Chapitre 18
J'avais sans aucun doute passé la pire nuit de mon existence. Bordée de cauchemars en tout genre, mettant en scène un espagnol psychopathe blond, je n'avais cessé de me réveiller en sursaut, tâtant d'une main paniquée ma table de nuit pour m'emparer de ma baguette et illuminer d'un vif lumos toute la pièce. Et puis, quand je constatai que seule ma respiration agitée troublait le silence nocturne, je me recouchais, fébrile et trempée de sueur. Mon retour dans l'appartement n'avait peut-être pas été une si bonne idée en fin de compte. Mais je n'avais pas le choix. Je ne pouvais décemment pas cohabiter une minute de plus avec les Potter. Il m'était impossible de supporter le regard accusateur de ma prétendue meilleure amie. C'était trop dur. Trop exaspérant. Juste trop.
Attablée devant mon café fumant, la tête posée au creux de ma main droite, je n'avais même plus la force de tourner ma cuillère dans le breuvage sombre. Etrangement, le soleil brillait en cette matinée et les rayons s'aventuraient jusqu'à mon nez, éblouissant mes yeux lourds de sommeil. Je ne cherchais pas à me cacher de cette source de lumière chaleureuse et réconfortante. Sa présence sur ma peau était agréable.
Mais cette apparente tranquillité n'était qu'éphémère et superficielle. Mes pensées se tournaient déjà vers le triste destin qui semblait tous nous attendre avec un sourire maléfique. Il restait deux jours. Deux minuscules journées avant que Matthew Duncan ne frappe une nouvelle fois. Il me restait deux jours pour dénouer les nombreux nœuds qui formaient le dangereux problème de Psycho-Matt. C'était trop court. Beaucoup trop court. Je n'étais même pas certaine d'aller à la rencontre de Naomi Adams après la façon dont j'avais congédié Miguel. Je lâchai finalement ma cuillère, ramenai mon second coude sur la table, joignis mes mains en coupe et y calai ma tête pesante. Alors que mes yeux se fermaient tous seuls, quelques légers coups retentirent contre ma porte. Je sursautai, le cœur pompant avec plus d'entrain qu'il ne le fallait mon sang. Je me hissai sur mes jambes tremblantes et me dirigeai avec de petits pas prudents vers la porte.
- Qui est-ce ? Demandai-je finalement, l'oreille collée au bois froid.
Un soupir se fit entendre puis une voix que je connaissais bien suivit :
- Le grand méchant loup.
Tout en levant les yeux au ciel, j'ouvris la porte et me retrouvai face à un Harry visiblement de mauvais poil. Je resserrai discrètement ma robe de chambre autour de mon corps à moitié nu. Il me poussa légèrement et pénétra dans l'appartement avec un plissement de nez. Je refermai délicatement la porte et me retournai vers mon visiteur. Les bras croisés sur sa poitrine et les sourcils froncés, il me détaillait sévèrement.
- Alors ? Est-ce que je pourrais savoir ce que tu fabriques ?
Je tordis ma bouche en un rictus agacé. Je ne pouvais pas croire que Miguel avait vendu la mèche. Ce n'était qu'un lâche. Et sa vengeance face à notre fin de rendez-vous d'hier soir était que minable. Je croisai à mon tour les bras sur la poitrine.
- Rien. Absolument rien.
- Tu te fous de moi ? Je ne rigole pas avec ça, Hermione. C'est dangereux.
Je soupirai bruyamment dans le but de lui faire comprendre mon ennui profond face à ses propos moraux qui étaient purement inutiles et agaçants.
- Ce n'est pas si dangereux, grommelai-je tout en dessinant de petits cercles avec mon pied.
- Ce n'est pas si dangereux, dit-elle ! Ironisa Harry en levant les bras au ciel. Ma parole tu es vraiment suicidaire !
Mon sang commençait à bouillonner sous ma peau tandis qu'une étrange pression remontait dans ma poitrine.
- Je suis sure que tu exagères ! M'énervai-je. C'est protégé, tout de même !
- Protégé ? Ce taudis ?
Il tourna sur lui-même tout en désignant d'un vague geste du bras mon studio.
- Ce n'est pas un tau…Attends. Tu parles de quoi ?
- Tu as quitté la maison ! Bon sang, je n'en reviens pas ! Et en plus tu fais comme si de rien n'était ! C'est incroyable. Tout simplement incroyable.
Il se laissa tomber sur mon minuscule fauteuil et je me mordis la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire. Alors Miguel n'avait rien dit. Il n'était pas au courant pour Azkaban. Merlin j'avais eu chaud. Très chaud.
- Alors ? S'impatienta t-il. Tu m'expliques ce soudain élan de folie ?
Je soupirai et m'asseyant sur une chaise face à lui.
- Je ne pouvais pas rester, Harry.
- Mais pourquoi ? Explosa t-il. Tu t'es engueulée avec Ginny, c'est ça ? Elle n'a rien voulu me dire non plus. Franchement, je ne vous comprendrais jamais, les femmes…
- Elle est persuadée qu'il se passe quelque chose entre Malefoy et moi.
Je me plaquai une main sur la bouche, les yeux exorbités. Je ne pouvais pas croire que j'avais dit ça à voix haute devant Harry. Le flot de paroles s'était échappé de mes lèvres sans que je ne puisse l'arrêter d'une quelconque façon. Un lourd silence s'installa rapidement. Je pus aisément admirer les différentes expressions qui traversaient le visage de mon interlocuteur. D'abord la surprise, puis l'incompréhension et finalement le retour à la colère. Je retrouvais le temps de quelques secondes le Harry perdu et innocent de Poudlard.
