Salomon Leulier
Judith avance dans la rue, tapant ses bottes jaune dans les tas de feuilles mortes. Dû au ruisseau de pluie qui longe la bordure de la route, elles lui collent dessus, décorant étrangement sa tenue. La jeune femme tire son manteau de printemps peu adapté à la situation ; il est lourd et gorgé, à son plus grand déplaisir.
– Jude !
Judith se retourne, déjà consciente des deux amies à qui appartiennent ses voix criant simultanément. À droite, Priscilla qui est vêtue d'un long manteau brun qui avait également prit la tasse, et est coiffée d'une longue queue de cheval. Ses cheveux blond sont désormais brun, puisque mouillés. À gauche, Solenn, la seule du trio qui avait eu l'intelligence de se vêtir d'un imperméable et de s'être équipée d'un parapluie. <<Jaune fluorescent, mais résistant» voilà une devise qu'elle s'amusait à leur rabâcher. Ses cheveux à moitié tressés en couronne retombent en boudins roux sur ses épaules.
– Qu'est-ce que tu fais !? la questionne Prescilla. C'est dangereux de marcher toute seule...
– Tu le sais bien, en plus. Renchérit Solenn en posant une main sur son avant-bras.
Judith détourne la tête, observant le muret de pierre qui emmure la rue. Des tonnes d'affiches portant le visage de Salomon Leulier le couvre, ainsi que bien d'autres visages disparus. Cet été, Salomon venait lui porter les journaux aux bas de sa porte, venait diner à la maison et lui parlait de quel cours il espérait partager avec elle. Mais il y a un mois et demi, en jour du 28 août, c'est comme s'il avait quitter la Terre sans laisser de trace. Son ami n'avait pas été le seul, il était un parmi une série d'enfants perdus qui avait débuté en mai. La toute dernière avait été Marjorie, une petite fille qui venait de fêter ses sept ans. Neuf jours maintenant qu'on la recherchait.
Plus le temps passait, laissant la ville tomber dans la noirceur qu'apportait le mois d'octobre, plus l'ambiance se faisait lugubre. Il n'y avait jamais eu un automne aussi effrayant à Litoise que celui de cette année.
– Azarias est malade, donc je suis partie sans lui. J'avais besoin de réfléchir un peu de toutes manières.
Prescilla et Solenn échangent un regard inquiet qu'elles se dépêchent d'effacer. Prescilla se remet en marche, entrelaçant ses bras avec ceux de ses deux meilleures amies. Elle remue ses sourcils avec une moue moqueuse dirigée vers Judith.
– Pas trop déçue que ton charmant voisin ne puisse pas marcher avec toi alors ?
Judith lui lance un regard blasé, bien habituée aux plaisanteries quant au petit béguin qu'elle avait un jour eu pour ce garçon.
– Garde tes yeux et tes commentaires pour Tobias, veux-tu. Le pauvre va finir par croire que tu ne veux plus de lui.
La blonde roule des yeux en ne perdant pas le sourire accroché à ses lèvres moqueuses. Tobias et elle avait traversés deux ans de couple déjà, elle doutait qu'un commentaire ou deux sur le physique d'un amis en commun, pour rigoler, puisse le déranger. Tobias lui-même avait tendance à flirter avec Azarias pour la blague.
– Et toi, Solenn, je te conseille de ne pas trop ricaner, je te rappel que tu étais folle de monsieur Labé il n'y a pas si longtemps et que je n'hésiterais pas à revenir sur le sujet.
Cela mit rapidement fin aux petits rire de la rousse qui détachait son bras de Priscilla pour passer dans le mince portique du terrain scolaire. Prescilla imite son geste et passe en seconde.
– C'est bon... je n'étais pas amoureuse de lui, je te dis ! J'ai juste dis qu'il avait un visage agréable.
– Oui, mais tu l'as dis au moins une centaine de fois en deux semaines.
– J'essayais seulement de vous convaincre, roh.
