Chapitre 5 Un amour particulier
Louen ouvre les yeux dans une chambre d'auberge. Ne comprenant pas comment cela est possible alors qu'il s'est endormi dehors, il regarde autour de lui. Rion n'est pas à ses côtés, mais il entend un bruit d'eau dans la pièce voisine et se dit qu'elle est sûrement en train de se nettoyer le visage.
Louen se lève tranquillement, persuadé qu'il ne s'agit que d'un autre rêve, et tâche de bien se réveiller afin d'en être sûr, avant d'aller en direction de la pièce d'eau voisine. Il entend les bruits d'eau s'arrêter et très vite une Rion qui s'essuie le visage apparaît dans l'encadrement de la porte.
— Je me disais bien avoir entendu du bruit, te voilà éveillé. Tu dors depuis que nous sommes arrivés hier.
Elle termine de se sécher, pose la serviette à l'intérieur de la pièce d'eau, et s'avance vers Louen avec un sourire, ouvrant les bras pour l'enlacer. Il vient la prendre dans ses bras. Lorsqu'il l'enlace, il sent sa peau à travers la fine tunique de nuit qu'elle porte. Elle l'embrasse et le regarde tendrement.
— Je n'ai pas fait de cauchemar cette nuit. Ça fait du bien de pouvoir profiter pleinement de ton étreinte.
Louen la regarde de même. Et lui caresse doucement le bras les yeux plongés dans les siens. Il nage dans un grand bonheur avec son aimé à ses côtés.
— J'en suis très heureux, mon amour, vous êtes si belle ce matin.
Elle rit, amusée par le compliment.
— Je me suis levée il y a à peine cinq minutes et je n'ai pu qu'essuyer mon visage, et je suis "si belle ce matin" ?
Elle l'embrasse dans le cou.
— Je connais quelqu'un qui en revanche est toujours aussi beau, qu'importe le moment de la journée.
Il sourit et l'embrasse longuement.
— Mon amour, tes mots me touchent.
Un sourire séducteur se dessine sur son visage et elle s'approche avant de poser les mains sur son torse.
— Seulement mes mots ? Il sourit en retour, et son désir se voit dans ses yeux et dans le baisser qu'il lui donne. Il semble se laisser faire pour le moment. Elle plonge alors son regard dans le sien.
— T'ai-je dit ô combien je t'aime, mon beau chevalier ? Et t'ai-je dit que je t'aimerais pour toujours d'un amour inconditionnel ?
— Je vous aime aussi, ma dame, il sourit amusé, oui, mais vous pouvez le redire.
Elle l'embrasse de nouveau et, toujours un sourire séducteur aux lèvres, ajoute.
— Enfin, il me semble que nos corps ont des choses à se dire.
Subjugué par son regard, il ne peut pas dégager ses yeux des siens. Il sourit tendrement et recule vers le lit espérant qu'elle va le suivre. Elle le suit avec un grand sourire. Il s'assoit sur le lit et la prend par la taille.
— Rion...
Il prononce son nom pour le simple plaisir.
— Mon beau Louen...
Elle l'embrasse tendrement.
— Ma belle Rion...
Il la tire vers lui pendant le baiser et elle se penche vers lui et pose ses mains sur son torse. Il se recule sur le lit en caressant doucement la taille et les hanches, puis il s'allonge en la tirant vers lui. Il commence à lui enlever sa tunique. Elle pose ses mains sur les siennes pour l'aider à retirer son vêtement puis les guide sur ses courbes en descendant le long de son corps. Il caresse doucement son corps suivant les mouvements de Rion puis lui ôte aussi son bas en l'embrassant.
Elle lui rend son baiser langoureusement, et il sent qu'elle enlève les mains des siennes sans pour autant les sentir revenir sur son torse ou une partie de lui. Elle met finalement fin au baiser et elle lui caresse la joue d'une main. Lorsque Louen souhaite plonger son regard dans celui de son aimée, il est surpris de voir un regard supérieur.
Lorsqu'elle parle, sa voix est amusée, mais plus comme au début, il n'est plus question de désir mais de supériorité.
— Mon beau chevalier, tu ne te rends vraiment pas compte à quel point ton amour pour moi est une immense faiblesse. Il me suffit de t'embrasser, de montrer ne serait-ce qu'un peu de désir pour toi et tu deviens vulnérable. Quelque part ça fait ton charme. Un bel homme qui n'a d'yeux que pour sa dulcinée...
Il sent tout d'un coup du métal froid au niveau de sa gorge. Lorsqu'il baisse les yeux, il remarque que l'autre main de Rion tient désormais une dague. Son visage se voile de tristesse et sa gorge se serre. Sa voix tremble lorsqu'il répond.