- Et c'est vrai ? Finit-il par demander d'une voix rendue rauque par le choc.
- Non, bien sur que non ! M'indignai-je. Mais enfin, qu'est-ce que vous avez tous avec ça ? Drago et moi et même toi, avons un tueur fou aux trousses. Tu crois vraiment que les préférences de mon cœur m'importent en ce moment ?
Il ôta ses lunettes et se frotta allègrement l'arrête du nez.
- Je ne sais plus rien, Hermione. Mais je t'en pris, oublie tout ça et reviens vivre à la maison. Je…Je ne suis pas rassuré de te savoir ici, seule.
J'ébauchai un léger sourire. Harry Potter l'ami était de retour. Ça faisait bien longtemps que je l'avais perdu. Je pris sa main dans la mienne et la serrai fort.
- Je ne peux pas. Mais ne t'inquiète pas. Tout ira bien pour moi. Pour nous.
Il pressa à son tour ma main et souffla, fatigué :
- J'espère.
Je refermai doucement la porte sur Harry après lui avoir promis un bon nombre de fois que tout irait bien et que je l'appelais au moindre problème. Mon café à présent froid m'attendait toujours sur la minuscule table de ma cuisinette. Je m'en emparais avec un soupir et le vidait dans l'évier.
Une vingtaine de minutes plus tard, je sortais de ma salle de bain exiguë, les cheveux dégoulinants et le visage toujours fatigué. Je remarquai rapidement que quelques nuages voilaient le ciel bleu et qu'un point marron semblait grossir à vue d'œil. Je distinguai alors un hibou qui volait en ma direction et ouvris la fenêtre. Il pénétra dans mon appartement, lâcha la lettre qu'il tenait dans son bec et repartit comme il était venu. En voila un qui était pressé ! Je m'emparai du morceau de papier et le décachetai sans cacher ma curiosité. L'écriture qui s'étalait sur le parchemin m'était inconnue. A la fin de ma lecture, je savais trois choses : le nom de mon correspondant, j'étais déjà en retard et la journée qui s'annonçait allait être particulièrement intéressante.
Je le repérais de loin. Son imposante carrure, sa peau mate et ses cheveux foncés ne laissaient aucune place au doute. Le cœur gonflé d'embarras, je m'approchai tout de même de lui la tête haute. Je m'attendais à un accueil glacé mais la réalité fut tout le contraire. Un large sourire lumineux étira ses lèvres et son incontestable beauté m'éblouit un court instant.
- Salut, soufflai-je finalement.
- Hermione ! Tu es venue.
Miguel s'empara de ma main et se contenta de me demander si j'étais prête. J'hochai vigoureusement la tête, remplie d'impatience et d'appréhension. La désagréable sensation habituelle accompagnant un transplanage se fit ressentir et je fermai les yeux, attendant que la classique nausée disparaisse. Je rouvris doucement les paupières. Tout était silencieux autour de nous, à l'exception des vagues qui tapaient avec force les énormes rochers formant l'ile d'Azkaban. Le ciel au dessus de nos têtes était particulièrement sombre et menaçant. Mais le plus impressionnant restait cette gigantesque tour, interminable, toute de noir bâtie et dont quelques cris effroyables s'en échappaient. Un frisson courut le long de mon dos et je l'ignorais en me redressant. Je n'avais jamais mis les pieds à Azkaban. Je m'étais toujours contentée d'imaginer cette terrible prison à travers mes nombreuses lectures et les rares photos qui paraissaient dans la Gazette au temps de la guerre. Et ce que j'avais devant les yeux était bien pire que tout ce j'aurais pu concevoir.
- Première fois ? Devina Miguel, qui à mes côté n'avait pas bougé, semblant attendre que je m'acclimate à cet environnement glaciale.
- Première fois, répétai-je le souffle court.
Ma main toujours dans la sienne, il m'entraina vers l'entrée, gardée par une haute grille de fer rouillée et deux sorciers faits d'une carrure colossale. L'hispanique ne prononça pas un mot et se contenta de montrer un parchemin aux deux gardiens. Je n'eus pas le temps pas de voir ce que contenait la missive. D'un geste de la baguette, le premier geôlier fit pivoter la grille sur ses gonds. Un grincement strident et particulièrement lugubre résonna entre les murs épais d'Azkaban. Miguel me poussa doucement et j'avançais dans une cour circulaire, représentant le centre de la prison. Et au milieu de cet étrange atrium, trônait une haute stèle, entourée de barreaux peu avenants. Je me retournais vers l'ibérique.
- Qu'est-ce que c'est ? Chuchotai-je, n'osant m'en approcher plus.
Il me détailla, surpris. Puis voyant que j'attendais une réponse, il se racla la gorge et lâcha rapidement, comme si la réponse qu'il devait me donner était une épreuve désagréable :
- C'est le Tombeau.
Je ne comprenais toujours pas. Le Tombeau ? De qui ? De quoi ?
- Je ne saisis pas, insistai-je.
Il se tordit les mains dans un geste embarrassé.
- C'est ici qu'est gardé le corps de Voldemort.
