Chapitre 1
« Pretty face, cute ass, badass bitch »
Alexandra Kean
Je mordis ma lèvre inférieure pour vérifier mon rouge à lèvres pétant, attrapai ma pochette noir mat et jetai un coup d'œil au miroir. Eye-liner noir d'encre pour souligner le vert de mes yeux, robe bustier noire, talons aiguilles, pendentif émeraude qui cachait mon tatouage. J'étais prête.
En croisant mes jambes fines et bronzées sur le tabouret du bar du palace quelques minutes plus tard, je me retins de grimacer. Dehors, des visages inconnus se pressaient pour rentrer chez eux. Des gens qui devaient probablement trimer de tout leur soul pour obtenir à peine quelques milliers de dollars en un mois, alors que j'en obtenais le double en une soirée.
— Ma baby girl est toujours aussi chaude à ce que je vois.
Je me retournai vers John avec un sourire coquin. Cinquantenaire, marié à une coincée du cul, deux enfants, et plein aux as. C'était un client régulier.
Je le regardai par-dessus mes cils.
— Seulement pour toi, Daddy.
Il rigola. Lui, comme moi, savions à quel point c'était faux, mais je devenais qui il voulait s'il mettait le prix.
Il me tendit une grande boite rouge en velours et je le contemplai avec une excitation enfantine et factice avant de l'ouvrir. Un magnifique collier de cinq carats de diamant me dévisageait. Je levai le regard vers lui.
— C'est une récompense ?
Une manière de lui demander s'il me payait désormais mes honoraires en diamant.
Son doigt glissa dans mon décolleté, subrepticement.
— Un cadeau. Tu auras ce que je te dois à la fin de notre petite entrevue, si tu as été sage.
Je me mordis la lèvre et me penchai pour déposer un baiser carmin sous son oreille, veillant à ce que son nez plonge dans mon décolleté par la même occasion.
Il se leva et posa sa main sur ma fesse en la pressant.
— Toujours la même suite ?
— Avec le même lit confortable.
Il me fit un clin d'œil et m'entraîna vers l'ascenseur en me malaxant les fesses. Il me mordilla le cou quand les portes s'ouvrirent, referma la porte de la chambre en glissant ses doigts dans mon string.
— Vilaine fille, tu mouilles pour moi ?
Je fis une moue sexy. J'avais mis du lubrifiant avant de partir. Il me mit à genoux et soupira de soulagement en guidant mes mouvements. Comme tous mes clients, ses tests étaient négatifs, et à jour. J'avalais avant de récupérer du bout du doigt la goutte tombée dans mon décolleté, pour la sucer en regardant l'homme à travers mes cils.
Il grogna, m'attrapa la nuque, me jeta sur le lit, soulevant ma robe et déchirant mon string avant de me prendre.
Il partit une heure plus tard en me laissant douze mille dollars, un collier valant le double, et une capote usagée. Je rendis la suite, pris un taxi et retournai chez moi, dans un palace pour particulier où j'occupais une des plus belles suites avec vue sur Londres. Je pris une longue douche, contemplai mon corps nu dans le miroir embué et allais me coucher dans mes draps en soie. Je ne me laissais pas le temps de penser ni de véritablement me regarder, avant de sombrer dans le sommeil.
___________
En me réveillant en sursaut, je pris une longue inspiration et chassai toute pensée négative de mon esprit, ne pensant qu'à l'argent que j'allais encore me faire ce soir. Plus j'ignorai l'existence de mes cauchemars, plus ils me poursuivaient. Mais j'étais déterminée à les fuir, autant que je fuyais le fait de me retrouver seule avec mes pensées.
Je me levai, pratiquai ma routine de soin pour ma peau, mangeai de la glace en peignoir en contemplant la ville, quand le téléphone sonna.
Je pris quelques secondes avant de décrocher en m'asseyant à mon bureau, les jambes croisées.
— Bonjour.
Ma voix était douce et sensuelle, un appât pour le poisson à l'autre bout de la ligne.
— Vous êtes Émeraude ?
La voix était grave et froide à l'autre bout du fil. Surement la main-d'œuvre qui commandait pour le patron.
— C'est bien moi.
— Mon patron voudrait un rendez-vous pour ce soir.
