Chapitre 21
Après quelques jours de repos, Gouenji quitta la maison d'Endou pour se rendre chez Kidou, qui avait accepté sans hésiter de l'héberger le temps qu'il faudrait. Pendant ces quelques jours, Endou avait dû continuer d'aller en classe, sous peine de se fâcher une nouvelle fois avec sa mère, mais son père lui avait promis de veiller sur son ami. Il avait exprès posé des congés en urgence pour pouvoir rester à la maison et que Gouenji ne reste pas tout seul. Endou lui serait éternellement reconnaissant pour ça, de plus il avait senti que cette présence adulte et douce avait fait du bien à son ami, qui n'avait connu que la violence et le rejet tout au long de sa vie. Pouvoir discuter avec un adulte qui ne vous juge pas et, au contraire, vous admire presque, permettait de se sentir mieux. Gouenji ne s'était jamais épanché plus que ça sur le contenu des conversations qu'il avait eu avec le paternel de son ami, mais ça n'intéressait pas le brun. Il y avait des choses qu'il n'avait pas besoin de savoir, tout ce qui lui importait était le bien être de son ami.
Ils avaient aussi un peu discuté du soir où Gouenji avait subi la maltraitance de son père. Il avoua à son ami qu'il avait voulu suivre son exemple, se confronter à son géniteur pour mettre les choses aux clairs et lui dire ce qu'il avait sur le cœur, lui faire comprendre sa détresse. Mais ça n'avait rien donné, au contraire, il avait attisé d'autant plus la rancœur de son père, qui en était venu aux mains, fous de rage. Gouenji ne s'était pas défendu, incapable de vraiment résister à son père, croyant qu'il méritait tout ça. Après tout, il était encore et toujours le tueur de la femme qu'il avait aimé, et c'était une douleur qui jamais ne s'estomperait. Ce soir-là, il avait cru mourir, et ça l'avait presque soulagé de se dire qu'il quitterait enfin ce monde tourmenté qui ne voulait pas de lui. La seule chose qui l'avait raccroché à la vie, c'était cette amitié qu'il avait développée avec Endou et Kidou. Sans eux, ce soir-là, l'Enfant des Ténèbres maudis par les dieux ce serait éteint en silence, sous les coups.
Suite à ces révélations, Endou avait senti une rage encore plus grande se cultiver en lui, une colère sans borne qu'il canalisait avec peine. Maintenant que Gouenji était parti, il avait pris la décision ferme d'agir plus concrètement. Et pour ça, il devait se rendre chez les Anciens, pour continuer à fouiner et obtenir des informations pour gagner en force. Il fallait qu'il devienne capable de le protéger, que plus personne ne puisse lui faire le moindre mal. Malgré la réticence de sa famille, il se rendit une nouvelle fois au centre de la Lumière, ayant l'habitude désormais. Mais ses sentiments étaient tels que tout lui passait au-dessus, que ce soit les murmures de jugements, les admirations, ou les critiques dû fait de son inaction.
Il s'installa dans la grande salle des archives, sous le regard attentif de quelques personnes. En temps normal il entrait et sortait aussi sec, mais cette fois il comptait passer son weekend à potasser et lire, sans s'interrompre. Et il serait bien plus aisé d'avoir accès à tout ce qu'il voulait en restant sur place. Et ici, au moins, il n'aurait pas besoin de masquer la rancœur qui grimpait en lui et le transformait chaque jour qui passe.
Personne ne vint le déranger, le laissant lire pendant des heures, s'entraîner à utiliser ses pouvoirs avec de plus en plus de précisions, en se focalisant tout particulièrement sur l'attaque et la défense, oubliant le côté apaisant et réconfortant de sa lumière.
– Vous êtes très assidu, fit alors une voix profonde après les heures de silence.
Endou se stoppa dans un mouvement et se tourna vers celui qui venait de le rejoindre, il le reconnu comme l'un des Anciens qui l'avait accueilli à sa première venue.