La dernière phrase me glaça entièrement le corps. Alors il était ici. A quelques mètres de moi. Cet homme qui avait si longtemps hanté mes rêves, mes cauchemars, ma vie et celle des autres ? Cet abominable monstre qui avait fait de moi ce que j'étais à présent ? Je me rappelais encore de cette terrible nuit. La dernière où Voldemort avait été vu vivant. La nuit de tous les massacres. Ce soir où tant de sorciers, tant d'amis avaient perdu la vie dans l'unique but de donner à la communauté sorcière un soupçon de liberté. Beaucoup de choses avaient changé ce soir là. Harry avait failli perdre la vie, Ron m'avait embrassé pour la première fois, la famille Malefoy avait été graciée par l'action de Narcissa dans la forêt. Je secouai la tête, tentant d'oublier ces souvenirs refoulés aux fonds de mon être depuis maintenant quatre longues années. Je lâchai la main de Miguel et, les jambes flageolantes, je m'approchai du monument. Il était là. Reposant sur de lourdes pierres. Aussi noir que l'âme de celui qui l'habitait. Le cercueil de Voldemort. J'en fis lentement le tour, découvrant qu'entre les grilles qui l'entouraient, étaient exposés cinq des sept horcruxes. Le journal de Jédusor, la bague des Gaunt, le médaillon de Serpentard, la coupe de Poufsouffle et le diadème de Serdaigle. Et devant le Tombeau, gravée sur une plaque de pierre, reposait cette dernière inscription : Parce le bien triomphe toujours sur le mal.
- Tu ne savais pas ?
La voix de Miguel avait retentit juste derrière et lentement, je me tournai vers lui, lâchant du regard cette effroyable découverte.
- Non. Je ne savais pas.
Il ne répondit rien et d'un signe de tête m'indiqua une des nombreuses portes bordant le patio. Hésitante, je m'en approchai. Miguel me doubla puis frappa trois coups francs contre le métal. La porte pivota sur ses gongs et laissa apparaitre un nouveau gardien, plus petit que les deux autres de l'entrée.
- Miguel Salvator, je présume. Entrez. Je vous attendais.
Nous pénétrâmes un sombre couloir, vaguement illuminé par quelques torches suspendues au mur de pierre. Le geôlier passa devant et nous emmena dans un dédalle d'escaliers et de couloirs sombres, parfois habités de quelques cageots vides. Occasionnellement, je percevais des cris mais ils semblaient provenir de plus haut. Bien plus haut. Nous arrivâmes finalement devant une nouvelle porte. Avant de l'ouvrir, le gardien se tourna vers nous et prononça d'une habituelle voix froide :
- Voila. C'est ici. Couloir des détenus de niveau second. Mon collègue vous mènera à la cellule du détenu Naomi Adams.
Miguel hocha la tête et s'aventura dans le nouveau couloir qui s'ouvrait à nous. Celui-ci était bien différent des autres. De nombreuses portes numérotées l'habitait et j'étais certaine que derrière toutes, se trouvaient des sorciers emprisonnés. Comme promis, un surveillant nous mena devant la porte assignée du numéro trois cent quatorze. Il tapa brutalement dedans et d'un coup de baguette l'ouvrit.
- Je te laisse y aller. Je suppose que tu préfères rester seule.
J'hochai la tête et remerciai Miguel d'un simple regard. Puis, je pénétrai dans la cellule. Le geôlier cria :
- Adams ! Visite !
Et la porte se referma derrière moi, me plongeant dans un silence total. Tétanisée par la peur, je n'osais faire un pas. Dans le fond, un bruissement se fit entendre. Je chuchotai doucement, tentant de discerner une quelconque forme humaine dans cette obscure pièce :
- Naomi ? Naomi Adams ?
Un nouveau froissement retentit avant qu'une voix froide et dénuée d'émotion s'élève :
- Elle-même.
Mon cœur gonfla dans ma poitrine, prenant de trop de place et ne laissant pas l'occasion à mes poumons de se remplir d'air. J'aurais voulu partir, courir loin de cette cellule, loin de cette prison, loin de cette noirceur qui me faisait froid dans le dos. Mais c'était trop tard à présent. Je devais aller au bout de cet entretient. Je devais arrêter Psycho-Matt.
- Et vous êtes ? Continua la voix avec cette même lenteur glaciale.
Je fis un pas en direction de la voix.
- Hermione. Hermione Granger.
Un étrange rire dénué de toute sincérité s'éleva dans la pièce.
- Et que me vaut la visite d'une populaire héroïne de guerre ?
Je m'avançais encore un peu plus.
- Je suis venue pour vous parler de Matthew Duncan.
Seul le silence me répondit. Puis je sentis un certain mouvement dans le fond de la cellule. Une ombre se découpa alors dans l'obscurité et Naomi Adams émergea du noir. Elle n'était pas aussi terrifiante que je l'avais imaginé. Légèrement plus petite que moi, une sorte de tunique crasseuse recouvrait son corps maigrelet. Ses cheveux que je soupçonnais autrefois être blonds, étaient ternes, extrêmement sales et ne formaient qu'un immonde paquet de nœud. Ses joues étaient creuses et ses pupilles bleues vides. Vides de toutes émotions, vides d'humanité, vides de vie. Un sourire carnassier étira ses lèvres sèches et découvrit des dents noirâtres. Et en dépit de tout cela, je ne doutais pas une seconde que Naomi Adams était une belle femme. Ou du moins, qu'elle l'avait été.
- C'est drôle. J'aurais plutôt parié que vous me parleriez de Mathias Davos.
- Son cas n'est pas à exclure, ripostai-je.
Le sourire de Naomi s'élargit un peu plus, craquelant ses lèvres blanchâtres.
- Je vous proposerai bien un thé et une chaise, mais voyez-vous, mes moyens sont un peu…Limités.
Je ne répondis rien, réfléchissant à la meilleure façon d'aborder le sujet.
- Comment va Juliana ?
