Chapitre 2
« Le passé ressurgit toujours. »
Alexandra Kean
Une vive douleur me lança dans le cou quand je me réveillai en sursaut dans un lit en nacre. Une violente boule de terreur était logée au creux de mon abdomen, et je ne reconnaissais rien autour de moi. Le bruit sourd qui bourdonnait dans mes oreilles m'indiqua que nous étions dans un avion. Le hublot en face de moi donnait sur un blanc pur qui me faisait mal aux yeux. Nous traversions probablement des nuages.
Je me redressai vivement, le cœur battant à cent à l'heure, en tentant de me calmer. J'étais sûrement en train de rêver, et j'allais me réveiller dans ma suite à Londres. Cet « A » méprisant n'aurait jamais existé et je ne serais pas seule dans un avion au milieu de nulle part, vers une destination inconnue.
Je déglutis sévèrement en tentant de reprendre mon souffle, sans succès.
Je regardai autour de moi, dans l'espoir d'y trouver quelque chose qui pourrait me sortir de là, où m'indiquer au moins ce qui se passait, mais à part le lit luxueux sur lequel j'étais allongée et une porte menant vers les toilettes, à en croire le sigle collé dessus, la pièce était vide.
Une boule se coinça de nouveau dans ma gorge et j'eus du mal à respirer quand j'entendis des voix. Je fronçais les sourcils et avisai un rideau qui semblait masquer... une porte ! Les voix venaient de l'autre côté.
Je me précipitai dessus, mais la poignée resta bloquée et mon cœur accéléra alors que je prenais conscience de la situation. J'étais seule, enfermée dans une chambre, dans un avion à dix mille mètres de la terre ferme, après qu'un potentiel criminel m'ait plongée dans l'inconscience.
Je venais d'être kidnappée.
Okay, Vi', reste calme, reste calme, reste calme, reste calme...
Peine perdue. Mon cœur battait à cent à l'heure, ma gorge se bloqua et je cessai de respirer en me précipitant vers la seconde porte.
La respiration haletante et le front en sueur, je vomis mes tripes dans la cuvette en tentant de rester consciente. Ma cicatrice au bas-ventre me lança et je grimaçai en tentant de calmer mon souffle.
Je déglutis violemment alors que ma respiration se tranquillisait peu à peu. Il fallait que je trouve un moyen de sortir de là.
Pour retourner faire ta pute ?
Tiens, ma conscience angélique, ça faisait un bail que je ne l'avais pas entendue. Je couchai peut-être avec des hommes contre de l'argent, et la société d'aujourd'hui avait beau trouver ça immoral, au moins j'étais libre et sans problème.
Libre ?
Je chassai la petite voix qui riait et collai mon oreille contre la porte dissimulée par le rideau.
La voix de mon mystérieux client me parvint distinctement.
— Oui, je suis sûre que c'est elle.
Il devait être au téléphone, car je n'entendis aucune réponse. Est-ce qu'il parlait de moi ?
— L'ADN matche à cent pour cent, ses traits correspondent également, elle a exactement la même tête que celle que le logiciel lui avait préditee, et même son âge et son ethnie correspondent. C'est votre fille, elle a vingt-cinq ans, toutes ses dents, et même vos yeux. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Je déglutis en me souvenant des dernières paroles du fameux « A ».
« Si c'est toi, je ne vois pas comment je parviendrai à te respecter. »
Je n'étais pas stupide, j'étais actuellement enfermée dans la chambre d'un jet privé après avoir été kidnappée par un tueur qui était, de ce que je percevais, le seul autre être vivant de cet avion. Et ce tueur pensait que j'étais... la fille de quelqu'un.
Or, je n'étais la fille de personne.
Rien que d'y penser, mon estomac se retourna et je vomis le restant de la bile de mon estomac dans la cuvette avant de m'asseoir au sol, en position fœtale, dans l'espoir de trouver un moyen de me sortir de là.
Mais j'étais dans un avion, un putain d'avion.
J'enfonçais mes ongles dans la peau de mes mains, pour les empêcher de trembler, mais peine perdue, j'étais terrifiée.
Un éclat de voix retentit derrière la porte et je me rendis alors compte que mon ravisseur ne savait pas que j'étais réveillée et continuait de parler comme si je n'étais pas là.
— Non.
Son interlocuteur en haut-parleur semblait vociférer.
— Pour autant que je vous respecte Giovanni, je ne voulais pas vous l'annoncer comme ça, mais c'est une pute. Et je ne déshono...
Il s'éloigna une nouvelle fois.
— Non, une vraie pute qui s'assume et qui s'offre pour de l'argent. Des dizaines de milliers de dollars.
— ....
— Non, j'en suis sûr. Je l'ai lu dans ses yeux. Elle est méprisable.
Le mec à l'autre bout du fil hurla, mais je ne compris pas un traitre mot de ce qu'il disait.
Méprisable. Ils m'avaient pourtant prévenue.
Je déglutis et me reconcentrai sur la conversation en appliquant mes méthodes de respiration pour ne pas paniquer. Si je paniquais, tout s'écroulerait. La panique était interdite. In-ter-di-te.