— Je suis déjà prise, mais je suis sûre qu'on peut trouver un moment où se rencontrer.
— Ce soir. Le prix sera là.
Mon rendez-vous de ce soir était à vingt mille dollars. Il ne fallait pas décourager le client.
— Donnez-moi un chiffre.
— Cent mille.
Je déglutis. Cent mille ? J'avais certes des clients de luxe, mais qui payait ce genre de montant pour baiser ?
— Dans ce cas... Vingt heures au Monte-Carlo, jusqu'à...
Il m'interrompit.
— Jusqu'à demain matin, huit heures.
Pour cent mille dollars, ça me semblait équitable.
— J'aurai besoin de tests récents de dépistage d'IST et MST, d'un nom à noter ainsi que d'un acompte, en tant que nouveau client.
— On m'a déjà fourni ces détails. Je vous ai tout envoyé par mail.
Il raccrocha, et je me précipitais sur mon ordinateur. Je vérifiais, et vis aussitôt le courrier en question apparaître. J'ouvris également mon compte bancaire et fus ravie en voyant les cinquante mille dollars. Si j'arrivai à le séduire suffisamment, il pourrait devenir un client régulier et mes recettes augmenteraient considérablement.
Curieuse, je regardai son nom. Le plus souvent, mes clients donnaient un pseudo, mais on ne savait jamais. Je fus presque déçue en voyant un simple « A » en guise de signature, même si ce type d'anonymisation était fréquent. Avec une somme pareille à débourser pour une simple nuit, il ne voulait surement pas pouvoir être identifié.
Je passais l'après-midi à la salle de danse, pour me défouler, et commençai à me préparer en début de soirée. Une heure et demie plus tard, j'étais assise dans un fauteuil en cuir, mon pendentif brillant autour de mon cou, le seul signe qui permettait à mes clients de me reconnaître. Ici, personne ne savait ce qu'il signifiait. Ni ce qu'il cachait.
— Émeraude ?
Un homme en costume s'arrêta devant moi et je levai les yeux avec un sourire séducteur qui se figea quelques secondes.
Il était époustouflant. Son costume saillait ses muscles parfaitement, sa mâchoire carrée à peine rasée et ses yeux gris qui me contemplaient m'impressionnaient. Il était grand, avec une carrure athlétique, des cheveux brun foncé, parfaitement coiffés. Tiré à quatre épingles, il portait une montre de plusieurs dizaines de milliers de livres au poignet, et semblait avoir à peine la trentaine. Un véritable dieu grec.
J'étais surprise. Trouver un homme « beau » n'était pas dans mes habitudes. Je me repris très vite et me mordis la lèvre en le contemplant.
— A ?
Il hocha la tête en s'asseyant dans le fauteuil en face de moi, sans me lâcher une seconde du regard. Pour une raison inconnue, celui-ci me donnait envie de trembler. Il commanda un scotch au bar sans dire un mot et je restais silencieuse, les jambes croisées. Je n'avais aucune idée de ce qu'il voulait que je sois. Provocante, dominatrice, à ses ordres, soumise, poupée ?
Visiblement, le fait que je ne dise rien lui convenait très bien : il me passait au crible silencieusement en buvant son whisky depuis une dizaine de minutes. Finalement, il prit la parole.
— Tu es une femme magnifique.
Sa voix était grave et chaude. Rien à voir avec l'homme que j'avais eu au téléphone, pourtant j'aurai pu jurer que c'était lui qui m'avait appelée.
— Je sais.
La réponse avait franchi mes lèvres sans que je ne puisse la retenir, mais visiblement cela lui plut.
— Enlève ta culotte.
Je lui adressai un regard coquin, glissai mes pouces sous ma robe et fis glisser mon tanga en dentelle le long de mes jambes sans le quitter du regard. Je me mordis la lèvre et déposai le bout de tissu dans sa main tendue avec un sourire en coin.
Il sourit en retour avant de le fourrer dans sa poche. Il me contempla encore quelques secondes alors que je ne le quittai pas du regard et finit par se lever en me tendant la main.
— Quelle chambre ?