Le visage de mon interlocutrice était redevenu sérieux. Alors que j'ouvris la bouche, elle enchaina :
- Je ne voulais pas blesser Juliana. Je l'aimais bien. Je n'ai jamais voulu faire de mal à personne. C'est juste que…Il m'avait promis ! Il m'avait dit qu'il m'aimait et qu'un jour il m'épouserait ! Et puis quand je l'ai vu, sur le point de dire oui je…Je ne sais pas. Je ne contrôlais plus mon corps et c'est parti. C'était soudain, je n'ai pas réfléchi…Je le jure…Je ne voulais pas…
Elle s'accroupit contre un des quatre murs de sa prison et enfouit sa tête entre ses genoux tandis que quelques sanglots secouaient son dos. Pétrifiée par la vitesse à laquelle son humeur avait changé, je restai immobile au milieu de la cellule. Cette femme n'était finalement pas une folle furieuse prise d'une envie meurtrière le jour du mariage de son amant. Elle était juste transie d'amour pour un homme qui n'avait pas pris ses sentiments au sérieux. Le scénario type. L'histoire banale. Celle qu'on connaissait tous et qui pourtant continuait de faire des victimes chaque jour. Naomi renifla bruyamment, releva la tête et essuya d'une main sale les quelques goutes qui parsemaient ses joues osseuses.
- Alors ? Comment va Juliana ?
Je restai muette. Comment dire à cette pauvre femme que son acte n'avait pas fait qu'une victime ? Avais-je au moins la force de la regarder dans les yeux et lui annoncer froidement que Juliana était morte peu de temps après son incarcération ? Je pris une longue bouffée d'oxygène et lâchai finalement d'une voix mal maitrisée :
- Juliana…Juliana Sacks s'est suicidée un mois après la mort de Mathias.
Mes paroles paralysèrent mon interlocutrice. Elle n'émit aucun son. Ne fit aucun geste. Seul son terrible regard me permit de comprendre qu'une immense culpabilité et peine habitait son corps vide de tout autre sentiment.
- Je suis désolée…Chuchota t-elle finalement. Je ne suis qu'une égoïste. Juliana ne méritait pas ça.
Plus forte que ce que je le pensais, elle se releva et se planta face à moi, une larme oubliée se baladant sur son visage.
- Que voulez-vous savoir sur Matthew Duncan ?
- Dites moi tout ce que vous savez de lui.
Elle inspira profondément et laissa ses souvenirs refaire surface.
- Matthew Duncan était plutôt gentil. Il était assez effacé les dernières fois que je l'ai vu, surement à cause du mariage. Lui et Mathias était vraiment très proche. De vrais frères. Je ne le connaissais pas très bien mais il m'a toujours laissé une bonne image de lui-même. Ca m'étonne beaucoup que Juliana se soit suicidée. Je m'étais persuadée qu'elle trouverait du soutient dans la personne que Matthew. Il l'aimait beaucoup.
J'essayais rapidement d'intégrer toutes les précieuses informations que me confiait Naomi. Je savais que la clé se trouvait là, quelque part dans ce flot de parole. Je le sentais au plus profond de mon être. Et puis la dernière phrase qu'elle prononça m'interpela :
- Il l'aimait beaucoup ? Vous voulez dire qu'ils étaient très amis ?
Un léger sourire prit possession de la bouche de mon interlocutrice.
- Oui. Juliana l'aimait bien. Mais lui…Il était follement amoureux d'elle.
Un cri de surprise se bloqua dans ma gorge. Incapable d'émettre un son, je me contentais de dévisager Adams, les yeux exorbités. Tout semblait clair à présent. Tout était logique. Tout concordait. C'était tellement prévisible. Tellement peu original. C'était une histoire telle qu'on en voyait tous les jours. Des vengeances passionnelles, plus sanglantes qu'utiles. Psycho-Matt avait été amoureux. Il avait été cet homme, tapis dans l'ombre de son meilleur ami à qui tout réussissait et qui de surcroit épousait la belle qu'il convoitait. Je fermai un instant les yeux, ébranlée face à la stupidité du tueur. Une main rêche se posa sur avant-bras mais je ne réagis pas, les paupières toujours closes. C'était facile. Tellement facile. Tout aurait pu être évité, au fond. Il aurait juste fallu que Naomi nous donne les indices précieux de cette intrigue quelques mois auparavant. Maintenant, il était sans doute trop tard. Beaucoup trop tard.
- Ca va ?
Je rouvris les yeux, rencontrant immédiatement le regard terne de la prisonnière.
- Comment saviez-vous que Matthew aimait Juliana ? Mathias le savait ?
- Cette histoire est très compliqué miss Granger. J'espère que vous avez du temps devant vous.
Je jetai un rapide coup d'œil en direction de la lourde porte close et murmurai :
- Surement assez de temps pour écouter ce que vous avez à me confier.
Elle hocha la tête et commença à me conter cette histoire qui, je le savais, marquerait sans aucun doute un tournant dans l'enquête Psycho-Matt.
- Tout à commencé il y a quatre ans. A la mort de Voldemort. Le monde magique revivait peu à peu, les affaires reprenaient, les gens vivaient leur vie d'une façon meilleure, enfin vous y étiez, vous voyez de quoi je veux parler. Je m'étais exilée en France lorsque la guerre prenait trop d'ampleur en Angleterre et je revenais donc au pays après quelques mois d'absences. J'avais réussi à obtenir un entretient d'embauche à Gringott. Beaucoup de gobelins avaient pris le large et ils avaient besoin de personnel, gobelin ou sorcier…
Seul le bruit de mes talons résonnait sur le sol marbré de Gringott. Une certaine appréhension me comprimait le cœur mais je m'efforçais de garder un sourire assuré. J'atteignis enfin le haut comptoir et interpelai à un gobelin visiblement austère et hargneux :
- Bonjour ! J'ai rendez-vous avec Mr Grimbek.
