CHAPITRE 25 - PITOYABLE
NOTE DE L'AUTEURE : Vous me l'avez demandé (presque exigé) donc voici mon Instagram : @eodum.coal --> https://www.instagram.com/eodum.coal/
Venez me parler, ça me ferait plaisir (^•^)
Kim Taehyung, 24 ans,
Juillet 2024, Seoul.
DEUX SEMAINES PLUS TARD...
Je peste quand je réalise que mon verre est à nouveau vide.
Je le repose avec violence sur la table basse de ce salon bondé, l'esprit embrouillé par le vacarme ambiant. Je ne compte plus le nombre de cigarettes que j'ai consommé, ni même la drogue que j'ai accumulée, me souciant peu des conséquences à ce stade. Je me sens léthargique, mes émotions ont été chassées jusqu'à ce qu'elles n'existent plus ou qu'elles ne soient plus qu'un lointain souvenir. Ainsi, apathique, j'ai le sentiment de pouvoir respirer, que mes inspirations ne me coûtent plus autant que d'ordinaire.
Pourtant, sous la montagne glacée qui entoure mon cœur, je brûle de l'intérieur. Ces vagues de chaleur ondulent dans ma poitrine et n'attendent qu'un simple déclencheur, comme un interrupteur qu'on abaisserait pour me faire exploser.
J'ai du mal à supporter cette fille qui a décidé de se coller à moi parce que je suis simplement assis à ses côtés. Ses mains sont ouvertement baladeuses, laissant peu de place à l'interprétation. Ses doigts se faufilent par moments sous mon bomber et mon haut, puis parcourent mon cou ou bien mes cheveux. Je suis agacé par son comportement, mais ne dis rien, je n'ai même pas la force d'ouvrir les lèvres pour communiquer mon irritation.
Je suis rentré à Seoul il y a deux jours et je n'ai fait qu'une seule chose depuis, et je continue de le faire actuellement. Je me sens comme un trou noir vide de sens qui poursuit sa route sans connaître sa trajectoire. J'ai été lancé dans le néant de l'univers en ignorant tout de la douleur provoquée par la destination.
Ma grand-mère est morte quelques jours après mon arrivée. J'ai seulement pu profiter des derniers instants, comme si on m'avait permis des aurevoirs, ou des adieux, je ne sais pas vraiment. Cela fait plusieurs années que je marche sur un fil, une corde raide qui ne tardera pas à se rompre. Aujourd'hui, je ne marche même plus, je me noie sur place sans avoir besoin d'avancer ou de gesticuler.
Putain de trou noir.
Mon deuil est également devenu celui du monde entier puisque la nouvelle s'est propagée plus vite qu'une ombre suivant chacun de mes pas. Je me demande même si Internet n'a pas appris sa mort avant moi, je n'en serais pas étonné. Ma venue dans cet hôpital n'est resté un secret que durant quelques heures, me laissant seulement le temps de rentrer dormir dans la maison de mon adolescence.
J'ai été surpris à mon réveil de découvrir que ma peine était partagée par mes fans, que je n'étais plus seul dans cette souffrance. Et si les messages étaient pour la plupart bienveillants, je me suis senti trahi.
Je n'ai plus le droit aux mystères, à une vie privée.
Avec le temps, j'ai appris à me montrer ouvert sur les réseaux sociaux, à partager des moments intimes, mais je l'ai toujours fait parce que je l'avais décidé. Aujourd'hui, on m'a volé une information tellement personnelle que c'est comme si on était venue me l'arracher des mains.
La cerise sur le gâteau a été la story Instagram de Cha Yuna qui me présentait ses condoléances. Alors même si elle n'a pas cité mon nom, les gens ont rapidement fait le lien et j'ai croulé sous les commentaires.
Je hais définitivement cette femme.
Je ferme les yeux en me pressant un peu plus contre le dossier du canapé, toujours un joint coincé entre deux doigts. La fumée s'échappe de ma bouche, mais je ne la vois pas tant la pièce est plongée dans la pénombre. Seuls quelques éclairages apportent un peu de luminosité tandis que la musique fait vibrer les murs et mon corps. Je me perds en elle un instant, une légère parenthèse réconfortante que je viens à affectionner tout particulièrement ce soir.
