CHAPITRE 7 - TOUCHER

Kim Taehyung, 18 ans,

Octobre 2018, Seoul.


Je sors de la chambre, l'esprit complètement vaseux. En rentrant, je n'ai pas traîné et me suis affalé sur le lit pour faire une sieste bien méritée. J'avais besoin de rattraper le sommeil que j'ai manqué en étant malade. J'avais tellement le nez bouché que je ne pouvais pas respirer la nuit, c'était horrible. J'ai pas mal sollicité mon corps aujourd'hui, et même si c'était excitant, ça m'a complètement vidé.

Je passe une main dans mes cheveux emmêlés en longeant le petit couloir menant au salon qui fait également office de cuisine. J'y retrouve un Hoseok en train de siroter un thé devant la table basse et Jin, notre manager, semble s'affairer à nous préparer un repas convenable. En effet, lorsqu'il n'est pas là pour nous nourrir, nous mangeons n'importe quoi. Il est vrai que nous ne passons pas beaucoup de temps aux fourneaux. Pour notre défense, avec les horaires que l'on a, cuisiner des plats élaborés n'est pas notre priorité. Malheureusement pour nos estomacs désespérés.

Hoseok ne m'a pas encore vu, alors c'est la tête dans les vapes que je m'accroupis derrière lui et enserre son cou pour un câlin improvisé. Il caresse doucement mon bras, puis me demande si j'ai bien dormi. Cet homme est vraiment la figure maternante du groupe, il est toujours attentif à ce dont nous avons besoin et ne refuse jamais un peu d'affection. Il est même prêt à en donner, à profusion et sans rien demander en retour.

Nous sommes coupés de nos familles et de nos proches qui, pour la plupart d'entre nous, se trouvent loin. Nous n'avons également pas vraiment le temps de tisser des liens avec d'autres personnes, ayant un emploi du temps chargé. J'espère que nous finirons par trouver le moyen de concilier notre vie professionnelle avec nos désirs personnels, sinon cela risque d'être une vie très solitaire. Nous sommes en permanence entourés de gens, pourtant il est facile de se sentir seul.

Qui est assez compréhensif pour saisir que je ne serais pas un proche très disponible ?

— L'eau est encore chaude et tu as du miel là. Prends-toi un thé pour protéger ta gorge, dit-il avec un rictus en me désignant les éléments.

— T'es incroyable, Hob-ie hyung.

Il rit et ce dernier résonne dans sa cage thoracique sous mes bras. Je les resserre un instant puis me détache de lui pour me servir et obéir aux conseils de mon ami. Je m'assois ensuite en face de lui, sur l'un des coussins.

Un calme paisible s'installe, nous sommes tous éreintés et nous discuterons de la prestation plus tard. C'est ainsi que je perçois ce silence, seulement interrompu par l'agitation de Jin derrière le comptoir.

Sur la route pour rentrer, Jungkook et moi avons partiellement expliqué ce que Jang Siwoo nous voulait. D'un accord tacite, nous avons omis de parler de fanservice et nous sommes concentrés sur le fait qu'il souhaitait que nous murissions sur un plan artistique. Les autres membres s'étaient posés beaucoup de questions, mais finalement plus tant que ça lorsque nous leur avons dit que nous devions écrire une chanson ensemble. Nous n'avons pas encore évoqué le duo pour la chorégraphie, mais chaque chose en son temps, j'imagine.

— Je vais aller me poser.

Hoseok se lève et, avant qu'il ne parte dans la chambre, je l'interpelle :

— Où sont les autres ?

— Jimin-ie et Namjoon-a sont partis marcher et Jungkook-ie est à la salle de sport.

Je tique un peu, si le noiraud est reparti s'entraîner alors qu'il y est déjà allé tôt ce matin, avant le tournage, je pense qu'il est plus perturbé que je ne l'imaginais.

Je sirote mon thé avec lenteur, l'eau étant encore bien trop chaude. Du coin de l'œil, j'observe Jin ranger le plat qu'il vient de finir dans le frigo, le repas de ce soir est prêt. Il s'approche ensuite de moi et prend la place d'Hoseok. J'ai les yeux perdus dans le vide, mais ça ne m'empêche pas de voir que les siens sont rivés sur moi.

— Il y a un problème ? le questionné-je, ne tenant plus.

— Il t'en a parlé ? répond-il seulement.

J'arque un sourcil, ne comprenant pas ce qu'il cherche à me dire, puis ça me revient.

— T'étais au courant ?

Il soupire en se servant un thé au citron.

— Eh bien, c'est moi qui lui en ai parlé en premier, avoue-t-il sans me regarder dans les yeux.

