Epilogue
Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas remis les pieds ici, son coma long d'une dizaine d'années avait grandement joué, mais même avant il avait tout fait pour fuir ces lieux. Le centre névralgique du Clan des Ténèbres, là où les Anciens se terraient comme des vautours.
Il lui avait fallu du courage, de la patience et du soutien pour enfin accepter de revenir ici et se confronter à ses fantômes du passé. Il avait réussi à trouver sa voie, son bonheur, sa place dans un monde qui commençait à changer. Désormais, il n'avait plus peur. Il devait tout mettre au clair, faire table rase et avancer droit devant lui, sans plus jamais regarder en arrière, dans les ténèbres qui l'avaient suivi toute sa vie.
– Que faites-vous ici ? s'étonna une voix teinté de surprise.
– Cela faisait longtemps, Ancien, dit-il froidement.
Un frisson traversa l'homme enveloppé dans sa cape noire, qui sembla essayer de se faire tout petit. Comme s'il craignait de se faire dévorer.
– Vous n'avez pas l'air ravi de me revoir, pourtant le maudit est revenu du monde de l'inconscience après dix longues années. L'enfant prodige à vos yeux.
– Nous sommes simplement surpris de vous voir en ces lieux, répondit une seconde voix qui sortit de l'ombre. Vous n'étiez plus venu ici depuis presque quinze ans maintenant.
– Il est vrai, cet endroit ne m'apporte que dégoût et rancœur, mauvais souvenirs et tristesse. Mais il y a une affaire que je devais régler, avant de pouvoir complètement le laisser derrière moi.
– Vous ne pouvez jamais tout laisser derrière vous. Vous êtes l'Enfant des Ténèbres, maudit par les dieux.
Un sourire se dessina sur son visage, il détestait cette appellation, il l'avait toujours hais du plus profond de son être. Mais aujourd'hui, elle allait porter son nom à merveille.
– Sachez, que pendant tout le temps où je n'étais plus vraiment de ce monde, j'errais comme un spectre dans mes souvenirs, à observer les scènes pitoyables de ma vie. Et, une en particulier, a attirée mon attention.
Un bruissement de vêtements, des murmures, les cinq Anciens se tenaient désormais là, fébrile, anxieux. Il pouvait le sentir dans leur esprit, rien ne lui était dissimulé.
– Ce jour fatidique a été repassé en boucle, un grand nombre de fois. Je voulais hurler pour y mettre fin, car voir ma mère mourir de ma main n'était guère agréable.
Il agita légèrement ses doigts devant lui, des volutes de fumées noires s'en échappant avec dangerosité.
– Néanmoins, le voir d'en haut, d'un point de vue extérieur, m'a permis de découvrir quelque chose.
– Ce n'était qu'un regrettable accident, siffla l'un des Ancien.
– Oui, un accident. Mais un accident qui n'était pas de mon fait.
Le silence tomba, grave, lourd, renforçant la peur des Anciens qui se dandinaient sur place pour trouver une position confortable.
– Cela vous a fait rire, n'est ce pas ? De profiter de la confusion d'un enfant pour assassiner sa mère, le seul pilier qu'il avait. Je perdais le contrôle, il était aisé pour vous de me faire porter le chapeau, faire croire que j'étais le responsable.
- Ce n'est pas ce que vous croyez !
- Taisez-vous.
Il n'avait pas besoin de hausser le ton pour se faire obéir, ils se turent immédiatement, craintif. Percés à jour, ils n'avaient plus d'échappatoire.
- Inutile de nier, je l'ai vu. Votre magie pourfendre ma mère alors que j'étais en train de faire une crise. Vous vouliez faire disparaître celle qui m'aimait pour pouvoir me contrôler. Vous saviez que sa mort détruirait mon père, et qu'il me détesterait de toute son âme. Ainsi, je me retrouvais seul, isolé, sans personne vers qui me tourner. Un enfant facile à modeler à votre guise, pour devenir l'outil du chaos et de la destruction.
Personne ne tenta de nier, tous savaient que ce serait futile. L'Enfant des Ténèbres lisait le cœur des gens, détestait le mensonge, dévoilait l'arnaque pour trouver la vérité.
