Acte II - Scène 4: Devoir

Melden était marié à Saraï depuis quelques semaines. Il avait mis au point une formule qui coupait la libido de sa femme en plus de l'épuiser le soir, ce qui lui permettait de s'infiltrer en douce dans la chambre de Zain pour passer la nuit avec lui. L'effet était censé durer un moment et Saraï ne se doutait de rien, mais Melden savait qu'il ne faisait que repousser l'inévitable. A un moment ou un autre, elle allait se poser des questions. Il allait devoir coucher avec elle. Au moins une fois. La perspective le rendait malade et il n'osait pas en parler à Zain, de peur que celui-ci ne s'énerve. Le jeune homme brun était très sensible dès qu'il s'agissait de sa mère. Melden ne l'ayant jamais vu autant en colère après quelqu'un auparavant.

Bien entendu, depuis leurs retrouvailles, les deux amis d'enfance étaient de nouveau inséparables. Ils tentaient de rester le plus discret possible quant à l'évolution de leur relation et se cachaient pour s'embrasser à l'abri des regards. Lorsqu'ils étaient ensemble, ils étaient on ne peut plus heureux, mais dès lors qu'ils se trouvaient séparés l'un de l'autre, les vieux démons de leur situation refaisait surface. En plus de cela, ils se sentaient épiés. Lues était étonnamment souvent présent dans les parages et les deux amants avaient rapidement compris qu'il les espionnait, ayant probablement flairé la nature de leur relation.

Lues et son père faisaient partie des détracteurs du mariage, ceux qui souhaitaient toujours destituer les Penzifig de leur trône. Relancer la rumeur de l'homosexualité de Melden aurait remis en question toute la nature de son union et aurait sans doute ranimé les conflits entre les Maisons. D'autant que l'affront que Melden causait à Saraï Llugorn ne resterait vraisemblablement pas impuni.

Melden et Zain profitaient du soleil et de la chaleur de l'archipel en discutant au bord de l'eau. La journée était superbe et les deux amis refaisaient le monde, allongés sur le sable à regarder les nuages.

-Finalement, cette situation est plus agréable que prévu, dit Melden en souriant.

-Oui. C'est loin d'être idéal, mais je suis si heureux qu'on soit ensemble.

Melden ne répondit rien et se figea soudainement. Il eut un petit sourire et fit un clin d'œil à Zain avant de se retourner rapidement, attraper un caillou qui traînait sur la plage et le jeter dans un buisson sous le regard surpris de Zain. Melden gardait son air enjoué de mauvais garçon, son expression d'enfant farceur restant à jamais marquée sur son visage. Un « aïe » leur parvint aux oreilles quelques secondes plus tard.

-Vous voulez nous rejoindre, Seigneur Tanborth, peut-être ? Au lieu de rester caché dans les feuillages ?

Lues, rouge de honte sortit lentement du buisson avec un air vexé. Il s'avança jusqu'à eux sans s'asseoir pour être à leur hauteur. Melden lui fit un sourire hypocrite en le saluant de la main.

-Je sais que vous cachez quelque chose ! Je vais finir par découvrir de quoi il s'agit.

-Vous devriez engager quelqu'un pour le faire à votre place, ce n'est pas ce qui vous réussit le mieux.

Lues lança à Melden un regard rempli de haine avant de s'éloigner en direction du château, laissant les deux hommes seuls.

-Il faut faire attention à lui, murmura Zain.

-Tant qu'on ne fait rien de compromettant en public, nous n'avons rien à craindre. Et puis avec sa discrétion d'ours sauvage, je le repère de loin.

-Je voudrais tellement ne pas avoir à me cacher avec toi, Melden.

-Moi aussi... Mais je préfère vivre caché avec toi plutôt que l'on nous sépare.

Le soir tomba bientôt et les deux hommes rentrèrent au château en évitant soigneusement tout contact physique. Selon les calculs de Melden, la potion qui faisait effet sur Saraï prendrait fin le soir-même. Il aurait préféré la tuer, mais avait peur que les soupçons se portent sur lui, aussi réussi son poison mortel soit-il. Saraï était une femme très en forme. Elle se questionnait déjà souvent sur son état de fatigue aggravée le soir et envisageait de faire venir un médecin. Alors si elle mourait soudainement quelques jours après son mariage, on avancerait probablement rapidement la piste de l'empoisonnement. Les seuls druides vivant chez les Llugorn étaient celui qui leur était attitré, Brangäne et Melden, et ce dernier avait rapidement réalisé que lui ou son élève seraient la cible d'accusations. Avoir empoisonné Saraï serait un incident plus grave encore que la découverte de la nature de sa relation avec Zain. Il serait probablement exécuté, et l'idée d'entraîner Zain avec lui dans la mort lui était insupportable. Ce soir-là, Melden allait devoir faire ce qu'il redoutait depuis l'annonce de son mariage et ce que Saraï semblait attendre depuis longtemps.

