• chapitre 3
La veille, au mariage de sa demi-sœur, Jisung s'était ennuyé toute la soirée. Il avait eu l'occasion de discuter un peu avec des membres de sa famille qu'il n'avait pas vus depuis longtemps, mais c'était toujours les mêmes questions sur ses études, les mêmes remarques sur son apparence, et les mêmes conseils sur le fait qu'il pouvait peut-être envisager de travailler avec son père. Il avait fait bonne figure pour ne pas entrer en conflit, ça ne servait à rien de les contredire puisque de toute façon il ne les voyait jamais. Et puis, à partir du moment où ses propres parents acceptaient qui il était, il se fichait bien du reste. Ce n'était pas leur vie, c'était la sienne, et personne ne pouvait lui dicter comment la mener.
Ce matin, quand il ouvrit les yeux et qu'il émergea d'une nuit un peu trop courte à son goût, ses premières pensées allèrent vers Minho. Ce n'était pas comme s'il n'avait pas rêvé de lui en prime. Non seulement il n'avait fait qu'y penser avant d'enfin trouver le sommeil, mais il avait aussi fallu qu'il le retrouve dans ses songes. Jisung frissonna quand les images plus qu'équivoques lui revinrent en tête. Il l'avait vu une fois, il lui avait à peine parlé, et le pauvre se retrouvait déjà impliqué dans un rêve érotique.
Il ferma les yeux aussi fort que possible dans l'espoir de chasser tout ça de son esprit, mais il n'y parvint pas. Tout avait eu l'air si réel ; ses mains sur son corps, sa bouche effleurant son cou et sa langue joueuse glissant sur sa mâchoire. Ses soupirs, son regard, sa silhouette au-dessus de lui. Jisung secoua la tête. Il se tourna sur le côté, face à la fenêtre, et soupira lourdement. Ce n'était vraiment pas normal d'avoir de telles idées alors qu'il s'agissait désormais de son beau-frère. Si Dayoung savait qu'il fantasmait sur lui, elle lui en voudrait et serait même profondément choquée. Il serra un coussin entre ses bras, le cœur battant à vive allure alors qu'une douce chaleur lui embrasait les reins. Il en avait déjà plus qu'assez de perdre le contrôle sur son esprit, alors si son corps commençait lui aussi à ne plus obéir, il allait devenir fou. Et pourtant, il ne put nier l'érection naissante entre ses jambes. Il les contracta l'une contre l'autre pour tenter de faire redescendre la pression, en vain. Il ne pensait qu'à Minho et à ce rêve un peu trop réaliste, et ça ne fit qu'accroître son désir et son besoin de se soulager. Mais il ne voulait pas, pas en pensant à Minho. C'était indécent. Il appuya une main sur son sexe pour le comprimer et essaya de penser à quelque chose de moins excitant, mais tout lui revenait en boucle. Il avait envie de pleurer de frustration, mais il ne voulait pas succomber à la tentation. Certes, personne n'en saurait rien, mais c'était tout de même moralement déplacé.
Il se crispa de la tête aux pieds quand quelqu'un toqua à la porte de sa chambre. Le coussin toujours contre lui, il se redressa de façon à ce que son érection passe totalement inaperçue.
— Oui ?
La porte s'ouvrit doucement, sa mère se tenait dans l'encadrement avec une tasse fumante à la main. Jisung la salua d'un « Bonjour » quasiment imperceptible et elle avança pour s'installer sur le matelas, près de lui. Elle lui adressa un sourire bienveillant et lui tendit la tasse qu'il n'osa pas saisir. Il avait bien trop peur que son petit secret soit dévoilé.
— J'ai fait du thé au romarin et au citron, au cas où tu aurais trop bu hier.
— Ça va maman, je t'assure.
— Ça te fera tout de même du bien pour te réveiller.
Elle le posa sur la table de chevet et se retourna vers son fils, toujours avec la même expression joyeuse collée au visage. Il déglutit. Il aimait beaucoup sa mère et était reconnaissant qu'elle soit aussi attentionnée à son égard, mais il avait juste envie qu'elle s'en aille vite. Au lieu de ça, la femme approcha une main de lui pour remettre en place ses cheveux qui lui tombaient devant les yeux. Il se contracta une fois de plus, mais il ne pouvait pas l'envoyer balader.
— Ils sont bien longs dis donc…
— Hm, oui.
Jisung se recula et passa une main dans sa chevelure pour la ramener vers l'arrière. La présence de sa mère avait au moins eu le mérite de calmer ses ardeurs, mais c'était tout de même assez gênant.
— Je suis contente que tu sois rentré un peu à la maison, mais je vois bien que tu n'es pas à l'aise.