– Veuillez m'excuser, je ne souhaitais pas vous déranger. J'étais simplement curieux de constater vos efforts et vos progrès.
– Vous avez pu constater alors.
Endou retourna au bureau qu'il avait improvisé et but une gorgée d'eau et s'essuya le visage avec une serviette, il transpirait à force de s'entraîner sans vraiment de pauses.
– Qu'est ce qui a pu provoquer un tel changement ? questionna l'Ancien. Il y a peu de temps encore, vous n'étiez nullement intéressé par la maîtrise de notre art. Et maintenant, vous fournissez une énergie considérable pour apprendre et nous surpasser tous.
– J'ai des choses à protéger, tout simplement.
– Ah oui, l'Enfant des Ténèbres, n'est ce pas ?
Endou se crispa et lui envoya un regard froid, lourd de sous entendu. L'Ancien ne se démonta nullement et vint s'asseoir non loin de lui, ses mains croisées dans ses manches.
– Nous sommes au courant de bien plus de choses que vous ne le pensez. Nous savons que vous entretenez une amitié inédite, que vous cotoyer désormais vous rends à peine malade et que vous avez été jusqu'à le sauver de maltraitance. C'est tout à votre honneur.
Endou restait sur ses gardes, incapable de se relacher face à cet homme qui faisait naitre la méfiance en lui. Rien ne lui inspirait confiance.
– Cet enfant a beaucoup souffert, comme tous ces prédécesseurs. Rien de bon n'attends jamais l'Enfant maudit par les dieux, ils sont voués à être craint et détestés par tous, au contraire de vous.
– Peut-être que ça pourrait changer si vous interveniez pour modifier l'opinion publique, rétorqua sèchement Endou.
– Ce n'est nullement notre rôle, et l'histoire nous a déjà prouvé à maintes reprises que les ténèbres finissent toujours par mener au chaos, à la destruction. Il n'y a qu'à voir les guerres incessantes, les conflits, les catastrophes...cela n'aura jamais de fin.
– Et vous ne vous êtes jamais dit que tout ça ne pouvait pas avoir une autre cause ? Les guerres peuvent éclater sans nous, l'humain est assez cupide et mauvais pour entrer en guerre sans l'Enfant maudit par les dieux. Hitler n'était pas un enfant des ténèbres, et pourtant il a provoqué un chaos immense dans le monde entier. Idem pour les dictateurs en place actuellement, Gouenji n'y est pour rien du tout. L'humain se débrouille très bien tout seul pour provoquer sa fin et son chaos.
Un gloussement échappa à l'Ancien, alors qu'une étincelle maline pétillait dans son regard.
- Il est vrai, je ne peux dire le contraire. Mais le temps que les ténèbres existeront dans le cœur des hommes, rien ne changera. Et votre ami est cette incarnation des ténèbres, il représente tout cela, même si directement il n'est pas responsable. Mais son existence même amène des conflits, des querelles, des morts, qu'il le veuille ou non.
Endou n'avait pas envie de poursuivre cette conversation, elle allait juste le fatiguer plus qu'il ne l'était déjà.
- Les Enfants des Ténèbres souffrent énormément, ils sont les victimes de ce monde. Beaucoup vivent cachés, reclus, anonymes, pour éviter de se retrouver lynchés ou pourchassés. Un peu comme les sorcières à une certaine époque.
- Il serait donc temps d'évoluer nous aussi, lâcha Endou furieux.
– Mon enfant, l'opinion publique ne change pas en deux jours. Tout cela est ancré fermement dans le collectif humain. Vos petites tentatives ne donneraient rien, et vous passeriez pour un fou corrompu.
– Je ne suis pas corrompu, gronda Endou qui serra les poings.
– Vraiment ? Pourtant, pour un Enfant de la Lumière, vous portez une grande part de ténèbres en vous. Preuve que l'Enfant maudit à déteint sur vous, tout autant que vous déteignez sur lui.