Il passa le dîner la boule au ventre. Il n'avait rien dit à Zain. Son amant ne se doutait de rien et c'était mieux ainsi. Il ne fallait surtout pas qu'il l'apprenne. Mais si, quelques mois plus tard, on découvrait que Saraï était enceinte, alors Zain comprendrait immédiatement à qui revient la paternité et il ne savait pas s'il lui pardonnerait. Peut-être vaudrait-il mieux qu'il le lui annonce, d'autant que sous l'effet de la potion, Zain ne réussirait pas à être en colère longtemps.

Alors qu'elle longeait habituellement le couloir d'un pas mou, Saraï, ce soir-là, courait presque en trainant Melden par le bras, le forçant à suivre sa cadence pour ne pas tomber. Elle ferma la porte de la chambre avec précipitation et se jeta sur lui en le collant contre la porte. Sa bouche avide se plaquait sur celle du jeune homme, se frayant un chemin entre ses lèvres pour mêler sa langue à la sienne. Elle passait ses mains dans ses cheveux blancs resplendissants, s'approchant toujours plus de lui, le forçant à caresser son corps.

-Melden, soupira-t-elle, je suis désolée de ne pas avoir été en forme ces derniers jours, ça ne me ressemble pas, mais maintenant je suis toute à toi.

-Ce n'est pas grave, bafouilla le jeune homme.

-Je t'aime trop, je voudrais que tu passes plus de temps avec moi.

Elle le poussa sur le lit avant de lui grimper dessus. Cette fois, c'était trop tard, il n'avait plus aucun échappatoire. Il imaginait la suite dans un dégoût mêlé d'angoisse, prêt à pleurer de cette femme, avec laquelle il avait toujours été plus proche qu'avec sa propre mère, et qui le chevauchait en se frottant à lui avec envie. Elle entreprit de le dévêtir, déboutonnant sa veste pour caresser son torse en se mordant les lèvres. Il était effrayé. Il l'imita, pour ne pas paraître louche, la déshabillant avec horreur, essayant de ne pas réfléchir à ce qui était en train de se passer, se convainquant que ce n'était pas important.

C'était la première fois qu'il était dans cette situation. Il admirait le corps nu de Saraï comme s'il s'agissait d'une œuvre d'art. Son corps commençant à être marqué par l'âge était toujours empreint de santé et de jeunesse. Son ventre encore plat avait les marques de sa grossesse, ses seins lourds et laiteux témoignaient de son allaitement. Elle avait beaucoup de grains de beauté sur la peau, tous parfaitement ronds et très noirs, et des vergetures blanches se dessinaient sur son ventre, sur le dessus des seins et des fesses, lacérant sa peau des marques du temps. En dehors de son genre, Melden ne put s'empêcher de réaliser que son corps était très différent de celui de Zain. Le corps de Saraï racontait une histoire, son histoire. Ce n'était pas une page blanche et vierge, scintillante de pureté. C'était une page noircie d'écritures et de ratures, de phrases bien tournées et de mots barrés. Le corps de Saraï racontait la vie de cette femme, et il fut soudain ébloui par son courage de lui montrer ce corps qui n'était pas que ça, et qui dévoilait tout ce qu'elle avait été.

Elle lui sourit avec douceur, voyant qu'il la détaillait avec attention.

-Comment tu me trouves ? murmura-t-elle.

-Magnifique.

Ce n'était pas un mensonge. Il était presque ému aux larmes de la beauté qu'elle renvoyait. Il aurait pu l'observer longtemps, inlassablement, à la recherche de tous les secrets qu'elle pourrait renfermer. Mais il ne la désirait pas.

-Saraï, dit-il d'une voix tremblante, vous êtes belle mais je... Je vous considère comme ma mère.

Il ne savait pas pourquoi il avait soudainement l'impression de pouvoir se confier à elle, mais il lui ouvrait finalement son cœur et se sentait déjà un peu rassuré.

-Je m'en doute un peu, Melden. Mais je t'aime depuis longtemps et je veux te faire l'amour, te donner des enfants. Passe du temps avec moi, s'il-te-plaît, je sais que je réussirai à te montrer que je ne suis pas qu'une mère.

La conversation ne prenait pas du tout la tournure espérée par Melden. Lui qui imaginait qu'elle accepterait ses sentiments et le laisserait tranquille, l'éloignait en fait encore plus de Zain. La situation commençait à le désespérer. Son seul bonheur était d'être avec son amant. S'il était obligé de passer ses journées avec cette femme, il en souffrirait terriblement, et Zain aussi.

