Chapitre 2

Ma vigueur a séché comme l'argile, ma langue colle à mon palais. Tu me mènes à la poussière de la mort.

- Psaume 21 :16 -

Les rayons léchaient subtilement la fenêtre en hauteur et la faible lueur dorée m'indiqua l'aube. Mon ventre grondait de plus en plus, ma gorge était sèche. Le silence qui m'entourait devint insupportable. Adossé contre le mur, je me sentais amorphe, engourdi et le regard perdu dans le vide.

Encore une fois, ce fut un bruit de pas qui m'éveilla. Des pieds foulaient le sol carrelé du couloir et je me redressai instinctivement, l'espoir gonflant ma poitrine. Mes oreilles captèrent très vite le rosaire prononcé dans un murmure, mais qui filtrait jusqu'à moi. Lorsque l'exercice fut terminé, une femme s'offrit à ma vue, apportant deux grandes bouteilles d'eau qu'elle déposa doucement sur le sol. L'instinct me poussa à me jeter sur l'une d'elle pour boire de grandes gorgées. La femme fit un signe de croix et disparut.

Je ne compris que bien plus tard, que cette visite serait la dernière. Les jours passèrent. Personne ne revint. Sauf pour délivrer les prières au-delà de cette maudite porte close. Je compris alors que j'aurais droit à l'ensemble du rosaire. Le crédo, Pater Noster, Ave Maria, Salve Regina, Gloria Patri... encore et encore, plusieurs fois par jour et tous les jours que je serais enfermé ici.

Et personne n'entendait, personne ne s'inquiétait de ce que trafiquaient l'Abbé Vincent et les quelques sœurs présentes avec lui. Qui auraient pu se douter ?

Une voix sinueuse clama un psaume qui me broya de l'intérieur.

Ils se forgent des formules maléfiques. Ils dissimulent avec soin leur pièges ; ils disent ''qui le verra ?''.

- Psaume 63 :6 -

Ils étaient protégés. Exemptés de tous éventuels soupçons.

Avec le temps qui s'acharnait à me filer entre les doigts, je pris conscience que je devrais économiser l'eau. Je réalisais également que je resterais nu et sale. Pas de douche, pas même de toilette. Le seau dans le coin était là pour mes besoins. Je me refusais à utiliser ce seau pour autre chose que faire pipi. L'endroit sentait déjà très mauvais, le froid devenait une morsure constante dont je n'arrivais pas à m'habituer. J'avais mal au dos à force de dormir à même le sol. Et le silence m'oppressait.

Seule la fenêtre et les rayons lumineux qui en filtraient, ainsi que le tintement des cloches me permirent de me repérer dans le temps. Mon esprit divaguait, passant d'une idée à l'autre, d'une pensée à un souvenir. Je me perdais.

Mes parents m'avaient amené et laissé ici, m'abandonnant à ce sort infâme. Comment était-ce possible ? Comment avaient-ils pu me faire ça ? Étais-je devenu à ce point exécrable et insignifiant à leurs yeux que cette torture semblait acceptable ? Ces pensées nourrissaient une colère profonde et bouillonnante, qui chassait parfois l'angoisse.

Je ne comprenais pas. Je n'arrivais pas à assimiler que tout ceci était réel, que je subissais réellement cette forme de maltraitance. Parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait, pas vrai ? Comment justifier une telle chose ?

Loïs me revint en tête et j'eus la gorge étranglée en repensant à ma mère qui sortait de la voiture comme une furie pour m'arracher à lui, hurlant comme une possédée. Elle criait des injures qui m'avait heurté avec violence. Ma mère m'avait giflé et je sentais encore la brûlure sur ma joue alors que cela datait de plus d'une semaine. J'entendais encore ses cris horribles alors qu'elle conduisait pour rentrer chez nous. Ses pleurs lorsqu'elle avait dit à mon père que j'étais habité par le mal. Puis la colère. Contre moi, pour avoir été si faible que le diable avait pris possession de mon âme.

Des paroles que je connaissais pour les avoir entendues, ici et là, lors de messes ou de réunions religieuses. Je ne croyais pas en tous ces gens qui me chuchotaient au milieu des prières que mon attirance pour Loïs était affreuse, voire démoniaque. Leurs paroles n'avaient aucun sens.

