Absence

Il y a celui qui part et celui qui reste.

Celui qui reste a immanquablement perdu un fragment de son cœur. Il regarde, les yeux embués, des mémoires éparses sur des photographies mélangées. Désormais, il n'a plus que ces instants figés auxquels se raccrocher. Pour celui qui reste, sa mémoire humaine et imparfaite n'est pas une alliée. Les voix s'estompent, les visages s'étiolent et les instants disparaissent peu à peu. Le poids de l'absence l'écrase, lui coupant parfois le souffle. Jamais le temps ne comblera le manque, modifiant seulement la blessure.

Parfois, celui qui reste sourira à la mention de l'absent ; mais rien ne sera jamais comme avant. Sa vie, ses habitudes, ses repères seront à jamais changés. Le temps jadis ne lui sera pas rendu, même pas l'espace d'un instant. Alors il avance, parce qu'il le faut. Il avance jusqu'à ce que quelqu'un d'autre s'en aille. Pour celui qui reste, c'est la vie avec une âme blessée.

À chaque perte, l'absence pèse davantage chaque première fois. Le premier Noël, le premier anniversaire, la première fête sans le défunt sont beaucoup trop étranges. Sa présence, encore si vivace dans notre mémoire, manque terriblement en ces premières fois sans lui. Les réminiscences des fêtes passées lacèrent délicatement le cœur des vivants dont les larmes sont taries depuis longtemps. Les cantiques d'hiver se sont transformés en une mélodie emplie de nostalgie. Les chants d'anniversaire se sont mutés en une complainte mélancolique.

On parle peu de celui qui part, celui dont l'absence fait tant souffrir. Pourtant, lui aussi pleure. Il sait que derrière lui, des larmes seront versées, que des existences seront chamboulées. Il sait les regrets, les remords et les peines. Il sait, car lui aussi en a connu des absences. Lui aussi, un jour, a été celui qui reste.

Est-ce plus facile pour celui part ou pour celui qui reste ? Ni pour l'un ni pour l'autre. Le poids des adieux est le même pour les deux.

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