Des secousses s'amusent à me déstabiliser et je comprends rapidement qu'il s'agit de mon téléphone. Je le sors de la poche de mon pantalon pour apercevoir le visage de mon meilleur ami avec l'inscription « Kookie ». Mon doigt est suspendu devant l'icône vert, indiquant la prise de cet appel, mais j'ai conscience de l'état dans lequel je suis. Il ne mérite pas de me voir ainsi.
Après notre conversation téléphonique le jour de mon arrivée dans ma province natale, nous n'avons plus qu'échangé des banalités par messages. Jusqu'au dernier moment, il a contacté ma grand-mère tous les jours pour prendre de ses nouvelles et la divertir. Il était bien plus doué que moi pour ça, il était capable de lui parler de la pluie et du beau temps, des séries à la mode ou des nouveaux pas de danse qu'il avait appris.
Un sourire naissait toujours sur ses lèvres quand elle raccrochait et je ne le remercierais jamais assez pour ça.
Je n'ai pas le temps d'en prendre conscience que la fille à mes côtés, dont j'ai oublié le nom, me vole l'appareil des mains pour répondre à ma place. Je me redresse rapidement, mais elle commence déjà à parler.
— Bonsoir chéri, dit-elle, mais je m'empresse de lui reprendre mon bien.
J'ai un regard mauvais, pourtant elle ne s'en offusque pas. Elle lève simplement les mains en l'air en faisant la moue, faignant l'innocence.
— Désolé, m'excusé-je en mettant le téléphone à l'oreille.
J'essaie de me concentrer pour articuler correctement.
— Tu es rentré ?
— Depuis deux jours, lui avoué-je à contre-cœur.
Je n'ai parlé à personne de mon retour, j'avais besoin de ce temps seul pour... eh bien sûrement pour me mettre minable, soyons francs. Et des témoins n'étaient pas nécessaires, ils ne le sont toujours pas.
— Okay, souffle-t-il et je comprends qu'il est irrité par la situation. Où es-tu ? demande-t-il soudainement.
Je suis surpris, il n'a jamais vraiment voulu savoir où je passais mes soirées de beuverie et de déchéance.
— Pourquoi ?
— Dis-moi seulement où tu es, ordonne-t-il et son ton est d'autant plus étonnant.
Il ne s'est jamais montré aussi ferme avec moi.
— Tu as bu ?
Ça me paraît être la seule raison pour laquelle il pourrait être aussi dur, même s'il n'a pas l'alcool mauvais d'habitude.
— Je t'ai posé une question et j'aimerais que tu y répondes, Taehyung-a.
La manière informelle avec laquelle il me parle provoque des frissons sur mon épiderme, j'ai bien moins chaud tout à coup.
— Je suis chez Yeonjun, pourquoi ?
J'allais renouveler ma question, mais je n'en ai pas le temps, il me raccroche au nez. Ça aussi c'est nouveau, il ne l'avait jamais fait auparavant.
Va-t-il se pointer ici ?
Il n'oserait pas ?
Je peux dire que je le sens avant de le voir.
Malgré mon esprit confus, voire désorienté, j'ai une conscience accrue de ses mouvements qui le guident jusqu'à moi. L'ambiance a changé à son arrivée, pourtant la mélodie continue de marteler les murs et les boissons poursuivent leur course jusqu'aux foies des différents comparses.
Sans que je ne le contrôle vraiment, mon dos se redresse et mes poils se hérissent d'eux-mêmes. Je cligne des yeux plusieurs fois avant de me retourner. Sur le pas de la porte menant au salon, son regard scanne la pièce et se pose presque instantanément sur moi.
Il porte une veste en cuir qui semble un peu trop étroite au niveau de ses épaules. En-dessous, il a enfilé un t-shirt de couleur tout aussi sombre et ses jambes sont habillées d'un jean déchiré qui épouse étroitement la forme de ses cuisses. Sans l'entendre prononcer un mot, je sais qu'il est tendu. Il se tient bien droit, prêt à affronter le monde.
Et je suis visiblement son monde ce soir.
Je me relève du canapé et en fais le tour alors qu'il avance vers moi, traversant la foule comme si elle n'existait pas. Ses yeux restent fixés sur moi, son objectif : je suis sa cible. Une fois à ma hauteur, je remarque que ses sourcils sont froncés, que ses cheveux sont dans un désordre sans nom et que ses traits sont figés dans une expression de colère. Je ne l'ai jamais vu me regarder ainsi.