Qu'avais-je fait de mal ? Loïs était gentil, intéressant, drôle et généreux. Il était très mignon avec ses cheveux bruns, ses yeux noirs et son perpétuel sourire lumineux. Mes parents avaient toujours encouragé l'amour alors pourquoi ne m'encourageaient-ils pas ? Pourquoi fallait-il que l'amour soit moins acceptable selon les individus qui le partagent ? Qui avait décrété ça ? Certainement pas Dieu. Sinon, il ne m'aurait pas créé ainsi. Ou peut-être qu'il ne m'avait pas créé, qu'il n'avait aucun pouvoir sur ce genre de chose. Certainement qu'il n'était même pas là. Qu'il n'avait rien à avoir avec ces paroles haineuses et intolérantes.

Je ne priais pas. Je me contentais de fixer les murs et le plafond blanc et de penser à Loïs. La seule lueur dans mon obscurité. Son sourire m'illuminait, la sensation de ses lèvres sur les miennes m'encourageait à rester fort.

Quoi que veuillent Père Vincent et mes parents, qui se pensaient hommes de Dieu ou vertueux, ils n'initiaient rien en moi. Pas de changement. Pas de conversion. La faim, la douleur, le silence, la nudité, l'ignorance et même les prières ne changeraient rien.

Je ne ressentais aucun bouleversement, mon corps restait le même, ma peau était toujours aussi pâle, mon sang circulait toujours dans mes veines, rien ne disparaissait en moi. Les images de Loïs étaient toujours présentes, mes sentiments naissants pour lui toujours nichés à l'abri dans mon cœur. Un amour potentiel qui grandissait. Bien plus fort à chaque jour qui passait.

Mon esprit, faible et divaguant, m'amenait à des pensées beaucoup trop contradictoires. Je ne savais plus quoi penser. Me raccrocher à mon amour pour Loïs ou mon amour pour Dieu ?

Pitié, Seigneur, je dépéris ! Seigneur, guéris-moi ! Car je tremble de tous mes os,

de toute mon âme, je tremble. Et toi, Seigneur, que fais-tu ?

- Psaume 6 :3-4 -

Alors que je souffrais d'inanition, que mon corps était trop faible pour bouger, que mes yeux avaient du mal à rester ouverts et que l'espoir me manquait, la porte en bois s'ouvrit à nouveau. Mon esprit cessa de me faire réciter des psaumes et focalisa son attention sur du concret. J'aperçus la silhouette de mon père et je compris que cela faisait une semaine. Une semaine que j'étais dans ce trou froid et austère. Une semaine que je n'avais pas parlé, que je n'avais vu personne, que je n'avais pas mangé, car j'avais été enfermé, privé d'air frais et de la chaleur du soleil.

Trop épuisé, je n'esquissai aucun mouvement. Mon père entra rapidement pour s'accroupir près de moi.

— Eliott, souffla-t-il en passant sa main dans mes cheveux.

Il me prit dans ses bras pour me relever, mon corps amorphe se laissa faire. Mes jambes flageolèrent violemment et si mon père n'avait pas un bras autour de ma taille, je me serais effondré. Mon corps n'avait pas marché depuis trop longtemps, mes muscles souffraient et le manque de nourriture me privait d'énergie.

— Je te tiens, fils, partons.

Je ne répondis rien. Le couloir apparut, le carrelage rouge brique défila sous mes yeux. L'église résonna d'une douce musique, de prières et j'aperçus l'homme en noir qui s'avança vers nous. Mon père s'immobilisa, resserrant sa prise autour de ma taille, comme s'il était inquiet.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Les thérapies de conversion peuvent paraître dures, mais elles sont nécessaires et bénéfiques. Votre fils ira mieux.

Le prêtre déposa une main humide sur mon front. L'eau bénite ou l'huile d'onction dévala sur mon visage. Encore des murmures. Je fermai les yeux, passif à la situation. J'aurais aimé avoir la force de lui hurler que c'était lui, le diable, mais j'étais bien trop épuisé et ne pus que chuchoter :

— « Il montre un visage séduisant, mais son cœur fait la guerre ; sa parole est plus suave qu'un parfum, mais elle est un poignard. » (Psaume 54 :22)

Mon père ne répliqua rien et se remit en marche, me soutenant toujours. L'air frappa mon visage dès que nous franchîmes le pas de l'église. Cependant, je n'arrivais plus à ouvrir les yeux. Ma poitrine se comprima de sentir enfin de l'air frais, le soulagement s'épanouit en moi et je parvins à sourire. J'étais sorti.