Il était si perdu dans ses pensées qu'il n'avait pas réalisé qu'elle l'avait totalement déshabillé. Elle prit un air un peu boudeur en voyant qu'elle ne procurait aucun effet à son jeune époux avant de relever le regard vers lui, un air plus déterminé que jamais accaparant le fond de ses yeux. Sa ressemblance avec Zain était déjà frappante, mais là, son expression était si similaire qu'il eut l'impression de le voir lui, un court instant. Elle prit son sexe en bouche et le suça avec une expertise que Melden ne connaissait pas. Elle le fixait avec défi et fierté en le sentant durcir dans sa bouche, puis glissa un doigt dans son rectum, ce qui fit hoqueter le jeune homme de surprise. Elle était tellement douée et experte que Melden s'étonna de commencer lentement à la désirer. Elle finit par s'arrêter et relever la tête vers lui en souriant avant de l'embrasser à nouveau.

-Je savais que ça te plairait.

Melden était complètement perturbé par ce qui était en train de lui arriver. La dernière chose qu'il aurait imaginé était que ça lui plaise. Il était presque encore plus mal à l'aise qu'avant d'apprécier cette expérience. Saraï se positionna à quatre pattes contre lui, lui tendant ses fesses de manière éloquente. Ça convenait parfaitement à Melden qui n'avait absolument pas envie de la voir pendant cet acte. Il respira un grand coup et la pénétra doucement. C'était complètement nouveau, et c'était agréable. La sensation de chaleur et d'humidité qui l'entourait lui fit entièrement oublier le contexte de la situation. Saraï gémit en le sentant taper le fond. Et il réalisa à ce moment-là qu'il voulait la faire gémir encore. Il commença à bouger lentement, réalisant que c'était de plus en plus agréable.

-Ah putain, Melden, c'est parfait.

Saraï était soudainement devenue bien plus grossière qu'à l'accoutumée, ce qui fit doucement sourire le jeune homme. Il se remémorait les fois où elle les avait disputés, lui et Zain, lorsqu'ils disaient des gros mots en étant enfant. Il repensait à des moments de son enfance en la culbutant, et la situation lui paraissait terrifiante. Saraï continuait de gémir et il ne comprenait pas pourquoi il voulait la faire crier encore plus. Il aurait aimé la voir hurler et trembler à cause d'un plaisir trop fort pour être supportable.

-Ah... Meldoux...

-Putain... Saraï...

Il la pénétra avec plus de férocité encore, augmentant ses hurlements étouffés et finit par jouir à grands jets à l'intérieur d'elle.

Il réalisa soudain ce qu'il venait de se passer et s'éloigna de la scène avec angoisse, effrayé par elle, mais surtout par lui-même. Il ne savait plus quoi faire. Il voulait juste fuir mais il ne pouvait pas sortir comme ça, pas tant qu'elle était toujours éveillée. Pourtant, un mal inextricable s'était emparé de lui. C'était encore pire que ce qu'il avait envisagé. Il n'aurait jamais pu imaginer qu'il aurait aimé ça.

Saraï s'allongea dans le lit, se glissant entre les draps et lui faisant signe de le rejoindre. Elle se blottit ensuite dans ses bras, le serrant contre elle, sa peau nue contre lui encore brûlante de l'ébat. Il avalait sa salive avec difficulté, tant sa gorge était nouée. Il aurait préféré être entièrement forcé, et constant dans ses sentiments. Il aurait préféré essayer de retenir ses larmes. Il aurait préféré essayer de penser à autre chose. Mais il avait aimé ça. Avec elle. Et il se sentait sale, souillé, indigne de l'amour de Zain. Zain. Qu'allait-il lui dire ?

-Je suis tellement heureuse, mon chéri, tu es exceptionnel.

-Saraï depuis quand vous... Depuis quand tu m'aimes ?

Saraï s'écarta de lui comme si ça l'aidait à réfléchir, ce qui détendit très légèrement Melden, puis s'étira dans le lit en baillant doucement.

-Mmh... Depuis longtemps. Je me sentais mal au début de tomber amoureuse de l'ami de mon fils. Je pensais que j'avais un problème. Mais plus tu grandissais et plus je t'aimais. Je t'avais toujours beaucoup apprécié, je ne sais pas exactement quand je t'ai aimé... Comme ça... Peut-être quand tu es entré dans l'adolescence.

Melden la regardait avec terreur, profitant du fait qu'elle n'avait pas les yeux sur lui pour ne pas avoir à contrôler son expression. Il ne l'avait jamais imaginé comme ça. Elle avait toujours été un peu étrange et un peu trop tactile, mais n'avait jamais eu de geste réellement déplacé qui l'aurait vraiment intrigué.