— On rentre, déclare-t-il sans détour.
Je scanne son corps pour y déceler ce qu'il ne dit pas, mais je n'y trouve aucun message caché, il s'est à nouveau enfermé dans cette cage dont je n'ai pas la clé. A travers les barreaux, je ne peux que l'observer en ignorant tout de ce qui constitue cette prison dans laquelle il s'est lui-même terré.
— Je n'ai pas envie de rentrer, tu n'avais pas à venir, réponds-je en croisant les bras pour me donner contenance.
Je veux lui faire comprendre qu'il ne peut pas débarquer et espérer que je le suive sans rien dire. Je ne suis pas sa chose.
— Ce n'était pas une question, on rentre.
Sa voix est tranchante, elle tombe comme un couperet, n'entend aucune objection. C'est la première fois qu'il prend ce ton, notamment avec moi.
— Je crois que tu n'as pas très bien compris, tu rentres si tu le veux, mais ça sera sans moi.
Je deviens sec, aiguisant ma propre voix pour qu'elle soit tout aussi acérée que la sienne. Il effectue un nouveau pas dans ma direction, son nez se trouvant à quelques centimètres du mien. Si jusque-là je devais tendre l'oreille pour l'entendre par-dessus la musique, je n'ai plus aucune difficulté à percevoir ne serait-ce que la mélodie de son souffle qui s'abat sur mon visage lorsqu'il parle.
— Ne m'oblige pas à faire une scène ici.
Ses joues ont pris une légère teinte rosée que j'arrive à discerner malgré le faible éclairage, notre proximité aidant.
Il a bu.
— A quel moment tu as pensé pouvoir être en droit de me faire une scène ? Tu n'es pas mon père, Jungkook-a, craché-je en relevant le menton, le défiant du regard.
— C'est vrai, mais tu n'en as plus, alors il faut bien que quelqu'un prenne soin de toi. Tu ne crois pas ?
Une violente pointe attaque mon cœur, le faisant saigner. Il a osé me lancer cette remarque en plein visage, n'ayant pas honte d'utiliser cette information douloureuse contre moi. Je ne sais pas s'il se rend compte à quel point il vient de me blesser par ces simples mots, me rappelant que je suis orphelin, seul.
S'il remarque mon trouble, il n'en fait pas part, continuant de conserver cette fureur qui s'est emparée de ses traits angéliques.
— Tu ferais mieux de t'en aller avant que je ne dise des choses que nous allons tous les deux regretter.
— Je n'ai pas peur de tes mots. Je te ferai rentrer, de gré ou de force.
Un rire m'échappe, il est gonflé celui-là. A qui croit-il parler ?
— Je serais curieux de te voir me forcer la main.
Ses pupilles sont incisives, coupantes, telles un couteau et j'en suis la victime. Il ne me quitte pas du regard, ne le détournant sous aucun prétexte pour continuer de m'affronter. Il se montre drôlement téméraire ce soir.
— Retiens que tu m'auras forcé à le faire, dit-il en se baissant pour récupérer mes jambes entre ses bras.
En moins d'une seconde, je finis élevé dans les airs, le ventre sur son épaule. Ma respiration se bloque sous la surprise, je ne l'imaginais pas capable de faire une chose pareille. Je n'ai même pas le temps de réfléchir à répliquer quoi que ce soit qu'il entame déjà sa marche vers la sortie. Par réflexe, je lui frappe le dos en lui intimant l'ordre de me relâcher, mais il resserre sa prise sur mes cuisses en réponse. La nausée commence à me prendre, ainsi à l'envers, mais je me retiens de vomir, les verres consommées ne faisant pas bon ménage de ce côté de la gravité.
— Fais-moi descendre, je ne rigole pas !
Je hurle maintenant, mais la musique couvre mes plaintes. Les personnes présentes se contentent de nous observer de loin, mais aucune d'entre elles ne se décident à me porter secours. Je suis en train de me faire kidnapper à la vue de tous sans que ça ne pose problème. J'en viens mesquinement à espérer que l'un d'entre eux prenne une vidéo pour que Jungkook regrette son geste lorsque cela fera le tour des réseaux sociaux.
Il ne me remet à la verticale qu'une fois dehors, devant son véhicule. Il ne me relâche avec aucune douceur, alors je trébuche légèrement et bute contre la portière du côté passager. Je suis maintenant furieux.
