I.
C'est assez difficile d'expliquer les raisons pour lesquelles j'en suis arrivé à détester les fêtes de fin d'année.
Il y a d'abord eu la révélation du pire mensonge de mon existence, quand ma mère a dû m'avouer, au Noël de mes 9 ans, que le Père Noël n'existait pas. Je me rappelle la scène, assis sur ses genoux, le cœur en miettes et le visage ravagé par mes larmes. Je pense que son cœur à elle aussi était brisé, mais pour moi, c'était tout un monde magique qui s'effondrait. Je n'ai jamais eu de doutes... ni cru que si le vieil homme en rouge n'existait pas, je n'aurais plus de cadeaux. Au contraire, les Noël suivants ont été beaux et j'ai toujours été gâté.
Puis le temps est passé. J'ai grandi. Tout le monde autour de moi a construit sa vie alors que, personnellement, je galérais. Je galère toujours d'ailleurs...
Je passe les soirées de réveillons avec toujours la même question "Alors, quand est-ce que tu nous présentes quelqu'un Harry ?" Au-delà de la difficulté de révéler ma sexualité à certains membres de ma famille, cette question me mettait hors de moi. Pensent-ils sérieusement que cette situation me convient ? J'ai beau être indépendant et l'assumer parfaitement, moi aussi je veux vivre ma grande histoire d'amour, digne d'une comédie romantique. Et je considère qu'à 26 ans, il est temps.
Alors, voilà, finalement, je déteste les fêtes de fin d'année parce qu'elles me renvoient sans cesse aux mensonges des adultes (non je n'exagère pas !) et surtout au temps qui passe, aux personnes qui finissent par s'éloigner de moi.
Et même si j'aimerais passer les fêtes, installé sur mon canapé, à manger une pizza devant la télévision ou avec un bon bouquin, je me fais toujours violence et, chaque année, je rentre chez mes parents près de Manchester.
Cette année ne fait pas exception et je suis en train de courir sur le quai de la gare pour attraper mon train.
Je monte quelques secondes à peine avant la fermeture des portes et souffle comme un bœuf en parcourant le couloir jusqu'à trouver une place disponible. J'enlève mon bonnet, libérant mes boucles châtains, mon écharpe et ma veste avant de m'asseoir. J'en ai pour un peu plus de deux heures de trajet. Je mets mes écouteurs et m'isole dans mon monde en ouvrant l'un des romans empruntés à la bibliothèque de mon entreprise.
*
* *
Je descends du train et passe mon sac par dessus mon épaule. En remontant le quai, j'aperçois ma sœur, Gemma, emmitouflée dans son manteau, bonnet sur la tête et écharpe autour du cou. A la voir, on pourrait croire qu'il fait moins dix degrés. Elle me salue avant même que j'arrive près d'elle. Gemma est un vrai rayon de soleil. Elle est plus âgée que moi de trois ans, vit en couple. Ma mère n'attend qu'une chose, que Gemma lui annonce qu'elle est enceinte. Nous sommes très proches elle et moi, même si elle vit toujours à Manchester. Nous nous appelons plusieurs fois par semaine.
"Tu ne crois pas que tu es un peu trop couverte ? je lui demande en embrassant sa joue.
- Ils annoncent de la neige pour ce week-end !
- Tu avais le temps ! Et j'espère sincèrement qu'il ne va pas neiger. Il ne manquerait plus que ça !!!!
- Oh ! Tu commences pas avec ton air de rabat-joie, s'il te plait !!!"
Elle me bouscule un peu mais finit par m'enlacer pour me dire bonjour. Nous rejoignons sa voiture en discutant, de mon voyage, du temps qu'il fait. Des banalités.
La gare est à une vingtaine de minutes de la maison familiale. Vingt minutes pendant lesquelles Gemma me raconte les potins à savoir avant d'arriver et de retrouver nos parents.
C'est l'effervescence dans la maison. Mon père décore le sapin sous l'œil attentif de ma mère qui le dirige, les deux mains sur les hanches. Il y a une bonne odeur de petits biscuits de Noël qui flotte dans la maison. C'est sans doute la seule chose que j'aime encore : les petites douceurs, biscuits et chocolats, qu'on déguste tous ensemble à cette période.