Un éclat de rire ne tarde pas davantage avant de s'émincer entre elles. Toutefois, elles se forcent à se calmer quand l'entrée de l'institut Sainte-Marie de Litoise, un nom qui faisait bien ressentir l'héritage chrétien encore encré, se dresse devant elles. La grande cours avant de l'école est parsemée d'arbres colorés et de bonnes sœurs prenant leur marche matinale. D'un geste synchronisé, le trio salut chacune d'entre elles. Lorsque le gazon sec laisse place à des dalles de ciments incrustées dans la terre, les filles se placent en une ligne simple à nouveau et traversent l'unique porte déverrouillé. La rousse essaie de convaincre ses amies de son innocence amoureuse en chuchotant férocement des arguments que Jude défait presque aussi sortis de sa bouche.
Une fois à l'intérieur, Solenn s'appuie contre la case adjacente à celle de Priscilla qui se presse de détremper ses cheveux avec une serviette de plage qu'elle garde en permanence dans un sac d'urgence. Une fois l'essorage terminé, elle prend son linge de rechange et coupe les maigres arguments de Solenn pour indiquer à ses amies qu'elle part se changer.
– Et ne m'attendez pas, je vous rejoint en classe.
Sous ses pieds, de petite flaque d'eau se forment par-dessus le plancher de bois décrépit, traçant un chemin derrière elle. Peu de temps après son passage, un concierge passe avec une vadrouille, l'air épuisé forgé en de longues cernes et des bras tremblants. Plusieurs élèves colportent des rumeurs dans son dos depuis un bon nombre d'année : "Il est puni pour avoir prié Satan", " Non, il est un enfant du diable" ou bien encore "Il aurait sacrifié des proches". Un jour, la curiosité l'avait remporté, poussant Judith à prendre tout son courage pour aller interroger le vieux monsieur.
« Ils m'ont peut-être sauvé, mais ils sont ceux qui m'ont piégé dans leurs calomnies.»
Judith avait évidement cherché à en savoir plus, mais le vieillard refusait de lui en dire plus et aucune autre piste ne s'était ouverte. Ils ? Le monsieur n'avait ni famille, ni amis, ni voisin à qui poser plus de questions ou sur qui enquêter.
L'affaire abandonnée, sa curiosité persistait sans fin.
C'est à ce moment là que l'été était arrivé et qu'un cauchemars plus grand vint capturé son intérêt. Les disparations. Qui pouvait vouloir autant d'enfants ? Et pour quoi faire ? Judith avait voulu parcourir la ville au côté de la police pendant un moment, à l'opposé de son père qui se rongeait les ongles dès qu'elle passait le pied à travers la porte.
Jude espérait seulement que tous ces enfants soient encore en vie. Les probabilités serraient son cœur de douleur si fort que, chaque soir, elle en pleurait un peu avant de s'endormir.
Quand elle dépose son étui à crayon sur son bureau, elle jette un coup d'œil au bureau devant elle en se disant que Salomon Leulier aurait dû pouvoir rentrer à l'école cinq jours par semaine, pouvoir se plaindre de se lever si tôt et échanger des collations avec elle le midi. Elle le cherche du regard sans jamais le trouver.
Quand la cloche sonne, Priscilla s'assoie en vitesse à sa gauche et sœur Gabrielle, professeur de littérature, entre dans la classe en poussant un large chariot. 25 exemplaires du nouveau testament s'y trouvaient, et l'usure de chaque sous-entendait un vécu étudiant de longue durée.
– Je paris que nos arrières grands-parents ont eu ces livres mêmes en mains, chuchota Maude qui se trouvait devant Priscilla. C'est donc cela, notre héritage ?
– Ça craint quand même, ajouta une autre fille.
Prescilla donne un faible coup de pied dans la patte de chaise de sa camarade en retenant un ricanement. Autour d'elles, les autres filles ne se retiennent pas et on entend le rire se répandre dans la classe.
- C'est le partage, la charité, jeunes pousses. Puisque ça vous amuse, nous lirons sur cela aujourd'hui.
Judith soupire discrètement, sœur Gabrielle était bien gentille, mais elle manquait clairement d'humour. Et puis la bible.. Elle la connaissait quasiment par cœur en vu de nombre de fois où elle avait dû la lire. Au primaire, à l'Église, à la maison, il lui semblait à présent que la bible était omniprésente.
Une heure quinze de lecture bien ennuyante l'attendait et, à ce moment là, Salomon Leulier faisait bien ressentir son absence.
-----
1327 mots. Publié le 23 novembre 2024.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top