— Rion, qu'est-ce donc que ceci ?
Elle lui relève la tête avec sa dague et l'embrasse dans le cou.
— La vérité, mon aimé, la vérité.
Elle plonge de nouveau son regard dans le sien.
— Il ne faut jamais croire un elfe noir. Nous n'avons pas de parole.
Elle rit.
— Je vous dis un petit "je t'aime" et vous êtes déjà sous mon charme, prêt à n'importe quoi. Pourtant vous le savez, je mens. Dès le début, vous le saviez, et pourtant vous avez préféré m'aimer sans réfléchir... Grossière erreur, qui n'est pas pour me déplaire néanmoins.
Une infinie tristesse remplit ses yeux, il pleure sans que pourtant il ne s'en rende compte. Sa voix vibre non pas de peur mais de déception et de colère.
— Vous aviez juré.
Sa voix se bloque dans sa gorge.
— Rion..... Je vous aime...
— J'ai juré oui. Mais qu'est-ce que je viens de te dire, mon beau chevalier ? Je viens de te dire que je mens, et que je n'ai aucune parole.
Elle sourit et enlève la dague de sous son menton pour lui entailler le torse. Elle l'imite en prenant un regard triste et une petite voix.
— Je vous aime...
Elle rit avant d'embrasser ses larmes.
— Mais moi aussi je t'aime, Louen.
L'incompréhension et la tristesse se mélangent sur son visage et dans ses yeux. Il ne tressaille même pas lorsque la dague l'entaille.
— Mais alors pourquoi ? Il commence à se crisper mais n'a ni la force ni l'envie de se relever. Elle s'allonge complètement sur lui et le toise de ses yeux rieurs.
— Je t'avoue que tu me donnes envie quand je te vois comme ça. Tu deviens tout vulnérable, à ma merci.
Elle remonte la dague et écrase quelques larmes avec le plat de la lame avant de lui faire lentement une nouvelle entaille.
— Pourquoi ? Parce que je ne t'aime pas comme tu m'aimes. Je ne suis pas dépendante de toi. Si je te perds, je serais triste de perdre le corps d'un si bel homme qui sait me faire vibrer d'envie, mais je pourrai m'y résoudre et je te remplacerai. Mentir est inné pour moi, alors je peux penser ce que je dis comme ne pas le penser. Mais certains mensonges sont très agréables.
Elle prend une voix empreinte de désir.
— Mon beau Louen, t'ai-je dit ô combien je t'aime ?
Ses yeux se ferment, pourtant ses larmes continuent à couler. Il ne ressent toujours aucune douleur, il ne peut être blessé par ce qu'il aime.
— Tu mens, tu n'es pas comme les autres elfes noirs, tu n'es pas toi-même.
Il secoue la tête et un hoquet secoue son corps. D'une voix misérable, il murmure un simple "Non".
Elle continue de lui faire des entailles sur la joue, de plus en plus profondes. Son autre main caresse son torse, comme elle a l'habitude de faire.
— Tu fermes toi-même les yeux pour ne pas me voir : tu sais que je suis une elfe noire. Je suis comme les autres et les autres sont comme moi, nous sommes un peuple uni. Toute cette histoire de migrer vers l'ancien continent, tu pensais vraiment que c'était pour, elle prend une voix inquiète, pouvoir fuir nos cultes si sombres et si décadents ? Elle prend une voix amusée. Ce qui est drôle est de démêler le vrai du faux et de savoir quand nous mentons ou non.
Elle l'embrasse avant de continuer.
— Mais toi, tu te raccroches à cette idée que je suis différente, que je t'aime, que jamais je ne ferais ça...
Elle lui donne un violent coup de dague au visage.
— Voilà, je suis enfin moi-même.
Il ouvre les yeux sous le coup de la douleur, et il tente par réflexe de saisir le bras tenant la dague. Elle esquive sans peine et pointe la dague sur son torse, au niveau de son cœur.
— Est-ce là que tu as mal quand tu m'entends dire ça ?
Il la fixe quelques minutes de ses yeux emplis de tristesse. Sa voix tremble.
— Tu ne peux pas me faire plus mal, même si tu me tues.
Il essaie de la repousser et de se saisir de la dague.
—Tes yeux parlent d'eux-mêmes mon beau Louen.
Elle se laisse faire et lui donne presque la dague dans la main. Elle pose pudiquement les bras sur sa poitrine et le regarde, presque implorante. Louen voit très bien qu'elle joue la comédie.
— Et que vas-tu faire avec cette dague ? Me tuer ? Louen...
Il la repousse et se redresse en pointant la dague tremblante vers elle. Les larmes continuent de couler sur ses joues. Elle le voit déglutir hésitant une fois debout. En se levant il dit :
— Ne dis plus cela, Linesh, ce nom était réservé à Rion.
