14.5 Mon Ange

(PDV Dean)

Une semaine après la discussion avec Jophiel, Chuck est venue chercher Em pour l'aider à retrouver ses pouvoirs et ses souvenirs. Après ça, elle est partie six mois. Six longs mois à attendre, à me ronger les sangs, à ne plus l'avoir à mes côtés.

Je ne sais plus depuis quand elle est revenue du paradis. J'ai perdu la notion du temps, mon inquiétude étant la seule chose qui occupe mes pensées en ce moment.

Bizarrement personne ne semble voir la vérité en face. Em ne va pas bien, ou du moins il se passe quelque chose, je le sens dans mes tripes. Et à voir la tête de Marine, je sais qu'elle a la même impression. Mais chacun a tellement à faire, qu'on en oublie peut-être le plus important ?

Bref, ça fait des jours qu'elle est enfermée dans sa chambre pour soi disant "se reposer après ce séjour intense au paradis". J'y crois plus, cette excuse est bidon. Je dois vérifier par moi-même ce qui se passe et en avoir le cœur net.

Alors que j'atteins le couloir menant aux chambres, Chuck se matérialise devant moi, me coupant la route.

- Ce que tu t'apprêtes à faire est une bonne idée. Néanmoins je dois te confier certaines choses concernant Elemiah, dit-il en se caressant la barbe, semblant préoccupé.

- Quelles choses ? demandai-je en fronçant les sourcils.

Chuck m'observe un moment sans rien dire. Puis un sourire né sur son visage.

- Ton inquiétude pour elle est touchante Dean.

Je lève les yeux au ciel, agacé. Je déteste qu'on fasse des commentaires sur mes sentiments. Et je ne pense pas non plus que ça soit le moment pour le faire.

Chuck doit ressentir ma colère car au moment où j'allais gentiment lui dire de s'occuper de ses fesses et de me dire ce pour quoi il était là, il me devance et déclare :

- Ça ne s'est pas aussi bien passé qu'on l'a prétendu. Tu sais, là-haut.

- C'est-à-dire ? lui demandai-je en essayant de ne pas perdre mon sang-froid.

- Eh bien tout ce qu'on a dit est vrai. Elemiah a découvert le paradis, des souvenirs lui sont revenus et elle a retrouvé la quasi-totalité de ses pouvoirs. Elle a été plongé dans son ancienne vie, comme ça, du jour au lendemain et j'ai retrouvé l'ange qu'elle était autrefois. Il faut que tu saches qu'elle a toujours été spéciale contrairement aux autres, m'apprend-il en souriant. Elle aimait la solitude, le fait de pouvoir découvrir et observer les plus petites choses de la vie et surtout celles auxquelles la plupart des personnes ne font plus attention. Puis son regard s'est rivé sur vous, les humains. La fascination qu'elle vous portait m'a d'abord effrayé. Elle se détournait de moi, de ses frères et sœurs et beaucoup n'appréciaient pas son comportement. Mais elle est têtue, comme tu as du t'en apercevoir et elle a continué à vous étudier.

Il marque une pause, semblant plongé dans ses pensées puis ses yeux se braquent soudain sur moi.

- Puis tu es né. Sa mission a été de veiller sur toi et ça n'a fait que renforcer son jugement. "Les humains sont supérieurs à nous" m'a-t-elle dit un jour. J'ai pris conscience qu'elle avait raison et que j'avais réussis à créer des êtres magnifiques. Ma frayeur de la voir s'éloigner au profit de l'humanité s'est transformée en fierté et je l'ai laissée faire. Je ne savais pas que les anges pouvaient tomber amoureux, je l'ai appris avec elle. Les contacts qu'elle avait avec toi ont donné naissance à des émotions et elle a ressenti ce que j'avais mis tant de temps à essayer de construire en vous donnant naissance à vous les humains. L'amour.

Il pose son doigt sur mon cœur et pendant ce qui me semble durer une seconde, des images me viennent à l'esprit. Je la vois, dans un coin d'une salle de classe, veillant sur moi, le regard attendri. Ou bien dans la rue, tuant un vampire qui avait l'intention de me prendre par surprise.

