur, une poigne féroce se posa sur mon épaule. Psycho-Matt était là. Derrière moi. Je le sentais. A deux doigts de la crise cardiaque, je me retournai en balançant mes bras vers mon ravisseur. Je le touchai d'un coup de poing particulièrement bien placé. Un gémissement s'échappa de sa bouche et il marmonna, le visage dans les mains :
- Mais t'es complètement folle ma parole ! Tu m'as défiguré !
J'abaissai immédiatement ma baguette lorsque je reconnus la voix familière. Malefoy se redressa, une tâche plus foncée colorant une partie de sa joue. Je soufflai de soulagement et laissai échapper un rire nerveux.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, ronchonna t-il. Ca ressemble à quoi ?
Il tourna sa joue blessée dans ma direction et je fis une moue mi désolée mi embarrassée. Je pointai alors le bout de ma baguette sur le visage abîmé et fit disparaitre le tout d'un sort basic.
- C'est de ta faute aussi…Me défendis-je évasivement.
Il ne riposta pas et se frotta discrètement la joue. Je levai les yeux au ciel.
- Mais oui Malefoy, tu es beau et ton visage parfait n'a pas bougé d'un poil.
Il esquissa son sourire en coin dont lui seul avait le secret.
- Je suis beau ?
Je sentis immédiatement mes joues chauffer. Finalement l'obscurité de l'atrium était une aubaine.
- Ca ne date pas d'hier. Tu ne vas pas faire l'innocent tout de même. Sorcière magazine a du t'élire une dizaine de fois Mister sorcier.
Il balaya ma réplique d'un vague geste de la main.
- Je sais ça. Mais je ne pensais pas que tu me trouvais beau. Redis-le encore une fois, c'est bon pour mon égo.
Je poussai un soupir exaspéré.
- N'abuse pas des bonnes choses. Ton égo est déjà assez colossal pour en rajouter. Et qu'est-ce que tu fabriques ici aussi tard ?
Il haussa les sourcils.
- Je t'avais dit que je te retrouverais, non ?
Je ne répondis pas et il enchaina :
- Tu as trouvé quelque chose ?
Je secouai la tête, dépitée.
- Il n'y a plus rien à trouver. Je crois que seuls nos cerveaux nous sont utiles à ce stade.
Il réfléchit quelques instants et lâcha alors :
- Il faut que nos cerveaux soient le plus en forme possible, alors. Je t'emmène manger. Il faut être dans des conditions optimales pour résoudre le problème PM.
Mon rythme cardiaque s'accéléra. Moi ? Manger seule avec Drago ? Nous étions déjà partis en Alaska tous les deux, mais cette fois-ci sonnait plus comme un rencart. Confuse, je tentais de bafouiller une excuse :
- Mais…
- Ce n'était pas une question, m'informa t-il tout en se dirigeant vers la sortie.
Je trottinais pour le rattraper et arrivée à sa hauteur utilisai ma dernière arme :
- Et comment veux-tu trouver un restaurant ouvert à…
Je jetai un coup d'œil sur la grosse horloge au dessus de la grande porte d'entrée.
- A minuit et demi ?
Il se tourna vers moi, me tenant la porte ouverte et avec un sourire qui déversa en moi une cascade de frisson et éluda :
- Qui parle de manger dans un restaurant ?
Je lui lançai un regard douteux et avec un petit rire il m'entraina loin du ministère.
C'est dans un lourd silence qu'il introduisit la clé dans la serrure et qu'il ouvrit la porte de son appartement. Tout était silencieux autour de nous et d'un vague geste du bras, il m'invita à entrer. Mes chats étaient là, se frottant inlassablement à mes jambes sous l'œil visiblement amusé de mon acolyte. Après de nombreuses caresses, je me redressai, les cheveux ébouriffés et des mèches devant les yeux. Je me recoiffai rapidement et demandai en chuchotant :
- Maëlla n'est pas là ?
Il me répondit sur le même ton :
- Non. Elle est chez Ginny. C'est plus sur qu'elle y reste les quarante huit prochaines heures.
J'hochai doucement la tête. C'était compréhensible après tout. Dans quarante huit heures nous saurons. Dans quarante huit petites heures, tout serait terminé.
Il me traina à travers un long couloir bordé de nombreuses portes qui débouchait sur une vaste cuisine. Je ne pus m'empêcher de pousser un sifflement d'admiration. Elle était à la fois moderne, sobre et inspirait un certain respect.
- Elle te plait ? Me demanda Malefoy en se dirigeant d'un pas nonchalant vers le frigo.
- Sachant qu'elle fait à elle seule la taille de mon appartement, elle ne peut que me plaire.
Je m'assis sur un tabouret face à un comptoir et observai minutieusement ses faits et gestes. D'un coup de baguette, il avait ordonné à quelques pommes de terre de s'auto-éplucher tandis qu'il mettait à chauffer un poêle. Je calai ma tête dans ma main et lâchai en ne quittant pas ses mains des yeux :
- Je ne peux pas croire que tu saches cuisiner.
Il s'interrompit, releva la tête dans ma direction et ébaucha son célèbre sourire en coin.
- Je sais tout faire.
- Tout ? Insistai-je en haussant un sourcil.
- Tout, répéta t-il.
Je secouai la tête, amusée.
- J'aimerais bien voir ça, le narguai-je.
Il ne répondit rien et fit tomber les morceaux de pomme de terre dans la poêle fumante avant de s'attaquer à des filets de poulets qui subirent le même sort que les patates. Il baissa l'intensité du feu et couvrit son plat. Finalement, il se tourna vers moi et s'assit sur le tabouret face au mien. Il croisa délicatement ses mains sur le bar et plongea avec une intensité déconcertante ses yeux dans les miens. Je sentis mon cœur s'emballer et le rouge me monter aux joues. Mes mains devinrent moites et une étrange chaleur me monta du fond des entrailles. Je détestais quand il faisait ça. C'était injuste. De la triche pure et dure. Comment pouvais-je rivaliser face à des pupilles pareilles ? Je tentai tant bien que mal de supporter la pression qu'exerçait son regard sur moi et ne baissai pas les yeux.
