Chapitre 9
Il était sûrement trop naïf, à croire qu'il serait capable de comprendre Gouenji au premier coup d'œil. Le blond devait traîner derrière lui une lourde histoire, dont il ne pourrait pas se débarrasser en un claquement de doigt. Endou voulait l'aider, mais se précipiter ne servirait à rien, il en prenait conscience. Ils étaient encore des étrangers l'un pour l'autre après tout, même si un lien existait entre eux. Endou n'était pas du genre à réfléchir avant d'agir en règle générale, c'était son ami Kidou qui tenait plutôt ce rôle d'intellect. Mais là, il ne risquait pas de pouvoir lui demander conseil vu sa réaction. Il ne voyait pas d'un bon œil que les deux se côtoient et tente d'être amis. Endou allait devoir se dépatouiller seul, et s'en sortir comme un grand garçon. Il n'y avait pas de raison qu'il n'y arrive pas lui aussi.
A la fin de la journée il arriva à rejoindre Gouenji avant que celui-ci ne s'évapore comme il en avait le secret.
- Tu ne comptes pas recommencer à me fuir j'espère ? l'interpella Endou à la sortie du lycée.
- Tu n'aurais pas eu le temps de m'adresser la parole si ça avait été mon objectif.
Endou s'approcha de lui, un peu rassurée par ces propos, au moins il ne le poussait pas encore à la fuite. Mais il devait se montrer prudent, juste au cas où.
- Désolé pour ce midi, je ne voulais pas que tu te sentes mal, fit alors le brun. C'est vrai que je ne comprends sûrement pas grand chose de ta situation, même si j'aimerais vraiment. On a certainement eu des parcours bien différents.
- Tu n'imagines pas à quel point, soupira le blond qui arborait encore cet air fatigué et las.
- Mais si tu veux en parler, je suis là tu sais. C'est toi qui a dit que ce n'était pas bon de tout garder pour soi, après tout.
- Et je t'ai aussi dit que les gens se confient quand ils en ont envie.
- Mais tu n'es pas du genre à te confier, n'est ce pas ?
Gouenji fut incapable de répondre à ça, restant dans le silence, incapable de contredire cette affirmation. Endou avait un peu joué le bluff, mais le blond lui semblait bien entrer dans la catégorie des personnes qui ne disent rien et garde tout pour eux.
- Je ne veux pas te forcer, loin de là. Mais si tu en as besoin, je suis là.
Il n'allait pas insister plus que ça, de peur de braquer Gouenji, mais il tenait à lui transmettre sa sincérité sur ce sujet. Peut-être que ça donnerait rien et que jamais il ne viendrait le voir pour discuter, mais au moins il lui tendait cette main si un jour il en avait le besoin.
– Je vais te laisser maintenant, passe une bonne soirée et à demain, conclut-il avec un grand sourire.
Gouenji resta muré dans le silence, se contentant d'un simple hochement de tête avant de se fondre dans la foule et disparaître rapidement de la vision d'Endou. Ce dernier repartit vers chez lui, le cœur un peu lourd, mais il devait rester positif. Tout ne pouvait pas se passer à la perfection, c'était normal. Même s'il était curieux, il devait juste être là, lui prouver qu'il ne le laisserait pas en retrait, et qu'il tiendrait parole. C'est tout ce qui comptait.
– Endou !
Il se stoppa et tourna la tête, reconnaissant la voix de Kidou, qui venait de le héler.
- Kidou ? Qu'est ce que tu veux ?
Avait-il réfléchi à leur rapide discussion de ce matin ? Endou ne pouvait que l'espérer, même s'il en ignorait encore les conclusions.
- On peut discuter un peu, avant que tu ne rentres ? Demanda Kidou en le rejoignant en petites foulées.
- Oui bien sûr.
Il n'avait aucun intérêt à dire non, si la conversation ne lui plaisait pas il n'aurait qu'à partir, tout simplement. Ils prirent place sur un banc en se rendant au parc, et Kidou posa son sac à ses pieds, le regard rivé devant lui, comme s'il n'osait pas se tourner vers Endou.
- J'ai réfléchi à ce que tu me disais ce matin, et c'est vrai que je me suis montré ingrat. Après tout, on aurait tous pu y laisser notre peau sans son intervention, on était clairement pas de taille. Mais je pense, hésita-t-il un peu, que j'ai peur. Peur qu'il ne t'arrive quelque chose en le fréquentant, surtout après ce que l'on a lu dans le dernier livre. Alors ça a pris le dessus sur le reste, je ne voyais plus que ça.
- Tu n'as pas à avoir peur, ni lui ni moi n'avons vraiment envie de nous battre. S'il voulait me faire du mal, ça aurait été facile pour lui depuis le temps. Je suis très vulnérable après tout.