Des tas de scènes qui m'étaient invisibles avant, me parviennent en continu, et lorsque je reviens à moi, je remarque que j'en ai les larmes aux yeux. Depuis tout ce temps, elle veillait sur moi, me protégeait et...m'aimait.

- Ton cœur et le sien sont liés Dean. Voilà pourquoi je te raconte tout ça. Tu dois savoir ce qu'elle était, tu dois savoir qu'elle n'est pas appréciée de tous et que, là-haut, lorsque l'on a appris son retour, elle n'a pas été accueillis avec une fanfare et un tapis rouge. Au contraire. Mais ce n'est pas ce qui la préoccupe le plus. L'humanité lui manque. Elle lutte pour ne pas redevenir ce qu'elle était parce qu'elle a peur de ne plus être Em, l'humaine qu'elle a cru être. Son esprit est rongé par des tas de pensées négatives et elle déprime.

- Quoi ? Mais pourquoi tu m'en parles que maintenant espèce d'imbécile ! m'exclamai-je un peu trop fort.

Chuck me fait signe de baisser le ton et répond :

- Elle souhaitait être seule, j'ai pensé que c'était une bonne chose. Mais maintenant ça fait presqu'une semaine et son état ne s'améliore pas. Tu es le mieux placé pour atteindre son cœur et lui parler. Mais avant il y a une dernière chose que tu dois savoir. Les six mois ont été durs et au bout du cinquième, peu de temps avant de revenir ici, Elemiah est partie.

Je n'arrive pas à me remettre de tout ce que Chuck vient de me dire, mais ça...

- Partie ? Comment ça ?

- Elle a pris la fuite et je l'ai retrouvé au Japon. Nous avons eu une discussion mais je ne t'en dirais rien. C'est à elle de t'en parler.

Puis, de la même manière que l'homme est apparu, il disparaît, me laissant seul, choqué par cette dernière partie de l'histoire.

Em a fui ? Pourquoi ? Pourquoi vouloir partir loin de ses amies, de sa sœur et...de moi ?

C'est encore plus grave que je l'avais imaginé.

Avec une douleur qui me prend soudain au cœur, j'avance et frappe à la porte de la jeune femme, décidé à percer les mystères qui se cachent dans sa tête.

La porte s'ouvre doucement et je pénètre dans la chambre pour apercevoir Em, allongée sur son lit, les mains le long du corps. Je comprends qu'elle a ouvert la porte avec ses pouvoirs et m'empresse de la refermer pour que nous ne soyons pas dérangés.

- Il avait promis de rien dire, je vais lui faire la peau, dit-elle calmement en parlant de Chuck.

Elle ne me regarde pas, ses yeux continuent de fixer le plafond comme si je n'étais même pas là. D'habitude elle aurait sûrement souri en rougissant de me voir ici. Elle n'aurait pas su comment se comporter et j'aurai essayé de faire comme si je ne remarquais rien alors que j'aurais eu envie de l'embrasser seulement parce que son simple sourire aurait embrasé mon cœur. Aujourd'hui rien. Et cette constatation me rend triste.

- Pourquoi ? demandai-je simplement en venant m'asseoir sur le lit pour qu'elle ne puisse plus échapper à mon regard.

Elle tourne enfin les yeux vers moi quelques secondes. Secondes durant lesquelles je n'y aperçois plus la lumière que j'y voyais il y a six mois.

- Pourquoi ? demande-t-elle.

- Oui. Pourquoi ? répétai-je en sentant une certaine tension s'installer entre nous.

Elle soupire et détourne le regard.

- Pourquoi j'ai voulu fuir lâchement ? Pourquoi j'ai plus voulu affronter la réalité en face ? Pourquoi j'ai voulu quitter des personnes qui sont dans la merde par ma faute et auxquelles je tiens plus qu'à ma propre vie ? Parce que j'en ai marre Dean. J'en peux plus de tout ça. C'était soit ça soit je me rendais aux fidèles de Michael pour qu'ils finissent le travail qu'ils avaient commencé y a des millénaires. Malheureusement je crois que même pour ça j'ai été lâche. J'ai préféré courir au Japon en sachant pertinemment que mon père me retrouverait et qu'il me ramènerait ici. Mon cerveau veut courir mais mon cœur veut rester.

