Chapitre 15: A entreprendre
C'était le grand jour. Je me réveillais avec la boule au ventre. Ethan était convaincu qu'on pouvait échapper au combat. Pas moi. Et vu les souvenirs que j'en gardais, je n'avais aucune envie de me mesurer de nouveau à lui. De plus, ni Ethan, ni moi n'étions réellement en état. Nos corps disparaissaient, nos esprits se brouillaient. Tout se mélangeait et fusionnait. Plusieurs émotions incohérentes me traversaient tour à tour, alors que des souvenirs enfouis dans mon âme jaillissaient à ma conscience.
L'inquiétude d'avoir laissé Brangäne à son sort, dans les mains de Lues se superposait à ma colère de m'être fait empoisonner par Eléonore. Le manque sourd et perpétuel de l'héroïne s'ajoutait à la douleur du deuil de ma sœur. J'étais brouillé, confus à cause de ces vies éteintes qui se rallumaient à mon contact. Pourtant, ma survie à cette soirée ne dépendait que d'elles. Seul, je n'avais aucune chance contre lui.
—Je suis sûr que ça ira mon amour. On va juste discuter.
Dans mon trouble, je n'avais pas remarqué qu'il s'était réveillé. Sa voix douce, encore endormie, me sortit de mes pensées, et je me tournais vers lui.
—Je ne sais pas comment tu arrives à penser ça... Il nous a suivi jusqu'ici juste pour se battre contre toi. Comment veux-tu qu'il laisse filer une occasion pareille ?
—Je ne dis pas que ce sera facile. Mais il reste un homme. On peut essayer de lui parler.
Je le regardais droit dans les yeux. Sa certitude m'ébranlait. N'avais-je vu, ne serait-ce qu'une fois, le doute émaner de ce regard ? Il n'avait probablement jamais eu vraiment peur. Il ne s'était jamais posé de questions. C'était évident. Moi aussi, je voulais être comme ça. M'abandonner entièrement aux élans de mon corps et faire confiance à mon instinct comme s'il s'était agi de la vérité absolue.
Il se pencha vers moi et déposa ses lèvres sur les miennes. Un léger frisson de surprise me parcouru. Elles étaient différentes. Elles avaient une nouvelle saveur, une nouvelle texture. Elles me rappelaient des sensations, des souvenirs, des odeurs du passé que j'avais reconnu comme mon foyer. Ces lèvres, je les connaissais par cœur sans les avoir jamais effleurées. Un monde nouveau s'ouvrait à leur contact. Un monde qui était le mien et dans lequel je n'avais jamais mis les pieds.
Ses mains caressèrent mon visage, dans un geste familier cent fois répété que je découvrais pour la première fois. Il approfondit le baiser, ouvrant la bouche pour mêler sa langue à la mienne, alors que je me perdais dans ce flot émotionnel inconnu et perturbant. C'était le baiser d'Ethan, et celui d'autres hommes, bien d'autres hommes. Ceux d'autres univers, ceux d'autres réalités. Nous n'avions pas eu que ces quelques vies découvertes ensemble, il y en avait eu des centaines, peut-être des milliers d'autres ; et dans cet instant d'union charnelle et universelle, une porte fut ouverte à travers laquelle nous pouvions tous nous entrevoir.
Unis dans un seul baiser.
Il s'éloigna de moi, la respiration rapide et saccadée. Je n'étais pas mieux. A nous voir, comme ça, assoiffés et essoufflés l'un en face de l'autre, on aurait pu jurer que nous revenions d'un marathon en plein désert. J'avais du mal à comprendre ce qu'il venait de se passer, et pourquoi nos corps avaient réagi de la sorte. Je n'avais jamais rien vécu d'aussi exceptionnel et j'avais seulement envie de recommencer.
Je grimpais alors sur lui à califourchon pour m'emparer à nouveau de ces lèvres que j'avais l'impression d'embrasser pour la première fois. Il me serra contre lui, poussant son bassin contre le mien.
Être plus proche.
Toujours plus proche.
Les yeux fermés, complètement éperdus, nous n'avions pas réalisé que l'effet de disparition que nous expérimentions depuis quelques jours avait recommencé. Ce fut lorsque j'entrouvris mes paupières sur une grande lumière, dans cet océan de braises pailletées rougeoyantes mêlées à des éclairs d'un violet éclatant que je réalisais ce qu'il se passait.
Je m'écartais d'Ethan pour observer mon corps se volatiliser. Une de mes jambes avait disparue, le phénomène attaquant l'autre, alors que l'abdomen entier d'Ethan semblait manquer. Il regardait son ventre avec un air halluciné, étant désormais apte à voir au travers. Il leva sur moi un regard inquiet. J'étais dans le même état que lui, mais le besoin de le rassurer me fit prendre les choses en mains.