Endou prit une grande inspiration pour se calmer, éviter de lui sauter à la gorge pour le faire taire. C'est vrai, il n'était plus comme avant, mais se laisser déborder ne servirait à rien. Il ne ferait qu'entacher encore plus la réputation de Gouenji.
– Je n'y vois aucun mal de mon côté.
– Vous peut-être, mais la société ne dirait pas la même chose.
Encore et toujours le même souci : la société. La vision qu'elle avait du monde, des ténèbres. C'était à cause de ça que tant de personnes souffraient, que Gouenji avait dû endurer une douleur qu'il ne pouvait même pas imaginer, au point qu'il aurait préféré mourir.
– Votre point de vue est compréhensible, reprit l'Ancien, mais ce n'est pas ainsi que vous pourrez changer les choses et atténuer la douleur des Enfants des Ténèbres.
– Vous connaissez peut-être une solution miracle alors ? souffla Endou.
S'il en existait une, il la prendrait sans hésiter, mais rien dans ce monde n'était aussi simple que ça. Ce serait trop facile.
– Miracle, non, mais il y a bien une possibilité.
L'attention d'Endou était piqué et il porta son regard avec encore plus d'intérêt sur l'Ancien, les yeux plissés de réserves malgré tout. Un petit sourire étira les lèvres du vieillard, sûrement ravi d'avoir réussi son coup, de le laisser en haleine jusqu'à ce qu'il accepte d'en dire plus.
– Je vois que j'ai toute votre attention désormais. J'en conclus que ça vous intéresse ?
– Bien entendu, s'il existe une méthode pour empêcher cette souffrance et aider les suivants, je l'utiliserais.
– Très bien, dans ce cas écoutez avec attention. Ce que je vais vous dire est un secret que peu de gens dans notre monde connaissent. Seuls les Anciens de chaque élément en ont connaissance.
Endou retenait à moitié son souffle, le cœur battant, excité de potentiellement avoir une solution. Mais il ne devait pas monter sur ses grands chevaux, rien ne lui assurait de la véracité de ce qui allait suivre. Il devait écouter, analyser, et voir si tout cela tenait la route avant de passer à l'acte.
- Chaque branche élémentaire possède un Coeur. Il s'agit d'un mécanisme de régulation, relié à la Terre et au Monde, et qui diffuse son énergie en continu, permettant de faire naître les différents enfants dotés de dons. En règle générale, il est interdit d'y toucher, de s'en approcher, car il s'agit là d'un pouvoir qui nous dépasse tout, qui existe depuis l'aube des temps, sans que personne n'en connaisse l'origine.
Il fit une courte pause pour s'humecter les lèvres et s'assurer que son interlocuteur écoutait toujours avec attention, avant de reprendre.
– Cependant, nous avons réussi au fil du temps à décrypter d'anciens textes qui nous permettent de mieux saisir le concept des Coeurs, et même de pouvoir influer sur leur capacité à distribuer l'élément auquel ils sont liés.
– Qu'est ce que cela veut dire ? demanda Endou qui fronça les sourcils.
– Cela veut dire, que si nous avions entre nos mains le Cœur du Clan des Ténèbres, nous serions en mesure d'endiguer les Enfants des Ténèbres, pour que plus aucun ne naisse dans ce monde.
La respiration du brun se coupa dans sa poitrine et il écarquilla les yeux, une telle chose était réellement possible ? Cela lui semblait improbable, impossible, ce serait aller contre toutes les lois de ce monde.
– Si la population d'Enfants des Ténèbres décroît fortement, il y aura moins de guerres, de conflits, de criminels issue de ce Clan. Ainsi, il nous serait plus aisé de redorer leur image, de les ramener au cœur de la société et de changer les mentalités des gens. Il n'est nullement prévu de les faire disparaître, mais réguler la naissance de ces personnes pourrait apporter une avancée extraordinaire dans la compréhension du monde à leur égard.