Elle se redresse et pose sa main sur ma joue, la caressant délicatement.

- Il veut rester. Avec toi, finit-elle en me regardant droit dans les yeux cette fois.

Elle pleure à présent et comme un con je n'arrive pas à bouger. J'ai jamais su quoi faire, j'ai jamais su quoi dire dans ces moments-là, trouvant toujours le moyen de blaguer pour détourner l'attention. Mais je ne peux pas faire ça. Pas maintenant et pas avec Em.

Sa main retombe et elle se rallonge, me tournant le dos. Je sais qu'elle a honte, qu'elle essaie de se cacher mais je ne veux pas qu'elle le fasse. Je veux être là pour elle, la soutenir, la rassurer, la réconforter et lui dire que je l'aime, peu importe ce qu'elle a fait.

Lui dire que je l'aime...

Alors j'ose. J'agis et m'allonge près d'elle, collant mon corps au sien et la serrant dans mes bras. Ma tête vient se nicher près de son cou, tout près de ses cheveux et je peux sentir son parfum. C'est une sensation envoûtante et forte qui, pendant un bref instant, me fait oublier l'état dans lequel elle est.

Je m'imaginais déjà tomber du lit parce qu'elle me repousserait mais au lieu de ça elle attrape ma main et la serre près de son cœur. Nous restons comme ça un moment, nos deux corps l'un contre l'autre, mon cœur battant trop vite, mon cerveau tentant de trouver quelque chose à dire. Puis alors que je tourne légèrement la tête, je remarque enfin le plafond et ce qu'Em fixait tout à l'heure : le ciel.

En effet au plafond se trouve une réplique parfaite du ciel étoilé, comme si nous étions dehors, comme si nous étions justes en dessous alors que nous sommes enfermés dans le bunker.

Je suis émerveillé par cette vision et par ce que les anges sont capables de faire. Par ce qu'ELLE est capable de faire et par cette personne incroyable qui se trouve dans mes bras en ce moment même.

- Wouah, lâchai-je dans un murmure. C'est toi qui as fait ça ?

Bien sûr c'est logique, mais je cherche désespérément un moyen de la faire parler et c'est le meilleur que j'ai trouvé.

Elle se remet sur le dos, gardant ma main dans la sienne.

- Le seul point positif à être un ange. J'apporte les étoiles où je veux, même aux toilettes si je veux.

Elle est restée sérieuse si bien que j'hésite à rire. Mais je n'arrive pas à me retenir bien longtemps et elle sourit enfin.

- Tu me crois pas ? demande-t-elle.

- Oh si. D'ailleurs tu sais quelle étoile je préfère ?

- Non, laquelle ? m'interroge-t-elle curieuse en se tournant vers moi.

Je ne réponds pas tout de suite, trop troublé par son visage à seulement quelques centimètres du mien. À ses yeux qui brillent à nouveau comme avant, à son souffle qui caresse mon visage et à ses lèvres qui bougent alors qu'elle parle...

- Toi, lâchai-je dans un souffle en tentant de ne pas succomber au désir qui me dévore de l'intérieur.

Elle sourit et rougit en se remettant sur le dos. Ma réaction préférée.

- J'y crois pas. Dean Winchester romantique ! C'est du jamais vu, même à l'écran.

- C'est parce que j'avais pas de raison de l'être avant, dis-je en souriant.

Silence. Elle ne répond pas.

Je dois dire que je ne m'étais pas attendu à cette réaction, surtout lorsqu'elle reprend la parole, d'une voix grave.

- Tu ne devrais pas.

- Pas quoi ? demandai-je en fronçant les sourcils et en me redressant sur un coude pour la voir.

Elle lâche soudain ma main et se recule pour s'asseoir en tailleur en face de moi. L'ancienne Em vient encore une fois de partir.

- Me dire ces choses..., lâche-t-elle alors. Je ne mérite pas ton amour.

Avant que je ne puisse répondre elle poursuit.