—Bon. La dernière fois, j'ai réussi à l'arrêter en reprenant mon calme. On va respirer calmement et fermer les yeux.
—Respirer calmement... Fermer les yeux...
—Voilà...
Il y eut un long moment de silence dans lequel nous faisions de notre mieux pour nous vider l'esprit. Les choses semblaient s'être calmées alors que de doux frissons me parcouraient l'échine. Non seulement l'événement était particulièrement perturbant et effrayant, mais en plus je me demandais ce qu'il se passerait si ça venait à arriver en public.
Je remarquai en ouvrant les yeux la mine attristée d'Ethan. Je m'approchais de lui pour le rassurer alors qu'il levait sur moi un regard peiné. Mon cœur se serra. En cet instant, je n'avais plus d'inquiétude pour mon sort, et voulais seulement le voir sourire.
—L'effet empire, murmura-t-il. Il nous arrive de plus en plus souvent. Ta solution fonctionne bien pour l'instant mais...
—Qui dit que ça marchera éternellement ?
—On ne sait même pas vraiment ce qu'on a. Tu as raison. C'est forcément à cause des vies antérieures.
—Je crois que notre corps ne peut pas supporter autant de personnalités en lui. C'est un peu comme si on buguait.
—Qu'est-ce qu'on va faire ? C'est pas comme si on pouvait les chasser surtout maintenant qu'on fusionne avec.
—Je ne sais pas. J'avoue que j'aimerais bien pouvoir me concentrer uniquement sur ça, à la place de ce sale type.
Ethan ne répondit rien. Il ne pouvait plus s'empêcher d'attendre le combat avec hâte, gagné par l'enthousiasme sans bornes de Gon. Moi, j'aurais très franchement préféré fuir. Je n'avais aucune envie d'y laisser ma peau, et de mettre en danger la sienne.
*******
La journée passa vite. Beaucoup trop vite. Je n'arrivais plus à calmer les battements de mon cœur à l'idée de ce qui approchait. Mon esprit était embrouillé. Gon prenait de plus en plus de place, m'empêchant de réfléchir aux questions que je prévoyais de poser à Hisoka. Il voulait se battre. Son désir était si grand qu'il me brûlait les entrailles. Ç'en était presque sexuel. Comment Killua pouvait-il imaginer que ce garçon était innocent ? Il m'effrayait un peu. Je me demandais ce qui avait pu m'arriver pour que je sois si attiré par le danger.
En y repensant, cet appétit du péril me poursuivait depuis longtemps. Combien de fois étais-je allé me dresser contre les plus grosses brutes de l'école pour défendre mes camarades en étant enfant ? Je frémissais de plaisir à l'idée de devoir me dépasser, repousser mes limites, en sentant monter l'adrénaline, en me délectant de ma propre mortalité. J'avais besoin de me battre. Contre quelqu'un. Contre moi-même. Aller au-delà de mes capacités était quelque chose qui m'avait toujours profondément charmé.
C'était peut-être une des raisons pour lesquelles Ezéquiel m'avait tant plu. Il avait l'air dangereux. Il avait l'air d'un fauve. Il dégageait une aura qui me rendait dingue. Pourtant, la plupart du temps, ce genre de pulsions ne me prenait pas. Ça n'arrivait que lorsque j'étais en colère, et c'était très rarement le cas. Le seul moment où Ezéquiel avait pu expérimenter cette partie de ma personnalité était lors de notre premier séjour à l'hôpital. J'avais tellement envie qu'il m'appartienne que j'aurais pu lui faire l'amour devant l'entièreté du corps médical. Juste pour lui montrer que je le voulais seulement pour moi. Et Gon démultipliait fortement ce penchant dans mon esprit, et me faisait trembler d'envie à la simple idée de me dépasser, de me mesurer à plus fort que moi.
Un livreur arriva dans l'après-midi avec les matraques qu'avec commandé Ezéquiel. Il en déballa une, un léger sourire flottant sur ses lèvres, avant de la déplier d'un coup sec du poignet. Je le regardais s'amuser avec comme un enfant en donnant des coups dans le vide. Les habilités de combat à l'épée de Melden et Guillaume se ressentaient dans chacun de ses gestes. Il fouettait l'air en souriant comme un con, manifestement surpris de ses prouesses techniques, puis me lança la deuxième arme que j'attrapais au vol.