Encore ce bruit de gravier sous mes pieds puis une porte qui s'ouvrait. Je fus déposé dans ce qui me semblait être la voiture. Très vite, je m'endormis.

À mon réveil, allongé sur le canapé, entouré d'un plaid ocre, j'assistai à une scène surréaliste. Mes parents se disputaient. Lorsqu'ils se rendirent compte de mon éveil, ils s'empressèrent de m'entourer et de m'inonder de questions. Que s'était-il passé durant cette semaine, pourquoi avais-je l'air si faible et comment me sentais-je ?

J'avais mal dans tout le corps, à l'extérieur comme à l'intérieur. Je tentai de comprendre l'inquiétude que je pensais déceler entre eux. Serait-il possible qu'ils n'aient pas eu connaissance du programme de Père Vincent ?

Mon silence déstabilisa ma mère, tout comme le fait que je ne parvenais pas à la regarder dans les yeux. Son regard vert glissa vers mon père, assis sur le canapé, la mine grave et les poings serrés.

J'éclatai alors, rassemblant le peu d'énergie qui me restait pour hurler ce que j'avais vécu à cause d'eux. L'absence d'hygiène, de nourriture et de présence. L'enfermement. Le silence. La nudité.

Ils clamèrent ne pas avoir eu connaissance des conditions aussi rudes de cette thérapie, toutefois, je compris qu'ils avaient été d'accord pour que je sois isolé là-bas afin de chasser le mal en moi. Ils répétèrent à plusieurs reprises qu'ils pensaient m'aider, que j'avais besoin d'aide, que je devais combattre mes démons. Ma mère évoqua qu'à partir de maintenant, tout irait mieux, que ce n'était pas ma faute si j'avais été choisi par le diable, mais je pouvais toujours lutter convenablement, avec ferveur. Que ce qui était condamnable, n'était pas le mal qui me rongeait, mais ma faiblesse à y céder.

Je compris alors.

Peu importe qu'ils aient consenti à cette thérapie de conversion ou non, ils approuvaient le principe. Ils ne m'acceptaient pas. Pour eux, je n'étais plus le fils aimant, mais le fils possédé. Voilà ce que j'étais devenu pour mes parents.

Après cette discussion, je m'échappai dans la salle de bain. Le soulagement m'envahit à l'idée de prendre une douche. Empressé, je lavai la crasse qui s'était accumulée sur mon corps depuis une semaine avant d'utiliser enfin les toilettes.

Le miroir au-dessus du lavabo me renvoya un visage creux, fatigué et marqué par la souffrance. J'avais peine à me reconnaître. J'avais davantage l'impression que l'impureté s'était infiltrée en moi depuis cette tentative de conversion. Avant, je rayonnais de bonheur. Il n'y aurait plus cette étincelle dans mes yeux.

Les habits que j'enfilai étaient propres, doux et sentaient l'odeur de chez moi, une odeur qui avait toujours été réconfortante. Encore faible, marcher me demanda beaucoup de prudence, mais mes jambes me guidèrent jusqu'à ma chambre.

Mes parents m'y attendaient silencieusement et sans un regard pour eux, je retrouvai mon lit moelleux et chaud. Pourtant, je ne me sentais pas plus en sécurité que lorsque j'étais dans cette pièce froide.

— Je t'ai préparé une assiette, si tu as faim, indiqua ma mère en posant un plateau sur mon bureau.

L'odeur fumante vola jusqu'à moi pour réveiller partiellement mon estomac. Mon ventre gronda, mais pas de faim. Après une semaine sans rien avaler, mon cerveau ne m'envoyait plus de signaux d'alerte et de faim, c'était comme s'il s'était résigné. Cependant, je savais devoir m'alimenter avant que mon corps me lâche totalement et que je m'évanouisse d'inanition, ou pire que j'en meurs !

— Ok, répondis-je simplement.