– C'est bien ça qui m'inquiète, tu es vulnérable et lui pas du tout.
Endou sourit tristement, l'inquiétude de Kidou le touchait, mais il n'en avait pas besoin. Sa mère suffisait largement.
- C'est une bonne personne, qui est née avec un pouvoir qu'il n'a pas demandé, et qui a vécu des choses terribles. Je veux simplement que l'on s'entende bien, et l'aider à trouver un peu de bonheur que ce monde lui a toujours refusé.
Kidou se mordit nerveusement la lèvre, avant de prendre son courage à deux mains pour dire ce qu'il avait sur le cœur.
- Mais tu n'as pas peur d'aller contre les lois de ce monde ? L'Enfant des Ténèbres ne peux pas trouver le bonheur, tout comme l'Enfant de la Lumière est censé respirer le bonheur.
- Je me moque des lois de ce monde, on ne sait même pas si elles existent vraiment. Moi, je veux juste faire ce que je veux, même si en contrepartie je dois me tâcher d'un peu de Ténèbres et être malade.
- Endou, tu-
- Kidou, ça ne sert à rien de vouloir me faire changer d'avis, c'est comme ça et pas autrement. Et tu devrais essayer de le voir autrement que comme un Enfant des Ténèbres, je suis certain que vous pourriez bien vous entendre. Il reste un être humain avant toute chose, comme moi. On a un cœur qui bat, des bras, des jambes, et un pouvoir qu'on a jamais réclamé à quiconque. On essaye juste de nous imposer un pseudo destin à suivre, alors que nos âmes clament le contraire.
Kidou resta sans voix, il était rare qu'Endou fasse des monologues de ce genre, à tendance presque philosophique. Pas étonnant qu'il ne sache plus quoi dire après ça.
- Mon destin, c'est moi qui le décide, et pas des livres d'histoires ou des Anciens qui pensent tout savoir
- Je vois, j'ai envie de dire que c'est honorable de ta part. Même si je reste un peu dubitatif.
Endou se tourna vers lui et afficha un grand sourire.
- Essaye donc de voir par toi même, au lieu de craindre cette appellation d'Enfant des Ténèbres. Après tout, qu'est ce que tu as à perdre ? Si jamais ça ne passe pas, tu n'auras qu'à t'éloigner, et fin de l'histoire.
- Tu sais très bien que ce n'est pas aussi simple.
- Moi je pense que tu cherches des excuses pour ne pas essayer.
Kidou se raidit, un peu vexé par cette pique de son ami.
- Tu juges sans connaître, ça ne te ressemble pas, Kidou, se moqua Endou en continuant de sourire. Tu pourras revenir me dire ce que tu penses quand tu l'auras un peu côtoyé, mais pas avant !
Puis il se leva du banc, il ne voulait pas continuer plus longtemps cette conversation qui risquait de tourner en rond.
- A demain !
Il le salua gaiement avant de mettre les voiles, et laissa Kidou seul sur son banc, en proie à la réflexion.
Endou rentra chez lui, remarqua que ses parents étaient déjà là, donc impossible de discuter seul à seul avec son père, et passa une soirée très simple. Il révisa ses devoirs pour avoir un prétexte de rester dans sa chambre, dîna sans aborder de sujet sensible, et partit se coucher.
Le lendemain, une fois au lycée, il se demanda si Kidou avait réussi à réfléchir et à prendre une décision. De tout son cœur, il espérait qu'il laisserait une chance à Gouenji, Endou était persuadé que ça pourrait très bien se passer entre eux. Et en parlant des loups, il eut la forte surprise de trouver Kidou, en train de discuter avec Gouenji justement. Il resta légèrement en retrait pour voir comment ça se passait, mais la conversation semblait cordiale, et les deux ne manifestaient pas de signes de malaise ou d'angoisse. Ça devait donc bien se passer, comme il l'avait prédit !
Il avança donc vers eux et arriva avec un immense sourire sur le visage.
- Bonjour !
Les deux se tournèrent de concert vers lui, et Kidou lâcha un :
– Tient, quand on parle du loup.
– Vous parliez de moi ? s'étonna Endou.
– On disait que tu étais terriblement borné, lui apprit Gouenji. Ravi de voir que je ne suis pas le seul à être harcelé.
Endou cligna des yeux, surpris, et Kidou lâcha un petit sourire devant sa mine dubitative.
– Eh bien quoi, tu n'es pas content que j'essaye de suivre ton conseil ? C'est toi qui m'a dit que je devais venir lui parler avant de juger.
– Euh oui, ça c'est bien en effet, mais pas besoin de parler sur moi, marmonna Endou qui croisa ses bras devant lui avec un air boudeur.
– Pourtant ça faisait un excellent sujet de conversation, rétorqua Gouenji.