— Non, mais qu'est-ce qui te prend ? Ça ne va pas bien ou quoi ?
Je ne lui avais jamais crié dessus avant ça.
— Je t'avais prévenu, maintenant monte dans la voiture, continue-t-il de m'ordonner.
Mon regard se durcit sur sa personne, la colère emportant tout sur son passage. Si j'étais anesthésié, je viens de revenir à la vie.
— Ce n'est pas parce que tu es mon meilleur ami que ça te donne un passe-droit pour tout ce que tu veux. Je ne suis pas à ta disposition, je n'ai pas à t'obéir ou quoi que ce soit. Tu débarques ici et tu dictes tes règles comme si je n'avais pas le choix. Qu'est-ce qui te prend, putain ?
Je ne suis pas une personne qui jure souvent, j'ai l'habitude de communiquer avec un certain vocabulaire parce que la pédagogie est l'arme la plus puissante qui soit. Or, ce soir, je suis tout simplement hors de moi et les mots me manquent.
— Il me prend que je ne supporte plus ton comportement ! vocifère-t-il, marquant à nouveau un pas vers moi.
Ses mèches rebelles entravent ses yeux, lui ajoutant un air mystérieux qui se marie à merveille avec le cuir de ses fringues.
— Ça ne te regarde pas.
— Tu te détruis à petit feu et je ne te laisserai plus faire. C'est fini !
Il a les dents serrées et les lèvres pincées, sa rage est à peine contenue. Elle semble bouillir sous sa peau et alimenter ses veines comme un carburant.
— Oh mon super héros, dis-je ironiquement en gesticulant avec les bras. Il ne te manque plus que le cheval blanc et l'étrier, puis nous pouvons tourner une scène bien dramatique où le guerrier vient sauver la demoiselle en détresse, me moqué-je.
— Tu n'as rien d'une demoiselle en détresse et je n'ai rien du héros, mais le côté pathétique de la situation est bien présent, m'agresse-t-il et je le bouscule d'une main sur l'épaule.
— C'est moi qui suis pathétique, pas vrai ? Et alors, qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Je n'ai pas le droit de me faire du mal ? Ah oui, j'oubliais que ça ne collait pas avec l'image du parfait idole. Je dois sourire pour masquer les larmes, c'est tellement mieux. Regarde-moi bien sourire en m'enfilant des verres, craché-je en le contournant dans l'objectif de revenir dans la maison.
Il ne me laisse pas faire, il attrape mon bras avec violence. Il me tire à nouveau vers lui, n'acceptant aucun refus.
— Tu n'y retourneras pas.
Je soupire franchement, lassé de cette mascarade.
— Je ne renoncerai pas, je ne t'abandonnerai pas. Repousse-moi autant que tu veux, je te ramène à la maison.
Je prends le temps d'observer ses prunelles suppliantes derrière le masque de la colère. Il est tenace et têtu, et si ces qualités l'ont porté jusqu'au succès et la célébrité, je ne pensais pas qu'il s'en servirait contre moi.
Je n'ai plus le choix, je suis obligé de le suivre.
Le trajet en voiture s'est déroulé dans un silence pesant, lourd de sens, au point que ça m'en a retourné l'estomac. Nous avons ainsi épargné le chauffeur de taxi en contenant notre joute verbale. J'ai également préféré me taire plutôt que de prononcer des mots qui nous blesseraient tous les deux, mais je ne suis pas sûr d'arriver à me contenir longtemps. Toute la colère que j'ai accumulé jusqu'ici fait doucement son chemin le long de mes veines, les faisant s'échauffer. Mes doigts se sont même mis à trembler un peu sous cette émotion que je ne contrôle plus, qui vient s'emparer de mon être.
Une fois arrivés dans le parking souterrain de son immeuble, je sors du véhicule en claquant la porte. Je ne l'attends pas pour rejoindre l'ascenseur qui me conduira à son étage. Avant que les battants ne se referment, Jungkook se glisse à l'intérieur de la pièce exiguë.
Je fixe un point imaginaire devant moi, ne lui prêtant aucune attention, risquant de camper un certain temps sur mes positions. Il est allé trop loin, se comportant en homme des cavernes trop possessif, comme si ma personne lui appartenait, que je devais me soumettre sans discuter.
Je connais le code de son appartement, alors je ne tarde pas à pénétrer dans son logement, me stoppant avant de lui claquer la porte au visage. Dans le long couloir, je m'y arrête et croise les bras, adoptant volontairement une posture défensive.
