Sunday, June 17th

Manoir de Vince Carter.

11h45

Mon ravisseur m'entraîne, hors de sa chambre en me tenant par le bras. Alors qu'on avance vers une nouvelle pièce, mon cerveau tente d'assimiler les informations que je viens d'apprendre. Mes parents ont été assassinés,. j'ai une soeur qui est devenu orpheline par ma faute, et il serait prêt à faire d'autres victimes si je le lui demandais. Un frisson d'horreur me parcourt l'échine et se multiplie lorsque je sens sa main qui me tenait le bras, se poser dans le bas de mon dos.

- Ferme les yeux. Me dit-il alors qu'on se trouve devant une nouvelle porte.

Je m'exécute une boule d'angoisse dans la gorge. Qui sait ce que je vais découvrir. Il me pousse à l'intérieur de la pièce et m'autorise à ouvrir les paupières. Lentement, prudemment, j'obéis. Un grand soulagement m'envahit quand je découvre l'endroit. C'est juste un studio d'enregistrement.

- Comme ça, tu pourras toujours poursuivre ta carrière. Je te produirais. Regarde j'ai fait faire une réplique identique de ta guitare Rose. Tu as tout ce qui fera ton bonheur ici mon amour. Et je peux t'offrir tout ce que tu désires, vraiment tout.

Tout ce que je veux, c'est me casser d'ici et te faire enfermé espèce de taré.

- J'ai besoin de rien de plus, merci. C'est merveilleux cette demeure que tu as prévu pour nous.

Il me sourit, et ouvre une lourde porte dans le fond du studio. À première vue, la pièce est un endroit pour se divertir, mais mes yeux ne s'arrêtent pas sur la bibliothèque, sur l'écran de télévision, ni sur les jeux de société entassés dans un coin, mais sur un pouf géant. Enfin plutôt sur la fillette assise dedans. Elle était en train de lire mais à l'instant où nous sommes entrés, elle a lever la tête vers nous. C'est la même fille que sur la photo, mais comme éteinte. Le regard triste et le sourire absent. J'ai ma petite soeur sous les yeux et je n'ai aucune idée de quoi dire. Il y a deux minutes je ne savais même pas qu'elle existait. Et on ne peut pas dire que les circonstances soient idéale pour une rencontre. On apprend l'existence l'un de l'autre parce qu'un psychopathe nous a kidnappé. Il y a mieux comme retrouvailles.

- James, je te présente ta sœur Wendy. On vous a séparé mais maintenant je vous ai réuni. On va former une belle famille tout les trois. Il va bientôt être l'heure de déjeuner, je vais vous laisser faire tranquillement connaissance et aller préparer le repas.

Il s'éloigne et quitte la pièce avant de fermer à clé derrière nous. Il n'y a aucune fenêtre donc aucune manière de s'évader par ici. Je m'approche doucement et amorce la conversation :

- Qu'est-ce que tu lis ?

Elle me montre la couverture de son bouquin et je déchiffre de loin Undercover princess.

- Et c'est bien?

Elle hoche la tête.

Je m'approche d'elle et m'installe sur un pouf en osier.

- Ça fait longtemps que tu es arrivée ici?

- Je ne sais pas. Je ne sais pas quel jour on est.

- Samedi 17 juin.

Des larmes se forment dans ses yeux et elle me répond :

- Mars.

- Depuis Mars ?

Elle hoche la tête.

- Vince faisait le ménage dans mon foyer. il était gentil avec moi. Un jour il m'a apporté un cupcake. Après je me suis réveillée ici. Il m'a parlé de toi et de la famille qu'on allait former tous les trois. C'est vrai que tu es mon frère ?

- Oui. On t'a jamais parlé de moi avant n'est-ce pas ?

- Non et j'aurais jamais voulu te connaître. A cause de toi, mes parents sont morts.

- Je suis terriblement désolé, j'ai pas voulu ça. C'est vrai qu'ils m'ont fait souffrir, énormément mais à aucun moment je n'ai souhaité qu'ils meurent. Ce que Vince à fait, c'est monstrueux.

- Il l'a fait parce qu'il est amoureux de toi. Si c'est un monstre pourquoi tu es son petit copain.

- Wendy, je ne suis pas son copain. Je sais que c'est dur à comprendre pour une jeune fille de ton âge mais il est malade dans sa tête. Il s'invente des histoires. Je ne sais pas pourquoi mais il croit que lui et moi nous nous aimons. Tu penses vraiment que j'aurais les mains menottées si c'était moi qui avais choisi de venir ici. Il m'a enlevé, comme toi. Je ne sais pas encore comment mais je vais trouver un moyen de nous sortir d'ici.