- Arrête, grommelai-je.
Avec un ricanement presque inaudible, il détourna les yeux. Je soupirai discrètement de soulagement. Merlin, si Psycho-Matt ne me tuait pas, Drago Malefoy le ferait.
- Allez. Défie-moi de trouver une chose que je ne sais pas faire.
Je secouai la tête de gauche à droite.
- Hors de question. Si tu sais tout faire, je ne vois pas pourquoi je trouverais quelque chose que tu ne peux pas exécuter avec brio, raillai-je.
Il leva les mains en signe de paix
- D'accord, d'accord. Il y a peut-être bien un ou deux trucs que je ne peux pas faire.
Je fis mine de réfléchir et lâchai finalement :
- Très bien. Le ménage ?
Il leva sa baguette. Je me frappai mentalement la tête. C'était un sorcier. Il pouvait tout faire. Il pouvait réparer, nettoyer, modifier, transformer, ordonner et j'en passe. Il sourit face à mon agacement.
- Ca va, je me rends. Tu sais tout faire.
Il arqua un sourcil.
- Tu abandonnes déjà, Granger ? Pour une gryf…
- Du cheval ! M'écriai-je. Je parie que tu ne sais pas faire de l'équitation.
Il prit son temps avant de finalement répondre :
- J'habitais dans un manoir. Avec un gigantesque parc bien sur des…écuries.
Je soupirai, déçue. Il se leva, me tourna le dos et secoua énergiquement sa poêle. Je sautai à mon tour du tabouret et m'approchai doucement de lui. Il lança par-dessus son épaule :
- Autre chose ?
- Oui, soufflai-je tout près de son oreille.
Il sursauta et se retourna vivement vers moi. Visiblement il ne m'avait pas entendu. Je laissai échapper un ricanement.
- Je t'écoute, dit-il ne croisant les bras sur sa poitrine.
- Je pense que…Tu ne sais pas…
Vite. Il fallait que je trouve quelque chose. Je devais trouver un truc que la plupart des hommes ne savaient pas faire. Je me remémorai rapidement ce que Ron ne pouvait accomplir et m'exclamai peut-être un peu trop triomphalement :
- Danser !
Je sus immédiatement face à l'air réjoui qu'il afficha que je m'étais une nouvelle fois trompée. Et que je venais aussi de me fourrer dans un nouveau pétrin.
- Tu penses vraiment que je ne sais pas danser ? Me demanda t-il un sourire malfaisant sur les lèvres.
D'un geste de la baguette, il permit à une musique qui m'était vaguement familière de s'élever dans la pièce. Avec une courbette ridicule, il me tendit sa main. Je me reculai de trois pas et croisai les bras sur ma poitrine.
- Surement pas.
Il se redressa sans perdre son sourire.
- Pourquoi pas ?
J'hésitai quelques secondes et marmonnai finalement :
- Je ne sais pas danser.
Il s'esclaffa.
- Pourtant j'étais sur de t'avoir vu te trémousser au milieu de la cuisine avec Ginny.
J'ouvris la bouche, prête à protester et la refermai à court d'arguments.
- C'est…C'est différent, bafouillai-je finalement. Je ne sais pas danser sur ça.
Je fis un vague geste du bras. Il s'avança vers moi d'une démarche féline et souffla :
- Je peux t'apprendre.
Je secouai la tête de manière négative, regrettant déjà les évènements à venir et lui tendis ma main. Drago étira un sourire victorieux et s'en empara, m'amenant au centre de la cuisine. Il glissa sa seconde main le long de mes hanches et s'arrêta au creux de mes reins. Ma peau me brulait déjà sous ce léger contact et je déglutis difficilement. A mon tour, je posai ma main libre sur son épaule et d'une pression sur mon dos, il rapprocha nos deux corps. L'atmosphère se chargea d'une lourde chaleur et d'électricité. Je ne savais pas tout ce que cela signifiait. J'étais perdue. Perdue par mes différentes réactions, perdue par le comportement de Malefoy, perdue par cette proximité qui me mettait mal à l'aise. Lentement nous commençâmes à tournoyer. Je le laissai faire, me contentant de suivre ses mouvements. Alors que nous corps se mouvaient silencieusement au rythme des accords flottant dans l'air, je me détendis. C'était agréable. Léger. Doux. Drago dut me sentir moins crispée car il accéléra la danse. Ses pas se firent plus précis. Plus techniques. Plus rapides. Je ne savais pas ce que c'était. Impossible de déterminer si c'était une valse, de la salsa ou un tango. Peut-être un mélange de tout ça. Il écarta sa main de mes hanches et me fit tournoyer rapidement. Alors que je sentais l'équilibre prêt à me quitter, il me ramena d'une pression vers lui et nous retrouvâmes notre position initiale. Peut-être étions-nous encore plus proche. Je n'en savais rien. J'étais incapable d'exprimer toute pensée sensée. Ne restait dans mon esprit que ces pupilles si particulières, si envoutante. Je ne pouvais décrocher mon regard du sien. Quelque chose de spécial nous liait. Quelque chose que je ne pouvais expliquer. C'était unique. Etrange. Effrayant. Je fus presque déçue lorsqu'il me fit tourner une seconde fois. Le contact avait été rompu. Et avant que je ne puisse revenir vers lui, il glissa rapidement une main derrière mon dos et me fit basculer en arrière alors que la musique prenait fin. Il était proche de moi. Très proche. Je sentais son souffle sur ma peau brulante. Toute personne spectatrice de cette étrange scène aurait aisément pu constater que cette proximité n'était pas innocente. Après quelques secondes bercées par un silence entrecoupé par nos respirations hachées, je murmurai :
- Ton plat…Va…Bruler.
