CHAPITRE 33 - PRÉSENTATIONS
Kim Taehyung, 24 ans,
Juillet 2024, Seoul.
— Tu vas faire quoi ?
Jungkook et moi avons décidé de quitter les lieux sous les conseils de Jin. Il a dit qu'il s'occuperait de tout, qu'il inventerait un rendez-vous professionnel de dernière minute. Nous avons rejeté cette idée dans un premier temps, devant répéter cet après-midi, mais il a insisté. Je crois que c'est sa manière de s'excuser pour ce qu'il n'a pas commis, pour ne pas avoir remarqué, comme si ça aurait pu changer quelque chose. Je ne peux rien faire pour sa culpabilité, c'est pourquoi j'ai consenti à m'en aller, acceptant par la même occasion ce pas qu'il fait vers moi, vers nous.
— Je vais probablement rentrer, je vais appeler un taxi, réponds-je à Jungkook en quittant le bâtiment de l'agence.
L'air chaud de cet été alourdi inévitablement ma respiration, la rendant moins régénératrice. Le noiraud s'arrête sur le trottoir et se retourne pour me faire face. Il a quelque chose sur le bout de la langue, je peux le percevoir.
— Vas-y, dis-je en faisant un signe de la main pour l'encourager à parler.
— J'ai des amis qui avaient prévu de se voir, mais je ne pouvais pas les rejoindre parce que nous avions entraînement. Maintenant, je suis libre pour y aller, m'explique-t-il en se pinçant les lèvres.
— Tu as raison d'en profiter, tu devrais les retrouver. On a tous les deux besoins de se détendre, je crois.
Pour ma part, je prévois de me faire couler un bon bain pour tenter d'apaiser mon corps en prenant soin de lui. Je suis vraiment tenté de partir d'ici sans tarder, afin d'éviter de traîner à l'entrée et ainsi éviter le risque de recroiser cet homme.
— Je voulais te proposer de m'accompagner.
Je le fixe sans vraiment comprendre. Il veut que je rentre dans son cercle amical ?
Avec les membres, nous ne mélangeons pas nos fréquentations, pour que l'on ait aussi une vie en dehors de Eodum. C'est important pour notre équilibre d'exister sans les autres, pour que nous ayons notre propre identité. On se voit, on mange et boit ensemble, mais pas en compagnie de nos amis respectifs.
— Après m'avoir montré ton refuge avec la plage, tu veux maintenant que je rencontre tes amis ?
Il émet un rire nerveux en passant une main dans ses cheveux.
— Ça fait trop, c'est ça ? demande-t-il avec timidité.
Il a l'air embarrassé maintenant qu'il a posé la question, je trouve ça mignon.
— Pourquoi ça ferait trop ?
— On passe beaucoup de temps ensemble ces derniers temps.
Il hausse une épaule, puis envoie valser un cailloux avec son pied. On dirait un adolescent qui demande à sa première petite copine de sortir avec lui, ça me fait doucement rire.
— C'est vrai que je commence à en avoir un peu marre, rétorqué-je en tentant de garder mon sérieux.
Il relève la tête plus vite que son ombre le ferait. Il se redresse et fronce les sourcils, ma remarque n'est pas tout à fait à son goût. Il a l'air d'être à deux doigts de se mettre à bouder.
Je ne peux pas m'empêcher de m'en amuser, son âme est encore celle d'un enfant. Il se fait souvent avoir par mes âneries, il n'arrive pas à avoir suffisamment confiance en lui pour imaginer que mes vacheries soient fausses.
— Arrête de me faire ce genre de trucs, dit-il en se mettant à rire lui aussi. Est-ce que tu voudrais venir ?
Je l'observe un moment, essayant de trouver la meilleure réponse.
— Tu es sûr que tu ne veux pas garder tes amis pour toi, comme ton cocon, ton jardin secret ?
Il me sourit.
— C'est comme deux cocons qui se percutent pour cohabiter, m'image-t-il en imitant un geste de collision avec ses mains.
— Très bien, présente-les moi alors.
Une fois devant une maison à l'allure provinciale, je m'aperçois que je ne suis pas vraiment présentable. Pour une première rencontre avec ses amis, j'aurais pu imaginer porter des vêtements confortables, mais pas quelque chose d'aussi... sportif.
