○▪︎ 3 ▪︎○ Ce qui crépite en moi
○▪︎ Le paysage défile tel un film mis en marche rapide. Le bleu du ciel se fond dans la marrée verte de la forêt. Les quelques nuages effleurent la cime des montagnes avant de disparaître rapidement dans un voile de fumée.
Les mouvements du train lancé à vive allure me berce doucement. Seul les notes mélodieuses qui bourdonnent à mon oreille me tiennent éveillés.
Assis là depuis deux bonnes heures, filant en direction de la campagne montagneuse, je me délecte à l'idée de retrouver enfin le plaisir de fouler les sentiers de randonnée.
Entraînant avec moi mon nouveau compère à plein temps, j'aspire à lui faire découvrir les joies d'un week-end en pleine nature.
Quelque peu frileux au départ, je lui ai tellement vanté à longueur de journée les points positifs que cette escapade pouvait lui apporter, qu'il a fini par céder à mon caprice.
Nous voilà donc déposé dans une gare abandonnée de toute civilisation pour rejoindre le point de départ de notre périple.
Heureux comme un gamin, mon corps frétille d'impatience de me retrouver perdu au milieu de nul part, le silence comme seule mélodie et mon énergumène favori comme seul compagnon.
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Slalomant entre troncs et racines, gravissant rochers et pentes ardues, m'émerveillant devant des panoramas sublimes et vertigineux, je ne peux qu'être comblé de ce retour aux sources.
Hitoshi, lui, ayant un énorme sourire jusqu'aux oreilles malgré la sueur qui perle sur son front, je pense qu'il doit apprécier sa journée autant que moi.
Le soleil descendant doucement, je me décide à chercher un petit coin sympa où poser notre campement de fortune. Optant pour une esplanade au niveau d'un col, je me réjouis d'y voir serpenter un petit ruisseaux non loin en contre bas.
- Ça t'va comme emplacement pour la nuit ?
- Tu rigoles ? On va vraiment dormir là ?
- Heu, si ça t'convient pas, on peut chercher ailleurs
- Mais Kat's arrête, c'est juste parfait ! Regarde moi cette vue !
- T'es bête ! J'ai cru qu'ça t'plaisait pas
- C'est tout l'inverse. J'ai juste jamais eu l'occasion de vivre ce genre d'expérience
- Faut bien une première fois à tout
- Si c'est avec toi, ça me va
Et va savoir pourquoi, la tournure ambiguë qu'a pris notre conversation en quelques secondes fait bouillir mes joues plus que nécessaire. Et au vu de la teinte de ces pommettes, je dirais qu'il est entrain de ce faire la même réflexion que moi.
Coupant court à cette divagation importune, je me mets à déballer la tente, la tête perdue dans un brouillard des plus étrange.
Une odeur de cuisson me sort de ma torpeur et je capte seulement maintenant qu'il a commencé à préparer le repas. Et c'est avec des aliments séchés qu'il arrive à nous servir deux bols de ramen alléchants. Y'a pas à dire, il est vraiment doué pour faire un festin avec pas grand chose.
- Merci ! Ça a l'air top
- C'est que des nouilles instantanées avec deux trois bricoles
- T'sais, la plupart du temps en rando, j'me contente de barres protéinées et de fruits secs
- Mais toi, tu es barjo comme mec
- J'prends le compliment
Nos rires fusionnent dans l'air frais qui circule à cette altitude et c'est sur une touche joyeuse que la nuit envahit l'espace tranquillement. Sa voix s'élève dans la pénombre, timide.
- On va se coucher ? Surtout si tu veux te lever à l'aube demain
- Attends encore un peu, t'vas louper le clou du spectacle
Emmitouflé dans une polaire, je m'allonge dans l'herbe et l'invite à en faire de même. Le silence nous entourant, les minutes défilent avant qu'enfin nos yeux discernent ce tableau étincelant que je souhaitais lui montrer.
Dans le ciel nocturne coloré d'un bleu de Prusse profond, une nuée de petits soleils se mettent à briller les uns après les autres, dessinant une voie lactée de constellations. Je ne pourrais jamais me lasser de cette vue si magique.
Observant la réaction d'Hitoshi du coin de l'œil, je vois son visage s'illuminer d'une lueur nouvelle. Et cette vision ci, je crois bien qu'elle me subjugue bien plus que le miracle que nous offre la nature.
Puis c'est au fond de mon ventre que naît cette sensation intense que je n'avais plus ressenti depuis plusieurs mois. Celle-là même qui m'a tant fait vibrer à une époque. Aujourd'hui, elle est même si puissante que j'ai l'impression d'avoir des étincelles qui implosent en moi.
Obnubilé par le bordel qui se déroule en mon fort intérieur, je sursaute lorsqu'une caresse aussi douce que du satin vient effleurer mes doigts. Face à ma réaction, la douceur s'éloigne, confuse. Alors, dans un élan sorti de nul part, je la rattrape et l'emprisonne au creux de ma paume.