Endou ne disait rien, son cerveau tournait à toute allure tant il avait du mal à croire ce qu'il entendait. Il serait possible de réguler la population d'Enfants des Ténèbres ? De réduire leur nombre pour que moins de personnes ne naissent ainsi et ne souffrent lourdement toute leur vie ? Le taux de criminalité pourrait baisser, l'image que la société se fait d'eux pourrait s'améliorer. Les gens cesseraient petit à petit de les craindre, de les voir comme des démons, et ils pourraient s'intégrer plus facilement dans le monde d'aujourd'hui.
– En faisant ainsi, il n'y aurait plus de victimes injustes, comme votre ami l'est. Personne ne devrait avoir à porter un tel fardeau sur les épaules.
Le cœur d'Endou battait dans sa poitrine, animé par l'espoir. Il pourrait se battre pour construire un monde meilleur, prouver à tous avec l'aide de Gouenji qu'ils ne représentaient pas le chaos, mais l'harmonie. Il était emballé par cette idée, après tout ce ne serait qu'une petite régulation, pas une extinction. Si les cas des Enfants des Ténèbres devenaient isolés, alors la peur disparaîtrait, ce serait anodin, et ceux n'ayant rien fait de mal pourraient vivre en paix sans se soucier du jugement et la crainte des autres Clans.
– Nous avons cependant un petit problème, soupira l'Ancien qui faisait cruellement son âge à ce moment-là.
– Lequel ?
– Le Cœur des Ténèbres n'est pas accessible à n'importe qui, il est farouchement gardé et tenu secret par les Anciens de ce Clan. Donc, même si ce plan semble parfait sur le papier, nous ne risquons pas de pouvoir le mettre en place.
Il lissa soigneusement sa barbe et se leva, un air dépité sur le visage.
– Navré de vous avoir embêté avec ces histoires farfelues, je vais me retirer désormais. Je vous souhaite un bon entraînement. Mais si vous avez besoin de quoi que ce soit n'hésitez pas à me faire mander, je suis l'Ancien Belze.
– D'accord, merci.
Et sur ces dernières salutations il se retira, laissant un goût amer dans la bouche d'Endou, qui avait cru tenir enfin une solution entre ses mains, avant de la voir s'évaporer comme du sable emporté par le vent. Il secoua la tête pour essayer de ne plus y penser, même si l'idée resta dans un coin de son esprit tout le weekend. Cette histoire de Coeur lui parlait sans savoir pourquoi, est-ce qu'il avait déjà vu quelque chose de similaire ? Une chose si différente de ce qu'il connaissait qu'il n'en avait aucune compréhension ?
Il s'assit à l'extérieur du bâtiment, attendant que son père vienne le chercher pour le ramener à la maison après deux jours entiers à potasser, s'entraîner et réfléchir. Les paroles de Belze tournaient encore et encore dans sa tête, l'obsédant de plus en plus. Si seulement il pouvait obtenir ce Coeur et faire en sorte que plus aucun Enfant des Ténèbre ne souffre, alors le monde irait mieux, des innocents seraient sauvés, et plus personne ne vivrait l'horrible vie de son ami, ou l'ami de son père, et bien d'autres encore, inconnus mais bien là, souffrant en silence de l'injustice de ce monde.
Un coup de klaxon le sortit de sa réflexion et il vit la voiture de son père garée sur le trottoir. Il se leva et s'installa rapidement sur le siège passager.
– Ça va ? Tout s'est bien passé ?
– Oui, très bien. Je pense que j'ai appris beaucoup de choses, surtout sur le contrôle de mes pouvoirs.
Son père lui lança un regard inquiet, il ne pouvait pas le dissimuler malgré le sourire qu'il tentait d'afficher.