— Et maintenant ?
Ma langue claque contre mon palet pour signifier toute l'amertume qui m'anime. Je ne prends même pas le temps de me déchausser, pourtant j'ai mes propres chaussons lorsque je viens ici. Je ne quitte pas non plus ma veste, je ne compte pas m'éterniser.
— Maintenant, tu vas aller dormir pour décuver, on parlera demain.
Son ton n'accepte aucun débat, il exige et s'attend réellement à ce que je lui obéisse. Je me retourne pour le voir enfiler des pantoufles et quitter son blouson en cuir qu'il accroche dans un placard, pas le moins du monde perturbé par la situation.
Je ris nerveusement, continuant de resserrer les bras contre moi.
— Tu te fous de ma gueule, c'est ça ? Tu me fais une caméra cachée ?
Ses iris remontent jusqu'à moi, m'envoient quelques éclairs dont je ne pensais plus en être la cible, mais il faut croire que les temps ont changé, ou plutôt nous avons fait un énorme bond en arrière. J'affronte son regard sans ciller, toujours furieux.
— Rien de bon ne ressortira de cette conversation dans notre état. Je n'ai jamais vu tes pupilles aussi dilatées !
— Donc maintenant c'est quand tu le décides et je dois me plier à tes ordres ?
— Ça n'a rien à voir, moi-même j'ai bu ce soir donc c'est une très mauvaise idée.
— Et tes amis étaient si ennuyeux que ça pour que tu viennes me trouver ? craché-je avec véhémence.
— Je n'étais pas avec des amis et je ne m'ennuyais pas, s'énerve-t-il en avançant au milieu du couloir, me rejoignant à mi-chemin.
A nouveau, un rire m'échappe. S'il n'était pas avec des amis, alors il ne reste qu'une seule personne.
— J'ai interrompu ton rencard avec Harin alors, quel dommage !
Je me montre volontairement piquant, souhaitant taper là où ça fait mal. Mon irritation longtemps recluse en mon sein se met à tambouriner furieusement contre mes tempes, ne demandant qu'à s'exprimer.
— Mais de quoi tu parles ?
Son visage est expressif, il est surpris.
— Ne joue pas les étonnés, Jimin-a m'a parlé de ta relation avec elle.
Je n'éprouve même pas de remord à citer le nom de Jimin, je dois être encore endormi par les verres qui me désinhibent.
— Je ne sais pas ce qu'il t'a dit, mais je ne sors pas avec elle. Nous ne faisons que nous fréquenter pour le moment, se justifie-t-il.
— Tu devrais aller la rejoindre et me laisser tranquille, dis-je en amorçant un pas vers la sortie.
Il me retient par le poignet, m'interdisant l'accès à la porte. Il va jusqu'à se placer en travers de mon chemin, croisant les bras pour se montrer plus imposant.
— Tu n'iras nulle part, encore moins dans ton état.
— Mais bordel, quand est-ce que tu vas me foutre la paix ? m'énervé-je, élevant la voix plus qu'il ne le faudrait à cette heure-ci.
— Il faut que tu te calmes, ça ne sert à rien de monter dans les tours.
Il essaie de prendre une voix plus douce qui habituellement m'apaise instantanément, mais je ne suis clairement pas disposé à y être réceptif ce soir. Mon cœur martèle ma cage thoracique et je crains qu'il finisse par s'en échapper.
— Ne me dis pas ce que j'ai à faire ! J'ai besoin que tu arrêtes de m'étouffer comme ça. Je dois prendre mes distances, je n'en peux plus.
— Qu'est-ce qui te fait peur, Taehyung-ie hyung, hein ? Pourquoi tu te renfermes dans ta bulle ? Pourquoi tu m'en exclus ?
Ses membres se sont dépliés, il est à cet instant si près de mon visage que j'ignore quel œil attire le plus mon attention. Comme un peu plus tôt dans la soirée, son souffle vient caresser mon visage et je peux sentir l'alcool qu'il a consommé.
— Ta manie de vouloir tout contrôler est en train de me rendre dingue, j'ai le droit d'avoir du temps pour moi.
— Et pour faire quoi ? Te saouler, te droguer ? Jusqu'à quand ça va durer ?