- Mais en un sens, je suis rassuré. Je ne suis pas responsable de la mort de ma mère, je ne l'ai jamais été. C'était le dernier fardeau que je portais, le poids qui me faisait le plus plier. Mais, au final, il n'existait même pas.
Il écarta ses bras et afficha un immense sourire, terrifiant, carnassier.
- Néanmoins, vous allez devoir payer pour vos péchés. Pour la mort de ma mère, la haine de mon père, la détresse et le désespoir de Gouenji Shuuya.
- Vous n'avez pas le droit de nous faire du mal, ce serait contre-nature !
Les marques blanches qui ornaient son corps se mirent à briller dans la pénombre, faisant reculer de plus belle les Anciens.
- Avant, oui. Mais je ne suis plus comme avant.
Tout comme le pouvoir des ténèbres coulaient dans le sang d'Endou, celui de la lumière coulait dans le sien.
- Et puis, j'étais bien capable d'arrêter des criminels, alors pourquoi pas vous ?
– Vous n'avez pas le droit !
Une masse sombre se jeta sur lui, profonde et puissante, alliance des cinq Anciens pour se dresser face à lui. Une énergie qui pourrait le déchiqueter au moindre contact, le faire disparaître.
– C'est inutile.
Il relâcha sa propre puissance, nuance de noir et de blanc, qui frappa l'attaque des Anciens pour la faire voler en éclats, comme si elle n'avait jamais existé. Sans leur laisser le temps de réagir, il lança un assaut vers eux et leur injecta à chacun sa propre vitalité, son énergie propre.
– NON !
Un hurlement déchirant leur échappa alors qu'ils s'effondraient sur le sol, pris de convulsions violentes et incontrôlables.
– Misérable...qu'as tu fais...
– Fut un temps, vous auriez tout donné pour que je vous offre mon pouvoir et mon énergie. Mais désormais, mes ténèbres sont teintées de lumière, elles ont perdues leur pureté, et la lumière qui s'y trouve est un poison pour vous.
– Tu le payeras...enfant maudit !
– Adieu, Anciens des Ténèbres. Vous n'en mourrez pas, mais vous serez à jamais privés de vos pouvoirs. J'espère que jamais nos routes ne se croiseront, car je ne serais pas aussi clément sinon.
Il tourna les talons, occultant les cris de douleurs et de rages. Sans aucun regret il quitta les lieux, alors que les Anciens de son Clan disparaissaient à tout jamais.
Une fois dehors, il souffla, le cœur léger. Il se sentait bien, même s'il n'avait pas commis une bonne action. Mais sa mère était vengée, elle pouvait désormais reposer en paix. Il ne l'avait pas tué, il le savait maintenant. Il n'était pas un meurtrier. Une larme coula sur sa joue alors qu'il relevait la tête vers le ciel et que des flocons tombaient sur son visage.
Maintenant, il ne lui restait plus qu'une chose à régler, avant de claquer la porte de son passé et s'en aller.
Il arriva devant la maison, celle où il avait bien failli perdre pied et se consumer à tout jamais. Celle où son père l'avait roué de coups, sans s'arrêter, sans regretter. Au début, il avait refusé de revenir ici, se confronter à ce monstre qui avait anéantis le peu de vie qu'il lui restait. Mais finalement, Endou avait eu raison de lui, encore. Il prit donc une inspiration et avança jusqu'à l'entrée. Le jardin était négligé, l'herbe poussait n'importe comment et des rongeurs galopaient à toute vitesse par endroit.
Il entra, sans frapper, de toute façon ça ne servirait à rien de s'annoncer. L'intérieur était sombre, froid, poussiéreux. A se demander si quelqu'un vivait encore ici. Mais Gouenji pouvait le sentir, la vie de son père, dans le salon. Il fit disparaître la distance qui le séparait de lui et entra dans la pièce, aussi lugubre et sordide que le reste de la maison. Il était là, avachi dans un fauteuil, les cheveux grisonnant, le regard vide, une bouteille d'alcool à la main, qui glissa pour venir rejoindre les dix autres déjà à terre. Et dire qu'il avait eu peur de cet homme, qui aujourd'hui n'était plus qu'un pâle reflet de ce qu'il était avant. Ils n'avaient pas été épargnés par le temps. Il ne prit même pas la peine de réagir en le voyant, trop alcoolisé pour réaliser ce qu'il se passait.