— Tu as besoin de quelque chose ? s'enquit mon père en s'approchant pour poser une main sur mon front.

Je me dégageai vivement et secouai la tête.

— D'accord, soupira-t-il en s'éloignant. Repose-toi.

Ils s'éclipsèrent aussi rapidement qu'ils étaient arrivés et je ressentis un pincement au cœur à les voir partir à nouveau. Un pincement qui venait de l'enfant en moi. L'adolescent, lui, était conscient de la gravité de leur acte. De la colère, de la tristesse, du sentiment de trahison.

Je réalisais brutalement que je venais de perdre mes parents.

Leur intolérance et leur hostilité me rendait nerveux et inquiet. Qu'adviendrait-il à présent ? Allais-je devoir subir d'autres thérapies ? D'autres séances d'exorcismes ? Que se passerait-il ? Visiblement, même s'ils n'avaient pas voulu ce traitement horrible pour moi, ils pensaient réellement que cela porterait ses fruits, que je changerais. Alors si je montrais que ce n'était pas le cas... L'idée même de retourner là-bas me donnait la nausée. Hors de question.

Peut-être avais-je besoin d'aide. J'étais toujours mineur et sous la responsabilité de mes parents, ils avaient le droit de décider pour moi, mais la maltraitance était punie, condamnable. Il me fallait trouver un soutien, une échappatoire au cas où ils décideraient de me ramener là-bas.

La nuit ne m'apporta aucun réconfort, le silence régnait atrocement et l'angoisse que j'éprouvais depuis une semaine s'obstina à m'envahir. Je constatai avec effroi que j'en avais l'habitude à présent, le malaise étant devenu un compagnon.

La solitude n'était plus physique, elle était devenue émotionnelle, psychologique. J'étais seul. Incompris. Comment palier ce fait ?

Mon ordinateur trainait toujours sur mon bureau et à cette pensée, je me levai sans réfléchir. Je l'allumai, me connectai à internet et je cherchai. Je cherchais de l'aide avidement, avec désespoir. Que quelqu'un me délivre de cette incompréhension dans laquelle je baignais. Mes recherches furent rapides, je trouvais facilement des forums, des sites d'entraides. Je cliquai, je notai des numéros, des adresses.

Je récupérai mon téléphone, posé sagement aux côtés de mon ordinateur et avisai les messages inquiets de Loïs, qui ne comprenait pas pourquoi j'imposais un silence et pourquoi je ne venais plus au lycée depuis une semaine. Cela me réchauffa le cœur qu'il se soucie de moi à ce point. Je ne savais pas quoi lui répondre, j'avais peur de lui expliquer ce qui m'était arrivé, honte de devoir déclarer que mes parents étaient aussi cruels. Alors je me laissais le temps de reprendre mes esprits avant de décider quoi révéler.

Les heures défilèrent comme j'en avais l'habitude et je patientais. Sans bruit, en silence, attendant simplement que l'aube se lève et que je puisse appeler.

Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine et je me surpris à prier pour la première fois. J'implorai Dieu d'être clément, de m'aimer et de me soutenir. Mais je savais que je n'aurais pas de réponses, que je devais être le premier instigateur de respect et de tolérance.

Je savais que je devais être le premier à m'aimer.

Lorsque la lumière naturelle s'épanouit dans ma chambre, j'en ressentis un profond soulagement. Mon petit réveil annonça huit heures du matin. Sans attendre, j'appelai un numéro. Je me confiai, je parlai, je racontai ce que je vivais. Ce que j'avais subi. Par chance, la voix à l'autre bout du fil me rassura, je n'étais pas impur. Je n'étais pas pervers, je ne méritais pas d'être traité ainsi. Je raccrochai et appelai un autre numéro, quémandeur d'autres paroles réparatrices, d'autres mots salvateurs.

Mes parents ne comprenaient pas, ils étaient ignorants et intolérants, mais cet avis leur était propre. Il ne définissait pas l'avis général. Il ne déterminait pas une vérité. Il ne devait pas m'atteindre.

Et pour chaque avis négatif que je rencontrerai dans ma vie à cause de mon identité sexuelle, je m'engageai à chercher et trouver un avis positif pour compenser. Parce que j'étais convaincu que le monde était rempli d'êtres humains aussi bons que mauvais, tel était l'équilibre de la vie. Alors je ne devais plus avoir peur, je ne devais plus douter, je ne devais plus avoir honte.