Il me releva doucement, me lâcha et sans un mot retourna vers sa poêle. Il éteignit le feu, fit apparaître une assiette et y versa le contenu de la casserole. Il la posa devant moi sans un regard et l'accompagna d'une fourchette et d'un couteau.
- Bon appétit, lâcha t-il du bout des lèvres d'une voix glacée.
Je ne comprenais pas ce soudain changement d'humeur. Je n'avais rien fait pour une fois. Rien, absolument rien n'expliquait ce revirement de situation.
- Tu ne manges pas ? M'enquis-je doucement.
Il reprit place face à moi.
- Je n'ai pas faim.
- Je croyais que nous devions mettre nos cerveaux dans une situation optimale ?
Le regard qu'il me lança me dissuada de toute nouvelle question. Je piquai sans grande conviction ma fourchette dans un bout de pomme de terre, le portai à ma bouche puis le mâchouillai lentement. C'était très bon. Mais son attitude m'avait coupé toute faim. Je reposai mes couverts et repoussai mon assiette vers le centre de la table.
- Ce n'est pas bon ? S'enquit-il sans émotion particulière.
- Si. C'est très bon. Mais je crois que je vais partir. Ca ne sert à rien que je reste ici, à subir tes sautes d'humeurs, rétorquai-je sèchement.
A peine ces dernières paroles prononcées, je me levai et me dirigeai vers à la sortie. Il ne mit pas longtemps à me rattraper. Alors que j'approchai dangereusement de la porte d'entrée, il glissa furtivement sa main dans la mienne et me força à me retourner.
- Désolé. Reste, s'il te plait.
Je le fusillai du regard quelques secondes puis retirai ma main de la sienne.
- Très bien.
Et sans un regard, je me dirigeai vers le salon et me laissai tomber sur un des canapés. Il ne me suivit pas immédiatement, se contentant de me fixer avec un petit sourire.
- Bon, tu t'amènes ? On a un tueur à arrêter, grinçai-je.
Il leva les yeux au ciel et me rejoignit, les mains dans les poches.
Merlin, qu'avais-je fait pour avoir un traitement de faveur ? Je n'avais jamais été si bien depuis des lustres ! La température ? Parfaite. Le confort ? Parfait. Mon humeur ? On ne pouvait meilleure. Je sais. J'étais au paradis. Ca me revenait, maintenant. Je me souviens avoir vu Psycho-Matt entrer par la fenêtre de mon minuscule appartement, un sourire démoniaque découvrant ses canines. Vodka avait poussé un terrible miaulement et puis le rayon vert m'avait touché en plein cœur. Ca avait été rapide, indolore, je n'aurais pu rêver mieux. Et…Un minute ! Mes chats n'étaient plus dans mon appartement. Ils étaient chez Maëlla et Malefoy et Duncan ne tuait ni rapidement ni sans douleur. C'était trop beau. Trop idyllique. C'était…Imaginaire ? Dans un noir total, je remuai mes doigts puis mes jambes. Tout semblait en marche. Vivant. Lentement, je pris conscience qu'un poids appuyait sur ma hanche droite. Quelque chose me chatouillai le cou aussi. Et mes mains étaient prisonnières d'un étrange étau. Je bâtis des paupières mais la trop forte lumière m'aveugla et je fus contrainte de les refermer. Doucement, je retentai l'expérience. Petit à petit, mes yeux s'habituèrent à l'intense luminosité et je discernai un piano et une moquette claire qui n'appartenaient décidemment pas à mon appartement. Je devais encore rêver. C'était étrange. J'avais pourtant l'impression d'être de retour dans la réalité. Avec un bâillement, je me retournai, dégageant mes mains de cet étau qui m'encombrait. L'objet n'opposa pas de résistance et je pivotai sur ma hanche droite. Le poids se déplaça sur la gauche et quelque chose de doux caressa la peau de mon cou. Surement un des chatons. Les paupières à nouveau closent, je me préparai pour un retour dans les bras de Morphée mais aux portes du pays des rêves, un mouvement contre moi me sortit de mon inconscience. J'ouvris une nouvelle fois les yeux et ne rencontrai que deux pupilles d'un gris très clair, virant sur le bleu. Je mis quelques secondes à réaliser qu'elles appartenaient à Malefoy, ainsi que le bras sur ma hanche et la tête autrefois nichée au creux de mon cou. Tous deux restâmes une dizaine de secondes supplémentaire à se fixer, pétrifiés. Et soudain, tout s'accéléra. Il se redressa tandis que je me levai du canapé en manquant de me casser la figure. Il tenta de rattacher tant bien que mal les premiers boutons de sa chemise qui avaient sautés pendant son sommeil tandis que je passai une main précipitée dans mes cheveux, essayant de les coiffer du mieux que je le pouvais. J'attrapai mon manteau posé non loin de là et l'enfilai à toute vitesse, me dirigeant déjà vers la porte.
- Je…je vais y aller. J'ai plein de chose à faire et…
Je tournai sur moi-même, cherchant un quelconque objet pouvant m'indiquant l'heure. Malefoy, comprenant mon manège, jeta un coup d'œil à sa montre et blêmit soudainement.
- Quoi ? M'inquiétai-je.
- Il est quatre heures. De l'après-midi.
Mon cœur se comprima, comme si l'étau qui l'emprisonnait depuis déjà quelques semaines s'était resserré d'un cran. Il nous restait huit heures avant que Psycho-Matt n'applique une nouvelle fois son macabre plan.
- Oh merde.
- Je n'aurais pas dit mieux.