La porte se referme derrière nous, laissant entrer un courant d'air frais dans la chaleur du salon. Ma mère se tourne et son sourire est radieux quand elle me voit. Elle s'approche, m'enlace, embrasse mes joues et glisse ses doigts dans mes cheveux.
"Ce n'est encore pas cette année que tu les auras coupés, dit-elle en soupirant légèrement.
- Bonjour Maman ! Oui j'ai fait bon voyage. Oui je vais bien, je réponds en levant les yeux au ciel, non sans embrasser doucement sa joue.
- Tu es si beau les cheveux courts mon cœur... Mais bon, tu es majeur, je ne peux rien dire !
- En effet ! Et merci de me rappeler que je suis moche les cheveux plus longs !
- J'ai pas dit ça ! Mais les laisse pas trop pousser, hein... C'est moche trop long !"
Je souffle mais ne réponds pas. Ma mère a le don de m'exaspérer en trente secondes. J'ai presque déjà envie de repartir. Mon père descend de son petit escabeau et vient me saluer. Sa main presse mon épaule, comme un soutien aux fausses réprimandes de ma mère.
"Je prépare du thé pour tout le monde ?
- Avec plaisir, répond Gemma. Michal ne devrait pas tarder à nous rejoindre."
*
* *
Gemma et Michal sont partis et après avoir donné un coup de main à ma mère pour la vaisselle, je suis monté me préparer pour la nuit. Je suis épuisé. La fin de l'année au travail a été rude et les quelques jours de vacances que j'ai pris devraient me faire du bien.
Je regarde les murs de ma chambre. Il reste quelques vestiges de mon adolescence, un ou deux posters, un cadre avec une photo de mon équipe de foot du lycée. Je prends le cliché entre mes mains, une pointe d'amertume au cœur et le range dans un tiroir du bureau.
Cette pièce est devenue celle de mon père. Son ordinateur trône désormais sur le bureau, ses CDs qu'il doit écouter pour s'isoler un peu. Je balance mon sac sur le petit canapé et me laisse tomber sur le lit.
"Je peux entrer ? demande ma mère en frappant un petit coup sur la porte qu'elle pousse légèrement.
- Bien sûr.
- Tu as besoin de quelque chose ?
- Non c'est bon, j'ai tout prévu. Merci maman.
- Tu vas bien, mon cœur ?
- Oui...
- Ah, dit-elle en soupirant, s'asseyant à mes côtés, sa main sur ma cuisse. Quand est-ce que cette mélancolie va te quitter ?
- Oh, maman, s'il te plait, ne commence pas !
- Harry, tu m'inquiètes. Tu sembles triste tout le temps. C'est de pire en pire chaque année. J'ai bien le droit de me faire du souci pour toi, non ?
- Tu n'as pas à t'inquiéter. Je vais bien. D'accord ? Tu sais que je n'aime pas cette période de l'année...
- Je ne comprends pas pourquoi. Je veux dire, tu es un adulte maintenant. Tu n'as aucune raison d'être à ce point mélancolique à cette période.
- OK ! J'ai pas de raison, je réponds en me redressant, sur la défensive. Mais il y a des humeurs qu'on ne maîtrise pas."
Je me lève, récupère ma trousse de toilette dans mon sac et sors de ma chambre.
"Harry !
- Quoi ? Je pourrais te dire tout ce qui me contrarie, tu trouverais toujours quelque chose à redire. Je ne m'explique pas cet état. Je déteste me sentir comme ça, mais j'y peux rien. J'ai perdu la magie de Noël, quand j'étais enfant et un peu plus depuis huit ans !
- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé il y a huit ans ?
- Rien, je souffle, en me reprenant. Je suis fatigué maman. Je vais allé me coucher. A demain", je lui dis en déposant un baiser sur sa joue et en m'engouffrant dans la salle de bain.
*
* *
💚 💙
❄️🎄
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top