– Eh !
– Et nous sommes du même avis en plus, nous allons certainement bien nous entendre, asséna Kidou. Tu dois être ravi non ?
Endou voyait très bien que les deux étaient en train de se moquer de lui, et il se calma bien vite. En réalité c'était une bonne chose, ça voulait dire que le courant passait bien entre les deux adolescents. Il ne put donc s'empêcher de sourire une nouvelle fois.
– Oui ! Ça me fait super plaisir !
– C'est fou comme les Enfants de la Lumière sont innocents et naïfs dit donc, lâcha Gouenji. Ce n'est pas difficile à supporter au quotidien ?
– On s'y habitue tu sais, répondit Kidou en haussant les épaules.
– Vous avez fini ? Je suis là je vous signale, bougonna Endou.
– Justement, répondirent-ils en chœur.
Bon, peut-être que ça avait été la pire de ses idées de pousser Kidou à venir parler à Gouenji, il sentait qu'il allait s'en mordre les doigts. Il n'aurait plus de tête s'ils passaient leur temps à le faire tourner en bourrique.
- D'ailleurs, une question me taraude depuis le weekend dernier, admit Kidou en se tournant vers Gouenji. Qu'est-il arrivé à l'homme qui s'est infiltré chez moi ?
Endou se redressa, c'est vrai que lui aussi se posait parfois la question. Gouenji l'avait mis hors d'état de nuire, avant d'emporter son corps on ne sait où.
– Je l'ai confié à un corps de police spécialisé dans le domaine de la gestion des Enfants des Ténèbres chaotique.
– Ça existe ce genre de truc ? s'étonna Endou.
– Bien sûr, les gens comme cet homme sont très difficiles à gérer, une unité à donc été mise sur pied spécialement pour la gestion de ces cas. Et l'on retrouve pas mal d'Enfant des Ténèbres qui n'ont pas mal tourné dans cette brigade. Surtout car il est plus facile pour eux d'assurer la gestion de personnes dont ils peuvent comprendre la manière de fonctionner.
Endou et Kidou furent tous les deux surpris par cette annonce, la police ne parlait jamais de ça. Ils avaient toujours cru que les Enfants des Ténèbres problématiques étaient envoyés en prison, voire parfois pire en fonction des crimes commis. Mais il n'y avait jamais de détails supplémentaires fournis, même lors des procès médiatisés pour bien mettre en avant la folie des Enfants des Ténèbres et les pointer du doigt en tant que coupable parfait, en toutes circonstances.
– La police et le gouvernement aiment bien tenir l'image mauvaise des Enfant des Ténèbres, fit Gouenji en devinant leurs pensées, c'est pour ça que ce n'est jamais mentionné. Sinon ça risquerait de faire paniquer les gens, qui se demanderaient s'ils sont vraiment tenus sous surveillance, si l'on peut faire confiance à ces Enfants des Ténèbres là, et tout un tas de questions qui accableraient juste ceux qui n'ont rien fait de mal.
– Mais c'est injuste pour ceux qui y travaillent et qui n'ont rien fait justement ! s'insurgea Endou.
– C'est comme ça, ils finissent par s'y habituer. Ils se contentent de leur entourage, qui connaissent la vérité. Et puis, ça ne les intéressent pas de finir sous le feu des projecteurs ou de passer pour des héros. Ils veulent juste mener une vie paisible, sans accroc.
– Mais dans ce cas, il y a plus d'Enfant des Ténèbres autour de nous qu'on ne le pense ? demanda Kidou.
– Bien sûr, c'est juste qu'ils ne se font pas remarquer, ou alors ils font croire qu'ils font partie de la classe des Non Élus.
Les Non Élus, ceux venant au monde sans aucun pouvoir, n'étant donc affiliés à aucun Clan. Ils représentaient un petit dix pourcent de la population, mais se faisaient souvent très discrets la plupart du temps. Ils n'avaient pas de difficultés à vivre comme tout le monde, mais la période scolaire pouvait être difficile, car ils représentaient des cibles faciles au niveau du harcèlement.
- Je vois, j'ignorais tout de ça, avoua Kidou. C'est incroyable comme il est facile de manipuler l'opinion publique. Même si ça, on le savait déjà. Je suppose que ce n'est pas dans votre intérêt de changer cette image ?
Gouenji secoua lentement la tête.
- C'est inutile, qu'on le veuille ou non il y aura toujours des Enfants des Ténèbres qui se feront accabler par leur pouvoir jusqu'à en perdre la tête, et commettrons des atrocités. Même si on essaye de redorer notre image, on gardera une mauvaise réputation, et ça ne fera que compliquer la vie de ceux qui arrivent à mener une existence paisible et normale. Et puis, il est difficile d'effacer des siècles d'histoires et de croyances. Toi même, tu ne serais jamais venu à moi si ce n'était pas Endou qui ne t'y avait pas poussé. Et j'ai bien sentit ta réticence au début.