Seize heures. Comment étions nous arrivés là ? J'avais le vague souvenir que nous avions passé de longues heures à essayer en vain d'établir un plan pour empêcher Matthew Duncan de tuer Drago. Je supposais que nous nous étions finalement endormis. C'était terrible. Un vrai cauchemar. PM frapperait dans moins de huit heures. Huit heures. Alors que nous recherchions un moyen de l'arrêter depuis des semaines. La solution était loin d'être miracle et je doutai fort qu'elle m'apparaisse subitement. Merlin me détestait bien trop pour ça. Le corps vide et le cœur lourd, j'attrapai mon sac et me dirigeai d'un pas las vers la sortie.
- On se retrouve au ministère ? M'enquis-je doucement.
Drago, silencieux depuis déjà quelques minutes se contenta d'hocher la tête, encore plus pâle que la mort.
J'avais la main sur la poignée lorsqu'il m'interpela :
- Hermione, attends.
Essayant tant bien que mal de retenir mes larmes de désespoir, je me retournai. Il me détailla quelques secondes, hésitant, puis secoua la tête.
- Non rien. A tout à l'heure.
Trop fatiguée, je ne cherchai même pas en savoir plus. Sans un mot, je me retournai et sortis pour de bon de l'appartement.
La solution ne tomberait pas du ciel. Et Malefoy ne pouvait pas mourir. Parce que…parce que c'était comme ça. Je ne concevais pas le monde sorcier sans Drago Malefoy. Il était une figure bien trop emblématique de la société pour disparaître. Ou peut-être était-il une figure emblématique bien trop importante dans mon cœur. Je n'en savais rien. Me manquerait-il ? Sans doute. Peut-être pas. Surement. Non, je ne pense pas. Alors qu'est-ce tout cela signifiait ? Il était inutile de nier que ces derniers temps, notre relation avait changé. En bien ? En mal ? Je ne savais pas. Je ne savais plus. Je crois qu'il m'appréciait. Je pense même qu'il m'aimait bien. Moi aussi, je l'aimais bien. Il y avait ce…ce quelque chose d'indéfinissable. C'était étrange. C'était comme si nous formions une sorte de symbiose malsaine. Je ne sais pas. Je crois qu'il ressentait cette étrange sensation, lui aussi. Il avait plusieurs fois eu d'étrange comportement. Comme ce jour où nous avions failli nous embrasser ou encore lorsque nous dansions. De toute façon, cette conversation mentale ne servait à rien. Drago était Malefoy. Et il avait Maëlla. Moi je n'étais qu'Hermione Granger et…j'étais toute seule. Mais peu importait. Si nous ne nous bougions pas un peu, il n'y aurait bientôt ni Malefoy, ni Granger, ni même Potter. Alors trêve. Je devais chasser ces pensées absurdes de mon esprit et me focaliser sur mon but premier : trouver une solution pour empêcher Psycho-Matt de faire couler à nouveau du sang.
- Hermione ?
Je fis brusquement volte face. Ginny se trouvait là, devant moi, les mains encombrées de sac à l'effigie de marques bien trop chères pour moi.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
Ma réponse fusa d'un coup. Je n'eus même pas le temps de modérer mes mots :
- J'étais chez Drago.
Elle me fixa quelques secondes puis lâcha :
- Un café, ça te dit ?
Et à ma propre surprise, j'hochai la tête de haut en bas.
16h34
Cela faisait déjà quelques minutes que nous étions attablées silencieusement face à nos cafés fumants. Et ce silence m'oppressait la poitrine. Je ne pouvais pas. Je n'avais pas le temps de rester là, sans rien faire, à culpabiliser pour un acte que je n'avais pas commis face au regard menaçant de ma soit disant meilleure amie. Je me raclai doucement la gorge et demandai :
- Alors ? Qu'est-ce que tu fais par ici, sur Upper Street ?
- Des achats.
- Oh, c'est bien.
Le silence devint plus lourd, plus pesant, se répercutant dans ma poitrine oppressée.
- Maëlla est chez moi.
- Je sais. Elle va bien ?
- Elle essaye.
Je jetai un coup d'œil à la pendule du Chaudron Baveur. 16h38.
- Tu es pressée ?
Oui.
- Pas trop.
Ginny attrapa sa tasse entre ses mains, la porta à ses lèvres et la reposa sur la table grasse avec un soupir.
- Ecoute, Hermione, je voulais m'excuser pour…l'autre jour.
Je chassai sa réplique d'une main mais elle continua :
- Je sais parfaitement que tu n'oserais jamais rien faire avec un homme pas libre et je ne sais pas ce qu'il m'a pris de penser que…
- C'est bon, Gin'.
Les joues légèrement rosie, elle se tut et plongea le nez dans son café. Ginny, la terrible menteuse par excellence. Je soupirai et demandai, une pointe d'inquiétude dans la voix.
- On dirait vraiment que nous sommes… ?
La rouquine poussa un soupir de soulagement.
- Comme Poudlard au milieu de son parc.
Sa réponse m'en boucha un coin. Je ne m'étais rendue compte de rien. L'idée que nous pouvions passer pour deux jeunes gens passionnés ne m'avait même pas effleuré l'esprit.
- Tu l'aimes ?
Ma réponse fusa immédiatement :
- Non ! M'insurgeai-je. Je…je l'apprécie. Rien de plus.
- Lui t'aime, continua t-elle comme si je n'avais pas répondu.
Ma tasse de café explosa d'elle-même, éclaboussant Ginny et moi de café encore chaud. Elle eut un sursaut et pesta à voix basse tout en éliminant la boisson brunâtre de son chemisier à l'aide de sa baguette. Moi je ne bougeai pas. Figée par l'horreur de ses dernières paroles prononcées. La rouquine dut se rendre compte de mon mutisme car elle arrêta ses ronchonnements et posa sa main sur la mienne.