L'objet pesait plus lourd que ce que j'imaginais. Il s'agissait d'un alliage en acier carbone noir qui tenait bien en main. Je déployais le manche à mon tour, dévoilant ainsi le bâton entier, et me mettais en garde devant Ezéquiel. Il était adorable, souriant comme un enfant à noël, puis il prit un air soudainement très concentré, m'évaluant avec attention. Je me sentis rougir d'être scruté par son regard froid m'observant méthodiquement. Ces yeux glacials tranchaient si fortement avec le reste de son caractère qu'ils me perturbaient systématiquement.
Il mit par surprise un coup dans mon arme, me sortant ainsi de ma réflexion, ma forte poigne évitant à la matraque de valser à travers la pièce. Je me concentrais à mon tour. Mon corps entier frissonnait. Nous commençâmes à nous battre, faisant toujours attention à ne pas blesser l'autre. C'était plus un jeu. Nous étions tous deux amusés de découvrir nos nouvelles capacités. Il esquivait aisément mes attaques, étant nettement plus rapide que moi, mais je réussissais plusieurs fois à le feinter et le toucher. J'esquivais aussi et parais beaucoup, me suspectant d'utiliser le Nen sans m'en rendre compte. Il faillit me toucher et je me téléportai par réflexe dans son dos. Je ne sais par quel instinct il sentit mon attaque, mais, avec une fluidité et une légèreté nouvelle, il s'élança jusqu'au mur, sur lequel il prit appui pour mieux se jeter sur moi. Je tombai à la renverse, incapable de retenir mon sourire, alors qu'il appliquait l'arme en acier contre ma gorge avec un air particulièrement satisfait. Il me regarda ensuite un instant avec beaucoup de douceur, puis fondit sur moi et embrassa mes lèvres.
—Je t'aime, murmura-t-il à l'attention d'un cœur qui avait fondu.
Le soir arriva enfin et Ezéquiel et moi marchions vers le point de rendez-vous. Il semblait sérieux et concentré, déterminé à se battre. Je ne pouvais m'empêcher de l'admirer. Notre marche s'était transformée pour moi en l'une de ces scènes au ralenti dans lesquels les héros avancent avec un air hyper badass, prêts à en découdre. Chacun de nos pas écrasait le bitume, soulignant notre puissance et notre détermination. Ezéquiel se passa la main dans les cheveux, créant ainsi un mouvement qui faisait refléter l'argent de sa crinière dans la lumière de la lune. Son visage détendu dégageait une grande certitude.
En réalité, il était sans doute le personnage badass, et moi le con avec un filet de bave qui s'échappe au ralenti de mes lèvres entrouvertes. Il fallait que je me ressaisisse et regarde devant moi avant de me prendre un poteau ou toute autre chose peu réjouissante.
Hisoka nous avait donné rendez-vous dans un parc et j'avais amené des bières dans l'idée d'essayer de dialoguer avec lui. J'avais quelques questions à lui poser. Je n'avais aucune intention de lui révéler nos points faibles, mais espérais seulement qu'il nous aiguille inconsciemment sur la marche à suivre quant à nos disparitions.
Nous finîmes par apercevoir sa silhouette effrayante nous hélant avec de grands gestes. Il était assis au bord du fleuve, un petit panier chargé de victuailles à son côté. Un frisson me parcourut de part en part. Il était vraiment inquiétant.
—Salut les enfants ! Asseyez-vous, j'ai préparé un pique-nique.
L'idée qu'il puisse tenter de nous empoisonner me traversa l'esprit avant que je réalise qu'il n'avait aucun intérêt à faire ça. Je m'asseyais et sortais des bières de mon sac. Ezéquiel resta un moment debout à côté de moi, manifestement tendu, avant de capituler pour s'installer à mes côtés.
*******
Je n'avais probablement jamais été aussi mal à l'aise en présence de quelqu'un. Hisoka dégageait en permanence une aura malsaine et cruelle. Il paraissait monstrueux et destructeur alors qu'il était juste assis parterre à boire une bière et manger un sandwich. La façon qu'il avait de regarder Ethan me glaçait le sang tout en m'exaspérant au plus haut point. C'était simple, j'avais déjà envie de le frapper. Il me vit et me lança un sourire inquiétant. Ses yeux jaunes luisaient d'un éclat menaçant. Le silence pesant m'angoissait de plus en plus, alors que je n'entendais plus que ses inquiétants bruits de mastication.
—Bon, de quoi voulez-vous me parler ?
—Ah oui ! On voulait te parler des vies antérieures. Comment tu as fait pour choisir ?
—Mmh... Je ne sais pas. Ma seule véritable volonté était de pouvoir te détruire quand tu serais apte à te battre avec moi... Tu m'as fait tellement languir. Je suis impatient.