Une fois que j'eus appelé autant de numéro que possible et raccroché, je soupirai tous l'air de mes poumons. Une décision avait été prise. La peur que mes parents ressentaient à l'idée que je sois homosexuel ne m'atteindrait pas. Je n'aurais pas peur de moi parce que je n'étais pas mauvais, ni possédé.

La porte s'ouvrit tout à coup, me faisant sursauter désagréablement. Mon esprit s'égara immédiatement dans des souvenirs de ce que j'avais vécu dans la prétendue maison de Dieu. Mes parents s'approchèrent de moi et leur visage chassa les images. Le soulagement d'en être délivré se confronta à l'horrible sensation de malaise en leur présence.

— Tu dois manger, Eliott, s'inquiéta ma mère en m'apportant un autre plateau contenant un chocolat chaud, des tartines au Nutella et un jus d'orange.

En silence, j'acceptai cet ordre et me saisis de la tasse fumante. La première gorgée de mon lait au chocolat me réchauffa subtilement et mes doigts enserrèrent très fort le bol.

— Tu te sens mieux ? m'interrogea mon paternel.

Que devais-je dire ? Comment pouvait-il même penser que oui ?

— Ça ira mieux à présent, assura ma mère, le regard franc. Tu verras, tout va rentrer dans l'ordre.

Dans l'ordre. Qu'est-ce que c'était censé vouloir dire ? Un terrible pressentiment m'envahit. Quelque chose qui me broya les intestins et me donna la nausée. Je devais parler, même si j'avais peur, même si je redoutais d'y retourner, je ne pouvais pas simplement faire comme eux et nier la gravité des événements.

— Qu'est-ce qui va se passer maintenant ? osai-je demander.

— Tu vas rester à la maison encore une semaine pour te reposer et reprendre tes esprits, expliqua ma mère. J'ai appelé ton lycée pour dire que tu étais malade donc ne t'en fais pas pour ça.

— Je parle de ce que Père Vincent a fait, dis-je en grinçant des dents.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? répliqua-t-elle en fronçant les sourcils.

Une énorme boule se forma dans ma gorge, je déglutis difficilement pour la chasser et bus même une gorgée de chocolat chaud pour m'apaiser. Mon père avait l'air nerveux, il se grattait la barbe, les lèvres pincées. Contrairement à ma mère, qui avait le port de tête droit, la mine neutre et impassible. Aucune trace d'émotions chez elle.

— Il n'avait pas le droit de m'enfermer contre mon gré ! Il m'a privé de vêtements et de nourriture, exposai-je la voix brisée. C'est illégal.

— Eliott, Père Vincent pensait bien faire, il voulait t'aider, répondit-elle.

— Il a été trop loin, tu as raison, convint mon père en se rapprochant. Mais c'est fini à présent, n'y pensons plus. Tu vas aller mieux.

Le discours de ma mère me révolta. Choqué par ses propos, je restais figé, passant mon regard de cette femme qui m'avait mis au monde, mais qui cautionnait des actes de torture sur moi, et mon père qui paraissait affligé par la situation, ne la cautionnant pas et n'étant pas prêt pour autant à intervenir.

Qui conçoit ses méfaits et couvre le crime enfantera le mensonge.

- Psaume 7 :15 -

Cette petite voix soufflait doucement, mais les mots me révulsaient, tellement ils étaient appropriés. Inutile de protester. Aucun mot ne leur ferait ouvrir les yeux, ils étaient comme endoctrinés. Leurs œillères étaient énormes, infranchissables.

Je ne pris pas la peine de leur répondre. Je n'avais plus rien à leur dire. Si je n'étais plus le même fils pour eux, alors il en allait de même pour moi, ils ne seraient plus mes parents. Ils n'acceptaient pas qui j'étais et je n'acceptais pas leur intolérance.

Toutefois, j'allais devoir faire semblant. Contenir ma rage, ma tristesse et ma peur. Parce que oui, j'avais peur de mes parents et de ce qu'ils étaient encore capables de faire pour me rendre comme ils le voulaient.

Ainsi, je me murais une fois de plus dans le silence.

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