— Suite 507
Il sourit avec approbation et posa sa main au creux de mes reins. Qu'il ne prenne pas la liberté de la poser sur mes fesses était inhabituel, mais le client était roi.
— Une suite de luxe.
— Pour mes luxueux amants.
Il eut un rictus, mais n'ajouta rien alors que je pénétrai avec souplesse dans l'ascenseur. Fait étrange, sa main sur ma hanche me brûlait jusqu'à l'os, mais n'inquiétait pas mes instincts de survie. Ignorant les picotements de ma peau, je restai droite à ses côtés, me mordillant la lèvre lorsque sa main parcourut ma hanche, provoquant une chaleur inconnue dans mon bas-ventre.
Il eut un rictus en pénétrant dans la suite, comme s'il pouvait lire dans mon esprit et y voir le trouble qu'il me créait.
C'était la toute première fois que je ressentais une chose pareille, mais je me gardai bien de l'en informer, ou d'en montrer le moindre signe. Il n'avait pas payé cent mille dollars pour connaître mes états d'âme.
Il s'assied sur le lit en se servant du whisky alors que je restai debout devant lui, prenant une pose lascive et aguicheuse en attendant ses ordres. Son regard me détailla de long en large avec un brasier froid au fond des yeux que je peinais à analyser. Pour un peu, j'aurai dit qu'il n'avait pas envie de moi, qu'il était simplement curieux.
Mais personne ne payait cent mille dollars par curiosité, n'est-ce pas ? Et puis j'avais un corps de rêve, tout le monde avait envie de moi.
— Viens t'asseoir.
J'obéis aussitôt avec une démarche chaloupée, croisant et décroisant les jambes pour attiser son envie.
Il me regarda droit dans les yeux, et j'eus soudain encore plus chaud que quelques secondes auparavant. Bien entendu, je restai de marbre, mais au fond j'étais sidérée. Je crois qu'en fait j'étais... excitée.
Et c'était inhabituel.
Ses yeux me parcoururent de haut en bas sans aucun changement remarquable dans son regard, ou dans son attitude, aucun signe sur la façon dont j'étais censée me comporter, quand il finit par m'adresser la parole.
— Tu as choisi ce métier ?
Il avait payé cent mille dollars pour un interrogatoire ? Après tout si ça l'excitait...
Il m'interrompit avant que j'aie le temps d'ouvrir la bouche.
— Ne me donne pas de fausse réponse.
Je haussai un sourcil.
— Oui, j'ai choisi d'être payée pour prendre du plaisir. Et vous, vous avez choisi votre métier ?
Une étincelle dans son regard me fit frissonner, non pas de désir, mais de peur. C'était une lueur de mépris, presque de haine. Qui payait cent mille dollars pour mépriser quelqu'un ? Était-il un tueur en série avec l'intention de faire de moi une de ses victimes ?
Je me raidis subrepticement et me redressai un peu. D'un seul coup, cet homme ne puait plus le désir, mais le danger.
Il ricana.
— Oui, j'ai choisi mon métier. Maintenant, parlez-moi un peu de vous.
Je haussai un sourcil
— Vous m'avez payée cent mille dollars pour m'entendre raconter ma vie ?
Il ne cilla pas et m'observa de son regard froid. J'aurai juré que cet homme avait déjà tué.
— Le client est roi non ?
Je me mordis la lèvre en le regardant, tentant d'apaiser l'atmosphère.
— En effet...
Il resta de marbre, et sous la pression de son regard, j'eus pour la première fois réellement peur. Je rigolai nerveusement en tâchant de garder contenance.
— Vous savez, il n'y a pas grand-chose à dire sur moi... Je suis juste une femme comme les autres, mais...
Je me mordillais la lèvre.
— J'aime le sexe.
Je me penchai un peu vers lui, en tentant d'oublier son aura de danger pour faire mon boulot. Après tout, il attendait peut-être que je prenne les devants.
Un rictus déforma ses lèvres alors qu'il se reculait avec mépris.
— Si c'est toi, je ne vois pas comment je parviendrai à te respecter.
Je fronçai les sourcils sans comprendre, quand soudain il me frappa dans le cou. Avant de sombrer dans le noir, j'eus le temps de sentir une aiguille me transpercer la peau, et cette terreur froide envahir mes veines.
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