Ses pieds buttent contre les miens et j'ai d'autant plus l'impression que je ne peux pas respirer, que je suis pris au piège entre ses griffes, qu'il ne me laissera plus jamais partir.
Il me force à l'affronter. Là, maintenant.
— Encore une fois, ça ne te regarde pas !
— Alors pourquoi je suis celui que tu appelles lorsque tes angoisses te rattrapent ? Je ne suis pas à ta disposition non plus, s'agace-t-il en faisant de grands gestes, les traits déformés par la colère.
— Très bien, je ne le ferai plus, bougonné-je, blessé.
— Je n'ai pas dit que tu ne devais plus le faire, tu ne peux juste pas continuer à jouer comme ça avec moi. Tu te rapproches, puis tu recules quand ça t'arrange, ça ne marche pas comme ça !
J'ai la sensation de retrouver les paroles de ma grand-mère dans ses propos, il met le doigt sur une chose qui me fait peur, mais j'ignore ce que c'est exactement. Ces pensées brisent une part de moi, me laissant pantelant durant quelques secondes, mais je me reprends bien vite, la rage commençant doucement à se libérer de ses chaînes.
— Et toi, qu'est-ce que tu ne supportes pas là-dedans ? Tu détestes ne plus être le centre de mon univers, pas vrai ?
Il rit en se mordant la lèvre, comme s'il se retenait de partir en vrille.
— Ce que je ne supporte pas, c'est de te voir devenir aussi pitoyable.
Le temps s'arrête et le monde cesse de tourner. La gravité en devient tellement lourde que je crains que mes jambes ne me lâchent. Cette épine qu'il me plante dans la peau est un poison qui s'insinue avec lenteur dans mes veines, détruisant chacune de mes cellules.
Entendre cette phrase meurtri mon cœur pour ne plus lui laisser aucune chance de survie, créant une trace indélébile.
— Tu devrais peut-être prendre tes distances aussi. Après tout, on ne sait jamais, ça pourrait te contaminer, proféré-je en utilisant mes deux mains pour le bousculer.
Son dos heurte violemment la porte, mais cela ne sera jamais aussi douloureux que ses mots. Toute la peine qui m'habite ne fait que gonfler, s'emparant de chaque parcelle de mon corps, me noyant sous son supplice.
— Ne dis pas ça, vocifère-t-il en élevant la voix. Je ne fuirai pas !
— En plus d'être pitoyable, je suis lâche maintenant. De mieux en mieux !
Ma poitrine comprime tellement mes organes vitaux qu'ils se retrouvent compressés, broyés par ses mots.
— Taehyung-a, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. Je suis conscient que tu traverses une période difficile, même si je n'en connais pas toutes les raisons, mais ça ne vaut pas le coup de foutre sa vie en l'air. Je ne peux pas te laisser faire ça.
— Si j'ai envie de me noyer, c'est mon problème, tu n'as pas à sauter dans l'eau à chaque fois que je me débats. Je n'ai pas besoin de toi.
Ses sourcils se froncent à mes derniers mots, c'est à mon tour de le blesser. Il n'imaginait probablement pas que je puisse être capable de dire une chose pareille.
Il avait raison, rien de bon ne ressortira de cette conversation.
— Laisse-moi m'en aller, dis-je sur un ton neutre, détaché.
Je mets volontairement une barrière entre nous afin de me protéger de ce qu'il dit, de ces vérités qu'ils me lancent au visage, que je ne suis pas prêt à entendre.
— Je ne peux pas.
— Si, tu le peux.
Il secoue la tête en approchant à nouveau, le regard perturbé, presque larmoyant. Je hais cette partie protectrice de moi qui m'inquiète pour lui, qui ne lui en veut jamais vraiment, qui ne le détestera jamais. Je me rends compte qu'il a une certaine emprise sur moi et je ne sais pas si c'est sain ou non.
— Non, je ne le peux pas.
Sa voix craque sur la fin, je ne le pensais pas aussi touché par la situation. Il a l'habitude de verrouiller ses émotions, m'excluant de ses tourments, au point où je le pensais insensible.
Je prends l'initiative de le contourner, mais il me retient encore. Je force le passage, mais il ne quitte pas mes bras qu'il sert à s'en faire mal aux phalanges. Là encore, je suis surpris par la vigueur qu'il met à m'empêcher de partir.
Je m'énerve, tente de me dégager de sa prise, mais il tient bon.
— Jungkook-a !