- Hermione...
Je relevai des yeux troubles vers elle.
- Je ne…je ne crois pas, Ginny.
Elle étira un petit sourire compatissant.
- A quand remonte la première fois que vous vous êtes vu ? Après Poudlard, j'entends.
Je fronçai les sourcils, ne voyant pas bien où elle voulait en venir.
- Ton mariage, je crois.
Elle eut un hochement de tête semblable à ceux que les psys réalisaient face une confession importante de leurs patients.
- Pourquoi ? Lui demandai-je, redoutant dors et déjà la réponse.
- Pour rien, éluda t-elle.
Elle se leva rapidement, balança quelques pièces sur la table et s'empara de tous ses sacs.
- Je dois y aller.
Elle tourna les talons avec un petit sourire et un signe de la main. Alors qu'elle s'apprêtait à disparaître de mon champ de vision, elle lança sans se retourner :
- Ah oui ! Passe à la maison, Harry veut te voir.
Et elle disparut pour de bon. Elle était lâche. Ce qu'elle venait de faire était interdit. Injuste. Contraire à tous règlements. Elle n'avait pas le droit de me balancer ça et disparaître comme si de rien n'était. Qu'étais-je censée faire ? Etait-ce au moins vrai ? Avait-elle au moins des preuves de ce qu'elle avançait ? Et quel était le rapport avec le mariage ? Je n'aurais jamais du accepter ce café. C'était idiot, stupide et visiblement inutile. Malefoy. Drago. Drago. Malefoy. J'avais la terrible impression de n'avoir que ce nom dans ma tête. C'était comme s'il n'existait plus, à la fin. Comme s'il n'était que sujet de mon invention. Plus rien ne semblait réel autour de moi. La tête en feu, je me levai à mon tour et le liquide encore tiède qui coula le long de mes jambe me rappela mon état peu présentable. Je fis tout disparaître d'un coup de baguette et sortis à mon tour du bar.
Je toquai avec empressement à la porte du manoir Potter. Elle mit un certain temps à s'ouvrir sur Harry. Je ne le saluai pas et m'engouffrai dans la modeste demeure.
- L'heure, Harry ! Il est quelle heure ?
Il me fixa, surpris, les sourcils perdus dans ses cheveux en bataille. Lentement, il mena son poignet au niveau de ses yeux.
- Dix sept heures, articula t-il doucement, surement inquiet à propos de ma santé mentale.
-Pile ?
- Dix sept heures et trois minutes, en réalité.
Je poussai un grognement et l'embrassa rapidement sur la joue.
- Salut, Harry.
- Tu vas bien ? Si je ne te connaissais pas, je pourrais aisément croire que tu es atteinte…
- Oui, oui, le rassurai-je. Tu voulais me voir ?
Je me dirigeai déjà vers le grand salon et me laissai tomber sur un des canapés. Il m'imita.
- Je voulais te parler de l'affaire Matthew Duncan.
Je pinçai les lèvres. Miguel n'avait tout de même pas balancé le morceau ? Si ce n'était pas le cas, alors Harry n'avait surement plus rien à m'apprendre que je ne savais déjà. Je fis tout de même mine de m'intéresser à ses propos.
- Tu as trouvé des informations ?
Il se laissa tomber contre le dossier du canapé et ferma un court instant les yeux. Je remarquai alors pour la première fois à quel point son visage avait changé. Ses yeux étaient éteints, lourds et dépossédés de cet éclat si caractéristique qui illuminait en permanence ses pupilles d'émeraude. Ses joues étaient creuses, son teint blafard et de larges cernes soulignaient ses yeux, donnant à son visage une apparence émaciée. Je pris alors conscience que dans cette course contre la mort, Harry était aussi engagé que Drago ou moi. Il ne connaissait juste pas la date de son échéance. Concevoir qu'Harry pouvait un jour mourir, et bien plus tôt que je n'aurais jamais pu l'imaginer, me plomba le cœur d'un poids supplémentaire. Il avait survécu à Voldemort, le plus grand mage, le plus grand sorcier noir de tous les temps. Ce n'était pas un petit amateur de rien du tout assoiffé de vengeance comme PM qui allait l'arrêter. Je glissai ma main dans la sienne et la serrai d'une petite pression. Il sourit tristement et me confia :
- Non. Il n'y a rien. J'ai mis mes meilleurs aurors sur le coup mais ils n'ont rien trouvé. Juste quelques broutilles inintéressantes.
Je me mordis la lèvre inférieure. Il avait le droit de savoir. Je devais lui dire. Je me raclai doucement la gorge et me lançai :
- Harry…il faut que je te dise… je…je suis allée voir Naomi Adams à Azkaban.
Il fronça les sourcils.
- La maîtresse ?
J'hochai piteusement la tête.
- Et ?
Je lui reportai alors toutes les informations que j'avais récoltées jusqu'alors, en n'omettant aucun détail. Il ne m'interrompit pas une seule fois, se contentant d'écouter très attentivement tout ce que je voulais bien lui confier. Il semblait prendre note, enregistrer au plus profond de son esprit chaque mot que je prononçais. Et il n'ouvrit finalement la bouche que lorsqu'il fut sur que j'avais terminé ma longue tirade.
- Et je suppose que Naomi Adams avait vingt deux ans le jour du drame, n'est- ce pas ? Ca expliquerait tout.
J'hochai doucement la tête, attendant qu'il explose de colère par la suite. Il en avait le droit, après tout. Je lui avais menti, m'étais servi de ses aurors, m'étais introduite sans permission dans un lieu dangereux et avais consulté tout au long de cette enquête des dossiers extrêmement confidentiels et privés. Mais il n'en fit rien. Son visage ne se crispa même pas un peu. Au contraire, il ébaucha un sourire sincère et souffla, presque impressionné :
- Je crois que tu as raté ta vocation Hermione, tu aurais du faire auror ! Tu es bien plus douée que toute mon équipe réunie.