Jungkook n'est pas plus habillé, je me dis alors que ça n'a peut-être pas tant d'importance que ça, que ce ne sont que des apparences, des coutumes, que c'est surfait.
On passe un portail électronique que le noiraud ouvre à l'aide d'un code qu'il semble connaître par cœur. Il est déjà venu ici, et vu comment il est à l'aise avec les lieux, il y a plusieurs fois mis les pieds.
Le jardin, bien que petit, est entretenu avec soin et entoure la maison ; il est parsemé de nombreuses fleurs et abrite une piscine qui semble être cachée à l'arrière. C'est le genre d'endroit dans lequel je rêverais d'habiter, non loin de la capitale, mais pas non plus assommé par elle. Un petit paradis dissimulé sous les strass et les paillettes.
Jungkook sonne et pendant que nous patientons, il m'explique :
— C'est une colocation entre deux amis, Juwon-ie et Yeong-a, mais Wooshik-a doit être là aussi.
Je n'avais entendu ces prénoms qu'au détour de certaines conversations. Il parle rarement d'eux, mais j'ai déjà vu quelques photos sur son téléphone, notamment quand il était parti en voyage avec eux. Il était heureux de me les présenter à travers l'écran, et j'avais ressenti le bonheur de leur connexion. Ils s'entendent vraiment bien, ils ont belle relation, qui semble saine et positive.
Quand la porte s'ouvre, je deviens nerveux pour une raison que j'ignore. Je suis sociable et j'ai l'habitude de rencontrer du monde, mais ce n'est pas n'importe qui, et j'ai peur de ne pas être à la hauteur.
— Jungkook-a, tu as pu venir ! s'exclame un jeune homme aux cheveux d'un rose pastel doux.
Il est grand, très grand, au point que je suis obligé de lever la tête pour fixer ses yeux. Habillé d'une chemise à rayures blanches et bleues et d'un pantalon cargo beige, son corps fin est mis en valeur par le choix des tissus.
Lorsqu'il m'aperçoit, ses sourcils se rapprochent. Il me reconnaît en une seconde et ses yeux s'ouvrent en grand.
— Tu l'as finalement ramené ?
— Bonjour, dis-je seulement en me courbant un peu.
— Oh non, pas de vieilles manières. Même si on ne s'est jamais rencontrés, c'est comme si tu faisais déjà partie de la famille, rit-il.
Je lui souris en retour, il est tellement spontané et loin des traditions.
— Ne lui fais pas peur comme ça, s'amuse Jungkook en entrant sans même demander l'avis à son hôte.
— Ne l'écoute pas, je ne suis pas si effrayant, me dit-il sous le ton de la confidence. Je suis Park Juwon, je suis content de te voir enfin. Je suis un fan inconditionnel de Eodum !
— Oh, je suis Kim Taehyung, me présenté-je avec un sourire que je n'arrive plus à déloger.
— Je le savais, mais te l'entendre dire rend les choses très réelles. Ne le dis pas à Jungkook, mais tu es mon bias, continue-t-il tandis qu'il me fait un signe pour entrer.
Cette fois-ci, je ris franchement. J'ai vraiment envie d'emmerder le noiraud avec ça, à vie. Savoir que l'un de ses amis les plus proches me préfère est très satisfaisant.
— C'est possible que je l'embête un peu avec ça s'il me cherche trop, avoué-je.
— Tu as ma permission, mais seulement s'il l'a vraiment mérité !
Il me donne des chaussons, puis m'indique la direction du salon qui est très aéré et franchement agréable. Les couleurs sont douces et chaudes, une association parfaite entre le marron tirant vers le chocolat et un gris très pale. Il y a des tableaux ici et là, montrant à quel point les propriétaires apprécient l'art, notamment la peinture. Nous avons une vue sur la cuisine dans les tons grisâtres qui est ouverte et lumineuse grâce aux baies vitrées qui trônent derrière et qui donnent accès à un chemin pavé en direction de la piscine.
Autour du plan de travail, je retrouve Jungkook en compagnie de deux autres garçons. L'un d'eux a un tatouage qui lui mange une bonne partie de la gorge et un piercing au niveau de l'arcade sourcilière. Il a l'air occupé à remuer une préparation à l'aide d'un fouet tandis que le deuxième est brun avec un visage plus poupon. Il me fait penser à Jimin avec ses expressions faciales enfantines et sa manière de regarder ses amis à tour de rôle sans trop savoir quoi faire. Ce dernier porte un tablier rempli de farine alors que ses mains semblent avoir commis un massacre culinaire.