— Pardon, dit-il seulement, mais je n'ai pas le temps de saisir le sens de ses paroles qu'il fond sur moi.
Son visage gravie les centimètres qui nous séparent et ses lèvres percutent les miennes.
Je suis sonné, d'autant plus que mon dos rentre en collision avec le mur sous l'impulsion de son baiser. Sa bouche plaquée contre la mienne, je mets un temps infini à réaliser ce qui se passe. A peine l'information circule jusqu'à mon cerveau que Jungkook se retire, le souffle haletant comme s'il avait parcouru des milliers de kilomètres.
Je suis sous le choc, mes paupières n'ont jamais cligné aussi vite. J'ose à peine rencontrer son regard, je suis troublé et confus, voire complètement perdu. Quand mes yeux finissent par remonter jusqu'aux siens, ses pupilles brillent d'une lueur que je n'avais jamais vu. Elles sont aussi déconcertées que je le suis, si ce n'est plus.
Je prends le temps d'observer son visage, la finesse de ses traits, la grandeur de ses yeux, la forme de son nez, la rougeur de ses joues, le rebondi de ses lèvres. Pendant une seconde, je ne sais plus très bien où je me trouve. Sa proximité me déstabilise et me réchauffe, c'est une sensation tout aussi perturbante qu'elle est agréable, je ne saurais comment la définir. Elle se vit plus qu'elle ne se décrit.
Il lèche sa lèvre et ce geste m'hypnotise, au point que j'arrête de réfléchir, je débranche la machine. Je ne pense à rien lorsque j'attrape son t-shirt en plein milieu de sa poitrine et que je le tire à moi.
Je retrouve sa bouche.
Les choses dégénèrent ensuite, sans que je ne fasse rien pour y mettre fin.
Jungkook prend mon visage en coupe pour approfondir notre échange et j'y réponds en me pressant contre lui. Mon corps réagit de lui-même, il s'enflamme en un rien de temps, prêt à tout consumer sur son passage. Je sens ses dents heurter les miennes sous la violence de ses assauts, mais je ne m'en plains pas. J'ai l'impression de respirer à nouveau alors que je suis privé d'oxygène. Ce paradoxe est électrisant, il fait battre mon cœur à tout rompre.
Ma main resserre sa prise sur son haut que je martyrise sans pouvoir m'en empêcher, la seconde glisse d'elle-même sur sa hanche que j'attire un peu plus près. Chaque parcelle de son corps épouse le mien d'une manière obscène, mais j'y réfléchirai plus tard. Bien plus tard.
Ses doigts s'accrochent dans mes cheveux, guidant mon visage vers le sien, le maintenant contre lui. Ses lèvres torturent les miennes de la plus belle des façons, s'ouvrant par moments et je n'hésite pas à rencontrer son muscle. Le baiser s'intensifie, il devient gourmand, et la tête m'en tourne. Son bassin se presse contre le mien et me plaque davantage contre le mur. Un soupire m'échappe lorsque les sensations dépassent mon imagination.
Mes doigts me brûlent de parcourir son épiderme, d'aller trouver sa peau, de partir à sa découverte. Je connais ce corps pour l'avoir vu de nombreuses fois, pourtant j'ai l'impression de le rencontrer pour la première fois. Toutes ces zones me semblent accessibles ce soir, comme si elles m'avaient été interdites jusque-là et que je pouvais enfin les apprécier à leur juste valeur. J'ai cédé à cette tentation affriolante, mais elle n'a pas de limite ou de frontière, j'en veux définitivement plus.
C'est l'électrochoc qui me fallait. Je réalise que j'ai envie de Jungkook, mon meilleur ami, mon collègue.
Qu'est-ce qui nous arrive ?
Qu'est-ce qu'on est en train de faire ?
La panique me submerge, je le repousse doucement et il tarde à me quitter, comme si je l'arrachais à l'objet de toutes ses convoitises. Ses lèvres sont meurtries, d'un rouge intense, et j'ai du mal à me dire que j'en suis le responsable. Il me fixe sans piper mot, reprenant progressivement son souffle tandis que ses pupilles sont maintenant aussi dilatées que les miennes.
Est-ce que nous venons réellement de nous embrasser ?
Je suis persuadé d'être coincé dans un rêve un peu étrange qui me fait ressentir une vive flamme que je pensais impossible à allumer.