—Ça n'explique pas comment tu nous as suivi !
—Je ne sais pas exactement. J'ai quelques idées mais rien de clair...
—Et comment tu te souviens de tes autres vies ?
—Elles sont difficiles à oublier.
Je fronçais les sourcils. Son expression était particulière. Ses yeux baissés vers le sol exprimaient autre chose que du sadisme et de la perversité mais j'aurais été incapable de déterminer ce qu'il ressentait. Cette conversation ne servait à rien. Il ne répondait clairement à aucune question, refusant de se dévoiler. Il donnait plus l'impression de ne pas vouloir nous dire comment il nous avait suivi que de ne pas savoir ce qu'il s'était passé.
—Mais... Tu as toujours eu conscience de tes vies passées.
—Oui. Elles me façonnent entièrement. Je n'ai jamais réussi à oublier.
—Tu voulais oublier tes vies ?
—Parfois, ce serait préférable. Mais je suis heureux d'avoir pu garder un joyau comme toi en mémoire...
Il se lécha les lèvres en regardant Ethan alors que je sentais mes poils se hérisser sur tout mon corps. J'avais vraiment envie de le frapper et refrénais mes pulsions de violence avec peine. Ethan le regardait gentiment, semblant presque être en empathie avec lui, alors qu'il ne s'agissait pour moi que d'un psychopathe.
—Et te souvenir de tes vies ne t'a jamais posé problème ?
—Non, pourquoi ?
Il fronça les sourcils. Ethan était allé trop loin dans ses questions. Il se méfiait, se doutait de quelque chose. Hisoka avait l'air de dire qu'il n'avait aucun effet secondaire. Je me posais des questions à mon tour. Comment était-ce possible que nous ayons tant de problème et que lui ne souffre de rien ?
—Combien de vies as-tu eu ? demandai-je presque sans m'en rendre compte.
—Celle-ci est ma troisième.
Je fus tellement surpris que je recrachais la gorgé de bière que je buvais. Sa troisième vie ? Il n'avait vécu que deux vies avant celle-là ? Et moi qui pensais qu'il s'agissait d'une sorte de sage qui avait percé à jour le secret de l'univers, je m'étais trompé. J'avais presque envie de rire. Je n'avais aucune idée de comment il se souvenait de ses autres vies et de quelle manière il avait choisi de nous suivre, mais il avait en réalité bien moins d'expérience que nous.
—Fœtus... murmurai-je pour moi-même.
—Quoi ?
—Mais tu as vécu trois vies, c'est ridicule ! J'étais sûr qu'on perdait notre temps avec cette conversation inutile.
Il haussa un sourcil, manifestement un peu piqué.
—Vous avez vécu combien de vies ?
—On ne sait pas exactement, mais probablement bien plus que trois... dit doucement Ethan.
—Autrement dit, tes souvenirs vont sans doute avec le starter pack vie antérieure, ajoutai-je avec ironie.
—Tu es devenu très impertinent, mon petit Killua. Je t'ai connu plus déférent envers moi.
L'entente de ce nom avec sa voix me fit perdre conscience, laissant Killua prendre le dessus. J'étais convaincu qu'Ethan m'avait suivi dans cette longue chute, remplacé par Gon.
Hisoka glissa jusqu'à Killua pour lui effleurer le visage du bout des doigts, un sourire affreusement malsain dessiné sur le visage, alors que Killua lui jetait un regard noir qui masquait son angoisse. Gon s'interposa entre eux, fixant Hisoka méchamment en fronçant les sourcils. Il l'attrapa par le bras et le tira en arrière en criant :
—Laisse-le tranquille!
—Tes désirs sont des ordres Gon. De toute façon, je suis bien plus intéressé par toi que par ton garde du corps.
Une aura de Nen gigantesque se déploya autour de Gon, l'entourant entièrement. Il se leva et fixa Hisoka avec colère. Il semblait soudain qu'il pesait très lourd. Ses muscles se congestionnèrent, laissant apparaître une silhouette impressionnante, large et massive alors que son Nen semblait prendre toujours plus de place.
Un sourire gigantesque s'empara des lèvres d'Hisoka alors qu'il se délectait du spectacle, n'en perdant pas une miette. Il se redressa calmement, prenant le temps de s'épousseter, narguant manifestement Gon en restant à portée de coups sans même se mettre en garde.