Il cligna des yeux à plusieurs reprises. Sa mère était un peu trop perspicace et ça le rendait nerveux. Il n'avait jamais parlé du fait qu'il ne se sentait plus vraiment à sa place dans cet environnement, mais elle avait sans doute été capable de le deviner. Elle était observatrice, et puis elle le connaissait bien, elle pouvait aisément comprendre quand il était mal à l'aise. Et même si elle ne disait rien, cela ne signifiait pas qu'elle ne remarquait rien. Il s'en sentit profondément attristé, car il savait que ses parents étaient heureux de le voir.
— Désolé, murmura Jisung.
— Non, ne t'excuse pas.
— Si, je m'en veux de vous donner cette impression mais… c'est juste qu'ici je… enfin c'est comme si ce n'était plus chez moi.
Sa mère hocha lentement la tête pour lui notifier qu'elle comprenait parfaitement, mais il voyait bien que ses paroles l'avaient peinée. Elle faisait seulement tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas trop le montrer et l'inquiéter.
— Tu sais, tu as ta vie avec ton studio, les cours, tes amis, alors je comprends, c'est normal.
— Oui mais je veux pas vous décevoir.
— Ça ne nous déçoit pas. On veut que tu te sentes bien avant tout.
— C'est pas contre vous tu sais…
Elle posa une main sur le haut de sa tête et lui caressa les cheveux avec tendresse.
— Je sais Jisung. Ça change rien au fait que tu es notre fils et que nous t'aimons.
Il esquissa un petit sourire et sa mère l'attira vers elle pour l'enlacer. Il ferma les yeux et profita tout simplement de l'étreinte qu'elle lui offrait. Il avait conscience que beaucoup de choses avaient changé, aussi bien dans sa vie que dans la relation qu'il entretenait avec ses parents. Il n'avait jamais remis en cause l'affection qu'ils se portaient, mais leurs aspirations et leur vision de la vie n'étaient pas les mêmes. Et ce n'était pas grave. Il avait simplement son propre chemin à suivre, et il devait l'accepter. Il n'était plus un petit garçon ou un adolescent. Il avait grandi, et peut-être était-ce pour cela qu'il avait un peu de mal à revenir dans cette chambre trop enfantine. Dans le fond, il avait peur d'être infantilisé, de ne pas être entendu pour qui il était.
— Je vais te laisser du temps pour te réveiller et prendre une douche, mais ça m'a fait plaisir de discuter un peu.
Elle se détacha de lui et lui pinça brièvement la joue, geste qu'elle avait pris l'habitude d'avoir quand une discussion un tant soit peu sérieuse avait lieu. Elle se leva et après lui avoir lancé un énième sourire, elle quitta la pièce. Jisung soupira et se laissa retomber dans son oreiller. Il avait peur de lui avoir fait mal au cœur, même s'il savait que sa mère ne lui en voulait pas et qu'elle le soutenait dans ses choix de vie. C'était tout de même assez frustrant, car il aurait aimé se sentir bien ici. Il aurait aimé pouvoir rentrer chez ses parents et apprécier l'ambiance de la maison familiale. Mais il ne parvenait pas à faire semblant. Il se sentait bien dans son studio, il avait ses habitudes et c'était rassurant. C'était son petit cocon, sa bulle sécurisante, et il avait hâte de la retrouver pour mettre de côté les sentiments étranges qu'il ressentait depuis hier.
Il fixa le plafond un moment et prit conscience qu'au moins il n'était plus aussi excité qu'au réveil. Il roula des yeux et se redressa en position assise, puis saisit son téléphone sur la table de chevet. Plusieurs notifications, toutes de ses amis, mais il n'avait pas le courage de leur répondre. Il savait qu'ils lui demanderaient comment s'était déroulée la soirée, et peut-être auraient-ils trouvé des photos ou des articles où il apparaissait.
Il décida de se lever, fouilla dans son sac à dos usé pour en sortir un paquet de cigarettes et un briquet. Il alla ouvrir la fenêtre et sortit une roulée qu'il cala entre ses lèvres pour l'allumer. Il ne fumait pas toujours, c'était plutôt occasionnel et surtout lorsqu'il se sentait très stressé. Il avait besoin de se détendre, de relâcher la pression et de laisser ses soucis s'envoler en même temps que la fumée s'élevait dans l'air. Penché sur l'appui de fenêtre, il prit le temps de faire le vide, il cessa de se torturer l'esprit et se contenta de tirer sur sa cigarette. Une fois qu'elle fut terminée, il écrasa son mégot sur la coupelle qu'il avait emportée dans sa chambre et décida qu'il était temps de sortir de là. Il posa les yeux sur la tasse de thé, il fallait bien qu'il la boive au risque de culpabiliser s'il ne le faisait pas. La boisson avait refroidi et le goût n'était pas agréable, mais il s'efforça de la terminer rapidement.