— Comment ça ?

— Je suis chargé de gérer votre image et j'ai remarqué que tu ne partageais rien avec Jungkook-a. Je trouvais ça dommage au début, mais je ne m'en faisais pas trop lorsque vous étiez encore trainees. Je me suis même dis que ça évoluerait sûrement avec le temps. On change en vieillissant, mais votre relation n'a pas bougé d'un iota et est restée au point mort. Les gens ont commencé à le sentir et les commentaires à ce propos sont plus fréquents qu'avant, m'explique-t-il d'une voix posée qui me surprend, venant de sa part. Alors, ne t'inquiètes pas, ce n'est pas non plus alarmant, mais le public se pose des questions et ça serait mieux s'il ne s'en posait pas trop.

C'est à mon tour de fuir son regard, me concentrant sur ma boisson chaude. Je mords dans ma lèvre. Plusieurs personnes ont remarqué ça, notamment des gens proches de moi et je crois que c'est ce qui me chagrine le plus. J'ai intégré l'agence à seize ans, j'étais et je suis encore très jeune, ces individus m'ont pratiquement élevé et je crois que ma reconnaissance envers eux fait que je me sens obligé de les rendre fiers. Je ne veux pas les décevoir, en plus du fait que ça puisse un jour avoir un impact sur notre travail en tant que groupe. La dispute que j'ai eu l'autre jour avec Jungkook est la preuve que les choses doivent changer.

— Nous n'en avons pas parlé aux autres, mais il nous a demandé de faire du fanservice.

Ma voix n'est pas très assurée, je la sens décamper pour se terrer dans un trou.

— Il ne faut pas que vous le voyez comme ça et je ne pensais pas que c'est ce qu'il dirait. Sinon je vous en aurais parlé en premier.

— Il ne l'a pas dit comme ça, mais c'est ce que j'en ai compris.

— Il veut simplement que vous passiez du temps ensemble et que vous appreniez à vous connaître.

— Je dors dans son lit tous les soirs donc j'en passe du temps avec lui, me défends-je d'une manière très puéril.

Ses yeux s'écarquillent brusquement et il se met à tousser l'eau qu'il a avalé de travers.

— Pardon ?

— Ne te méprends pas hein, j'ai juste nulle part où aller. A cause des punaises de lit, je dormais sur le sol, mais au bout de quelques nuits, mon dos a eu raison de moi. J'ai fini par craquer et le seul lit permettant de dormir à deux est celui de Jungkook-a, expliqué-je.

— Son lit est pour une seule personne aussi, il est juste légèrement plus grand. T'aurais aussi pu aller dans un autre dortoir.

Je n'y avais jamais pensé, ça ne m'avait même pas frôlé l'esprit. Pour moi, la seule solution était la couche du noiraud.

— Maintenant que tu en parles, est-ce que..., commencé-je, mais je me fais couper par mon manager.

— Non, mais laisse tomber, tous les matelas sont pris, dit-il précipitamment en finissant son thé tout aussi rapidement.

— Tu te fous de moi ? râlé-je.

Je ne peux m'empêcher d'être familier avec lui, même s'il est mon aîné.

Il ment, je le sais. Le mensonge s'étale sur son visage de manière évidente.

— C'est mieux que tu restes avec les membres pour dormir, pour la cohésion et tout.

— Je suis avec eux tout le temps, toutes les heures du jour, jusqu'à tard dans la nuit. Si je passe quelques heures à cinquante mètres d'eux pendant un petit moment, je pense que personne n'en mourra.

— Taehyung-ie, il n'y a plus de lit de disponible, insiste-t-il en me fuyant du regard.

Avant qu'il ne quitte l'appartement, je l'interpelle à nouveau et il se tourne vers moi, prêt à me renvoyer sur les roses, mais je le surprends en demandant :

— Tu as préparé quoi à manger ?

Un sourire prend place sur son visage.

— Du bibimbap* pour les goinfres que vous êtes.

Mon estomac s'excite par anticipation.

Jungkook n'est pas encore rentré.

C'est la première fois qu'à deux heures du matin, il n'est toujours pas là, surtout quand les autres membres le sont. Tout du moins, c'est la première fois que je le remarque. Je n'ai pas connaissance d'amis qu'il ait pu se faire et avec qui il souhaitait passer du temps. Mais il a envoyé un texto à Namjoon pour le prévenir qu'il rentrerait tard. Il est effectivement tard et il n'est toujours pas là.

Non, je ne m'inquiète pas pour lui, mais il n'a encore que seize ans et je ne vois pas très bien ce qu'il peut faire dehors à cette heure-ci en étant mineur. Je suis simplement curieux.

