Chapitre 9 : Partie 2 : Face à l'Horreur
Samedi, 5 Avril 2020
Lily Aphos tenait la main de sa maman comme s'il s'agissait d'une bouée de sauvetage, d'une corde qui la gardait hors du précipice le temps qu'elle s'y accroche... Et si jamais elle lâchait, si jamais elle osait, elle savait qu'elle s'y perdrait.
Elle se revoyait. Toute petite. Pas plus haute que trois pommes empilées. Analysant le monde avec curiosité malgré le grondement monstrueux des voitures. Sauf que cette fois, c'était différent. Cette fois, ce n'était pas de la curiosité dans son regard, mais de la terreur.
L'insouciante enfant qu'elle était auparavant n'existait plus, elle était morte depuis longtemps, et de façon beaucoup trop prématurée.
Lily savait aujourd'hui à quel point la vie pouvait se montrer odieuse.
Mais elle n'oubliait pas non plus à quel point la vie pouvait se montrer miraculeuse.
La petite famille se trouvait à présent dans la gare, et Aselum approchait d'eux, les mains dans les poches, un air grognon sur le visage.
Toute heureuse, et oubliant ce qu'ils étaient venus faire ici, la jeune femme se jeta dans ses bras — ou plutôt, elle essaya, car celui-ci la repoussa illico-presto — elle se reçu tout de même, seul signe d'affection dont Aselum était capable, quelques petites tapes sur la tête. Ainsi qu'un doigt d'honneur. Elle avait quand même essayé de lui faire un câlin.
Lily fit quelques pas en arrière avant de tirer la langue, de façon puéril, à son Miracle.
Celui-ci haussa ses sourcils avant de se tourner vers ses parents, et de leur serrer la main afin de les saluer.
— Notre train part dans quelques minutes, nous ferions bien d'y aller, avertit-il, rappelant par la même occasion les raisons de leur présence en ces lieux à son amie.
Cette dernière pâlit considérablement. Et alors qu'elle tournait la tête, elle se rendit compte de ce qu'elle avait nié jusqu'à là ; ils se trouvaient dans une gare. Pour prendre le train.
Le train.
Autour d'elle, tout devenait de plus en plus flou. Et l'air commençait à se raréfier. Elle inspirait à grandes goulées mais rien ne rentrait. Les bruits se turent. Ou s'accentuèrent. Lily ne savait pas trop. Une peur indescriptible s'emparait de ses entrailles et dévorait tout.
Des bras la serrèrent. Ceux de sa mère. Elle lui murmura des mots doux, des larmes s'échappant de ses yeux et reflétant ses supplications intérieures. Et alors que sa chaleur maternelle commençait petit à petit à enrouler l'adolescente dans un cocon, des yeux se noyèrent dans les siens.
Orageux. Et pourtant si chaleureux.
— Si tu passes l'arme à gauche, adieu le cacao et Doctor Who, tu sais ? Mais bon, fais comme tu veux, hein. C'est pas mon problème.
La situation paraissait irréaliste. Il y avait une adolescente, en pleine crise d'angoisse qui suffoquait, en larmes. Et en face d'elle, un jeune homme qui lui sortait les dernières excuses que n'importe qui d'autres auraient sortit pour persuader la victime de s'accrocher. Et qui concluait par un « c'est pas mon problème » qui en aurait fait hurler plus d'un vu la situation.
Et pourtant, aussi loufoque que cela puisse paraître, ça fit éclater Lily de rire. Un rire mêlé de ses anciens sanglots, mais un rire quand même.
La crise d'angoisse était passée.
Les parents de Lily fixèrent Aselum avec des yeux ronds. Eux qui avaient été là durant toute la vie de leur fille, qui l'avaient élevée, aimée, rassurée... N'avait jamais été aussi efficace et rapide.
Le jeune homme haussa ses épaules avant de grommeler.
— Quoi ? C'est une droguée.
Lily, qui avait réussi à reprendre ses esprits durant quelques secondes, explosa de rire à nouveau jusqu'à s'en rouler par terre. Et les passants qui s'en allaient prendre leur train regardèrent d'un œil curieux toute cette scène.
L'adolescente reprit son calme quelques minutes plus tard, essuya une larme — de rire, cette fois — avant de se tourner vers son ami.
— Je suis droguée mais t'es pas mieux... Toi t'es un elfe... Qui bouffe que de la verdure...
Elle repartit dans un fou rire incontrôlable.
Aselum, désespéré, plaça sa main sur son visage en soupirant.
— Qu'est-ce qu'elle a fumé...
Il secoua la tête, attendit que la jeune femme se calme, et quand ce fut chose faite, la tira derrière lui dans sa course effrénée. Et alors que Lily essayait de comprendre ce qui se passait, il hurla.
— Il ne reste qu'une putain de minute pour attraper notre train !
Lily faillit repartir dans un fou rire en l'entendant jurer, mais le mot « train » la refroidit instantanément.
Heureusement, Aselum courait vite. Il semblait même, aux yeux de l'adolescente, qu'il sprintait aussi vite que le son. Si rapide qu'au final, la jeune femme n'avait même pas besoin de courir... Elle planait littéralement derrière son ami. Et celui-ci évitait chaque voyageur grâce à une agilité hors pair, jusqu'à se faufiler entre deux passagers pour enfin rentrer dans le train.
Alors que Lily clignait des yeux et essayait de remettre son cerveau en place — car celui-ci n'arrivait pas a enregistrer correctement comment est-ce qu'ils étaient arrivés aussi vite dans ce wagon — Aselum retenait les portes pour laisser à ses parents le temps de monter. Le train se mit en marche. Et son ami dû tendre ses mains vers son père afin de l'aider à monter alors que sa mère sautait et se réceptionnait avec grâce.