Je lâchai un rire nerveux.
- Tu ne m'en veux pas, alors ?
Il soupira avec exagération.
- J'ai fais bien pire tout au long de notre scolarité et tu m'as toujours soutenu. Ce n'est pas ça qui va me mettre en rogne. Il y a bien pire…
Subitement, son visage se ferma et je compris son allusion à la prochaine attaque de Psycho-Matt le lendemain. Je jetai un coup d'œil à la montre d'Harry. Dix huit heures. Dans six heures, exactement.
- Harry ! Tu n'aurais pas…
Maëlla s'arrêta net en m'apercevant au côté de l'interpelé. Figée dans une posture gracieuse par la surprise, elle se remit rapidement en mouvement. Elle s'approcha de moi, son parfum fruité chatouillant mes narines et me salua rapidement.
- Je n'aurais pas ? Reprit Harry, attendant la suite de sa question qui tarda à venir.
- Vu Ginny, souffla t-elle finalement en ne me quittant pas des yeux.
Son regard était inhabituel. Il n'était plus remplit de cette innocence qui la caractérisait si bien. Non. Seule l'inquiétude subsistait à présent dans cet océan émeraude. Je l'interrogeai rapidement du regard.
- Non, elle est partie faire des achats.
Je ne crois même pas qu'elle écouta la réponse d'Harry et enchaina directement :
- Drago n'est pas avec toi ? Demanda t-elle à demi-voix.
- Non. Il est au ministère. Je dois l'y retrouvé tout à l'heure.
- Mais il est seul ? Insista t-elle.
J'hésitai quelques secondes puis hochai la tête.
- Enfin, je pense.
Blondie se mordilla la lèvre inférieure, visiblement terrifiée à l'idée que son fiancé soit seul. Je ne pus m'empêcher de la plaindre. Elle aussi devait être morte de trouille. Elle aussi pouvait perdre quelqu'un qui était cher à son cœur.
- Je vais le rejoindre tout de suite, si ça te rassure, proposai-je rapidement.
Elle me détailla subtilement une poignée de seconde puis acquiesça doucement avant de quitter la pièce, ses cheveux blond voletant légèrement derrière elle.
Je me levai à mon tour, embrassai Harry et disparu avec unplop caractéristique du parc des Potter.
L'atrium du ministre grouillait de sorciers plus ou moins pressés. Les plus chanceux terminaient leur travail et rentraient chez eux, heureux de retrouver leur famille. D'autres baillaient en pénétrant dans les ascenseurs. Tous étaient humains. Tous étaient pareils. Il n'y avait que moi qui étais différente. Je pensai avec amertume que j'étais sans aucun doute l'unique individu dans cette vaste pièce à avoir un tueur fou à ses trousses. Certaines têtes m'étaient familières mais impossible de leur remettre un nom. Je me contentai alors de les ignorer et de suivre mon chemin en direction des archives.
- Hermione ?
Je me retournai à l'annonce de mon prénom. Je mis quelques secondes à reconnaître l'homme roux aux lunettes qui me faisait face.
- Harold ?
Il s'avança vers moi, un sourire ému sur les lèvres et posa ses mains sur chacune de mes épaules avant de m'embrasser bruyamment chaque joue.
- Que fais-tu par ici ? Encore un discours émouvant à faire ?
Il appuya sa question d'un clin d'œil malicieux auquel je répondis par un sourire.
- Non. Pas aujourd'hui. Je vais juste faire des recherches.
Son air redevint grave.
- J'ai lu dans la Gazette que Psycho-Matt en avait après toi. Est-ce vrai ?
J'hésitai à lui avouer la vérité puis hochai finalement la tête. Il me regarda fixement puis souffla, mes épaules toujours emprisonnées dans ses mains.
- Je ne sais pas quoi dire.
Je lui souris tristement.
- Il n'y a rien à dire.
Nous restâmes silencieux quelques secondes supplémentaires puis il dégaina soudainement sa baguette d'un geste vif.
- Je ne sais pas quoi dire mais je peux toujours arranger ton affreuse coupe.
- Ma coupe n'est pas affreuse ! M'insurgeai-je, faussement indignée.
Il pouffa et pointa le bout de bois sur ma tête. En une rapide formule dont je ne retins pas le nom, je sentis mes cheveux devenir plus légers. Je remerciai Harold d'un regard et m'excusai. Je devais partir au plus vite si je voulais avoir une chance d'arrêter Psycho-Matt. Par habitude, j'attachai mes cheveux transformés en une matière étrangement douce en un chignon bâclé et pénétrai dans cette pièce sombre qui m'était si familière à présent. Au bruit de mes pas, seul le silence lui répondit. Etais-je encore la première ?
- Drago ? Murmurai-je tout de même avec espoir.
Mon cœur battait avec une telle vivacité dans ma poitrine que je ne compris pas immédiatement la source de comportement. J'avais envi de le voir. J'avais envi qu'il me réponde qu'il était là. Parce que je ne voulais pas être seule. Pas encore.
- Ici.
La voix s'éleva du fond de la pièce et me déclencha un sentiment de bonheur que je n'avais pas éprouvé depuis un moment. Je me dirigeai vers la source du bruit et le trouvai là, assis par terre entre des centaines de coupures de journal. Je m'installai à ses côtés et attrapai un des morceaux de papier.
Harry Potter, notre bonne étoile.