– Je suis simplement venu te dire quelque chose, papa.
Son paternel esquissa un mouvement, cligna des yeux, le regardant à peine, marmonnant une parole inintelligible.
– Je n'ai jamais tué maman, c'était un coup monté par les Anciens. Ils voulaient m'isoler, pour mieux me manipuler. Je sais bien qu'il est trop tard et que ça ne changera rien à la situation, mais je voulais que tu le saches.
Il serra les poings, se souvenant parfaitement de chaque coup qu'il avait reçu, de la douleur endurée, du désespoir ressenti.
– Je veux que tu saches que tout ce temps tu as visé la même personne. Que tu as déçu la femme que tu aimais en détruisant son fils adoré. Je veux que tu meures seul, dans ton coin, accablé par le remords. Tu aurais pu avoir un fils à tes côtés, mais tu l'as rejeté sans même chercher à compatir. Tu crois que ça me faisait plaisir de me considérer coupable ? De savoir que j'avais le sang de ma mère sur les mains ? A aucun instant, tu ne t'es remis en question, jamais tu n'as cherché à me comprendre ! Tu n'es qu'un lâche, qui se cache derrière les autres et frappe quand il n'a plus d'arguments !
Il souffla légèrement, le cœur agité par nombres d'émotions.
– Je ne te pardonnerais jamais ce que tu as fait. Tu as faillis me tuer ce soir là. Moi, ton fils, ta chair et celui de la femme que tu disais aimer. Et maintenant il est trop tard pour toi.
Son père ne réagissait pas, rond comme une bille à cause de tout ce qu'il avait bu. Ses doigts bougeaient nerveusement dans sa poche, comme s'il cherchait à atteindre quelque chose.
– Adieu, père.
Il tourna les talons à cet homme. Il aurait voulu réussir à lui pardonner, lui dire des mots doux, le rassurer. Mais ce n'était pas possible, même si la lumière coulait en lui, les ténèbres restaient trop profondes. Il y avait des limites à ce qu'il pouvait endurer, et son père avait dépassé depuis bien longtemps la ligne rouge.
Il quitta la maison, marcha quelques mètres, avant d'entendre un coup de feu. Il s'arrêta, le souffle coupé pendant un instant, alors que la présence de son père s'éteignait subitement. Il resta immobile, espérant ressentir de la tristesse, du remords, mais rien ne vint. Il était simplement soulagé. Au moins, son père irait retrouver sa mère, et il aurait mis un terme à sa vie de déchet. Il ne le verrait plus à présent.
Le dernier fantôme de son passé venait de se dissiper, il pouvait à présent avancer l'esprit tranquille, léger. Sa nouvelle vie s'ouvrait à lui, emplis de joie, de bonheur et de gaieté. Il aurait encore des épreuves à traverser, des moments difficiles, mais désormais il n'était plus seul. Il avait des amis autour de lui, solides, de confiance, qui ne le laisseraient pas tomber.
Son portable sonna alors, le décrochant de ses pensées. C'était Endou, sûrement voulait-il connaître les détails de son excursion.
- Gouenji ! Il faut absolument que tu viennes tout de suite ! C'est terrible !
- Qu'est ce qu'il se passe ? Pourquoi tu es en panique comme ça ?
- C'est Natsumi ! Elle est en train d'accoucher ! Au secours !
Gouenji resta silencieux, avant d'éclater de rire, ce qui choqua son ami à l'autre bout du fil.
- Eh ! Je vois pas ce qui est drôle !
- Tu es à la maternité, non ?
- Bien sûr !
Pendant un bref instant il avait eu peur, mais ce n'était rien, simplement son ami qui affrontait une nouvelle épreuve de la vie.