— Eh bien, il a faillit partir sans nous mais nous avons été plus rapide ! s'exclama Lysiris Aphos avec un énorme sourire.
La mère se tourna alors vers sa fille, et la découvrit, blème, face à l'une des fenêtres du train.
Quant à Aselum, il sortit de l'une de ses poches un Uno, s'empara de la main de son amie et la tira jusqu'à l'asseoir de force sur l'un des fauteuils. Il distribua ensuite les cartes, le plus naturellement du monde, comme s'ils se trouvaient chez lui ou chez Lily et que celle-ci avait donné son accord pour jouer à ce jeu.
Ce qui n'était pas du tout le cas.
Mais voir son ami agir avec autant de naturel sortit l'adolescente de ses tourments, et elle s'empara de ses cartes, prête à jouer.
Une partie plus tard, qu'Aselum avait gagné haut la main, Lily avait oublié qu'elle se trouvait dans un train.
Ses parents les rejoignirent pour une deuxième partie, ce qui donna plus de fil à retordre à l'adolescent, mais il s'empara tout de même de la victoire de la deuxième manche.
Ils arrivèrent à la Gare Centrale de Bruxelles deux manches plus tard, que les Aphos avaient remporté grâce à une alliance fortement stratégique.
— J'ai été gentil, c'est tout. À la cinquième manche, que vous fassiez ou pas une alliance, je vais vous écraser, affirma Aselum en haussant les épaules.
Le père de Lily esquissa un sourire amusé et s'approcha de l'ami de sa fille :
— Serais-tu mauvais perdant, la Crevette ?
La Crevette en question grogna, scandalisé. Il allait sortir une réplique bien salée, mais l'adolescente le devança :
— Mais papaaaa, cria-t-elle en se jetant dans les bras de ce dernier, un énorme sourire aux lèvres ; ce n'est pas une Crevette mais un Elfe !
Et elle éclata à nouveau de rire.
De son côté, Aselum secoua la tête, dépité.
— Mais elle est vraiment folle, ma parole...
Et ils se mirent en route vers le Manneken Pies, avec le rire de la plus jeune Aphos en fond sonore.
Celle-ci eut alors une brillante idée.
Une brillante idée qui la fit sourire jusqu'aux bords des yeux.
Un sourire démoniaque qu'Aselum ne manqua pas.
Il haussa un sourcil, suspicieux.
Et détala au moment même où il vit Lily braquer ses yeux dans les siens.
Une course poursuite débuta alors, sous les sourires amusés des parents de la jeune fille.
— Alleeeeeez, l'elfe ! Rien qu'un câlin ! Un tout petit petit câlin de rien du tout !
Lily courrait aussi vite que ses jambes lui permettait, mais si sa vitesse était plutôt bonne, celle de son ami l'était d'autant plus.
— Un câlin de rien du tout ça veut dire pas de câlin, baka ! hurla Aselum par-dessus son épaule, zigzaguant entre les passants qui se demandaient ce que fichaient ces ados.
L'adolescente, même si elle savait que son ami était plus rapide qu'elle, elle ne comptait pas se laisser distancer aussi facilement. Aussi, tout en courant, elle observa ses alentours.
Des immeubles. De larges rues. De nombreuses voitures vrombissantes. Des magasins en tout genre. Et des enfants, des femmes, des hommes. Un nombre de personnes plutôt conséquent. Citoyens ou touristes, une bonne partie était au rendez-vous.
Lily esquissa un sourire diabolique. Et hurla.
— Arrêtez-le ! Arrêtez-le !
Évidemment, personne ne pouvait savoir de quoi il s'agissait réellement.
Aussi, prenant cette demande au sérieux, des hommes formèrent un barrage humain devant un Aselum abasourdie. Il ne s'attendait pas du tout à ça.
— Que faites-vous ?
Un homme d'une trentaine d'années à la barbe brune s'était avancé, sourcils froncés, l'air suspicieux. Le jeune homme recula de quelques pas, mains en l'air, plein de jurons dans sa tête adressée à une seule et unique personne : Lily.
— Ce... Ce n'est pas ce que vous croyez... C'est mon amie...
Une goutte de sueur perla sur le front d'Aselum.
En relevant la tête et en quittant le jeune homme des yeux, le trentenaire put remarquer à une centaine de mètres une adolescente, au sol,... En train de se bidonner. Fou rire total.
Il se frotta la barbe, embêté, et adressa un sourire d'excuse à l'adolescent.
— Navré... Votre amie paraît... Pleine de vie... , lâcha t'il avec hésitation.
Aselum soupira.
— Un peu trop, même...
Et il fit volte-face pour se diriger vers l'adolescente ainsi que ses parents.
Oui, Lily était pleine de vie. Peut-être un peu trop. Mais en y repensant, Aselum esquissa un sourire.
À peine quelques heures plus tôt, Lily était à deux doigts de faire une crise de panique car elle se trouvait dans un train. Mais il l'avait forcé à s'asseoir pour jouer à Uno, ce qui lui avait fait oublier tout le reste.
Elle se trouvait dehors. À des kilomètres de chez elle. Avec ses parents. Avec lui. Elle avait fait d'énormes progrès.
Et elle arrivait à sourire. À rire.
Elle était peut-être trop pleine de vie, mais en réalité, au fond de lui, Aselum devait bien l'admettre...
... Il adorait ça.
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