— Je ne vous le présente pas, mais il est là, dit-il alors que sa phrase n'a aucun sens.
Plusieurs paires d'yeux se tournent vers moi et je pourrais en être gêné, mais quand j'aperçois ceux de Jungkook, une douce chaleur s'insinue dans mes veines. Ses pupilles me réchauffent tant elles sont fières, comme s'il était heureux que je sois là, qu'il l'attendait depuis un moment.
— Bonjour tout le monde, les salué-je en inclinant seulement la tête, ne voulant pas être trop formel, suivant les conseils de Juwon.
— On ne va plus le tenir maintenant qu'il t'aura rencontré en vrai, se moque gentiment le tatoué en désignant du menton celui qui est à mes côtés.
Je fixe ce dernier qui commence à bouder, mais cela ne l'empêche pas de s'avancer vers les autres pour me les pointer du doigt un à un.
— Lui, c'est Jang Yeong-a, un mec qui prétend être cuisinier alors que si je n'étais pas là, il serait mort et enterré à cause d'une intoxication alimentaire carabinée, déclare-t-il en montrant l'homme percé. Et lui, c'est Choi Wooshik-a, l'invité qui ne l'est plus vraiment puisqu'il est toujours fourré ici.
Ce Wooshik tape le bras de Juwon en bougonnant tandis que Jungkook secoue la tête, lassé par une situation qui paraît être une vieille rengaine.
Je m'approche pour regarder ce qu'ils préparent, on dirait la pâte d'un gâteau qui semble bien parti.
— Qu'est-ce que tu fais ? demandé-je pour entamer la conversation.
— Du hotteok*, c'est ma première fois, me répond Yeong en continuant de tourner.
— Oh, dis-je avec des étoiles dans les yeux.
Jungkook rit en se rapprochant de moi.
— Là, tu parles définitivement à son estomac et il n'est vraiment pas loin de son cœur, me charrie-t-il.
Je fais un grand sourire, ne pouvant nier ses propos.
— Attends de les tester avec ma touche spéciale, s'amuse Wooshik en bougeant ses sourcils d'une manière équivoque.
— Ta touche spéciale ?
— Ouais, chantilly, confiture de fraise et sirop d'érable. Je l'appelle le combo diabétique.
Je perçois assez rapidement qu'il est le rigolo de la bande, celui qui est prêt à tout pour faire rire les autres.
— Une chance que je ne sois pas diabétique, dis-je alors que je sais que je suis obligé de suivre un régime très stricte.
Je n'ai pas envie de plomber l'ambiance, surtout pour une première rencontre, donc je vais faire une impasse pour cette fois.
Je me sens à l'aise, ses amis font tout pour que je le sois. Ils me couvent comme si j'étais un enfant, et c'est peut-être parce qu'ils sont plus âgés que moi. Je comprends par là qu'ils souhaitent bien faire les choses. Nous discutons de tout et de rien, notamment des plats ratés de Yeong ou encore des frasques en tout genre de Wooshik. Il se retrouve toujours dans des plans foireux qui l'amènent généralement à des situations ridicules.
En tant qu'acteur, il a dû embrasser l'une des actrices. Cependant, en s'approchant d'elle, il a trébuché sur un câble et s'est complètement étalé sur elle. Il a ajouté qu'il avait dû prendre sur lui car elle avait mangé de l'oignon avant de tourner. Il s'est insurgé en nous expliquant que c'était inhumain de consommer ce type d'aliment avant une scène de ce genre, ce qui a provoqué les moqueries de tout le monde.
Plus je le regarde, plus j'ai l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Je m'étais déjà fait cette réflexion lorsque je l'avais aperçu en photos, mais je ne m'étais pas penché sur le sujet. Je me demande alors s'il a déjà joué dans une série ou un film que j'ai visionné, ou s'il s'est présenté à un événement auquel j'ai participé.
— Retourne le pancake, sinon il va cramer, s'enflamme Juwon en regardant Yeong faire.
Ces deux-là sont chiens et chats, c'est à se demander comment ils survivent à cette colocation.