Avec un grognement, il m'indiqua un ascenseur légèrement caché par un pan de mur. Je le remerciai et me dirigeai au pas de course vers l'endroit recommandé. Les lourdes portes métalliques s'ouvrirent majestueusement devant moi et je pénétrai le cœur battant la chamade dans la cabine. Alors que le battant se refermait lentement, une main l'en empêcha rapidement et un homme se posta à mes côté. Voyant qu'aucun des boutons n'étaient enfoncés, il me demanda :
- Quel étage ?
Je me retournai alors vers lui et constatai qu'une incroyable beauté émanait de lui. Je tombai immédiatement sous le charme. J'avais toujours pensé que les coups de foudre étaient un truc de petite fille qu'on ne trouvait que dans les contes de fée. Je m'étais trompée. Je venais de me faire toucher en plein cœur.
- Aeum…Je n'en ai aucune idée, lâchai-je piteusement.
Un magnifique sourire malicieux étira ses lèvres.
- Qui allez-vous voir ?
- Un certain Mr Grimpek.
Immédiatement, il appuya sur le bouton cinq.
- Vous venez pour l'entretient d'embauche ?
J'hochai la tête, intimidée par cette parfaite créature.
- Ce serait bien que vous soyez prise. Nous travaillerions ensemble.
Il appuya sa déclaration d'un léger clin d'œil qui fit littéralement bondir mon cœur dans ma poitrine. Puis il me tendit une large main :
- Je m'appelle Mathias. Mathias Davos.
Je la serrai en répondant d'une voix étranglée :
- Naomi. Naomi Adams.
Poussée par l'envie de revoir Mathias, ma motivation était montée en flèche et c'est tout naturellement que Mr Grimpek, un vieux sorcier enrobé et moustachu, m'avait embauché parmi les siens. Les mois passaient tranquillement tandis que le monde sorcier se remettait difficilement debout après la difficile épreuve que fut la guerre contre Voldemort. En ce qui me concernait, ma vie était parfaite. Jamais je n'aurais pu imaginer une meilleure existence. J'étais épanouie dans mon travail, j'avais une bonne situation et j'étais follement amoureuse de mon collègue que je ne laissais d'ailleurs pas indifférent au vu des regards qu'il me lançait. Oui. Tout était parfait. Jusqu'à ce jour.
Le ciel était particulièrement sombre et orageux. Toute la ville semblait retenir son souffle, attendant que les nuages crachent enfin leur malheur. Enfermée dans mon bureau à Gringott, le temps maussade ne m'affectait pas. Plus rien ne m'affectait d'ailleurs, du moment que Mathias était près de moi. Ce jour là, tous les sorciers de l'étage travaillaient tranquillement en silence. Silence qui fut perturbé par le bruit de ses pas. Une ombre passa devant mon bureau mais je ne relevai pas la tête, trop absorbée par mon travail. Quelques instants plus tard, des éclats de voix retentirent dans le hall et Mathias apparut devant moi, son magnifique sourire éclatant figé sur sa bouche parfaite. L'instant aurait pu être parfait. Oui, vraiment. Mais il ne l'était pas. Parce qu'accrochée à son bras, il y avait Juliana. Ce fut la première fois que la vis. Et je devinai immédiatement qu'elle n'était pas une sœur, ou une cousine, ou un membre quelconque de sa famille. Elle était bien trop belle pour ça. Je me rappelle de ses longs cheveux de jais qui caressaient son dos à chaque mouvement de la tête et ses magnifiques yeux d'un bleu unique et dont elle avait pris soin d'y assortir une légère robe.
- Naomi ! Je te présente Juliana, ma fiancée. Nous mangeons dehors. Tu nous accompagnes ?
Et c'est le cœur en miette, désormais inexistant dans ma poitrine et les larmes au bord des cils que j'avais accepté avec un grand sourire. Le plus faux que je ne m'étais jamais forcé d'étirer.
Ma descente aux enfers avait alors commencé. Lors de ce déjeuné, j'avais également fait la connaissance de Matthew Duncan, le meilleur ami de Mathias. A la façon dont il regardait Juliana, il était évident qu'il en pinçait vraiment pour elle. Et malgré cela, il restait assez effacé et ne tentait absolument rien. Je ne mis pas longtemps à comprendre qu'un lien spécial unissait les deux hommes et que rien ne se mettrait jamais entre eux, pas même une femme. Ils se respectaient bien trop pour ça. Les semaines passèrent sans que je ne revoie Juliana ou Matthew. Le comportement de Mathias n'avait pas changé à mon égard et cela me troublait bien plus que je ne voulais l'avouer. Il arrivait parfois qu'il me frôle la main et m'adresse par la suite un sourire mystérieux. J'étais perdue. Perdue entre les passions de mon cœur et les raisonnements de ma tête. Et mon amour pour Mathias ne désemplissait pas. Il semblait même de plus en plus grandissant au fil des jours.