Cela sembla fonctionner puisque Gon, voyant qu'il ne reculait pas, lui asséna un coup de genou rapide dans le ventre, contractant ainsi les impressionnants muscles de ses cuisses, saillant à travers ses vêtements tendus. Hisoka fut projeté en l'air et s'écrasa contre un arbre. Il aurait pu parer ce coup. Il était rapide et maîtrisé, envoyé avec adresse, mais bien assez lent pour qu'Hisoka l'esquive et riposte. Il voulait découvrir sa force. Il voulait se faire frapper. Ressentir sa pleine puissance pour mieux la décimer. Il ne semblait pas déçu. Son visage n'exprimait aucune douleur. Seulement un plaisir extatique, sexuel, à cause de la puissance exceptionnelle de ce coup, qui aurait broyé les côtes de n'importe quel humain normal. Hisoka n'avait même pas activé son Nen pour atténuer le choc. Il voulait savourer pleinement chaque seconde de ce combat tant attendu.
—Oh Gon... J'ai bien fait d'attendre. Ça promet d'être un pur régal.
Killua, déjà levé, avait activé son Nen à son tour. Il éclairait les alentours de son aura électrique, semblant posséder une lampe à l'intérieur de lui. Il observait Gon. Dans cet état, il lui rappelait sa transformation qui lui avait coûté un bras, et l'affreuse période de coma qui avait suivi l'événement. Il n'aurait jamais pu le sauver sans Alluka.
Alluka.
Ce n'était pas le moment de penser à elle. Il avait un rude combat à mener et avait soudain peur que Gon ne reproduise les mêmes erreurs. Ce fut à cet instant que son partenaire se tourna vers lui, le gratifiant d'un sourire rempli d'amour, avant de se faire entailler la joue par une carte à jouer.
—Prenez une chambre !
—Mais on n'a rien fait !
Le sang coulait le long de la plaie de Gon, qui se tourna vers son assaillant avec colère. Il marcha droit sur lui, alors que le visage d'Hisoka se fendait en un sourire malicieux. Gon tenta d'envoyer un poing qu'Hisoka esquiva avec légèreté. S'en suivit une série de coups et d'esquives, avant qu'Hisoka ne parvienne à lancer son pied dans le torse de Gon, le faisant valser un peu plus loin.
Killua apparu à cet instant dans le champ de vision d'Hisoka et lui envoya une grosse décharge électrique, avant de s'éloigner trop vite pour pouvoir être suivi du regard. Le corps d'Hisoka tremblait de la décharge reçue, la douleur de l'électrocution lui procurant un plaisir monstrueux.
Il se redressa en tremblant légèrement, les membres tendus et endoloris. Gon, qui s'était relevé pendant l'attaque de Killua, tenta de le frapper aux côtes, mais Hisoka l'esquiva aisément. Il se décala de l'arbre de telle sorte à être plus libre de ses mouvements.
Gon et Hisoka continuaient de se battre, plus concentrés que jamais, tandis que Killua fouillait machinalement dans ses poches à la recherche de ses yoyos sans être capables de les trouver. Il mit néanmoins la main sur la matraque qui lui donna une nouvelle idée.
Gon avait réussi à envoyer deux coups dans le visage d'Hisoka, et s'était fait aussi frapper par la même occasion. Alors qu'il s'apprêtait à lui donner un coup dans le flanc, son pied se colla au corps d'Hisoka. Gon essaya de se dégager, son pied étant suspendu dans le vide comme empêtré dans une matière collante. Ce fut à cet instant qu'il se souvint du Bungee Gum d'Hisoka. Ce dernier posait sur lui un regard effrayant, son adversaire étant totalement à sa merci.
Killua arriva à cet instant à sa hauteur, tenant dans sa main le manche qu'il avait électrifié. Hisoka l'attaqua avec facilité, ses bras sveltes fendant l'air avec précision. Il fronça les sourcils. Quelque chose dans l'expression du jeune homme aux cheveux blancs avait changé. Il réalisa soudain qu'il n'avait plus de Nen. Il avait encore plus de dextérité que d'habitude. Aucun de ses mouvements ne se faisait en force. Il se contentait d'esquiver les attaques d'Hisoka comme une feuille repoussée par le vent. Il eut un petit sourire et feinta une attaque au visage avant de se baisser promptement et envoyer la matraque électrifiée à l'arrière du genou d'Hisoka, qui se perdit l'équilibre et tomba au sol.
Gon, qui avait assisté à toute la scène avec attention, avait reconnu Melden à l'instant ou il était apparu. L'idée qu'avait eu Killua était risquée mais très intelligente. Daniel s'était donc retrouvé au milieu de ce combat, collé à ce type étrange qu'il ne connaissait pas et qui lui provoquait des sueurs froides, et compris ce que Gon attendait de lui.