— Mais non, après il ne sera pas assez cuit ! rétorque-t-il en haussant un peu le ton.
J'ai cru comprendre qu'ils ne lésinaient jamais sur les décibels.
— Il a raison, faut que tu le retournes, j'aime pas quand c'est brûlé hein, en rajoute Wooshik en se rapprochant d'eux.
Tous les trois, ils forment une belle brochette. Ils sont tellement différents de Jungkook qui est d'une nature bien plus calme et réfléchie. Il sait se montrer festif, mais il n'est jamais dans l'extravagance.
— Ils ont l'air gentil, dis-je tout bas en tournant légèrement le visage vers le noiraud.
— Ils le sont.
Il a les mains sur le plan de travail, penché un peu en avant tandis qu'il me fixe avec un petit sourire.
C'est étrange pour moi de le voir dans ce contexte, pourtant je l'ai connu dans de nombreuses situations plus ou moins plaisantes. J'ai déjà rencontré ses parents par exemple, qui ne m'avaient pas vraiment fait une bonne impression.
Jungkook a grandi dans une famille aisée qui n'a pas pris soin de lui sur un plan émotionnel. L'argent n'était pas un problème donc ses parents compensaient leurs absences par des cours prestigieux en danse ou en chant, mais il n'a jamais connu l'affection pure d'un simple câlin ou d'un « je t'aime ». Je sais qu'il a des carences affectives qui ne l'encouragent pas à être très tactile ou à initier le contact, ou encore à montrer spontanément son amour pour les gens qu'il aime. Il n'est pourtant pas dénué de sentiments ou d'émotions, bien au contraire, il a simplement jamais appris à les exprimer, à savoir ce que ça signifiait qu'être consolé ou à apprendre à tempérer ses angoisses.
— Je peux te confier un secret ?
Son bras vient toucher le mien lorsqu'il fait un pas de côté vers moi, s'inclinant de sorte à créer une bulle autour de nous. En fond, j'entends seulement les trois amis se disputer à propos de la quantité de pâte qu'il faut mettre dans la poêle.
Je hoche la tête en me penchant vers lui pour que nos chuchotements ne se fassent pas entendre.
A cette distance, je peux sentir son souffle s'abattre sur moi, ravivant des souvenirs de cette nuit que je n'arrive définitivement pas à écarter. Mes yeux vagabondent d'eux-mêmes et parcourent son visage, passant de ses pupilles à ses pommettes accueillant son sourire, à ses mèches brunes devenues trop longues, à ses lèvres pulpeuses qui sont une vraie source de distraction ces derniers temps.
— Tu vois celui qui porte une veste en jean ? murmure-t-il et je comprends qu'il parle de Wooshik. Il est ma première expérience avec un garçon.
J'ouvre les yeux en grand, me retenant à peine de les fixer à tour de rôle.
Dire que je suis surpris est un euphémisme. Le choc me noue la gorge, m'empêchant de lui répondre.
Mais c'est son ami, non ?
Ou alors est-ce peut-être son sexfriend ?
Cette dernière interrogation me tord l'estomac, créant un sentiment qui ne m'est pas familier. Je ne suis pas sûr d'aimer ça, comment peut-il se comporter avec lui avec autant de naturel après ça ?
Regarde comment il se comporte avec toi, c'est exactement pareil, me souffle avec mesquinerie une voix dans ma tête.
Peut-être qu'il remarque mon trouble puisqu'il se redresse et tourne le dos aux trois autres pour s'asseoir sur le plan de travail, prenant un peu de la hauteur. Dans son élan, il ne se rend pas compte que sa cuisse touche mon avant-bras, et même s'il s'en aperçoit, il ne se retire pas pour autant.
— J'avais environ seize ans et j'étais curieux, en plus d'avoir les hormones en ébullition. Il était dans un des dortoirs voisins au nôtre. Il voulait être idole, mais il a vite abandonné l'idée, rit-il.
Je comprends maintenant pourquoi son visage me revenait autant, il était donc dans notre agence. Est-ce qu'il est l'une des raisons pour laquelle il partait le soir et rentrait parfois tard ? Ça n'arrivait pas très souvent à cause de notre planning de répétitions chargé, mais il prenait le temps de sortir un peu. Je ne le remarquais pas forcément auparavant, mais à partir du moment où j'ai commencé à dormir avec lui, j'ai davantage ressenti ses absences.