Puis cette terrible nuit arriva. Elle marqua à jamais ma chute. Ma fin. Mathias et moi étions restés plus longtemps que les autres à Gringott. Un boulot énorme nous était tombé dessus et nous n'avions pas eu d'autre choix que de rester une bonne partie de la nuit. Je me souviens de chaque détail. La nuit était claire et les étoiles scintillaient haut dans le ciel. Cela faisait un petit moment déjà que Mathias et moi travaillions en silence. J'étais très concentrée sur mes calculs et je ne l'avais pas entendu se lever et arriver derrière moi. Il posa gentiment une main sur chacune de mes épaules. Surprise, je fis pivoter ma chaise et me retrouvai face à lui. Il ne me laissa pas le temps de réfléchir et captura mes lèvres pour un long baiser passionné. C'est à partir de ce jour que je suis devenue sa maîtresse. Cette position m'encombrait énormément. Ca ne me plaisait pas d'être l'autre femme. La vilaine, la méchante, l'abominable femme avec qui Mathias trompait Juliana. Je lui en avais parlé. Je lui avais confié tous mes soucis, mes appréhensions, ma gêne. Et comme tous beaux parleurs qui se respectent, il m'avait avoué me préférer à Juliana et que tôt ou tard, il la quitterait pout moi. Alors je restais. J'attendais sagement mon tour. Parfois j'apercevais Juliana mais je m'en fichais, parce que je savais que j'étais la préférée de Mathias. Cette aventure extraconjugale dura jusqu'au mois de septembre. Comme tous les matins, j'étais arrivée au bureau avant Mathias. Il était apparu une dizaine de minutes avant moi, le téléphone collé à l'oreille. Il m'avait fait un charmant sourire enjôleur pour me saluer puis était parti s'assoir à son bureau. J'étais surprise de voir un sorcier avec un téléphone portable. C'était plutôt rare. Mais je me rappelai que sa mère vivait dans le monde moldu. Malgré moi, j'avais entendu un bout de sa conversation téléphonique. Et cet évènement bouleversa à tout jamais mon existence.
-…Oui maman. Non, pas encore. Mais on n'est pas pressé ! Quinze jours ? Et alors ? J'ai le temps. Ce n'est qu'un costume ! En une demi-heure c'est fait ! Oui, je sais, Juliana a déjà la robe. Oui…Non…Maman…Bien sur que non je ne me présenterais pas à mon mariage en caleçon ! Mais non ! Maman…Oui…Non…Bon écoute, je dois te laisser…Oui, c'est ça. Oui, Maman. Au revoir.
Il raccrocha, fourra le portable dans sa poche et se leva en ma direction, le même sourire charmeur sur les lèvres. Il se pencha vers moi et m'embrassa au coin des lèvres. Sous le choc de la révélation que je venais d'avoir, je ne bronchai pas.
- Tu vas bien ? Questionna t-il face à mon mutisme inhabituel.
Les yeux perdus dans le vague, je lui rétorquai :
- Tu vas te marier avec Juliana ?
Il resta un instant stupéfait puis afficha un air sur de lui :
- Ne t'inquiète pas. Tu restes toujours ma préférée, tu le sais bien.
Et c'est tout. Il ne s'excusa pas. Ne me promis même pas qu'il la quitterait pour moi, même si c'était faux. Il continua simplement de me sourire en bel homme qu'il était. C'est à ce moment là que j'ai pris conscience de l'immense mensonge qu'il avait érigé autour de notre relation. Tout avait été faux. Tout avait été vide. Je lui avais tout donné et il avait tout pris, ne me rendant rien en échange. Absolument rien. Ne restait de mon misérable corps qu'une enveloppe vide. Il n'était resté avec moi que pour le sexe. Que pour combler son égo surdimensionné. Que pour s'amuser. Je mis fin à ce semblant de relation, prétextant avoir trouvé un petit ami. Il ne me posa pas de question et m'invita même à l'évènement tant attendu. Et c'est tout naturellement que je m'y rendis. Je n'avais rien prévu. Rien planifié. Je devais seulement assister au départ officiel de l'homme que je continuai d'aimer avec mon cœur brisé. Juliana s'avança depuis le fond de la salle jusqu'à l'estrade où l'attendait son futur époux. Elle était magnifique, comme c'était prévisible. Et heureuse. Un large sourire ne quittait ses lèvres délicatement rosées. La cérémonie commença tandis que j'usais de toute ma concentration pour garder le contrôle de mes canaux lacrymaux. Assise au troisième rang, je ne manquais pas une miette du cauchemar qui se déroulait devant mes yeux. A l'unique question qu'on lui posa, elle murmura un léger oui en guise de répondre. Mon cœur se marqua d'une nouvelle blessure. Je ne tiendrais pas jusqu'au bout. Je ne pouvais pas voir la suite. Elle m'achèverait. Me heurterait. Me tuerait peut-être. Au moment où je me mis debout, l'interrogation fut réitérée à l'attention de Mathias. Je passais rapidement devant les personnes assises, priant pour que son affirmation ne résonne pas à mes oreilles. Je ne pouvais pas l'entendre. C'était trop dur. Inconcevable. Le dos tourné en direction de l'estrade où se tenait l'heureux couple, je marchai à grand pas vers la sortie. C'était étrange. Parce que malgré mes prières, j'aurais du entendre l'illustre oui de Mathias. Comme pour confirmer mon trouble, des murmures s'élevèrent dans l'assemblée. Doucement, je me retournai. Il était là, magnifique dans son costume. Lui sur l'estrade, moi dans l'allée. Ses yeux inquisiteurs me fixaient tandis que Juliana commençait à se tortiller sur place, les yeux humides. Puis il ébaucha un petit sourire lorsqu'il comprit. Mes larmes m'avaient finalement trahi. Son sourire s'agrandit tandis que j'essuyai les perfides gouttelettes. Puis il se retourna face à Juliana, s'empara de ses mains et avant de prononcer l'unique mot qui ferait de lui l'homme de la soirée, il m'adressa un dernier clin d'œil. Un clin d'œil. A moi. C'était sans aucun doute la goute d'eau. Le geste de trop. Tout mon sang froid s'envola et comme une piètre spectatrice de mes propres actions, je me vis avec horreur m'emparer de ma baguette, telle une autre personne, sans cœur et humanité. Sous les cris d'horreur de l'assemblée, je pointai le morceau de bois sur l'homme que j'aimais et sans réfléchir une minute de plus, je prononçai la formule qui lui ôterait à tout jamais la vie. Le rayon vert traversa toute la salle et vint toucher Mathias en plein cœur. Et puis mon âme réintégra mon corps. Sous le choc de mon geste, je laissai tomber ma baguette au sol qui fut rapidement suivit de ma personne.
