Mouvement

Bien plus calme que tous les autres endroits de la ville, je pouvais observer à loisir l'agitation de la capitale, à travers la fenêtre.

Un, deux, trois.

Des corvidés survolaient leur royaume avec une prestance qui n'appartenait qu'à eux.

Quatre, cinq, six.

Des volatiles bien moins gracieux tentaient de se dissimuler çà et là, espérant échapper, aujourd'hui encore, au regard du dieu corbeau.

Sept, huit, neuf.

À l'image de vautours, trois oiseaux marins dansaient en ronde, de plus en plus bas, de plus en plus vite, prévenant leur future proie de leur arrivée mortifère.

Dix.

Jamais le temps ne s'arrête, jamais personne ne perd quelques minutes à observer le monde, quelques secondes pour stopper leur course frénétique. Ils déambulaient tous sur les pavés, touristes ou résidents, tous trop pressés par les aiguilles d'une horloge absente. Vite, toujours plus vite. Ils entraient et sortaient des boutiques dans un rythme effréné. Ni les bourrasques ni le ciel changeant ne semblaient les perturber. Chacun, absorbé par leur but, ne prenait le temps de rien. Avaient-ils remarqué la chouette rousse que l'on pouvait caresser dans un coin ? Avaient-ils conscience que la nature se moquait de leur empressement ?

L'arbre gigantesque, coincé sur le square, riait à chaque rafale. Ses feuilles, d'un vert trop éclatant face à des pierres tristes, frémissaient devant la bêtise de ces âmes trop pressées. Pensaient-ils vraiment profiter de leur existence en étant sans cesse en mouvement ? Courir ne servait à rien, la mort nous rattrapait tous un jour ou l'autre.

Observer la beauté, les détails. Apercevoir une gravure à demi dissimulée ou emprunter un petit chemin escarpé. Surprise, splendeur, contemplation. Autrefois, l'immobilisme m'effrayait. Je devais être en mouvement tout le temps, sans jamais laisser à mon esprit un moment de répit. Aujourd'hui, j'ai appris à me poser. À observer le monde.

D'ici, je peux voir un vieux joueur de cornemuse que les passants ignorent. Je peux contempler toutes les autres personnes du café, plongées dans leurs téléphones ou en pleine conversation. Je peux admirer le dégradé de chaque pierre. Le temps et les éléments ne les avaient pas affectées uniformément.

Un, deux, trois.

Le regard tourné vers le ciel indécis, la succession de toits d'une autre époque me donnait l'impression d'avoir voyagé dans le passé.

Quatre, cinq, six.

Je fixai le sol, fourmilière d'individus dont les aiguilles les poursuivaient.

Sept, huit, neuf.

Tous les oiseaux s'étaient esquivés, probablement lassés par ces humains incompréhensibles.

Dix.

Moi aussi, j'allais devoir me remettre en mouvement.

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