— J'ai fait ma première fois avec lui alors que j'avais bu, poursuit-il en soupirant. Quand je suis rentré au dortoir, j'avais déjà des regrets et la crise d'angoisse que j'ai eu m'a prise par surprise. Si je l'avais anticipé, je ne t'aurais jamais retrouvé dans le lit, ce soir-là.
— Oh.
C'est la seule chose qui sort de ma bouche.
Parle-t-il de cette fameuse nuit où je l'ai réconforté alors que je faisais semblant de dormir ?
Je suis encore une fois étonné d'être passé à côté d'autant de choses. Mon cœur se pince sans que j'en comprenne la raison.
— Je crois que moi aussi j'ai l'impression de ne pas te connaître, parfois, dis-je en baissant la tête.
— Je me dis que même au bout de huit ans, nous sommes encore capables de nous surprendre l'un l'autre.
Son sourire est radieux et je n'y résiste pas longtemps, succombant à sa bonne humeur.
Le passé appartient au passé, pas vrai ?
— Bon aller, quelqu'un doit tester le combo diabétique, s'enjaille Wooshik en portant plusieurs produits dans les mains, se dirigeant vers la terrasse.
— Tu ne voudrais pas rater ça, m'assure Jungkook en descendant de son perchoir pour le suivre.
J'ai le ventre prêt à exploser.
Les hoddeok étaient tellement épais qu'avec trois, supplément chantilly, confiture de fraise et sirop d'érable, je ne suis pas loin de vomir. Repu, je m'affale dans le canapé de jardin, une main sur l'estomac.
— Alors, ça porte bien son nom ?
Yeong est fier de ses premiers pancakes qui ne sont pas mal du tout. A nous cinq, on les a terminés en une demi-heure, nous avons tous un appétit démesuré.
— Oh que oui, je suis sûr d'être en hyperglycémie là.
— Ma touche spéciale, elle t'a plu ? se montre curieux Wooshik.
Je hoche vivement la tête, c'était incroyable. Je n'aurais jamais pensé à mélanger tous ces ingrédients qui se marient pourtant à la perfection.
— Comment tu l'as découverte ?
— J'avais tout devant moi, alors j'ai tenté l'expérience.
Sa remarque provoque une sorte d'électrochoc en moi. Jungkook a employé le même type de mots en parlant de son aventure avec lui et je ne peux pas m'empêcher de me questionner sur la relation qu'ils entretiennent aujourd'hui. Jusque-là, je n'ai pas vu de regards en biais ou de mains baladeuses, ils sont tout à fait amicaux.
Assis sur le canapé terrasse avec le noiraud, les trois amis sont installés sur un deuxième sofa, nous faisant face. Même si nous avons de l'espace, Jungkook et moi, sans en échanger, nous sommes rejoints au centre, mais nous ne nous touchons pas.
La conversation suit son cours, allant bon train. Je participe de temps à autre, ne voulant pas trop m'imposer. Ma présence n'était déjà pas prévue, alors je n'ai pas envie qu'ils pensent que j'essaie d'avoir une place au sein de la bande. J'ai conscience que ce sont les amis de Jungkook, pas les miens.
Alors que le sujet tourne autour des anecdotes de Yeong qui est caméraman pour une boîte de production de films, Wooshik sort un paquet de cigarettes de la poche de sa veste en jean.
Ça fait deux jours que je n'en ai pas touché une et le manque est toujours présent, d'une manière ou d'une autre. C'est juste qu'il est plus facile à oublier quand je suis distrait, quand j'ai une préoccupation qui maintien mon cerveau à distance de ce poison.
Il en allume une à l'aide d'un briquet et rejette la fumée d'un souffle. J'observe cette dernière s'envoler avec la furieuse envie de m'en griller une, mais j'hésite. Je mentirais si je disais que ce n'est pas Jungkook qui m'en empêche, je n'aime pas le décevoir. J'ai déjà vu ses pupilles quand il l'était et je ne veux plus jamais le voir me regarder ainsi.
Inconsciemment, je tapote mes doigts sur le canapé, cherchant un moyen de penser à autre chose.
— Tu en veux une ?