Il sembla avoir raccroché, parce que je n'entendis plus rien. Je soupirai en tremblant et reposai mon crâne contre la porte, quand celle-ci s'ouvrit brusquement, me projetant à terre et remontant ma robe en même temps. J'aperçus alors un pansement sur l'articulation de mon bras, sûrement le résultat de la prise de sang.
« A » était là, me dévisageant avec un mépris qui me foudroya.
— Pathétique.
Je baissai la tête devant lui sans rien ajouter. Je n'avais pas voix au chapitre.
— Mais regarde-moi, bordel !
Une lueur d'incompréhension traversa son regard quand je plantai le mien dans le sien et il fronça les sourcils en disant quelque chose dans une langue qui m'était familière.
— Buona fortuna Giovannni, ti sei imbattuto nella peggia ! (Bonne chance, Giovanni ! Tu es tombé sur la pire !)
Je n'allai pas non plus lui dire que je comprenais l'italien.
Il me jeta un sac et me regarda dans les yeux.
— Habille-toi décemment et viens me rejoindre.
Je hochai la tête lentement, ne sachant pas quoi répondre, mais comme il n'ajouta rien, je supposai que mon comportement était ce qu'il attendait.
Je n'attendis pas qu'il parte et enlevai aussitôt ma robe et mes talons. Je me penchai pour attraper le sac et en sortis un sweat à capuche, quand je sentis qu'il était resté.
Je me retournai vers lui et vis son regard bloqué sur mon corps. J'allais hausser les épaules et enfiler le haut quand il me cracha littéralement dessus avec un regard brûlant de mépris.
— Et refaite en plus de ça. Une vraie pute. Tes gènes ont vraiment mal fait leur travail.
Il claqua la porte et je retournai vomir.
Après m'être essuyée le coin des lèvres et rajustée, j'enfilai le sweat et le slim noir contenus dans le sac, ainsi que les baskets blanches. En fouillant plus loin, je trouvais également du démaquillant.
Sérieux ?
Je regardai mon reflet dans le miroir et essuyai avec mon doigt le mascara qui avait laissé une coulée noire sous mes yeux. Je n'avais aucune idée de là où il m'emmenait, mais il fallait toujours accueillir la mort sur son trente-et-un.
_________
— Vampire et anorexique...
Il jeta un coup d'œil à mes longues jambes avec mépris et retourna s'asseoir sur un long canapé en cuir blanc alors que je découvrais la seconde partie de l'avion, où la température était tout de même nettement plus agréable. Il était relativement petit, et surtout vide. En fait, hormis le canapé et ce que je supposais être deux sièges classiques juste derrière lui, il n'y avait rien du tout.
— Les sièges sont pour les hôtesses. Il n'y en a pas ici, pas la peine de les chercher pour demander de l'aide.
Il devait au moins il y avoir un pilote, mais il était sans aucun doute à sa solde. Je déglutis et le regardai alors qu'il soupirait. Il m'indiqua sa gauche et but une gorgée de son verre de vin.
— Viens t'asseoir au lieu de rester plantée là.
Je m'assis avec prudence en croisant les jambes avec grâce. Je ne loupai pas son regard méprisant sur mon geste, ce qui me fit rouler des yeux. Si la classe le gênait, il pouvait retourner à la rue.
— Tu es là, parce qu'il y a quinze ans tu as été kidnappée dans un parc...
J'enfonçai mes ongles dans ma main jusqu'au sang avec un sentiment bizarre et interdit dans la poitrine.
— Tu es la fille de Giovanni Sanguino, le chef de la plus grande mafia d'Italie, la Nostra Sangue. Ton vrai nom n'est pas Émeraude, mais... Viviana. Tu as deux grands frères de 30 et 31 ans, Lorenzo et Alesio.
— Je me souviens.
Il s'interrompit, bouche bée, en me dévisageant.
— Tu te souviens ?
Je lui servis un sourire poli en faisant saigner les paumes de mes mains. Non, je ne me rappelais pas. Du moins, pas vraiment. Je voyais des formes floues dans l'ombre de mon enfance, à peine. Je n'avais pas envie de me souvenir. Je n'avais pas envie qu'on me promène pour me raconter de vieilles anecdotes. Je voulais me casser d'ici au plus vite, et le meilleur moyen de le faire c'était de les pousser à me faire confiance le plus possible. Alors oui, j'allais me « souvenir » de leur petite histoire. Ou plutôt, faire semblant.
— Comment oublier ? Et toi, tu es ?
Il ricana.
— Alessandro. Tu ne m'as jamais vu avant, ne t'en fais pas. Ton père est très heureux de retrouver sa petite chérie, un peu moins que sa princesse si précieuse soit une pute, mais au pire, s'il te renie, mes bordels te seront grand ouverts.
Il me servit un sourire ironique, sans doute dans l'espoir de me blesser, mais je n'entendais déjà plus ce qu'il disait.
Ils m'ont trouvée.
Après toutes ces années.
Mais c'est trop tard.
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