CHAPITRE 24 - TO FIND YOU

Kim Taehyung, 24 ans,

Juin 2024, Seoul.


Beaucoup de choses ont tourné dans ma tête. Je me suis imaginé orphelin, perdu, sans maison et sans repère.

La vie est une épreuve à durée déterminée, nous savons tous quand débute le contrat, mais nous ignorons quand il se termine. Pourtant nous savons qu'il y a une fin, un point qui marque un terme, une sorte d'épilogue à l'histoire de notre existence. Durant les embûches parsemées sur notre chemin, nous trébuchons, nous tailladant les genoux jusqu'à en saigner, puis nous nous relevons jusqu'au jour où mettre un pied devant l'autre devient plus dur que la marche en elle-même. Ça symbolise la fin d'un état, l'arrêt dans la course de la vie. Cette ligne d'arrivée est peut-être le début d'autre chose ou bien la phase terminale de notre subsistance.

Depuis que j'ai appris la nouvelle, mon cerveau n'a cessé de ressasser les souvenirs que j'ai partagés avec ma grand-mère, et j'ai versé des larmes en réalisant qu'il n'y en avait pas tant que ça. Focalisé sur ma carrière et les problèmes qui m'assaillent, j'en ai oublié de vivre, de profiter de chaque instant, d'aimer ceux qui m'ont tant apporté. A la mort de mes parents, ce sont ces deux personnes qui m'ont élevé, qui ont supporté mes pleurs, mes crises de joie et de peine, qui m'ont nourri et réconforté. Ils ont rendu mon existence plus facile et ne m'ont jamais fait ressenti la souffrance de la perte de leur fils. Ils ont trouvé la force en eux pour m'éduquer alors qu'ils étaient déjà âgés et qu'ils auraient probablement préféré profiter de leur retraite. Ils ne m'ont pas seulement aimé, ils m'ont chéri et protégé.

C'est la raison pour laquelle j'ai sauté dans le premier avion pour rentrer. Le taxi qui m'amène ensuite dans ma campagne natale roule à une douce allure dans la nuit et chaque kilomètre avalé fait monter la pression en mon sein. J'ai peur de ce que je trouverai là-bas, je crains de ne pouvoir supporter l'image de ma grand-mère malade.

J'ai envie de rire de mon ridicule, je me plains de la situation alors que je vais bien : je ne suis pas celui qui me trouve dans un lit d'hôpital. Elle aura besoin de mon courage. Aujourd'hui, c'est mon tour d'être celui qui saura l'épauler et lui tenir la main dans cette épreuve difficile.

Arrivé devant les urgences, j'enfile une casquette et zippe ma veste jusqu'en haut, cherchant à être le plus discret possible. Au niveau de l'accueil, je prends une grande inspiration, espérant que la dame ne me reconnaisse pas.

— Bonsoir, je cherche à voir ma grand-mère, Kim Aeri.

— Bonsoir, me répond-t-elle gentiment. Je regarde le registre.

Elle fouille dans son ordinateur avant de relever la tête vers moi. Par réflexe, je me mets à fixer le sol pour qu'elle ne tombe pas sur mon visage.

— Elle se trouve dans la chambre 216, au deuxième étage, mais pour vous laisser passer, je vais avoir besoin de vérifier votre carte d'identité. Seuls les proches listés par les patients peuvent les visiter.

J'aurais envie de soupirer, mais je ne peux pas en vouloir à cette femme qui ne fait que son travail.

— Je suis Kim Taehyung, dis-je en lui déposant mes papiers et lui révèle enfin mon visage.

— Oh, répond-elle en ouvrant grand les yeux.

Elle n'émet aucun commentaire, mais je comprends qu'elle sait qui je suis. Je ne peux qu'espérer qu'elle se montrera professionnelle et qu'elle ne divulguera aucune information sur ma venue ici ou sur l'état de santé de ma grand-mère.