Le brun me pose la question que j'aurais souhaité qu'il ne me demande jamais, parce que j'ai envie de dire oui, inévitablement.
Yeong continue de parler avec son colocataire, mais Jungkook ne leur porte plus d'intérêt, il se tourne vers moi. J'ai l'impression qu'il attend ma réponse, qu'elle est importante.
— Non, ça ira, merci, réponds-je alors que des picotements me saisissent, signe que j'aurais voulu accepter.
— Tu devrais en prendre une, me conseille soudainement le noiraud, me faisant le fixer avec des yeux remplis de surprise. Peu de gens arrive à arrêter d'un coup, m'explique-t-il avec calme.
Ce n'est pas la première fois qu'il a ce type de discours, mais je ne voulais pas arrêter jusqu'à il y a peu. Comment le sait-il ?
Est-ce que je devrais me sevrer petit à petit ? Y aller par étape, sans me forcer à tout stopper de manière drastique ?
— Tu cherches à arrêter ? me questionne le brun en laissant à nouveau échapper sa fumée sur le côté.
— J'aimerais bien, ce n'est pas vraiment recommandé dans mon travail.
— Je comprends, je ne devrais plus y toucher non plus, mais c'est difficile avec tout le stress lié à la notoriété.
Je ne peux qu'acquiescer, il n'est pas évident de ne pas céder à la tentation des substances permettant de relâcher instantanément et efficacement la pression.
— Je vais t'en piquer une, je n'ai pas fumé depuis deux jours déjà.
— C'est un bon début, dit-il en me tendant une cigarette.
Je l'attrape du bout des doigts, comme si elle allait s'enflammer une fois entre mes mains. Je le remercie, puis la mets à ma bouche et tends le bras, attendant qu'il me prête son briquet.
— Approche, me demande-t-il et je me penche vers lui.
Le feu prend à l'autre bout du bâton, dégageant une odeur qui m'est devenue familière. Jungkook suit chacun de mes gestes avec un froncement de sourcils, probablement est-il dérangé par cette mauvaise habitude.
Mes yeux croisent les siens l'espace d'une seconde, j'aperçois alors ses traits semblant indiquer qu'il est en pleine réflexion. Quand je recrache la fumée, je fais en sorte de tourner la tête pour lui épargner cette effluve qui peut être désagréable.
Tout à coup, il me vole mon poison pour le glisser entre ses lèvres. Je le regarde faire médusé, ne comprenant pas ce qui lui arrive.
— Qu'est-ce que tu fais ?
Il aspire, probablement bien trop fort d'ailleurs, et il est pris d'une quinte de toux alors qu'il me rend ma cigarette.
— Pourquoi tu as fait ça ?
Je lui tape légèrement dans le dos tandis que tous les regards se tournent vers nous.
— Putain, j'avais pas fait ça depuis le collège.
Il continue de cracher ses poumons alors que je le fixe avec intérêt, lui réclamant silencieusement une explication.
— A chaque fois que tu poseras tes lèvres sur un de ces machins, je la partagerai avec toi, déclare-t-il tout à coup.
— Mais pourquoi ? Tu vas te détruire la santé, je ne suis pas du tout d'accord avec ça !
— Justement, tu ne voudras pas que je me bousille la santé, ça t'aidera à arrêter.
J'émets un rire nerveux, son plan est complètement tordu, en plus d'être dangereux pour lui.
— Ça ne va pas bien dans ta tête, toi, lâché-je en clignant plusieurs fois des yeux.
— Je pense que ça t'encouragerait.
Son cerveau ne marche plus très bien, il a dû se l'abimer à force de remuer sur une piste de danse, je ne vois pas d'autres explications. Il ne peut pas me suivre dans ma descente aux enfers, il n'y a pas sa place et je ne le veux pas à mes côtés. Ça me suffit qu'il soit là pour me distraire de mes traumas, il n'a pas à les supporter avec moi.
— Je pense que tu le sais comme nous, commence Juwon avec un air résigné. Quand il a une idée dans la tête, tu es foutu, rit-il.
Le pire, c'est que je le sais.
Et il ne me laisse pas le choix, il me pique ma cigarette dès que ma bouche n'est plus en contact avec elle. J'ai fini par la laisser presque se consumer toute seule, voulant limiter la quantité de fumée qu'il ingère.