– Mamoru, je sais que c'est important pour toi, mais ne te surmène pas trop, d'accord ? Je suis sûr que Gouenji n'aimerait pas que tu en fasses autant pour lui.
– Tu le sais parce qu'il t'en a parlé ?
– En quelque sorte, oui. C'est un garçon très gentil, qui a peur que tu te fasses du mal à cause de lui. Et je partage un peu ce ressenti. Tu dois aussi prendre soin de toi fiston, sinon il en serait bien triste.
– Je le fais, ne t'en fais pas, sourit Endou pour le rassurer. Et puis ça m'aide de savoir utiliser mes dons, je me sens moins à la traîne et capable de me défendre.
– Bon, tant mieux alors.
Il démarra le moteur et ils retournèrent à la maison, où sa mère lui avait préparé un bon curry. Il ne disait pas non à un plat cuisiné avec amour, surtout après deux jours entiers de lectures et d'entraînements. Et pour une fois, pas de football. Il mangea avec appétit, se servant trois assiettes qui ne firent pas long feu.
– Eh bien, tu n'as rien mangé pendant le temps que tu étais là bas ? demanda sa mère semi-inquiète.
– Si, mais ce n'est pas aussi bon que tes plats !
Elle sourit et lui donna une louche supplémentaire de riz.
– Petit flatteur va.
Il rigola et termina son repas, repu, le ventre prêt à exploser. Une bonne douche et une bonne nuit de sommeil étaient les étapes suivantes désormais. Puis le lendemain il retrouverait Kidou et Gouenji, ce dernier revenant en classe après une semaine d'absence. Il irait aussi passer du temps avec Natsumi, au vu des derniers évènements ils l'avaient quelque peu délaissés, sans le vouloir, complètement focus sur son ami. Il espérait qu'elle ne lui en voudrait pas, même si ça devait être difficile pour elle. Sinon il ferait en sorte de se faire pardonner.
– Merci pour le repas, je vais aller me coucher maintenant !
– Très bien, pense à te brosser correctement les dents surtout.
– Je suis plus un enfant, sourit-il, je le fais tout le temps !
– Pourtant ton tube de dentifrice ne se vide pas beaucoup.
Il rigola et se rendit à l'étage pour une douche rapide, brossage de dents, et sauter ensuite dans son lit. Une soirée tranquille lui avait permis de chasser les idées sombres de son esprit, il se sentait léger, presque apaisé. La colère existait toujours dans son cœur, mais la fatigue permettait de l'atténuer et le reléguer au second plan. Il devrait peut-être trouver le courage d'en parler à Gouenji, lui demander comment il faisait pour gérer autant d'émotions négatives sans exploser. Le blond devait certainement les sentir après tout, et le faire grimacer, même s'il n'en avait rien montré ces derniers jours.
– C'est décidé, je lui demanderais demain ! Un cours sur la gestion des émotions négatives !
Il sourit à cette pensée, ça semblait ridicule dit comme ça, mais pour lui c'était une épreuve chaque jour, vu qu'il n'y était confronté que depuis quelques mois. Il posa sa tête contre son oreiller et ferma les yeux, respirant tranquillement, c'était à ce jour là seule chose qu'il parvenait à faire pour garder sa rage en lui, afin de ne plus se retrouver englouti comme il l'avait été la dernière fois. Petit à petit, il glissa dans le sommeil, et quand il ouvrit les yeux, il était dans cette pièce. Sombre, mystique, les statues inquiétantes et réalistes tout autour de lui. Au centre, toujours cet artefact étrange, qu'il ne pouvait identifier.
"Boum"
Endou se figea, son souffle se bloqua dans sa poitrine.
"Boum"
Les pensées de Belze lui revinrent à l'esprit, comme un boomerang, et il comprit tout de suite. Il comprit enfin ce qui se tenait face à lui et qu'il ne pouvait comprendre.
"Boum"
Le Coeur des Ténèbres.
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