Elle le regarde intensément dans les yeux.
— Linesh... Rion... Ce ne sont que des noms. Je peux m'appeler de mille noms différents si je veux. Mais ce corps a toujours été le même.
Elle enlève ses bras.
— Souhaites-tu vraiment abîmer le corps que tu as tant caressé, tant aimé ?
Il détourne le regard et baisse son bras tenant la dague et recule lentement vers la porte.
— Tu prends la fuite ? Où est donc passé le chevalier que je connais ?
Il s'arrête, honteux et ne sait plus quoi faire. Il baisse le bras et sa poigne autour de la dague faiblit.
— Un chevalier fait face à son ennemi, ou dans le cas présent à sa faiblesse.
Elle se lève et s'avance vers lui. Lui recule jusqu'à que son dos heurte la porte. Sa main cherche la poignée.
— Arrière !
Sa voix tremble et il semble presque sur le point de s'évanouir. Elle lève un bras et il sent ses membres s'immobiliser.
— Arrière ? C'est donc ainsi que réagit un chevalier ?
Elle continue d'avancer. Il lâche la dague sans le vouloir tant ses doigts tremblent. Il la fixe dans les yeux essayant de se remémorer le visage gentil et souriant chaleureusement qu'il aimait. Sa voix n'est plus qu'un murmure, il semble réciter un serment ou une prière.
— Je l'ai aimé, je l'aimerai. J'étais un chevalier, je serai un chevalier. L'honneur est tout ce qui me reste, je ne crains rien, je suis prêt.
Elle se baisse pour ramasser la dague et le toise dans les yeux.
— Tu n'as plus rien d'un chevalier.
Elle l'embrasse longuement.
— Tu es tant charmé que tu continues à t'accrocher à cet amour. Comment dois-je te faire comprendre qu'il n'est pas réciproque ?
Elle le frappe avec la dague au torse. Dans un murmure aussi fort que possible malgré son état blessé, il répond.
— Je ne m'adressais pas à toi, le serment d'un chevalier s'adresse à son dragon.
Il tombe à genoux. Et elle se baisse pour être à son niveau.
— Au temps pour moi alors, tu es moins niais qu'il n'y paraît.
Elle l'embrasse une ultime fois avant de lui planter la dague dans le cœur.
— Admire celle qui fut ton aimée causer ta chute. Désormais ta douleur est visible, vois ton cœur saigner.
Il sourit tandis que du sang coule de sa bouche. Il sourit et la salue de la tête.
— Ma dame...
Ses yeux se voilent et il tombe au sol.
Louen se réveille en sursaut, le souffle court, tremblant et trempé de sueur. La nuit est noire autour de lui, et il est soulagé de constater que ce n'était qu'un rêve. Cependant, il est aussi perdu et apeuré, sa confiance ébranlée. Il se lève, commence à rassembler ses affaires seul, l'air triste, essayant de ne pas réveiller Ritéo et Geralt dormant non loin. Rion est réveillée par son sursaut et le voit immédiatement se lever.
— Mon amour ?
Elle se lève à son tour et le rejoint.
— Louen, mon aimé, que se passe-t-il ?
Sans qu'elle puisse le voir, une larme roule sur sa joue, bien qu'il reste inexpressif. Il termine d'attacher ses protections. Elle devient de plus en plus inquiète.
— Louen, je t'en prie, que se passe-t-il ?
Celui-ci se lève et la regarde sans émotion.
— Je t'ai senti te réveiller en sursaut, as-tu fait un cauchemar ? Je t'en prie, parle-moi, tu m'inquiètes...
Elle tente de prendre sa main. Lorsqu'elle s'approche, il l'arrête d'un signe de la main en secouant la tête, l'air triste. Sans qu'elle ne s'en rende compte, des larmes perlent sur ses joues.
— Louen... Je t'en prie, parle-moi, qu'est-ce qui ne va pas ?
Sa voix est lourde.
— La confiance, ma dame, se gagne très facilement, on la donne à ceux que l'on aime, à ceux que l'on respecte, et à ceux qui le jurent sur l'honneur.
Il détourne les yeux avant de revenir vers elle.
— Vous aviez acquis la mienne de ces trois manières.
Il secoue la tête.
— Mais une confiance brisée met beaucoup de temps à se réparer.
Elle semble se retenir de fondre en larmes, mais son visage est déjà rougi et mouillé par sa tristesse. Sa voix est faible et entrecoupée de hoquets lorsqu'elle parle. Bien que perplexe quant à ce qu'elle a pu lui faire, son émotion principale est la tristesse d'avoir blessé son compagnon.