Ce 3 juin 1992, le sorcier le plus populaire de notre monde magique aurait affronté une nouvelle fois le spectre de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. D'après une source sure, il se serait introduit avec ses amis, Ronald Weasley et Hermione Granger dans un des endroits les plus surs et inatteignables de Poudlard dans le but d'empêcher le professeur Quirrell, alors possédé par l'âme du mage noir, de s'emparer d'un objet dont nous ne connaissons hélas pas la forme. Les trois élèves auraient affrontés un chien à trois têtes puis…
Je suspendis ma lecture et relevai un regard interrogateur en direction de Malefoy. Il m'ignora et continua sa propre lecture. Je posai alors l'article et en saisis un nouveau.
Poudlard, le lieu d'une malédiction ?
Encore une année riche en émotion pour les élèves de Poudlard. Après une série pétrifications mystérieuses dont Hermione Granger fut victime, on raconte que la jeune Ginny Weasley aurait échappée de peu à la mort et ce grâce au désormais incontournable Harry Potter. La rumeur dit qu'un basilic était emprisonné depuis des siècles entre les murs de pierre de l'école. Fiction ? Réalité ? Personne n'est vraiment certain de ce qui se passe à Poudlard mais une chose est sure : Tout est possible.
Je reposai l'article et en tirai un nouveau avec des gestes frénétiques. Plongée malgré moi dans un passé qui avait sans aucun doute déterminé ma vie future, je n'arrivais pas à m'en extraire.
L'héritier Malefoy attaqué entre les murs de Poudlard.
C'est en effet ce que prétend Lucius Malefoy, personnage très influent de notre société magique. Il nous a confié à l'issu d'une interview exclusive que les protections de Poudlard s'effritent et que le personnel enseignant se fait de moins en moins compétant. Et il n'aurait pas tord au vu des récents évènements : son fils unique, Drago Malefoy, se serait férocement fait attaqué par un hippogriffe. Il aurait perdu l'usage de son bras et…
J'ébauchai un sourire. Toute cette histoire nous avait menés dans un beau pétrin. Qui n'avait jamais rêvé de retourner dans le passé pour en modifier le futur ? Mon amusement n'échappa pas à Drago qui se pencha pour voir le titre de l'article. Il sourit à son tour.
- Et dire que cette bestiole n'a pas été abattue. Elle le méritait amplement.
Indignée, je lui donnais un coup de coude. Il s'esclaffa.
- C'était de l'humour, Granger. J'étais un peu crétin à l'époque.
- Un peu ? Grinçai-je entre mes dents.
Ignorant ma remarque, il continua :
- Tu te rappelles ? C'est cette même année où…
- Où je t'ai donné le plus beau coup de poing de toute ton existence. Oh oui, je m'en rappelle. C'était tellement…
- Douloureux.
- Jouissif, terminai-je avec un sourire.
Il marmonna quelques mots incompréhensibles et s'empara d'un nouvel article. Je l'imitai.
Harry Potter, un imposteur !
Toute la communauté sorcière attend avec impatience le populaire tournoi des trois sorciers qui, comme son nom l'indique, met en compétition trois sorciers de différentes écoles qui doivent s'affronter dans diverses épreuves plus ou moins difficiles. Cependant, encore une fois, rien ne se passe comme prévu. En ce 31 octobre 1994, la coupe de feu n'a pas sélectionné trois élèves mais quatre ! Harry Potter a ainsi fait son entrée dans le tournoi alors qu'il ne possède même pas l'âge requis ! Serait-ce de la triche de la part du sorcier le plus connu ? La coupe se serait-elle trompée ? Personne ne le sait réellement mais Dumbledore continue de nier en bloc la culpabilité de son protégé. La Gazette est sur l'affaire et est bien déterminée à lever le voile sur la vérité.
Mon cœur se serra au souvenir de cette année difficile. Surement l'une des plus dures que nous avions passées. Ron et Harry s'étaient brouillés durant un bon moment et j'avais longuement été partagée entre mes deux meilleurs amis. Et puis j'avais rencontré Victor Krum. Mon premier petit ami. J'avais aussi fait taire cette sale vipère de Skeeter, cette année là. Je souris à l'évocation de ce moment particulièrement plaisant. Voir cette vermine enfermée dans un bocal était d'un bonheur ! Et puis il y avait eu la dernière épreuve. La mort de Cédric Diggory et le retour de Voldemort. Harry avait failli y rester ce jour là. Bien plus que les autres fois. Ron et moi n'avions pas été là, mais le Harry que nous avions retrouvé après cet évènement bouleversant n'avait plus jamais été le même. Je reposai doucement la coupure sur les lattes de bois poussiéreuses qui composaient le sol et en attrapa une nouvelle.
Dumbledore et Potter : Ensemble contre la communauté sorcière
C'est après un discours douteux sur la mort de Cedric Diggory que le monde sorcier a commencé à s'inquiéter de la santé mentale d'Albus Dumbledore, le directeur de Poudlard. En effet, il affirmait que l'élève fut assassiné par la main d'On-Sait-Qui. Or, tout le monde sait bien que le mage noir a disparu, treize ans plus tôt. Potter ne cesse d'encourager son professeur et de soutenir cette thèse farfelue. Il n'est peut-être pas le héros qu'on s'imaginait tous mais un mythomane en manque de popularité…
Je n'achevai pas ma lecture et lâchai le parchemin, dégoutée. Cette période aussi avait compliquée. Harry n'avait plus d'amis et tout le château nous regardait de haut. Harry était passé du survivant héroïque au menteur chouchouté. Un an plus tard, toute la communauté sorcière découvrait la supercherie du ministère et portait à nouveau Harry en héros alors qu'il était mort de chagrin suite à la perte de Sirius. Et les choses ne s'étaient pas arrangées. Au contraire. L'année qui suivit, Dumbledore révélait à Harry l'existence des Horcruxes. Nous avions tous pris conscience que la guerre approchait à grand pas et qu'il y aurait forcément un camp perdant. Forcément des morts. Et le premier décès qui toucha tous les sorciers fut sans aucun doute celui de Dumbledore. Les yeux embués par tous ces vieux souvenirs, je jetai un regard douloureux en direction de Malefoy. Celui-ci avait les yeux rivés sur un article mais l'absence de mobilité de ses pupilles me fit comprendre qu'il était, lui aussi, perdu dans ses pensées. Je me penchai à mon tour sur son article et lut le titre : « Albus Dumbledore tué par une armée de Mangemort entrée miraculeusement dans Poudlard ».Doucement, je glissai mes doigts sur le papier et le lui enlevai des mains.