Nous nous regardons simplement, n'osant pas ouvrir la bouche. Jungkook s'éloigne un peu et se laisse glisser contre le mur d'en face pour s'asseoir au sol, les jambes étendues devant lui. Je fais de même, complètement vidé. Sa cage thoracique adopte toujours un rythme rapide, à l'image de mon cœur qui continue de faire des loopings dans ma poitrine. Je n'arrive pas à redescendre, à stopper les rouages de mon cerveau que je viens de rebrancher.
— Là non plus, ne me regarde pas différemment.
Sa voix brise le mutisme dans lequel nous nous étions terrés, me ramenant progressivement vers lui, à la surface. Je réalise que ma façon de le percevoir compte beaucoup pour lui, qu'il insiste sur ce point comme si mes yeux étaient un miroir et qu'il aurait horreur d'y voir s'y refléter un sentiment négatif à son égard.
Est-ce qu'après ce que nous venons de partager, il est toujours le même à mes yeux ?
Oui et non.
Une part de lui l'est, l'autre qui m'était défendue m'a aujourd'hui était accessible, et je ne sais pas exactement ce que cela signifie. Je l'ai toujours considéré comme une personne mature, mais je ne l'avais jamais vu comme un homme, pas comme ce soir.
Je n'avais jamais embrassé un homme non plus. Je ne pensais pas que je le ferais un jour, je n'avais pas eu à questionner ma sexualité jusque-là. C'est une double claque.
— Je ne peux pas te le promettre, dis-je d'un ton que je ne reconnais pas.
J'ai la gorge enrouée, les émotions se sont accumulées à cet endroit, faisant se resserrer les parois.
Il soupire en fermant les yeux et je me demande si nous regrettons ce qui vient de se passer.
Pas encore.
Pas pour moi.
J'ai aimé ce baiser, je ne peux pas le nier, et je ne le ferai pas.
Je me suis longtemps isolé dans ma tour d'ivoire, ignorant mes propres sentiments pour survivre et quand ils remontaient à la surface, je les ai affrontés de la pire des manières. Je les ai laissés contrôler ma vision du monde et l'obscurité n'a fait que grandir jusqu'à prendre toute la place, au point que la lumière ne peut plus y pénétrer. Elle est tout simplement insaisissable, trop éloignée pour que je l'atteigne, pour qu'elle me berce de ses rayons lumineux. Je suis trop loin, pourtant je ne peux pas la laisser gagner à chaque partie. Je me détruis à petit feu, il a raison, et je me rends compte que j'entraîne inévitablement le noiraud dans ma déchéance.
Je me montrerai courageux, grand-mère, parce que tu avais raison : je veux l'être pour Jungkook.
Et pour prouver mon engagement vers cette voie, je lâche sans détour :
— J'ai été violé il y a deux ans.
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NOTE DE L'AUTEURE :
Ne me détestez pas pour cette fin... (^•^)
Alors... ce chapitre ?
JK prend des libertés avec Tae, vous ne trouvez pas ? Sa colère a eu raison de lui, il ne supportait plus de le voir s'enliser, devenir l'ombre de lui-même, sans ne rien faire... Mais pourquoi l'embrasser ?
Et Tae semble avoir perdu les pédales, lui aussi. On dirait bien qu'il se passe quelque chose qu'ils n'avaient pas prévu... Bon, il faut dire qu'ils étaient peut-être pas tout à fait dans leur état normal, même s'ils étaient lucides...
Que pensez-vous de ce baiser ? Il était un peu torride, n'est-ce pas ? ( ꈍᴗꈍ)
Et puis les derniers mots prononcés par Taehyung... Comprenez-vous mieux pourquoi il a pris ses distances avec JK ? Voir son meilleur ami, son âme-sœur, dans une situation similaire à la sienne a fait remonter de vieux démons dont il tente de se débarrasser depuis deux ans. Sans compter la perte de sa grand-mère...
L'histoire de Tae est plus complexe qu'elle n'y paraît et il conserve pour lui tous ces sentiments qui l'emportent chaque jour un peu plus vers le fond, en tentant de faire le moins de témoins possibles.
Que pensez-vous des personnages à ce stade de l'histoire ?
Et l'histoire en elle-même, comment la trouvez-vous ?
Ai-je à nouveau réussi à vous surprendre ?
A jeudi pour la suite, mes Dumiz ! xx
Era (◠‿◕)
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