On continue ainsi un certain temps, puis lorsqu'elle est terminée, je me sens presque soulagé, ce qui est paradoxal.
Je reste perturbé par son envie de porter mes fardeaux avec moi. A quel point c'est toxique ? Ne vais-je pas l'entraîner vers le fond ?
— Taehyung-ssi ? m'appelle Wooshik, me ramenant sur terre. Vous avez une tournée prévue en septembre, non ?
— Oui, c'est ça.
— Les répétitions ne sont pas trop difficiles ?
Je comprends qu'il cherche par là à détourner mon attention et je l'en remercie secrètement. Il est attentif, tout aussi observateur que Jungkook. Il aime faire rire, mais il n'en est pas moins sensible au ressenti des personnes qui l'entourent.
Plus je le regarde, plus je comprends ce qui a pu faire craquer Jungkook. Il est agréable, taquin et sociable, il donne envie d'apprendre à le connaître, de lui faire confiance. Sans compter qu'il est beau garçon avec son sourire enfantin, son regard joueur et ses traits fins et élégants. Je ne doute pas du fait qu'il doit bien passer à l'écran, il a ce petit truc charmant qui donne envie de le présenter à ses parents. Mais en même temps, il a un air espiègle, un peu rebelle, qui indique que l'on ne s'ennuie probablement jamais avec lui.
— C'est intense, on passe beaucoup d'heures à s'entraîner, mais c'est aussi vraiment euphorisant. J'ai hâte de revenir sur scène et de retrouver les Dumiz.
— C'est cool que tu fasses ce travail pour ces raisons-là, elles sont honorables.
Son compliment me fait plaisir, je souhaite sincèrement que les fans les remarquent aussi.
— Merci ! J'ai cru comprendre que tu voulais être idole à la base, tu as changé d'avis ?
J'essaie de m'intéresser à lui, comme il le fait avec moi. Cette distraction est la bienvenue.
— Oh c'était une erreur de jeunesse, se marre-t-il en se levant pour s'asseoir à mes côtés afin que l'on puisse discuter plus simplement.
Il ne s'embarrasse pas à se mettre à l'autre bout du canapé, il choisit de s'installer non loin de moi, sans pour autant être intrusif.
Alors que j'allais rétorquer, je sens une main se déposer contre l'intérieur de ma cuisse et resserrer sa prise autour de moi, se montrant possessive.
Ma tête pivote rapidement vers son propriétaire, qui n'est autre que Jungkook. Ses pupilles sont braquées sur mon autre voisin, un air sérieux collé au visage.
— Tranquille hein, dit-il simplement en continuant de le fixer.
Je jette un coup d'œil vers Wooshik, ne comprenant pas ce qui se joue entre eux. Ses iris se sont déplacés sur les doigts du noiraud, puis ils remontent vers son visage, un sourcil arqué, interrogateur.
Je reviens sur Jungkook qui finit par déplacer ses prunelles en direction des miennes. Ces dernières s'adoucissent à ma rencontre, redevenant accessibles et chaleureuses alors qu'elles étaient bien plus fermées quelques secondes plus tôt.
Il a toujours été protecteur, mais je ne suis pas sûr que ça soit l'émotion qui l'anime aujourd'hui.
Je rêve ou... il est jaloux ?
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NOTE DE L'AUTEURE :
Que pensez-vous de ce chapitre ?
Jungkook qui décide qu'il a envie que Tae rencontre ses amis ? Est-ce anodin ou plus symbolique, d'après vous ?
Comment trouvez-vous les amis de JK ? Ils ont l'air sympathique ?
Et la relation qu'ont entretenu JK et Wooshik par le passé ? Aviez-vous vu venir le fait que cette première crise d'angoisse (connue par Tae) vienne de sa première expérience sexuelle ?
Et le comportement de Jungkook à la fin ? Que signifie-t-il d'après vous ?
Je pense que, en plus de se poser des questions, les sentiments des personnages sont en train d'évoluer. Mais est-ce dans le bon sens ?
C'est un chapitre qui fait doucement sourire, je trouve. Il était agréable à écrire pour moi, donc j'espère que vous avez apprécié le lire ;)
Les prochains chapitres s'annoncent à nouveau remplis de tension, sachez-le ^^
A jeudi, mes Dumizzzzzz !!!
Era xx
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