Hisoka, trop préoccupé par son ennemi, n'avait pas réalisé que Gon s'évaporait. Il disparaissait silencieusement dans des volutes de fumée, à une vitesse normalement trop lente pour être efficace contre lui. Mais étant monopolisé par Killua, il n'avait pas prêté attention à Gon. C'est en se redressant qu'il réalisa qu'il avait disparu. Les deux garçons avaient manifestement plus d'un tour dans leur sac. Il était maintenant temps de se concentrer.
Killua voulut lui asséner un nouveau coup de matraque avant d'écarquiller les yeux de surprise en voyant son arme se détacher mystérieusement de sa main pour faire un grand tour dans le vide et l'assommer par l'autre côté. Il s'écroula au sol devant l'air satisfait d'Hisoka.
N'ayant aucun répit, il entendit Gon, tout proche de lui, murmurer le nom de son attaque. Son poing s'enflamma à cet instant. Hisoka aurait reçu cette attaque avec plaisir, mais son corps commençait à être légèrement inefficace à cause de la douleur, et ces capacités inconnues de lui le faisait douter de sa victoire qu'il estimait jusque-là comme certaine. La matraque se souleva du sol dans un geste rapide et, Gon, sentant l'air se déplacer sous le poids de l'arme, dut écourter son attaque et l'envoyer à Hisoka alors qu'elle était à peine chargée. Elle le repoussa néanmoins, sa concentration de Nen à l'endroit de l'impact fit perdre de la vitesse à la matraque qui s'écrasa mollement contre l'épaule de Gon.
Killua se releva à cet instant. Gon le regarda, surpris et inquiet, alors qu'il frottait sa tête endolorie. Il vit du coin de l'œil une dizaine de cartes foncer à toute vitesse sur Gon qui était trop déconcentré pour le remarquer. Il serait blessé même en activant son Nen et les cartes étaient désormais trop proches pour qu'il ait le temps de réagir. Il fallait être rapide. Killua se précipita sur la trajectoire des cartes, en bouclier humain, et appela intérieurement Marcus de toutes ses forces. Les cartes s'écrasèrent contre son torse mais l'une d'entre elle s'enfonça dans sa cuisse, Killua n'étant totalement inconscient. La douleur le ramena directement à lui. La carte était enfoncée de moitié dans sa cuisse et il réprima un cri de douleur. Gon se précipita vers lui, inquiet pour son ami. Ils n'avaient pas le temps pour ça.
—Ça va, Killua ?
—Oui, ça va aller. Bats-toi contre lui, je retire ça et j'arrive.
Gon le regarda d'un air entendu avant de s'avancer vers Hisoka qui observait la scène sans comprendre. Killua aurait dû être perforé de tous les côtés après cette attaque. Ça aurait dû être un bain de sang. Pourtant, seul une carte l'avait partiellement blessé. Gon fonça sur lui et l'attaqua dans une série de coups rapides et puissants. Les questionnements furent bientôt balayés par le plaisir que ressentait Hisoka. Gon vibrait de rage et de colère. On aurait dit un animal sauvage. Il ne pouvait plus attendre pour le détruire.
Il ne pouvait plus attendre.
Il hurla alors de rage, décuplant un Nen glaçant autour de lui qui surpris Gon. Ce court instant d'hésitation lui valu un énorme coup de poing en pleine face. Il aurait du tomber mais sa joue restait collée contre son poing. Hisoka en profita pour le frapper plusieurs fois dans le ventre, jusqu'à lui faire cracher du sang. Gon était coincé. Il ne pouvait pas relâcher son Nen et Daniel était trop lent pour se téléporter sans diversion. Il risquait de le tuer. Gon encaissa les coups de plus en plus douloureux d'Hisoka, tentant de riposter avec des coups de pieds qui s'avéraient relativement inutiles. Il finit par ignorer la douleur, et serra le cou blafard d'Hisoka de ses bras libres.
Une giclée de sang carmin accompagna la vive douleur s'emparant du corps de Killua quand il retira la carte à jouer de sa cuisse. Il serrait les dents si fort qu'un goût de sang métallique se fit sentir dans sa bouche. Il baignait déjà dans le liquide pourpre qui s'échappait à une vitesse vertigineuse de sa profonde entaille. Ce sang qui coulait hors de son corps lui rappelait terriblement celui de sa sœur.
Alluka.
Ce n'était pas le moment de penser à ça. Gon avait besoin de lui. S'il ne réagissait pas, il allait mourir en se vidant bêtement de tout son sang. Mais elle lui manquait tellement. Il la vit encore, étendue au sol à côté de lui, baignant dans son propre liquide poisseux qu'elle mêlait au sien. Elle était morte mais elle le fixait de ses yeux vitreux, murmurant toujours :
« C'est ta faute, Onii-Chan ».