Lorsque j'arpente les couloirs de l'hôpital, l'odeur des lieux s'imprègne dans mes narines, me donnant une furieuse envie de vomir la bile qui ne cesse de remonter. J'ai horreur de cet endroit qui me rappelle que la vie ne tient qu'à un fil, qu'elle est si fragile qu'une fraction de seconde lui suffit pour se briser et disparaître comme si elle n'avait jamais existé. Un claquement de doigts et la magie n'opère plus, l'obscurité l'emporte sur la lumière qui s'est battue jusqu'à la dernière minute, jusqu'au dernier souffle.

Ici, je me rappelle que les miens me quittent un à un, qu'ils me laissent affronter le monde dans une profonde solitude, pleine de noirceur et de regrets. Sans eux, j'ai beaucoup de mal à ne pas voir ces énormes taches ténébreuses qui viennent assombrir ma vision de l'univers.

En toquant à la porte de la chambre 216, je constate que mes mains tremblent sans que je ne puisse les contrôler. Je suis envahie par tous ces sentiments qui m'empoisonnent les veines et font redoubler d'effort mon cœur.

C'est mon grand-père qui ouvre et les cernes sous ses yeux m'indiquent à quel point il est épuisé. Je culpabilise immédiatement pour tout ce qu'il doit endurer seul, je lui subtiliserais volontiers la souffrance qu'il intériorise pour ne pas sombrer.

— Tu n'étais pas obligé de venir, adeul*.

Sa main vient trouver mon épaule et il la presse avec toute la tendresse dont il est capable. Je pleurerais presque à la sensation de son toucher sur moi, il m'a horriblement manqué.

— C'est ma place, dis-je simplement en tentant l'esquisse d'un sourire.

Il me le rend avec bienveillance et s'efface sur le côté pour me laisser voir le lit médicalisé derrière lui. La pièce est divisée par un rideau où il est probable qu'une seconde patiente réside dans un autre matelas. Durant un instant, je suis fâché par la situation, ma grand-mère mérite un espace rien qu'à elle où elle pourrait parler et regarder la télévision lorsque l'envie lui prend.

Puis je reviens à la réalité quand mon regard dévie sur la personne allongée, plongée dans un profond sommeil. Je m'approche en espérant que mes pas ne la réveillent pas, elle a sûrement besoin de récupérer autant que possible.

Son visage est détendu et sa chevelure, anciennement brune dévie vers le gris, entourant ses joues qui ont perdu de leur rougeur. Ses traits prouvent sa fatigue et sa lutte, mais elle n'en est pas moins belle pour autant.

Un masque à oxygène a été placé sur sa bouche et l'aide à soulever sa cage thoracique à un rythme régulier. Elle est perfusée et mes yeux ne peuvent que suivre le trajet des tuyaux dont le liquide tombe au goutte à goutte pour trouver ses veines. Ce simple bruit semble envahir la chambre, la rendant plus obscure encore.

Je sens ma poitrine se resserrer à cette vision et je dois me pincer les lèvres pour éviter que la peine ne me submerge. Dans un souffle, je déplace discrètement une chaise pour la mettre au plus près du lit.

— Comment elle va ? demandé-je en chuchotant, ne souhaitant pas perturber son sommeil.

— Elle s'est assoupie il y a une petite demi-heure. Son état est stable pour le moment, mais son cœur est fatigué, m'avoue-t-il d'une voix voilée par ses tourments.

Je relève la tête vers lui pour observer son dos courbé et la vitesse à laquelle il cligne des yeux. Je comprends qu'il essaie de chasser les larmes qui menacent de se déverser pour se montrer fort devant moi, comme il l'a toujours fait. Il ne veut pas m'inquiéter, même s'il se montre honnête sur sa santé et qu'il ne minimise pas les choses.

— Nous devrions demander une chambre individuelle, pour qu'elle se repose au mieux, proposé-je, mais il secoue la tête.

— Nous ne pouvons pas nous le permettre.

Sa remarque fait bouillir mon sang, rendant mon ton plus sec.

— Vous le pouvez, sauf que tu refuses d'utiliser l'argent que je vous envoie tous les mois.