Kidou ne pu rien dire, ce serait mentir, et mentir face à Gouenji était une perte de temps totale, vu qu'il le sentait à plein nez.
- Désolé, lâcha-t-il finalement.
- Ce n'est rien, tu réagis comme tout le monde. Je sais qu'il n'y a rien de personnel. Personne n'a vraiment envie de faire ami-ami avec celui qui doit apporter le chaos et la destruction, n'est ce pas ? Fit-il avec ce regard triste et sombre dont il ne se départissait que rarement.
- Bon, ça suffit ! s'exclama Endou. Cette conversation devient trop sérieuse, et moi je n'aime pas ça ! Voyons le côté positif des choses, Kidou a réussi à faire le pas en avant, et vous vous entendez bien, n'est ce pas tout ce qui compte ?
Il regarda à tour de rôle Gouenji et Kidou, toujours un sourire aux lèvres. Il ne voulait pas que ça se passe mal ou que des rancœurs commencent à naître. Il voulait préserver ces très faible lien qu'il commençait à tisser avec beaucoup de mal. Il devait faire briller sa lumière tout le temps, pour que ça se passe au mieux.
- Désolé si j'ai paru brutal, s'excusa Gouenji à l'attention de Kidou, ce n'était pas mon intention. Je ne suis pas très doué pour le social.
- Ce n'est rien, assura Kidou, je pense que vu la situation ça peut se comprendre. Ça n'a pas dû être agréable non plus de se faire approcher par une personne qui le fait un peu à contre cœur.
Il esquissa un sourire et tendit sa main droite vers Gouenji, un air assuré sur le visage.
- Partons sur de bonnes bases, sans se préoccuper du reste. Après tout, Endou a raison, on ne peut pas juger un livre à sa couverture.
Gouenji hésita un instant, lui qui n'avait pas vraiment dû connaître d'ami au cours de sa vie se voyait proposer deux fois une poignée de main pour s'en faire. Endou voyait bien qu'il était un peu anxieux, sceptique, et ça pouvait se comprendre. Il ne savait pas tout de son passif, mais l'amitié ne devait pas faire partie de sa vie.
- Kidou est quelqu'un de très sincère, dit-il, je lui fais pleinement confiance ! Et puis, tu verras bien vite s'il ment ou ne l'est pas, n'est ce pas ?
Gouenji soupira légèrement, à croire que c'était sa spécialité, ou alors c'était un autre effet secondaire d'Endou sur lui, allez savoir. En tout cas, le brun utilisait toutes les armes à sa disposition. Il se doutait que la réticence de Gouenji était un moyen d'auto-défense, de se préserver pour éviter de souffrir. Mais là, il était temps de se jeter à l'eau
- Je n'ai pas grand chose à perdre de toute façon, et ce sera mieux que de le supporter tout seul.
Il serra la main de Kidou, sous le regard éhonté d'Endou. Comment ça c'était compliqué de le supporter ! Non mais oh !
– On s'est bien trouvé je crois, sourit Kidou.
– Je regrette ce que j'ai dit, desserrez vos mains tout de suite ! râla Endou.
– Trop tard, navré.
La cloche sonna au même moment, et Kidou prit la fuite avec Gouenji, alors qu'Endou leur courait après pour se plaindre et leur demander de ne plus se moquer de lui comme ça.
– Revenez ici !
Mais, au fond de lui, il était heureux. Si les deux étaient capables de se payer ainsi sa tête, c'est qu'ils allaient surement devenir de très bons amis, et pour ça il était prêt à supporter toutes les petites moqueries qu'il pourrait se prendre. Il rejoignit donc la salle de classe avec le cœur léger, plein d'espoir pour la suite.
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En cette fin de chapitre j'ai une grande nouvelle à vous annoncer. Jeudi 18 juillet, j'ai achevé de rédiger le tout dernier chapitre de cette fanfiction. Je vous donne quelques chiffres clés pour fêter ca :
- 25 chapitres
- 82694 mots
- 25h et 32 minutes de travail
- 49 jours depuis la création du chapitre 1
- 329 pages normalisées format roman
Et désormais, je publierais aussi un chapitre le dimanche, car il n'y a plus de pression de rythme à tenir (il n'y en a jamais eu vu l'avance que j'avais et ma motivation de toute façon...). En tout cas, j'espère qu'elle vous plaira, merci à ceux qui lisent et commentent cette petite histoire. Ca me fait chaud et cœur et beaucoup rire parfois quand je vois vos commentaires. Ne changez rien, vous êtes géniaux.
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