Je sais. Tout est à cause de moi. Et peut-être que Gon et moi allons aussi mourir ce soir parce que je suis incapable de le protéger. Et ce sera ma faute aussi. Ce sera moi qui l'aurai tué.
Killua tomba dans sa flaque de sang, étendu au sol.
Le visage d'Hisoka virait désormais au bleu. Ses coups se faisaient de plus en plus mous. Un sourire élargissait toujours plus son visage alors que Gon serrait sa prise autour de lui toujours plus fort.
—Suivi... Gum...
Gon réalisa soudain qu'Hisoka essayait de parler et relâcha légèrement sa prise autour de son cou pour le laisser respirer. Hisoka reprit immédiatement des couleurs plus normales, ouvrant la bouche comme un poisson pour aspirer de l'air.
—Qu'est-ce que tu disais ? Dépêche-toi !
—Je... Je vous ai suivi... grâce au... Bungee Gum.
—Quoi ?
******
Je revenais soudain à la conscience. Ce combat auquel je venais d'assister me paraissait exceptionnel. Ezéquiel n'était pas avec moi et j'espérais qu'il réussissait à se soigner. Si Hisoka était prêt à arrêter le combat là, ça m'arrangeait. J'étais inquiet mais ce qu'il était sur le point de m'expliquer piquait au vif mon intérêt. Il reprenait lentement sa respiration alors que je le regardais le plus froidement possible. Son Bungee Gum s'était désactivé en même temps que Valentin avait repris le dessus.
—Pendant mon combat avec Killua... J'ai collé mon Bungee Gum sur lui et je ne l'ai pas désactivé... Je croyais qu'il était mort et j'avais moi-même perdu énormément de sang, je ne faisais pas très attention. -Il releva ses yeux sur moi- Je pense que mon Nen est resté collé à lui et que je vous ai suivi comme ça, d'une façon ou d'une autre.
Il regardait désormais derrière moi avec un air perturbé. Je me retournais à mon tour, constatant un désastre que je n'avais pas vu jusqu'alors. La majorité des arbres s'étaient déracinés, prenant ainsi des formes très étranges. L'herbe s'était arrachée du sol et se regroupait par petits tas sur la terre sèche. L'eau avait changé d'état et se retrouvait gelée dans des formes artistiques au-dessus du fleuve. Je n'avais jamais vu quelque chose de tel. Valentin non plus, manifestement. Utiliser le Nen dans cette dimension était définitivement une très mauvaise idée.
Marcus s'éveilla au contact d'un liquide tiède et poisseux sur sa joue. Il se redressa soudainement et observa sa cuisse. Il n'y avait plus rien. Sa plaie avait disparue mais il avait tout de même perdu beaucoup de sang. Il se redressa en chancelant. Il avait le vertige et voyait le monde s'assombrir autour de lui. Il n'était pas de taille à avancer dans cette situation de faiblesse. Il savait à quel point l'état émotionnel de Killua était fragile, mais il était obligé de le rappeler.
Alluka.
Rien que ce nom suffisait désormais à le ramener. Gon. Il devait aller le chercher. Il devait le protéger. Il commença à tituber vers le champ de bataille, découvrant avec une certaine fascination les effets du Nen dans cette réalité. La terre était entièrement retournée, certains arbres s'étaient mélangés à une eau et qui était soudain devenue comme de la glace, si on ignorait le fait qu'elle mouvait. A y regarder de plus près, on constatait qu'elle avait une propriété inconnue, comme s'il s'était agi de gélatine. Il vit un poisson emprisonné dans cette eau étrange, se débattant du mieux qu'il pouvait, et il eut soudain une nouvelle idée.
Hisoka avait profité de ma surprise pour me frapper à nouveau. Le coup m'avait sonné et je m'étalais de tout mon long avant d'avoir la présence d'esprit de ramener Gon.
—Tu croyais quoi ? J'ai toujours l'intention de te détruire.
Hisoka s'approcha de Gon avec un air sauvage et monta à califourchon sur lui, bloquant ses hanches avec ses jambes. Il colla son nez contre son cou, alors que Gon serrait les dents, pour sentir son odeur. Il lécha la peau moite de sa nuque avec excitation, remontant rapidement jusqu'à son visage. Quelque chose le frustrait. Il voulait sentir sa peur, mais Gon ne semblait pas être dans cet état. Il était en colère, légèrement confus, mais il n'avait pas peur. Alors Hisoka haussa un sourcil et commença à l'étrangler.