-…Et puis je me suis faite juger et condamner, termina Naomi, quelques trémolos dans la voix.
Le cœur gonflé de pitié et d'horreur, je restai muette quelques secondes. Finalement, personne n'était à sa place dans cette histoire. Personne n'avait eu le bon rôle. Tout avait été inversé.
- Mathias était horrible avec vous. Il…
- C'était un homme, me coupa t-elle d'une voix presque maternelle.
Je compris alors que malgré son cœur brisé, malgré son être déchu, Naomi Adams restait et resterait toujours amoureuse de l'homme qu'elle avait abattu sous ordre de ses émotions chamboulées.
- Ne me prenez pas en victime, miss Granger, je suis l'assassin dans cette histoire.
Un sourire dénué de joie étira une poignée de seconde mes lèvres.
- Oh non. Vous n'êtes que l'élément déclencheur, Naomi. Le tueur, c'est Matthew.
Les pupilles désespérément vides de mon interlocutrice se rallumèrent un court instant. Rapidement, je lui résumai la situation dans le monde extérieur. Elle ne m'interrompit pas une seule fois. Ne montra aucun signe d'horreur ou de choc. Elle se contenta d'écouter ce que je voulais bien lui confier, le visage impassible, mort. Mon récit terminé, elle ne montra aucune surprise. Finalement, elle entrouvrit les lèvres et laissa passer ces quelques mots qui m'hallucinèrent :
- Et bien je suppose qu'Azkaban est la seule et unique chose réellement bienfaisante dans ma vie.
Face à mon air désorienté, elle ajouta :
- J'avais vingt deux ans le jour où j'ai tué Mathias.
Elle n'eut pas besoin d'en dire plus. Son esprit vif et observateur m'étonna. Matthew tuait des jeunes femmes de vingt deux ans. Il se vengeait de Naomi. Et faute de pouvoir la torturer elle, il laissait toute sa haine et sa colère paraître sur de pauvres cadavres innocents. Adams avait raison. Il était surement mieux pour sa survie qu'elle soit à Azkaban. Il vouait une réelle obsession pour cette femme qui lui avait pris son meilleur ami, son confident, et la femme qu'il aimait. Une seule et unique personne avait réussi à foutre toute sa vie en l'air. A cause de Naomi, il n'avait plus rien. Plus personne. Seulement ses yeux pour pleurer et sa baguette pour tuer. C'était aussi pour ça qu'il avait pris l'identité de son défunt ami. Il le vengeait. Lui et Juliana.
- Vous ne connaissez aucun moyen pour l'arrêter ? Demandai-je en dernier recours.
Un petit sourire apparut sur la bouche de Naomi.
- Voyons miss Granger, vous avez toutes les clés en main et vous êtes intelligente de surcroit. Je suis sure que vous connaissez l'issue.
Je fronçai les sourcils face à cette réponse douteuse.
- Vous avez donc une solution ?
- Et elle est juste devant vos yeux.
Sur ces étranges paroles, Naomi Adams tourna les talons et disparut dans un coin sombre de sa cellule.
- Merci, murmurai-je avant de cogner légèrement dans la lourde porte. Cette dernière s'ouvrit immédiatement sur le geôlier et Miguel. Je remerciai d'un signe de tête le gardien et entrainait l'hispanique vers la sortie. Nous retrouvâmes le garde qui nous avait mené jusque là et il nous fit faire le même chemin en sens inverse. Tandis que nous descendions dans un silence lugubre, Miguel laissa échapper une phrase qu'il devait avoir depuis longtemps sur le bout de la langue :
- Tu es restée un bon moment là-dedans. Qu'est-ce qu'elle t'a raconté ?
Je lui lançai un regard dur et il leva les mains en signe de soumission :
- D'accord, d'accord. Pas de question. Compris.
Il ne resta toutefois pas silencieux longtemps :
- Tu sais, pour hier soir, je suis désolé. Je n'aurais pas du mentionner Malefoy. C'était inapproprié.
- Pas grave, ronchonnai-je.
Malefoy. Drago. Il fallait que je le mette au courant. Il nous restait moins de deux jours pour éviter qu'il soit le prochain sur la liste, déjà bien étendue, des victimes de Psycho-Matt. Nous pénétrâmes dans la cour de la prison et je me tournai vers Miguel, interpelée par un élément que je n'avais pas remarqué auparavant :
- Il n'y a plus de détraqueurs ?
Il eut un sourire navré.
- Si. Seulement ils sont plus hauts. Dans le couloir des détenus niveau cinq. Beaucoup plus haut.
Je levai la tête, n'apercevant pas le haut de la tour, camouflée par de gros nuages sombres. Un frisson parcourra mon échine. Je marchai avec un dernier regarde devant le Tombeau et passai entre les lourde grilles de fer marquant l'entrée de l'infâme construction. Miguel s'empara une nouvelle fois de ma main et nous transplantâmes loin de ce lieu où j'espérais secrètement ne jamais remettre les pieds.
- Et c'est tout ?
J'hochai piteusement la tête.