- Il ne faut pas. Il devient méchant quand on est pas sage..il crie très fort, il casse les choses. Il me fait peur.

- Ne t'en fais pas. Mes amis et la police savent qu'il m'a enlevé, ils vont tout faire pour me trouver.

- Et s'il n'y arrive pas ? Moi aussi la police me cherche et rien...

- On va tout faire pour ne pas le mettre en colère, je vais faire semblant d'être son petit ami et toi tu vas être gentille. Je vais essayer de trouver le moyen pour qu'on s'en aille, trouver un plan et on s'enfuira.

- C'est pas possible, il y a des caméras partout. Même quand il est pas la, il surveille sur son téléphone. Parfois il s'en va plusieurs jours, me laissant dans ma chambre avec de quoi boire et manger. J'ai voulu casser les fenêtres mais elles sont incassables. Elle ne s'ouvre pas, elles sont toutes comme ça dans la maison. Il n'y a que la porte et le garage pour s'enfuir mais c'est toujours fermé.

- Je vais réfléchir. Il y a forcément une solution. On restera pas ici.

Elle hausse les épaules désabusée. Je ne sais pas exactement quel jour elle a été enlevé mais ça fait plus où moins trois mois qu'elle est séquestrée ici, quelle horreur.

- Comment ça se passe ici avec lui? Qu'est-ce que tu fais la journée ?

- Je joue où je lis ici. Il y a aussi la télévision, il a plein d'abonnement de streaming. Je fais l'école à la maison. Il me parle aussi beaucoup de toi. Je te connais pas mais il m'a tout raconté sur ta vie. Quand tu vivais dehors, que tu chantais dans la rue pour t'acheter à manger...tout ça.

- Oui c'était une période très dure.

- Papa et maman ont été horrible avec toi...

- C'est comme ça. Certains parents ont des réactions brutales quand ils apprennent que leur enfant est gay. Mais je m'en suis remis tu vois.

- T'es heureux même sans eux ? Moi j'ai l'impression que je ne le serai jamais plus...

- J'ai été triste, puis en colère, et puis je me suis remis de leur abandon. J'ai trouvé ma famille et même si elle n'est pas conventionnelle, c'est celle que je me suis choisie. Toi aussi tu feras ton deuil à ta manière, ça sera dur et long mais ça ira mieux. Et maintenant que j'ai appris l'existence de ma petite soeur, j'espère que t'acceptera de faire partie de ma famille peu ordinaire.

- J'ai plus personne alors j'aimerais bien... mais pour l'instant on est enfermé.

- Il t'a parlé de ma famille ?

- Non. Il les déteste c'est tout ce que je sais, il est jaloux d'eux je crois. Il dit que ta famille c'est lui et moi, personne d'autre.

- Il y a Travis, c'est mon meilleur ami. C'est lui qui a vu mon talent et qui m'a permis de devenir le chanteur que je suis aujourd'hui. Puis Marcus, c'est mon chef dans la musique mais c'est surtout un bon ami. Il y a aussi Heather et Charly, mon assistante et mon chauffeur, ils sont très gentils. Puis Dustin... c'est mon copain depuis peu, mais je suis très amoureux. J'espère que tu le connaîtra... Vince lui a tiré dessus quand il m'a enlevé...je ne sais pas comment il va... j'ai peur qu'il meurt...

- Dustin c'est ton garde du corps, c'est ça ?

- Tu sais qui c'est ?

- Non pas vraiment mais quand Vince est revenu très en colère et qu'il a tout cassé, c'était à cause de lui à ce que j'ai compris. Une photo où tu l'embrassais.

- C'est bien lui oui mais pour cette photo... j'ai fais croire à Vince qu'il m'avait embrassé par surprise. Depuis qu'il m'a enlevé, je lui fais croire que je suis amoureux de lui pour ne pas qu'il ne me fasse du mal. Il faut alors que tu ne lui dise rien.

- Je dirais rien bien sûr, je suis pas folle...je jouerai la petite fille parfaite aussi. C'est la seule façon pour qu'il nous fasse pas de mal, j'ai bien compris. Je sais que tu es dans un enfer mais je suis contente de te voir...je me sens mieux depuis que tu es là.

- On va sortir de là, je te promets.

À cet instant, la porte s'ouvre non loin de nous et la voix de notre ravisseur s'élève, m'herissant le poil de dégoût.

- Wendy, James, venez le déjeuner est prêt.

On se lève d'un même mouvement et suivons notre hôte à contrecoeur.