Gon cherchait de l'air en tirant sur les bras d'Hisoka, mais rien n'y faisait et ce dernier serrait sa gorge toujours plus fort. Le plaisir déformait ses traits. Il aimait terriblement le voir souffrir mais ressentait toujours sa frustration. Gon n'avait pas peur.
Alors qu'il s'apprêtait à le tuer, relâchant à peine son emprise pour savourer plus longtemps cet instant, il se sentit soulevé par les bras et projeté dans le fleuve à toute vitesse. Il s'enfonça mollement dans l'eau gélatineuse. Se déplacer était difficile et il était heureux d'avoir pieds. Il se retourna pour voir Killua, le visage déformé par un sourire assassin. Il était livide. Ses lèvres étaient blanches et il titubait légèrement. Pourtant son regard n'avait jamais été si brûlant. A cet instant, il réalisa à quel point il aimait le meurtre.
Hisoka entreprit d'avancer dans l'eau. Il n'avait que quelques mètres à faire pour regagner le bord, mais il avait un mal fou à se déplacer. Killua enfonça lentement sa main dans le liquide, le fixant d'un regard si vide qu'il en était terrorisant et y envoya une violente décharge électrique. L'électricité se répandit sur l'eau à toute allure, changeant au passage sa propriété et lui rendant son aspect liquide ordinaire. Les formes qui étaient apparues sur le fleuve retombèrent en cascade.
Hisoka vit l'électricité bleue de Killua grimper jusqu'à lui. Il sentit alors la décharge s'emparer de tout son corps. C'était insupportable mais il était incapable de bouger. Son corps était tendu, sa mâchoire serrée l'empêchait de hurler alors qu'il était comme paralysé au milieu du fleuve.
La douleur finit par le quitter et il s'enfonça dans l'eau glaciale, épuisé. Il finit par reprendre conscience, la rage grondant au fond de lui le poussant à utiliser ses dernières forces. Il jaillit hors de l'eau et se jeta sur Killua qui le regarda sans réagir, surpris par cette attaque soudaine. Il commença alors à le frapper, lui faisant cracher du sang, alors que celui-ci était incapable de se débattre, trop faible et fatigué. Puis son corps s'illumina soudain et une partie commença soudain à disparaître. Son visage se dissipait dans des braises rouges accompagnées de petits éclairs violets. Hisoka ne le frappait plus et observait la scène sans comprendre.
—Saisho wa guu...
Killua et Hisoka se tournèrent vers l'origine du son. Gon préparait son attaque mais était bien trop loin pour qu'elle soit efficace. Hisoka l'observa sans comprendre alors que les braises se rapprochaient du corps de Killua comme pour ressouder avec lui. De légers picotements parcouraient sa peau qui se reformait à nouveau.
—Jan...Ken...Pon...
Il commença à cet instant à disparaître, son attaque chargeant toujours. Il disparaissait dans des volutes de fumée rougies par le Janken rappelant la disparition momentanée de Killua à Hisoka.
Il réalisa trop tard ce que Gon prévoyait de faire et ressentit une très vive douleur à la tête avant d'être projeté en avant. Gon l'avait frappé par derrière. Killua se redressa pour le regarder. Il avait du sang sur le poing, mais ce n'était pas le sien. Killua essaya de se redresser mais tituba et manqua de tomber à la renverse. Gon le retint et le pris dans ses bras pour le porter.
—Merci, murmura doucement Killua.
—Tu m'as porté tellement souvent, je peux bien t'aider pour une fois.
Killua lui sourit et déposa sa tête contre son torse en serrant ses bras autour de son cou.
Gon marcha jusqu'à être à la hauteur d'Hisoka, qui avait volé plus loin. Du sang coulait de ses cheveux. Il avait manifestement été fortement touché. Il bougea doucement, en tremblant, avant de se tourner vers Gon, qui le considérait d'un air neutre.
Quelque chose avait changé dans la posture d'Hisoka, dans son expression. Il ne renvoyait plus cette aura malfaisante. Il avait seulement l'air maltraité. Il tremblait de tous ses membres et jetait des regards inquiets de tous les côtés, comme s'il cherchait de l'aide.
—S'il-vous-plaît, ne me faîtes pas de mal.
—Hisoka ?
—Non...
—Qui es-tu ?
—Laissez-moi partir, je vous en prie. Je n'ai rien fait, ce n'était pas moi.
—Je...
Le garçon à la voix tremblante qui avait remplacé Hisoka se leva promptement et se mit à courir sous mes yeux ébahis. Je tenais toujours Ezéquiel dans les bras, qui avait assisté à la scène, manifestement aussi surpris que moi.
—C'était quoi, ça ?
—Sa vie originelle, je crois.
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