— Qu'ai-je fait qui a pu briser cette confiance ? Dîtes-le moi, que je puisse dès maintenant prendre conscience de mes actions et de mes paroles pour tenter de la réparer.
Il réagit ainsi car il est bouleversé, trahi, et surtout il a peur, peur de la perdre.
— Je ne sais que dire, le rêve, il n'a pas l'air d'être sûr de ce qu'il dit, il avait l'air si réel.
Sa voix est lente et triste.
— Mais vous aviez raison, je ne suis plus chevalier, je ne le mérite plus. Vous êtes en effet ma faiblesse, sans vous je ne suis plus rien. Mais je vous ai vu me tuer. Rester près de vous pourrait être dangereux.
Plus il parle, plus il a l'air de douter et de vouloir rester. C'est visible qu'il se force maintenant à parler machinalement.
— Je suis né pour rien, il se rappelle ses parents paysans qui l'ont donné aux chevaliers, je mourrai donc pour rien.
Il chancelle en disant cela.
Elle l'écoute en silence avant d'essayer de se calmer, comprenant qu'un cauchemar est à l'origine de sa réaction et souhaitant ainsi le rassurer. Sa voix, bien que parfois entrecoupée de quelques hoquets, est d'une douceur et d'un amour infinis.
— Vous avez fait un cauchemar, mon amour. Comme d'autres fois. Comme j'en fais également. Ce n'était pas réel. Si je vous ai dit dans ce cauchemar que vous n'étiez plus chevalier, ne le croyez pas. Ça ainsi que toutes les autres choses négatives que j'aurais pu dire. Vous êtes un chevalier, et vous le serez toujours. Être chevalier n'est pas juste un titre ou une belle armure, c'est une manière de penser, d'agir. Vous êtes un chevalier parce que vous êtes prêt à vous sacrifier pour sauver ceux que vous aimez. Parce que l'on sait que vous êtes un homme de parole et que votre honneur est grand. Si je suis votre faiblesse, vous savez que vous êtes la mienne. Nous sommes nos plus grandes forces tout comme nos plus grandes faiblesses. Sans vous, je ne peux vivre.
Elle reste un instant silencieuse, attendant sa réaction pour continuer.
Il semble ému et se prend la tête dans ses mains comme s'il souffrait, mais ne recule plus.
Elle continue sur le même ton de voix.
— Je sais qu'il n'est pas aisé de se défaire de ce que l'on a vu, entendu et senti lors d'un cauchemar. Mais au fond de nous, notre cœur connaît la vérité. J'ai moi aussi rêvé que vous m'étrangliez, vous souvenez-vous ? Mais lorsque je me suis réveillée, mon cœur me disait que c'était faux, que jamais vous ne feriez ça. Alors j'ai cru mon cœur. Vous n'êtes pas né pour rien, regardez-vous, regardez le chevalier que vous êtes devenu. Lorsque votre heure viendra, vous tomberez vaillamment au combat avec honneur, ou vous vous éteindrez en paix avec le sens du devoir accompli. Vous ne mourrez pas pour rien.
Elle reste un instant silencieuse.
— Si toutefois vous préférez quitter cette pièce et ma compagnie, je ne vous en empêche pas.
Il peut sentir de la tristesse dans sa voix.
— Je vous ai aimé un jour et je vous aimerai toujours. Jamais je ne vous oublierai.
Il reste plusieurs minutes debout les bras ballants. Lorsqu'il relève la tête, ses yeux brillent d'amour. Il s'avance, sort son épée, la plante et s'agenouille.
— Vos mots sont si beaux, ma dame. Mon cœur bat et continuera à battre toujours pour vous.
Il sourit maintenant.
—Le pauvre imbécile d'amour que je suis vous demande pardon d'avoir à nouveau douté de vous. Je ne vous oublierais jamais ma dame, comment pourrai-je oublier la femme près de la quelle je vais passer ma vie.
Elle se baisse pour être à son niveau et l'embrasse tendrement.
—Ce n'est pas grave mon beau chevalier, l'important est que nous sachions que nous nous aimons mutuellement et ce, pour toujours.
Elle prend sa tête dans ses mains et plonge son regard dans le sien.
—Un jour nous serons mariés, et les lois sacrés du mariage seront témoins de notre amour inconditionnel.
La joie transparaît de son regard. Il lâche son épée et serre si fort Rion qu'il l'a fait tomber.
—Je serais votre et vous serez mienne.
Il l'embrasse tendrement à plusieurs reprises lui laissant à peine le temps de parler, ne s'écartant que pour respirer. Et elle lui rend ses baisers et l'entoure d'amour.
La nuit passe calmement,suivie d'une nouvelle journée de marche. Néanmoins Louen sent Rion s'agiterdans ses bras durant la nuit, décidément quelque chose semble les empêcher dedormir.
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