— Ce n'est pas notre argent, c'est le tien, s'entête-t-il.

— Ça serait le nôtre, si tu l'acceptais.

M'opposer à mon grand-père est très rarement arrivé dans ma vie, je n'ai jamais eu le cœur à me montrer désobligeant envers lui. Nous nous sommes toujours respectés et la communication fonctionne entre nous habituellement. Cependant, nous n'avons jamais réussi à nous mettre d'accord en ce qui concerne les finances, il s'entête à ne vouloir être entretenu par personne. Il ne voit pas cela comme une aide de ma part, une envie d'apporter un peu de réconfort dans son foyer. Il le perçoit comme un vol ou un don, de la charité, alors que je souhaite simplement que la nourriture soit bonne, qu'il puisse amener ma grand-mère en voyage ou qu'elle puisse être soignée par les meilleurs médecins.

— Ton argent ne te remplace pas, Taehyung-a.

Je m'arrête net, la respiration bloquée en travers de la gorge.

Je n'ai rien à répondre à ce reproche, il a raison. Peut-être que j'essaie de compenser mon absence avec des billets, en pensant bien faire, en imaginant que ça pourrait être suffisant.

Je fixe le sol, un soupire à peine contenu.

— Ne lui dis pas une chose pareille.

Soudain, la voix de ma grand-mère s'élève et mes yeux se portent immédiatement sur elle. Elle regarde mon grand-père d'un œil sévère. Elle a toujours eu ce tempérament ténébreux où personne n'osera lui dire comment se comporter.

Elle a pris le temps d'enlever son masque, qu'elle laisse pendre à son cou.

— Halmeoni, l'appelé-je doucement.

Son visage se tourne vers moi et un léger sourire vient étirer ses lèvres, égaillant instantanément ses pupilles.

— Mon chéri, je suis contente de te voir.

Le timbre de sa voix sonne comme une douce mélodie à mes oreilles, je réalise alors que j'ai eu peur de ne plus jamais l'entendre.

— Je suis heureux de te voir aussi, dis-je en lui attrapant la main, la serrant fermement pour la sentir au plus près de moi.

— Ne sois pas trop dur envers toi-même, commence-t-elle et j'ai l'impression de revivre un souvenir, celui de la salle de bain avec Jungkook. Tu travailles dur et je suis fière d'être ta grand-mère, tu es un exemple de rigueur et de gentillesse pour ta génération.

Ses mots me touchent plus que de raison, ils font vibrer mon torse qui se gonfle d'une énergie pure et revigorante.

— Merci, réponds-je dans un souffle, incapable d'en dire plus.

— Veux-tu bien nous laisser tous les deux, sarang* ?

Il hoche la tête, se penchant pour embrasser son front avec tendresse, puis nous quitte d'un pas traînant.

— Tu devrais dormir, il n'est que trois heures du matin.

— Je me fiche de l'heure, déclare-t-elle et j'émets un rire discret.

Elle place sa seconde main sur les nôtres, enlacées, puis porte son regard sur elles avec un joli sourire. Je resserre mes doigts autour d'elle, cherchant à lui faire comprendre que je suis là.

— Comment vas-tu ?

Sa question me surprend, d'autant plus que ce n'est pas moi qui me trouve dans un lit d'hôpital. Mais elle est comme ça, son bonheur a toujours dépendu de celui des personnes qu'elle aime, comme si sa situation n'importait que lorsque celle des autres était bonne. Son sens du sacrifice est à la fois sa plus belle qualité, mais aussi son plus gros défaut, mais je ne lui avouerais jamais.

J'aime la pureté de son cœur, je ne suis pas étonné qu'aujourd'hui il pleure.

— Avec les membres, nous préparons une tournée, alors nous travaillons durement. Les répétitions sont de plus en plus intenses, mais c'est de la bonne fatigue. Nous avons hâte de retrouver nos fans aussi.

Ses lèvres s'étirent davantage.

— Je t'ai demandé comment, toi, tu allais, pas Kim Taehyung de Eodum.