- Ne bouge pas, j'arrive.
Il se rendit à l'hôpital, retrouva un Endou en panique qui faisait les cinq cent pas sans s'arrêter, se rongeant les mains avec nervosité. Puis, des pleurs, du soulagement, une nouvelle vie venait de naître, ils purent tous deux le sentir. Endou se précipita dans la salle d'accouchement et retrouva sa femme allongée, un petit bambin blottit contre elle, le regard plein d'amour.
- Regarde, c'est notre fils, souffla-t-elle épuisée.
Avec délicatesse et une pointe de maladresse, Endou prit le bébé entre ses bras pour soulager Natsumi qui avait tout donné pour lui, et il le berça, un amour infini naissant en lui.
- C'est mon enfant, souffla-t-il en se tournant vers Gouenji. Regarde comme il est beau !
- Il ressemble à un raisin fripé, remarqua Gouenji, mais chaque bébé est beau aux yeux de ses parents.
Endou rigola en continuant de bercer le petit qui babillait joyeusement.
- Tu veux le prendre ?
Gouenji recula instinctivement devant cette proposition, soudainement anxieux. Il ne savait pas si c'était une bonne idée de faire ça. Son regard se porta sur Natsumi, avec qui il avait eu bien des différents par le passé. Pour eux, dix ans s'étaient écoulés, mais pour lui tout était encore bien frais et vif dans son esprit.
- Tu peux le prendre, sourit faiblement Natsumi. Je sais désormais que tu n'es pas maudit. Et puis, il faut bien que ce petit connaisse son parrain après tout.
Gouenji resta bouche bée, alors qu'Endou souriait de plus belle en s'approchant pour lui tendre le petit.
- Oups, je te l'avais pas encore demandé ! Mais maintenant on va dire que c'est chose faite ! Prends le, tu es de la famille toi aussi.
Avec hésitation et la plus grande des précautions, Gouenji reçu le petit être chaud aux creux de ses bras, des larmes venant brouiller sa vue.
Il avait trouvé plus que des amis, il avait trouvé une famille. La joie explosait dans son cœur, et à cet instant il arrivait à se projeter, à s'imaginer dans l'avenir. Peut-être qu'un jour, ce serait lui qui tiendrait son enfant, et il lui donnerait tout l'amour du monde.
Il avait l'impression de sentir une nouvelle fois l'étreinte de sa mère autour de lui, alors qu'une voix chuchotait à son oreille.
"Sois heureux, mon enfant."
Il sourit, une ombre effleura sa joue avant de disparaître et rejoindre le néant. Il ferait tout pour être heureux, il avait trouvé le bon chemin à suivre. Il avait erré un long moment dans les ténèbres, avant d'être trouvé par Endou.
Ensemble, ils avaient affronté les préjugés, le destin.
Ensemble, ils avaient trouvé l'amitié.
Ensemble, ils avaient trouvé l'équilibre entre l'Ombre et la Lumière.
Merci à tous d'avoir suivit cette histoire, de l'avoir commentés, de l'avoir aimé et soutenu. Au début ce n'était qu'un petit projet comme ça, sans ambition, sans prise de tête. Puis finalement elle s'est développée rapidement, a pris une grande place dans mon cœur, et aujourd'hui je la chéris fort.
Merci à vous pour votre soutien, pour avoir accueillis cette histoire avec tant d'entrain et d'énergie après ma longue absence dans ce milieu.
Cette histoire se termine aujourd'hui, mais peut-être qu'un jour elle renaitra en format originale, car tout est possible après tout.
Maintenant je vais me concentrer sur mon projet de roman, Numéro 1000 (dont le tome 1 est disponible à la lecture) et travailler sur le tome 2. Et, un jour, peut-être que tout ça finira par être édité ? Les rêves font vivres !
En tout cas, une nouvelle fois, un immense merci à vous. Sans vous, ces histoires ne pourraient pas aussi bien avancer. Le soutien et l'amour des lecteurs est juste un moteur extraordinaire pour l'écriture. Ne changez jamais.
Signé : une autrice qui vous aime ❤️
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