C'est frais, c'est doux, c'est agréable, c'est.. crépitant.
Un murmure me parvient, timide.
- Kat's ? Tu es sûr ?
- Ouais, ça m'plait bien. Tu m'plais bien
Ses joues se mettent à briller tel un néon rougeâtre à la lueur des étoiles. Et puis d'un coup, un appel dans la nuit, irrésistible. S'étirant d'un sourire radieux, ses lèvres luisent sous l'humidité d'un coup de langue. Aguicheuses, elles me quémandent en silence de gouter à leurs paires.
Faible face à ce qui est entrain de bruler en moi, je cède à leur caprice et vient celer ces impatientes dans une pression délicate, fusionnant nos souffles et nos désirs dans un feu d'artifice ardent.
C'est chaud, c'est intense, c'est délicieux, c'est ... explosif.
Entre deux baisers, je laisse glisser un murmure.
- Ouais, ça m'plait vraiment beaucoup
Ce sont ses bras enserrant mon corps qui me répondent. Alors, me laissant porter par cette explosion qui ravage mon être, je me blottis au creux de ce cocon de bonheur.
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Les rayons du soleil levant viennent me mordre la nuque. Un grognement s'échappe de ma gorge avant que je ne puisse me reconnecter à la réalité. Celle où je suis entouré d'une aura chaleureuse, me noyant dans un parfum poivré aux fragrances de patchouli.
Ouvrant les yeux péniblement, je tombe dans une chevelure prune hirsute qui me chatouille les tempes. Je profite pleinement quelque instant de cette bulle de bien être dans laquelle je me trouve actuellement, me délectant de la sensation de son corps enroulé autour du mien dans une étreinte douce et sécurisante.
J'entortille quelques mèches rebelles autour de mes doigts avant briser le silence doucement.
- Marmotte, c'est l'heure
Ses paupières s'entrouvrent difficilement pour laisser ses deux perles d'absinthes me dévorer du regard. Sa voix éraillée résonne faiblement.
- Bonjour
- T'as bien dormi ?
- Merveilleusement bien oui et toi ?
- Super bien aussi. Tes bras sont confortables
Ses pommettes se teintent rapidement d'un rose coloré avant qu'il ne disparaisse sous le duvet dans un "Chut " gêné. Je me lève dans l'optique d'aller nous préparer un petit déjeuné avec les moyens du bord pour entamer notre deuxième jours de randonnée avec le plein d'énergie.
Nos sacs sur le dos, on engage la descente à travers crêtes et forêts jusqu'à ce que le soleil atteigne son point le plus haut. Là, posé au bord d'une rivière où l'eau dégringole en minuscules cascades entres les rochers, on déguste quelques mûres et framboises sauvages après un bol de sa nouvelle spécialité.
Et c'est tout naturellement que nos lèvres se retrouvent dans un baiser tendre ou que nos mains s'entrelacent sur les larges sentiers, sans aucun questionnement ni prise de tête.
Nos conversations ne sont pas entachées de gêne, nos regards ne sont pas fuyants, nos gestes ne sont pas saccadés, nos propos ne sont pas forcés. Tout est identique à la veille, seul l'affection est exacerbée.
Et même lorsque nos pas nous guident jusqu'à la fin de notre périple, là où la civilisation reprend sa place, nos mains ne se lâchent pas et nos regards restent fixés dans celui de l'autre. Sur le quai de la gare, nos lèvres se frôlent. Dans le train nous ramenant chez nous, nos corps s'enlacent. Et dans le bus, et puis dans le métro. Et même sur le pallier de son appartement.
C'est simple et limpide. Et ça fait du bien.
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Ce matin tout de même, lorsque mon réveil me rappelle que je suis toujours étudiant, je me demande si cela se passera ainsi au lycée également. Pas que je n'ose pas la chose ou qu'une quelconque honte ne vienne tacher le tableau. Mais est ce que cela sera tout aussi naturel que ce que l'on a pu vivre hier. Est ce que lui d'ailleurs, en a envie ?
Puis, il a suffit que je passe la grille du bahut et que je croise son regard améthyste pour avoir ma réponse. Alors même si il est entouré de nos potes et en plein milieu de la cour, c'est sans aucunes hésitations que j'ai attrapé sa main avant de déposer un baiser sur ses lèvres.
Et malgré, les exclamations de surprises et les brimades sympathiques de nos compères, je passe outre les regards interrogateurs sans aucun soucis et me contente d'admirer avec plaisir la petite fossette qui se creuse dans sa joue lorsque son sourire déborde un peu trop de sa place.
Peut être vais-je enfin découvrir là ce sentiment que je recherche depuis longtemps ? ▪︎○
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