Suzy a disparu. Je ne sais pas vraiment quoi penser. Je bouge de mon fauteuil. C'est devenu ma place préférée depuis un certain temps. Enfin c'est celui de Balthy mais comme il ne s'assoit nulle part ailleurs, ça l'oblige à être debout et à bouger. Je n'ai pas envie de faire grand-chose. Il faut dire que l'ambiance n'aide pas. Je porte mes doigts à ma bouche et commence à ronger mes ongles. Je m'ennuie. Je tends l'oreille. Aucun bruit. Sam doit être dans la bibliothèque. Je ne veux pas le déranger, alors je me lève doucement et passe le plus loin possible de la table où il travaille pour ne pas faire de bruit. Quand je rejoins enfin ma place avec le livre que je désirais, je m'autorise un petit sourire de satisfaction : je n'ai rien fait tomber pour une fois. J'ouvre le livre et le pose sur mes genoux. Mais je ne lis pas. Je compte sur mes doigts. Gadreel, Sam, Dean, Adam, Em, Cat, Balthy, Castiel, Lucifer et moi. Dix personnes. Dix putains de personnes et cet endroit et aussi calme et morne qu'une église. Et encore, dans une église, tu as le prêtre qui fait son sermon. Je me reconcentre sur le livre. Je ne sais même plus pourquoi je le cherchais. Il est à propos des résurrections. Ah oui. C'était pour le cas de Marine. Elle est revenue. Comment ? Je ne sais pas. Qui a pu faire ça ? Je ne sais pas. Est-ce une bonne chose ? J'espère. En tout cas, ça m'a fait plaisir de voir un sourire. Plus personne ne sourit ces derniers temps. Balthy entre dans la pièce.

- Salut Grognon !

Il me lance un regard aigue et s'affale dans un canapé. Je soupire. Tu crois quoi mon coco ? Que je vais laisser tomber parce que tu m'as mal regardé ? Tu ne me fais pas peur. Je ricane à ma propre pensée.

- Est-ce que ça te ferait mal ?

- De quoi ? répondit-il de mauvaise grâce.

- Je te demande si ça te ferait mal de sourire ?

Il écarquille les yeux.

-Bah oui, ça fait quoi, un mois que tu n'as pas souri. Toi ou un autre d'ailleurs. Donc tes joues doivent être rouillées. Et donc si tu souri, est-ce que tu aurais mal ?

Il me regarda, abasourdi. Je hausse les épaules et lève mon livre devant mon visage pour cacher mon hilarité. Ce que j'aime l'embêter. Il ne reste pas souvent avec moi, alors je me venge. Je reprends un semblant de sérieux et abaisse le livre. Il est toujours là. Il a l'air de réfléchir. Je pose mon menton sur a main et le regarde. Nos yeux se rencontrent.

- Quoi, j'ai un truc sur le visage ? dit-il avec une moue.

- Non, ton visage m'avait juste manqué, répondit-je avec une pointe de reproche dans la voix.

Il détourne le regard. Attends, il est vexé, là ? Non mais je rêve.

- Tu penses quoi du retour de Marine ? demande-t-il brusquement.

- Dans l'immédiat, je m'en fous, ce n'est pas de ça que je parle.

Il fronce les sourcils en même temps que moi. Je peux jouer aussi, mon poulet. Je hausse les épaules.

- Mais si tu attends vraiment une réponse de ma part, je te dirais que c'est intriguant mais que ça ne peut faire que du bien.

Il se détend.

- Comment ça ?

- Lucifer va arrêter de faire la gueule, Em ouvrira peut-être les yeux et regrettera de se comporter comme... maintenant. Et Dean arrêtera de déprimer, Sam n'aura plus besoin de faire le gendarme, ça donnera peut-être envie à Suzy de donner des nouvelles de temps en temps et pour finir, tu ne feras plus une gueule de six pieds de long. J'te jure c'est énervant à la fin, finis-je avec un grand sourire sur le visage.

- T'as une tête de psychopathe comme ça, marmonna Balthy.

- Eh bien, rétorqué-je en me levant, je suis peut-être une psychopathe, et je vais peut-être commettre un meurtre dans les prochains jours si tout le monde reste comme ça.

Je me campe vers lui et appuie mes bras sur le dossier du canapé, de chaque côté de lui.

- Ose te téléporter ailleurs et je te jure que je te botte le cul, le menacé-je.

Je l'entends déglutir.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Pourquoi tu ne vas pas bien ? Pourquoi tu ne me dis rien ?

Je le supplie presque. Il détourne encore le regard. Je m'assois sur ses genoux et l'oblige à me regarder.

- Explique. Tout de suite.

- Je... Je... Désolé.

Des larmes perlent au coin de ses yeux. L'une d'elle roule sur sa joue. Je l'embrasse en aspirant la perle salée. Il se dégage en rigolant. Enfin !

- Qu'est-ce que tu viens de faire ?

- Ma mère faisait tout le temps ça quand ma sœur pleurait. Je trouvais ça drôle. En plus ça répond à ma question.

- Quelle question.

- Je voulais savoir si les larmes des anges étaient salées comme celles des humains.

- Bien sûr que oui, nos corps sont humains. Tu te poses de drôles de questions.

Je me blotti contre lui en souriant. Il referme ses bras autour de moi.

- Pour répondre à ta première question, non, ça ne fait pas mal de sourire à nouveau.

- Contente de te l'entendre dire. Comme ça, tu n'as plus d'excuse pour ne pas sourire. J'adore ton sourire.

- Tu vas jouer ce tour à tout le monde ?

- Je pense que quelqu'un va les bouger de façon plus efficace que moi.

- Marine ?

Je hoche la tête.

- Elle va tout déménager.