- Pas une petite phrase supplémentaire ?
- Absolument rien d'autre.
Drago se passa négligemment la main dans les cheveux.
- Mais ça ne veut rien dire « la solution est juste devant vos yeux » ! S'impatienta t-il.
J'haussai les épaules. J'avais été surprise qu'il réponde si vite à l'hibou que je lui avais envoyé à mon retour d'Azkaban. Pas même une heure était passée qu'il avait rappliqué dans mon minuscule appartement. Et visiblement, il avait repris du poil de la bête au vu de l'enthousiasme qu'il mettait à trouver une solution plausible. Mais quelque chose avait changé. Nos rapports n'étaient plus les mêmes. Chacun de notre côté veillions à ce qu'une distance reste en permanence entre nos deux êtres. Lorsqu'il s'approchait d'un peu trop près, je me reculai inconsciemment. Et il en était de même lorsque le contraire se produisait. C'était étrange. Nous étions comme deux funambules menant un numéro d'une extrême difficulté. Dansant sur un pied, puis sur l'autre.
- Tu veux une pomme ? Lui proposai-je en poussant du bout des doigts une coupe pleine de fruits vers lui.
Son regard sceptique se posa un instant sur l'objet puis se plongea dans le mien. Je vis immédiatement ce à quoi il pensait et sentis mes joues s'empourprer.
- Ou une poire. Elles sont bonnes aussi, bafouillai-je.
Il déclina l'offre et la pièce se replongea dans un silence désagréable. Je supposai aisément que les pensées de mon hôte s'étaient déjà tournées vers son funeste destin. Les miennes, en revanche, restaient désespérément focalisées sur lui. Lui et Psycho-Matt, lui et son comportement, lui et ses phrases implicites, lui, lui et encore lui.
- C'était pour entrer à Azkaban que tu trainais avec Salvator ? Demanda t-il soudainement en me tirant de mes obscures pensées.
Mes joues se tintèrent une nouvelle fois de rouge.
- N…Non, affirmai-je, un air indigné peint sur le visage.
Il haussa un sourcil, visiblement pas dupe.
- Bon peut-être un peu, concédai-je finalement. Mais c'est un homme très bien. Très gentil, très serviable, très…
Un long soupir ennuyé de mon interlocuteur me coupa net. Piquée-au-vif, je répliquai d'un ton mordant :
- Et toi ? Comment le connais-tu ?
Il releva vivement la tête dans ma direction.
- Je ne le connais pas, marmonna t-il d'une voix loin d'être convaincante.
- Et ma baguette est en plastique.
Il ébaucha un léger sourire.
- Pas pratique pour lancer les sorts.
Face à mon air sérieux, il céda.
- Je le connais rapidement de Poudlard. Il était en septième année quand on était en quatrième. Mais je l'ai revu à ma sortie. Voila.
Je croisai sévèrement les bras sur ma poitrine.
- J'ai comme l'impression qu'il manque le plus intéressant entre « sortie » et « voila ».
Il détourna son regard de mon air réprobateur, les lèvres frémissantes. Apparemment je l'amusais.
- Tu es incroyable Granger. Mais puisque tu veux le fin mot de l'histoire, alors le voila : Salvator et moi convoitions la même fille. Perdue, cette fille en question a longuement hésité entre lui et moi avant de finalement partir avec un autre.
- C'est tout ? M'étonnai-je.
- C'est déjà pas mal, ronchonna t-il.
Je pouffai face à ce Drago blessé dans son égo. Il me regarda, rigide et lâcha subitement :
- Pourquoi es-tu retournée dans ton appartement ?
Mon rire se coinça immédiatement au fond de ma gorge et mon sérieux revint au galop. Il fallait que je trouve quelque chose. Et vite. Impossible de lui dire la raison véritable. Il n'avait pas besoin de tout savoir non plus. D'ici à ce qu'il croit ce que Ginny disait, je ne préférais pas tenter le diable. Les choses étaient déjà bien trop compliquées.
- Tu savais que la tombe de Voldemort était à Azkaban, toi ? Eludai-je d'une manière loin d'être fine.
Il parut dérouté par l'absurdité de ma réponse puis ses lèvres tressaillirent.
- Tu ne veux pas le dire, hein ?
- Il n'y a rien à dire de toute façon. Je suis partie parce que je voulais retrouver mon appartement.
- Quelle piètre menteuse. J'ai rarement vu ça…
Accusant le coup, je rétorquai :
- Tu ne veux pas connaître la vérité, crois moi.
Il me détailla quelques secondes puis abdiqua.
- Très bien. Fais comme tu veux. Ca m'est égal de toute façon.
Je le regardai, amusée. C'était impossible. Drago Malefoy était vexé !
- Tu ne le penses pas, déclarai-je un large sourire accroché aux lèvres.
Il soupira longuement et souffla :
- Bien sur que non.
Nos regards s'accrochèrent un court instant et je détournai le mien, gênée. Le vent froid qui semblait s'être dissipé était réapparut, comme par magie. Malefoy se leva, revêtit sa veste, attrapa une pomme et lança avant de définitivement passer le seuil de ma porte :
- J'y vais, Maëlla m'attend. Je suppose que je te retrouve aux archives ?
Je murmurai un petit oui presque inaudible et il disparut. Le ministère. Oui. Il fallait chercher. Encore. Toujours. Nous étions près du but. Tout près du secret de Psycho-Matt. Nous allions le coincer, j'en étais presque certaine. Je réunis mes affaires, et quittai à mon tour l'appartement, le cœur plus léger. Après tout, la solution ne se trouvait-elle pas devant mes yeux ?
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