- Pourquoi es-tu revenu sur le passé ? Ca ne sert à rien. Le passé est douloureux, composé de nos erreurs. A tous, dis-je d'une voix douce.
Il tourna ses yeux d'acier dans ma direction et lâcha sur le même ton :
- Je n'ai plus de futur, Hermione. Et je donnerais n'importe quoi pour changer le passé. Pour réparer toutes les fautes graves que j'ai commises. J'ai privé le monde sorcier d'un Allié de taille dans la bataille contre Voldemort. Par ma faute vous auriez tous pu y rester. Toi, Harry,…
- Non. Ce n'est pas de ta faute. Tu as juste accéléré le processus. Rien de plus. Dumbledore était condamné, avec ou sans ton intervention.
Il me fixa un long moment, essayant de comprendre mes paroles qui n'avaient sans doute aucun sens pour lui.
- Tu es Hermione Granger. Raconte-moi. Dis-moi tous ces secrets enfouis que le commun des sorciers n'ose même pas imaginer. Explique moi cette drôle de vie que vous avez menée, toi Potter et Weasley. Vous m'avez toujours fasciné. Tellement soudés, tellement accrochés aux ennuis. Je risque de vivre ma dernière nuit. Autant la rendre utile. Autant l'enrichir et l'utiliser pour trouver toutes les réponses aux nombreuses questions qui emplissent mon esprit depuis des années. Eclaire-moi. Révèle-moi enfin cette vérité si bien cachée.
Même si je l'avais voulu, je n'aurais jamais pu refuser sa requête. Parce que son regard agissait tel un raz de marré dans mon corps. Dans mon cœur. Alors, en me replongeant au plus profond de ses sept années magiques, je dévoilais mon histoire, notre histoire, à cet homme qui autrefois fut mon ennemi.
- D'accord. Je vais tout te raconter. A une condition : tu ne me couperas pas. Tu écouteras tout en silence. Cette histoire, c'est la mienne, c'est celle d'Harry, celle de Ron, celle de Dumbledore, celle de Luna, Ginny et même Neville. C'est celle de Lupin, Sirius et Hagrid. C'est l'histoire de tous ceux qui ont croisé nos chemins. Cette histoire ne doit subir aucune critique. Aucun jugement. Parce que c'est l'histoire de ma vie, de notre vie. Tu vas apprendre beaucoup de choses dont tu ne soupçonnais même pas l'existence. Parce que cette histoire renferme des secrets bien gardés que je n'ai encore jamais dévoilés à personne. Alors ouvre grand tes oreilles et profite. Cette histoire, elle commence comme toutes les autres. Par il était une fois…
-…et puis il est parti. Nous ne savions pas qu'il se rendait. Qu'il avait décidé de se sacrifier pour sauver le monde. Je ne l'ai plus revu jusqu'à ce que j'aperçoive Hagrid avec son cadavre, suivi par une armée de mangemorts riant aux éclats, précédé par Voldemort, fier de lui. La suite, tu la connais. Harry s'est réveillé et il mené un ultime combat contre le maître des ténèbres qui a trépassé.
Il se contenta d'hocher la tête, en silence. Il avait tenu sa promesse. Il n'avait rien dit. Pas un mot, pas un rire, pas une remarque. Il s'était contenté d'écouter avec beaucoup d'intérêt ce que je voulais bien lui dire. J'avais vu à travers ses yeux que, parfois, mon récit le touchait. Ses yeux s'étaient illuminés de surprise lorsque je lui avais révélé que j'étais retourné dans le passé en troisième année. Puis, ils s'étaient assombris à l'évocation des horcruxes et de notre quête dans tout le Royaume-Uni. Je n'avais rien omis. De notre rencontre dans le train lors de notre première année à la mort de Voldemort. Je me rendis compte que des goutes de sueur perlaient le long de mon front et je les séchai d'une main avant d'enlever mon pull.
- Onze ans. Ca fait onze ans que je vous connais et je ne vous ai pas compris. Vous n'étiez pas uniquement les trois gryffondors barbants et courageux. Vous étiez bien plus que ça. Que vous est-il arrivé ? Comment êtes-vous tombé si bas, ensuite ?
J'haussai les épaules.
- La vie, sans doute.
Je remarquai que Drago aussi semblait avoir chaud. Il retira à son tour son pull et remonta les manches de la chemise qu'il portait en dessous. Tout mon corps bouillait d'un brasier incontrôlable. Une chaleur étouffante avait commencé à emplir la salle des archives.
- Il est quelle heure ? Demandai-je en secouant mon tee-shirt, espérant faire ainsi un peu d'air. La réponse tomba comme un poids dans ma poitrine.
- Minuit.
Il enchaina comme si la nouvelle journée qui commençait n'était pas sa dernière :
- Il fait beaucoup trop chaud. Ce n'est pas normal.
Il se leva difficilement et j'en fis de même avant de le suivre jusqu'à la sortie. Il ouvrit la porte et la referma dans un claquement brutal qui me fit sursauter. Rapidement, il se tourna vers moi, le regard vif.
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Demandai-je le souffle rendu court par la trop forte chaleur.
- C'est un retour dans le passé.
- Quoi ? Répétai-je.
- Feudeymon. Maintenant, cours.
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