-Mais et vous... ça ne vous a pas dérangé plus que ça ?

-Que veux-tu faire face à l'amour ? Comment résister à toi ? A ta beauté, ta maturité ? Au début j'ai culpabilisé, tu étais encore enfant mais... J'ai fini par l'accepter. Les hommes se marient toujours avec des femmes beaucoup plus jeunes, certains épousent des filles de l'âge que tu avais. J'ai fini par me demander pourquoi moi, je n'aurais pas le droit. Et puis tu faisais tellement de bien à Zain. Tu le rendais si heureux. Tu avais ces façons de sourire, de regarder les gens, comme si tu voyais au fond d'eux, et ça me rendait folle.

Melden fixait Saraï, incrédule. Elle avait l'air d'être vraiment sincère avec lui, d'être profondément amoureuse. Mais Melden ne pouvait pas s'y habituer. Il aimait beaucoup Saraï, mais pas comme ça, pas de cette manière. C'était la femme qui s'asseyait à côté de lui pour le consoler quand il était triste, qui le prenait sur ses genoux pour lui raconter des histoires, qui lui ébouriffait les cheveux en riant aux éclats. Elle lui avait souvent dit qu'elle l'aimait mais il n'aurait jamais pensé qu'elle le disait dans ce sens-là.

-Je t'aime, Melden, et je veux tout faire pour que tu m'aimes de la même manière, dit-elle en baillant.

Il ne dit rien, trop abasourdi par la soirée, obsédé par l'idée de devoir passer ses journées avec elle, angoissé par le temps qu'elle passait à ne pas dormir et à ce que devait penser Zain. Elle finit par s'assoupir et Melden attendit quelques minutes avant de se glisser le plus discrètement possible hors du lit pour gagner la chambre de Zain.

Il ouvrit la porte et vit Zain semblant tenter de lire un livre. Il tourna la tête en entendant le grincement de porte et sourit en voyant son ami.

-Melden, tu arrives si tard ! J'étais inquiet.

-Qu'est-ce que tu lis ?

-Je ne sais pas trop. Je n'étais pas vraiment concentré, je pensais à toi. Pourquoi était-ce si long ?

Melden sentit son cœur se décomposer dans sa poitrine. Il allait devoir tout lui avouer. Il n'avait pas peur de le perdre, c'était impossible. Il avait seulement peur de lui faire du mal.

-La potion que j'avais donné à Saraï ne faisait plus effet aujourd'hui.

-Et alors ? Tu ne l'as pas empoisonnée de nouveau?

-Je ne voulais pas éveiller les soupçons.

Il baissa la tête, n'osant plus regarder le jeune homme qui lui faisait face. Il ne méritait pas de le voir.

-Qu... Qu'est-ce que tu as fait, alors ? murmura Zain d'une voix blanche.

-Mon devoir.

Zain le fixa d'un air horrifié, s'éloignant à grands pas pour attraper son épée qui était déposée contre un mur de la chambre.

-Je vais la tuer.

-Non, Zain, je t'en supplie, arrête. C'est ta mère !

-Ah bon ? Tu as l'impression que c'est ma mère ?

-S'il-te-plaît, ne fais pas ça. Je ne veux pas te perdre. Je ne veux pas être loin de toi. Si tu fais ça... On ne s'en sortira jamais.

-Mais on ne s'en sortira jamais de toute façon. Comment peut-elle te... te toucher alors qu'elle... elle t'a quasiment élevé !

Zain se mit à pleurer. Des larmes de rage roulaient sur ses joues. Melden s'était attendu à tout sauf à ça. Il pensait qu'il l'accuserait, ne serait-ce qu'un peu. Et il culpabilisa d'autant plus.

-Je ne suis pas digne de toi.

-Qu'est-ce que tu dis ?

-Je ne te mérite pas.

Zain le regardait sans comprendre, les larmes continuant de rouler sur son visage. Il pensait à toute l'horreur qu'il avait vécu, d'être forcé à vivre cette situation. Et même en cet instant, Melden ne pensait qu'à son bien-être.

-Tu rigoles, Melden ? Tu mérites l'univers entier.

Le jeune homme aux cheveux blancs se jeta au cou de son ami, pleurant à son tour de cette situation, relâchant enfin les émotions qu'il gardait scellé pour garder la tête haute. Il pleura longtemps sur la soirée qu'il venait de passer. Sur cette relation avec Saraï, sur ce qu'il avait ressenti. Il se sentait sale d'avoir fait ça avec elle, et encore plus de l'avoir aimé.

Ça lui avait plu. Et il se sentait répugnant.

Il avait envie de se laver longtemps, de frotter chaque parcelle de sa peau jusqu'au sang, puis de se rincer dans de la lave.

Pour nettoyer son plaisir dégueulasse.

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