Je soupire parce qu'elle a toujours su lire en moi, bien plus que n'importe qui. Elle a l'instinct d'une mère, enfin j'imagine, parce que je n'ai pas eu le temps de connaître vraiment la mienne.

— Pourquoi tu veux parler de moi alors que j'aimerais savoir comment tu te sens ?

— Parce que tu es l'être que j'affectionne le plus, et ne le raconte pas à ton grand-père, dit-elle sous le ton de la confidence.

Je ris un peu.

— Je veux savoir comment va mon bébé, ajoute-t-elle en caressant doucement mon visage. Et je veux la vérité, je sais quand tu mens.

Sa main sur ma peau provoque une montagne de frissons qui me fait fermer les yeux. C'est réconfortant, un geste plein d'un amour qui me consume d'une manière agréable.

— C'est un peu dur en ce moment, lui confié-je. Une personne que j'aime beaucoup traverse des moments difficiles et je me sens inutile. Pour couronner le tout, je sais que je fais tout de travers.

Elle fronce les sourcils à mon aveu, puis elle se redresse légèrement, ce qui la fait grimacer. Mon cœur se pince quand je constate l'effort que ça lui coûte.

— Tu ne peux pas prendre la douleur des gens, ils ont besoin de la vivre pour évoluer. Pourquoi penses-tu tout faire de travers ?

Je commence à jouer avec son alliance, la faisant tourner autour de son doigt.

— J'ai pris mes distances avec cette personne.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas, j'imagine que la situation me fait peur, dis-je en haussant les épaules.

— Ce sont les événements qui t'effraient ou tes sentiments vis-à-vis de cette personne ?

Je relève la tête, surpris par son interrogation.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

— Si la souffrance de cette personne te fait autant de peine, c'est qu'il s'agit de quelqu'un d'important. Mais tu as choisi de mettre de la distance entre vous, alors je me demande si ce n'est pas tes sentiments, tes réactions, qui te font plus peur que la situation en elle-même.

Ma grand-mère est une personne philosophique et pragmatique qui maîtrise la sagesse des mots. Elle sait toujours où se situent les difficultés des gens, et si elle pourrait les exploiter, elle a préféré les guider, les conseiller. Elle est perspicace, ce qui me fait souvent réfléchir et voir les choses sous une autre perspective.

— Je me suis montré protecteur dans un premier temps, mais ça m'a rattrapé.

— Et comment cette personne a réagi ?

— Eh bien, elle est devenue plus proche de moi, comme si j'étais devenu la solution à tous ses problèmes. Mais je suis loin de l'être, je n'ai pas les armes pour affronter... tout ça.

Elle dégage une mèche de devant mes yeux, attirant mon regard vers elle. Son visage a pris un air concentré et je m'en veux de lui causer du souci dans un moment pareil.

— Parfois, la vie ne fait pas de cadeau et se montre particulièrement douloureuse. C'est dans ces moments-là que nous reconnaissons les courageux. Ceux qui font face aux épreuves sans armes ni artifices sont les vrais courageux. Ils ont décidé d'être authentiques, de se mettre à nus et de prendre à bras le corps les défis de la vie. Ça ne signifie pas que tu dois réussir, mais tu es obligé d'essayer, parce que la bravoure est une histoire de ténacité, et je ne doute pas une seule seconde de la tienne.

Une larme se forme dans le coin de mes yeux, je suis ému par ses paroles et la confiance qu'elle a placé en moi.

— Je ne suis pas aussi courageux que tu le crois.

— Tu le seras pour Jungkook-a, je le sais.

Mes lèvres s'entrouvrent, j'ignore comment elle a pu deviner de qui je parlais. Mais son instinct est plus grand que tout ce que j'ai connu, il transcende la vie et l'univers.

Ce n'est pas pour rien que c'est un ange.