- Tout ce que t'as dit mon père est vrai. Sur mon passé et sur moi en ce moment. Je vais pas bien c'est vrai. J'arrive plus à voir le positif. J'ai l'impression d'être enfermée dans une pièce plongée dans le noir et de pas trouver la sortie. Et moins je la trouve, moins j'ai envie de me battre pour la trouver. J'ai abandonné. C'est pour ça que je voulais pas sortir d'ici parce qu'affronter les regards de Suzy, Cat et Marine aurait été trop dur et je voulais pas qu'elles me voient comme ça. Surtout ma sœur. Je dois me montrer forte pour elle mais regarde, j'ai l'impression d'être l'ombre de moi-même, d'être une loque, dit-elle en se montrant. Ça c'est pas moi, je comprends pas ce qui m'arrive. Pourquoi c'est si dur ?

Sa voix tremble et ses larmes menacent encore une fois de couler. La voir dans cet état m'est insupportable, mon cœur semble se fissurer à chaque seconde de plus où je la vois triste.

- C'est dur parce que ta situation est compliquée. Mais c'est normal que tu craques ! Depuis que vous êtes arrivés, je me demandais comment tu faisais pour encaisser tout ça sans broncher. Apprendre ce que tu es, retrouver des souvenirs alors que tu pensais que ta vie en tant qu'humaine était définie et vivre dans ce monde ça doit être terrifiant. Il l'est pour moi aussi même après autant de temps à chasser. Mais il n'y a pas que du négatif dans tout ça. Il y a aussi les gens qui t'entourent, qui te font rire, qui t'aiment et te rendent heureuse tous les jours. Ce que tu es ne change rien à la personne qu'ils ont connue. Marine ne t'aimeras pas moins parce que tu es un ange. Pareil pour Cat et Suzy. Et c'est valable pour tout le monde parce que mine de rien on s'est tous attachés à vous quatre. On s'est tous attachés à toi. Surtout moi.

Je souris en me remémorant certains souvenirs.

- Je me souviendrais toujours de votre arrivée, dis-je. De ce regard que tu m'as lancé et sur le coup j'ai pensé "elle va me bouffer ou quoi ?". Puis j'ai ressenti autre chose et je pouvais pas détourner le regard. Tu étais comme un rayon de soleil venu éclairée le bunker mais j'étais le seul à te voir briller. Et à cet instant j'ai su que je voulais te protéger quitte à y perdre la vie, je voulais être là pour toi et même si on ne savait pas encore que tu étais un ange, pour moi tu l'étais déjà. Tu sortais de je-ne-sais-où, comme un cadeau tombé du ciel et je me suis senti chanceux pour ça. Alors je te comprends tu sais. Ce monde est pourri c'est vrai, il est compliqué et il nous arrive que des merdes, mais si moi, le mec le plus pessimiste du monde, arrive à y faire face, alors tu le peux aussi. Je suis là et je compte pas te lâcher de sitôt sauf si tu me le demandes. Et encore, je peux être collant tu sais ? Un vrai pot de colle !

Em relève la tête et je peux lire de la surprise dans son expression. Mais il y a autre chose. Elle semble heureuse et émue. Pendant un bref instant j'hésite à laisser les mots sortir. Ces mots qui me pèsent sur le cœur depuis que j'ai réalisé mes sentiments envers elle mais j'ai déjà été trop loin pour m'arrêter ici.

- Je t'aime. Et même si tu veux pas de moi tout de suite, je veux que tu saches que je suis là et que je t'attendrais. Bien sûr tu dois savoir que je ne suis pas immortel et donc si tu voulais bien...

- Dean, tais-toi avant de tout gâcher, m'interrompt-elle avec un grand sourire.

- Wouah, pendant quelques secondes, j'ai eu envie de me cacher sous le lit, dis-je en sentant le rouge me monter aux joues, chose rare.

Elle rit et m'attrape la main.

- T'es trop chou quand tu te retrouves à ma place, dit-elle en se moquant ouvertement de moi.

Je lève les yeux au ciel, faisant mine d'être agacé.

- C'est ça, rajoutes-en en plus !

- C'est ce que je fais, réplique-t-elle avec ce sourire qui ne la quitte plus et qui me fait fondre.

Je souris à mon tour et la prends dans mes bras. Elle se laisse faire, passant ses bras autour de moi et posant sa tête sur mon torse.

- Je t'aime aussi, chuchote-t-elle à son tour. Soit aussi pot de colle que tu le veux, ça me dérange pas.

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