Il enfila un pantalon et un t-shirt, puis dut se résoudre à prendre une douche avant de rejoindre ses parents qui se trouvaient dans la cuisine. Il salua son père qu'il n'avait pas encore vu et déposa la tasse vide dans l'évier.
— C'était bon ? demanda sa mère.
Il acquiesça avec un sourire pour ne pas la blesser, mais il n'avait pas du tout aimé. En plus, il n'avait pas bu au point d'avoir la gueule de bois au réveil, alors il n'en avait pas vu l'utilité. C'était vraiment pour faire plaisir à sa mère. Il prit place sur un des tabourets hauts, à côté de son père, et ce dernier pencha la tête afin de capter son regard.
— Alors, qu'as-tu pensé du mari de Dayoung ?
Son estomac se tordit aussitôt et sa respiration se fit plus rapide. Pourquoi fallait-il qu'il le mentionne à peine était-il arrivé ? Il n'avait pas envie de parler de Minho après le rêve qu'il avait fait en sa compagnie et la réaction que cela avait provoquée. En plus, il lui avait déjà posé cette question la veille dans la voiture, que cherchait-il de plus ?
— Il a l'air bien, dit-il simplement.
— Je t'ai vu discuter un peu avec lui, ça s'est bien passé ?
Jisung ferma brièvement les yeux, il voulait juste que ça s'arrête, mais son père semblait en avoir décidé autrement.
— Oui, enfin on a pas beaucoup parlé, il me posait juste des questions sur mes études. Ça avait l'air de l'intéresser.
— C'est bien, dit son père en lui tapotant l'épaule.
Un silence s'installa pendant lequel Jisung essaya d'apaiser son cœur, mais il n'y parvint pas. Et ce fut encore pire lorsque, sur l'écran du téléphone de son père, le nom de Dayoung apparut. L'homme répondit à l'appel et s'absenta un instant, le laissant seul avec sa mère. Il essaya de tendre l'oreille, mais il n'entendit rien de leur discussion. Il y avait toujours cet horrible malaise qui le faisait presque suffoquer et il avait seulement envie de rentrer chez lui.
— Maman.
La femme, occupée à laver la vaisselle qui trainait dans l'évier, posa ce qu'elle avait dans les mains pour se retourner.
— Je pense que je vais repartir ce soir, annonça-t-il.
Elle esquissa un mince sourire.
— Tu es sûr ?
Il hocha la tête, un peu attristé de devoir rentrer si vite, mais en même temps soulagé d'avoir pris cette décision. Il ne voulait pas vraiment rester une nuit de plus ici, il avait besoin de retrouver son studio et son lit.
— Comme tu veux, c'était déjà un bel effort de venir.
Il sourit et son père revint.
— Est-ce que tu pourrais raccompagner Jisung ? Il voudrait rentrer un peu plus tôt.
— Non maman c'est bon, je vais prendre le métro.
Elle secoua négativement la tête.
— Tu as une grosse valise, je ne veux pas que tu la traînes comme ça, tu vas te blesser.
— Ça va aller, t'en fais pas.
L'homme accepta, mais se permit néanmoins d'ajouter :
— De ce fait, je te raccompagnerai après le dîner de ce soir.
Jisung fronça les sourcils tandis qu'il dévisageait son père à la recherche d'une réponse. Il ne comprenait pas ce qui l'empêchait de le ramener à son studio dans l'après-midi. Il n'avait pas d'impératif, c'était dimanche alors il avait tout son temps. De plus, il était plutôt impatient désormais, cela l'arrangeait de repartir sans tarder.
— Dayoung vient de proposer de dîner avec nous, elle a envie de passer un peu de temps en famille avant de reprendre ses activités et de partir en voyage de noces.
Jisung se figea. Elle n'allait pas venir seule, c'était certain, et il ne se sentait pas prêt à revoir Minho de si tôt. Il eut l'impression que son souffle s'était coupé, que le temps s'était arrêté. Il fallait qu'il trouve un moyen d'échapper à ce dîner, mais il n'y avait rien qui lui venait en tête.
— Oh ce serait tellement agréable ! s'exclama sa mère, les yeux brillants. Ces moments en famille, tous réunis, sont si rares !
Elle avait l'air si heureuse qu'il ne put se résoudre à la contredire. Il déglutit, il était fichu. Il ne pouvait pas lui briser davantage le cœur, il n'était pas monstrueux à ce point non plus. Il avait déjà été dur dans ses paroles, alors il devait limiter la casse.
Il inspira lentement pour ensuite tout relâcher. Il ignorait comment il allait pouvoir faire face à cette situation, mais peut-être que ce dîner lui permettrait de prendre conscience que Minho n'était pas aussi charmant que la veille.
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