Elle m'a forcé à rentrer à la maison, me rappelant que chaque nuit compte et qu'elle n'a pas besoin de moi pour veiller sur elle. Quand je suis arrivé dans ma chambre d'adolescent, j'ai eu le sentiment de faire un bond en arrière. Ce n'est pas la première fois que j'y retourne, j'y dors à chaque fois que je reviens ici, pourtant c'est différent aujourd'hui.

Les souvenirs ont tendance à remonter, certains sont agréables tandis que d'autres sont plus sombres, mais ils constituent le gigantesque puzzle de ma vie, de ce que je suis. Sans eux, j'ignore qui je pourrais être.

Je m'assois sur le lit, abandonnant par terre les quelques affaires que j'ai prises en partant. Lorsque j'ai annoncé à Jimin que je devais m'en aller, il m'a aidé à préparer un sac et n'a pas arrêté de m'envoyer des coups d'œil inquiets. Il a entendu la déclaration de mon grand-père à travers le téléphone alors je n'ai pas eu besoin de lui expliquer la situation. Je lui ai demandé de prévenir les autres de mon absence et une succession d'appels a plu durant mon trajet.

Les membres sont là pour moi, comme ils l'ont toujours été. Ils sont prêts à m'écouter, à me laisser pleurer sur leurs épaules, mais le seul à qui j'aurais aimé confier ma douleur ne m'a pas contacté. Cette constatation m'a fait mal, bien plus que ça ne devrait. Jungkook est mon meilleur ami, mais il n'est pas à ma disposition. Il peut être occupé ou bien il se met à refléter mon comportement et m'évite à son tour. Peu importe sa raison, je n'ai pas vraiment le droit de m'en offusquer.

Assis sur le matelas, mon regard se dirige naturellement sur la fenêtre qui me fait face. Le noir a rempli l'horizon où une plaine devrait se trouver. L'ambiance est morose, à l'image de ce qui se déroule dans mon cœur, qui se retrouve piégé dans cette obscurité. Comme une vieille routine, une sale habitude.

Je sors mon téléphone de la poche de mon jean pour y lire l'heure : il n'est que quatre heures et demie. Il est bien trop tôt ou bien trop tard pour un appel, pourtant mon doigt reste figé au-dessus de l'icône, comme guidé par son propre instinct.

Je ferme les yeux et soupire, j'hésite.

Je souffle encore, puis appuie sur le bouton.

Ça sonne de nombreuses fois, les secondes s'écoulent, s'étirent et s'arrêtent. Le répondeur s'enclenche.

Comme je le disais, il peut être occupé, être en train de dormir ou il pourrait être accompagné. Il est même possible que Harin soit à ses côtés à l'heure qu'il est, et je n'ai pas le droit de lui priver de ces moments-là. Jimin a raison sur un point, j'ai besoin que Jungkook gravite autour de moi, comme si j'étais le trou noir de son existence et que je ne tarderais pas à l'avaler. Je dois arriver à m'effacer pour qu'il puisse vivre sans que qu'il ne soit mon propre trou noir.

Je pose l'appareil sur le côté, relevant les yeux sur ce paysage sombre devant moi. Le vent fait s'agiter les carreaux de la fenêtre qui aurait besoin d'être changée, mais paradoxalement, je suis heureux qu'elle soit toujours la même. Elle représente une constante dans ma vie, un repère immuable.

Mon téléphone se met à vibrer, faisant bouger ma tête plus vite que je ne l'aurais imaginé. Le visage de Jungkook apparaît sur l'écran, le montrant à moitié endormi dans son lit. C'est une photo que j'ai prise à l'hôtel lors de notre tournée de l'année dernière. Il s'était assoupi devant un film que nous avions lancé, un pop-corn au coin de la bouche, prêt à être avalé. La vérité, c'est que j'ai fini par le manger, mais il n'en a jamais rien su. Je crois qu'il ignore tout de ce cliché, pourtant il m'est précieux. Il a l'air si innocent sur cette image.

Là encore, j'hésite alors que je suis celui qui l'a appelé en premier.

Je finis par décrocher.