Je fais face au mur en tenant mon coussin contre moi. Une légère odeur de vanille persiste lorsque je tire la couverture jusqu'à mon oreille, mais une boule d'angoisse monte tout doucement en moi. J'ignore réellement pourquoi, je sais qu'il peut se débrouiller, c'est quelqu'un de futé. C'est pour moi que j'ai de l'appréhension, si je dois être honnête.

J'ai pris l'habitude de dormir avec lui et j'ai un peu de mal avec l'idée d'être tout seul à nouveau. Pourtant, je sais que je vais devoir m'y réhabituer un de ces jours, mais jusque-là, il était là et je n'avais pas besoin de m'en soucier.

Je m'endors avec cette pensée surprenante et très désagréable.

Je sors de ma torpeur en sentant le matelas s'enfoncer.

Je n'ai pas bougé de place, ce qui veut dire que je ne me suis pas assoupi depuis très longtemps. J'ai pourtant tendance à avoir le sommeil agité lorsque je suis stressé.

Un parfum vanillé vient titiller mes narines et je prends une inspiration pour la sentir davantage.

Depuis quand cette odeur est devenue rassurante ?

Il se glisse sous la couette avec lenteur, cherchant probablement à ne pas me réveiller, pourtant c'est trop tard. Après avoir attendu plusieurs secondes sans voir le plafond s'illuminer à cause de la lumière de son téléphone, je décide de quitter mon coussin et de me tourner vers mon voisin. Je constate que son dos me fait face, comme d'habitude. Alors, pour la première fois de manière consciente, je m'approche de lui.

Je veux savoir ce que ça fait tant que les caméras ne sont pas là. Je ne veux pas découvrir ça avec elles, je dois voir si je suis capable de le prendre dans mes bras en étant éveillé, et tester sa réaction alors que je sais qu'il n'est pas encore endormi.

Je m'approche doucement de lui, puis place mon bras autour de son ventre. Je le sens se tendre en quelques secondes à peine, mais il ne bouge pas. Ma prise se resserre tandis que je viens plaquer mon torse contre lui et coller mon front à l'arrière de sa tête. L'odeur de vanille envahie tous mes sens et ralentie les battements de mon cœur.

Lorsque j'estime qu'il va rester immobile, je laisse mon nez glisser entre ses cheveux. Il vient de les laver, c'est d'eux que ce parfum s'échappe. Il a pris le temps de se doucher, pourtant il sent encore l'alcool.

Il est mineur, mais nous fermons les yeux lorsqu'il boit, notamment parce qu'il est souvent raisonnable. Sa consommation n'est pas excessive, il sait s'arrêter quand il le faut.

Pourquoi a-t-il ressenti le besoin de s'isoler aujourd'hui ?

Pourquoi a-t-il décidé de boire ce soir ?

Est-ce qu'il était seul pour le faire ?

Non, personne ne l'aurait fourni à l'âge qu'il a, il était forcément avec quelqu'un de majeur.

Je sens son corps se crisper contre moi et j'ignore si c'est ma faute ou s'il y a autre chose. Sa respiration se met à s'agiter, à devenir plus courte et plus intense. J'ai la main sur son ventre, j'entends pourtant son cœur y battre avec frénésie.

Qu'est-ce qui lui arrive ?

Est-ce comme ça tous les soirs, dès que je le touche ?

Il n'est pas tactile à ce point-là ?

Non, je n'y crois pas, son agitation est telle que ça m'aurait réveillé. Alors qu'est-ce qu'il a ?

Il souffle plusieurs fois, comme pour se calmer et là je comprends, il est en train de faire une crise d'angoisse. J'ignore la raison et peut-être que je l'étouffe à le tenir comme ça. Je relâche ma prise sur lui pour lui laisser la possibilité de s'échapper s'il en ressent le besoin.

Je ne veux pas qu'il sache que je ne dors pas, donc j'attends. Je le laisse faire.

Je suis surpris quand je sens son corps se presser contre le mien, en demande de réconfort. Instinctivement, je l'enlace à nouveau, souhaitant qu'il se tranquillise. En bougeant, ma tête redescend jusqu'à ce que mon visage se niche dans son cou. C'est à cet instant qu'il se synchronise avec ma respiration qui se perd sur sa peau, et le calme revient.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, si son odeur m'apaise, lui recherche visiblement mon toucher.


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NOTE DE L'AUTEURE :

Qui aurait cru que notre petit Jungkook faisait des crises d'angoisse... ?

Les deux semblent un peu plus intimes, non ? Mais... jusqu'à quand ?

La suite dès demain xx

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