Nous n'émettons aucun son, je ne fais qu'entendre sa respiration. J'en veux à mon esprit de se réjouir de ce simple bruit parce que c'est ridicule, mais ça m'apaise de savoir qu'il est là, même si je ne peux pas le voir ou le sentir.

— Comment elle va ?

Sa voix est rauque, comme s'il venait de se réveiller et je me maudis de le tirer aussi souvent du sommeil. Ma grand-mère serait furieuse, elle me traiterait de mal élevé.

— Son cœur est fragile, mais son âme est forte, réponds-je avec difficulté.

J'ai moi-même l'impression de sortir d'un coma tellement ma bouche est pâteuse, j'ai du mal à articuler.

— Je pourrais avoir le numéro de sa chambre pour la joindre ?

Je cligne plusieurs fois des yeux, réalisant ses paroles. Parfois, j'oublie à quel point j'ai de la chance de pouvoir le compter parmi mes proches. Malgré la distance que j'ai instauré entre nous, il est toujours présent, quoi qu'il arrive.

Il est aussi une constante dans ma vie, comme cette fenêtre.

— Est-ce que tu pourrais me chanter une chanson ?

Ma question me surprend moi-même, je n'ai jamais eu l'habitude de lui quémander ce genre de choses. Il est généralement celui qui se met à fredonner sans qu'on ne s'y attende, dans toutes les circonstances possibles. Il a choisi le métier parfait pour lui, je n'aurais pas pu le voir faire autre chose. Chanter est sa manière d'exister, il préfère cela à respirer.

— Maintenant ?

Je hoche la tête, mais il ne peut pas le savoir. Je murmure à peine un « mmh » qui se bloque légèrement dans ma gorge, puis sa voix s'élève.

« When you were staring at your bedroom wall

With only ghosts beside you

Somewhere out where the wind was calling

I was on my way to find you

I was on my way to find you »*

Les larmes s'échappent d'elles-mêmes, venant tracer des sillons le long de mes joues à la véracité des paroles. Les derniers événements me sautent au visage, viennent s'agripper à ma peau pour la déchirer, la réduire en morceaux.

Mon cœur saigne et j'ignore si je serais capable de remonter la pente, de gravir les obstacles, de me montrer aussi courageux que l'estime ma grand-mère.

Plus qu'échouer, j'ai peur de tout perdre, moi y compris.

_________

NOTE DE L'AUTEURE :

Ce chapitre est, me semble-t-il, utile afin de comprendre qu'un idole sacrifie une partie de ce qu'il est pour sa carrière. Tous les souvenirs qu'il n'aura jamais créés avec ses proches seront perdus à jamais et ne pourront être remplacés. C'était important pour moi d'écrire ces mots, de faire réaliser aux gens que chaque moment compte. N'oubliez jamais qui sont ceux qui sont là pour vous et chérissez tous ces instants sans importance qui veulent dire bien plus que vous ne pouvez l'imaginer.

Je ne connais pas la véritable relation de Tae avec sa grand-mère, mais j'imagine qu'elle devait être assez forte puisqu'il a en partie été élevé par elle. J'espère avoir pu faire honneur à cette relation à travers ce chapitre.

JK prend visiblement un peu de distance avec Tae, mais il ne peut s'empêcher de chanter pour lui quand il le lui demande. C'est en ça que leur relation est, selon moi, aussi magnifique qu'emprisonnante. 

Que pensez-vous des mots de sa grand-mère ? 

Et qu'imaginez-vous que ses mots puissent déclencher chez Tae ?

Sachez que le chapitre 25, celui qui suit, est celui que j'avais en tête dès le prologue et celui qui m'a fait démarrer l'écriture de Eodum. Donc vous imaginez bien qu'il est important, je dirais même qu'il y a un plot twist (⁠ ⁠ꈍ⁠ᴗ⁠ꈍ⁠)

A dimanche, mes Dumiz xx

PS : Comme on me l'a plusieurs fois demandé, je vais vous donner mon nom de plume : Era (⁠◠⁠‿⁠◕⁠)

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