Chapitre 3 : Partie 3 : Sous Ombres

Morte à l'intérieur.

L'âme déchirée, l'esprit détruit.

Ainsi se trouvait une fille. L'une de celles du groupe avec lequel Lily passait ses pauses entre les différents cours.

Ses larmes creusaient sa peau pour former des douves. Son visage était défait, rougi par le chagrin. Et son corps, avachie contre la fille aux cheveux à moitiés bleus, ne la tenait plus.

Elle avait été dépouillée de sa joie pétillante et solaire.

Par un meurtre.

Celui de son meilleur ami.

La fille, le visage dans le pull de Sophiannah, la voix meurtrie, posa une question dans un murmure à peine audible ; une question qui n'était adressée à personne en particulier si ce n'était le monde dans son entièreté.
— Rik n'avait que treize ans... Il était à peine adolescent, alors pourquoi...

L'incompréhension la tenaillait. Mais la colère prit rapidement le pas. Le besoin de trouver un coupable. Et sa voix l'exprimait, d'un ton plus dur, plus puissant.
— Cette vendeuse... Pourquoi est-ce qu'elle n'a rien fait ?! Si elle avait donné l'argent, Rik serait toujours vivant !

Sophiannah fronça les sourcils puis secoua la tête. Elle ancra ses yeux dans ceux de son amie et lui répondit ;
— Non, Lisie, ce n'est pas de la faute de cette vendeuse. C'est le tueur, le fautif. Celui qui a appuyé sur la détente. Pas la vendeuse. Je suis désolée pour ce qui est arrivé à Richard, c'était quelqu'un de bien...

Lily, en retrait, préférait rester dans son mutisme.

Qu'est-ce qu'elle pourrait dire pour réconforter Lisie ? Elle n'en savait rien... Et elle préférait ne pas risquer de commettre une erreur, alors elle se taisait.

Tout ce qu'elle pût dire, c'était ces trois mots si célèbres. Des mots banals. Ceux que tout le monde utilisaient tout le temps dans des cas comme ça. Des mots impersonnels. Faciles, parce que c'était les plus célèbres.
— Toutes mes condoléances, Lisie...

La jeune fille continua de pleurer dans les bras de Sophiannah, et Lily eut un pincement au cœur.

Personne n'avait rien dit à ses paroles, et elle craignait ne pas avoir utilisé les bons mots. La bonne phrase.

Elle ne savait pas se faire des amis...
Alors comment pourrait-elle savoir comment elle était censée rassurer quelqu'un ?

***

Les jours passaient et Lisie fut absente plusieurs fois, ayant besoin de temps pour se faire à l'idée qu'elle ne reverait plus jamais son meilleur ami.

Et ce fut difficile.

Elle connaissait Richard depuis trois ans, et durant ces années, elle avait eu le temps de vivre d'innombrables aventures en sa compagnie !

Elle avait tellement de souvenirs qui lui étaient communs !

Il était son épaule quand ses larmes se trouvaient intarissables, ses bras quand elle flanchait, son appui quand elle tanguait, son oreille quand elle avait besoin de parler, sa source de joie et de bonne humeur.

Il était tellement.

Et ce tellement n'était plus.

Ce qu'elle avait était perdu à jamais.

Les jours passaient, et Lisie dû faire son deuil, petit à petit.

Après deux semaines, Sophiannah lui raconta une blague qui lui permit de rire à nouveau.

Et la jeune Aphos se contentait de rester dans l'ombre, avec un simple sourire quand Lisie laissa échapper son rire.

***

Lily se pencha sur la page blanche face à elle, réfléchissant aux mots qu'elle allait pouvoir y inscrire.

La jeune fille aimait tout autant qu'elle détestait ses séances de dédicaces. Elle appréciait voir la file devant elle qui témoignait que les gens portaient ses romans dans leur cœur, mais la partie sociale lui plaisait moins.

Qu'était-elle censée dire ?

Les personnes qui venaient la voir lui posaient quasiment chaque fois une quantité énorme de questions. À commencer par comment elle avait réussi à aller aussi loin à son âge, car ce n'était pas tout le monde qui publiait son premier roman à onze ans.

Un roman aussi bon, qui plus est.

Chaque fois, elle répondait que son passé l'avait poussée à écrire, et les gens souhaitaient toujours en savoir plus. Ce qu'elle détestait. Ce qu'elle haïssait, même.

Elle comprenait le fait qu'ils ne puissent pas savoir, qu'ils étaient simplement curieux et ne pensaient pas forcément à mal... mais si elle offrait une réponse imprécise, cela voulait bien sous-entendre qu'elle ne comptait pas en dire plus !

C'était son choix, son intimité !

Elle n'allait tout de même pas leur dire qu'elle s'était mise à écrire pour transformer ses angoisses, sa terreur, en quelque chose de plus viable pour elle ! Que ses cauchemars s'étaient apaisés depuis qu'elle écrivait !

Qui comprendrait ?

Alors qu'elle fixait cette page blanche depuis plusieurs minutes, elle releva la tête, les joues rosies. Demander le nom... Voilà qui était prioritaire, et pourtant, elle avait omis ce détail, tant ses pensées l'accaparaient...
— Désolée, balbutia-t-elle avec un air gêné, mais quel est votre nom ?

Lily osait à peine lever les yeux vers l'homme qui se tenait face à elle.

Celui-ci avait une carrure impressionnante.

Il se dégageait de lui une aura étouffante, oppressante, tel un serpent qui vous sauterait au cou afin de planter ses canines dans votre carotide.

Cette impression insidieuse poussait Lily à rester sur le qui-vive, muscles tendus et nerfs à vif. Elle n'arrivait pas à se détendre face à lui. Et ça, malgré son sourire tout ce qu'il y avait de plus chaleureux.

De plus, malgré cette atmosphère que sa présence faisait naître, son charme, lui, poussait à la confiance.

Mais c'était peut-être ça.

Le surréalisme de sa beauté poussait à la méfiance.

Ses yeux légèrement dorés et ses cheveux immaculés lui donnaient un air surnaturel que son cerveau ne pouvait accepter.

L'homme, qui devait avoir la trentaine, s'approcha d'un pas de la table devant laquelle elle se trouvait et esquissa un sourire amusé avant de lui répondre ;
— Ne t'inquiète pas, il n'y a pas eu de mal ! En ce qui concerne mon nom, tu peux mettre Ciaràn... Si tu en as besoin, je peux te l'épeler.

La jeune fille prit sa plume, trempa le bout dans un pot d'encre, puis leva sa tête vers le dénommé Ciaràn.
— Je veux bien que vous m'aidiez pour l'orthographe de votre nom, s'il vous plaît.

L'homme acquiesça et la guida, lettre par lettre, avant qu'elle ne puisse reprendre d'elle-même la suite de sa dédicace. Et une fois qu'elle eût fini, elle traça le contour d'une planète avec un anneau, puis passa aux autres exemplaires que l'inconnu avait apportés.

Il possédait chacun de ses romans, et même si elle ne se sentait pas très à l'aise en sa présence, ça la touchait beaucoup.
— Tenez, monsieur Ciaràn. Et merci beaucoup de suivre ainsi la sortie de chacun de mes romans, s'exclama-t-elle dans un sourire timide.

L'homme rassembla tous ses livres dans un sac puis ancra ses yeux dans ceux de l'adolescente, toujours avec un air amusé sur le visage.
— Pas de monsieur avec moi, jeune fille. Tu peux m'appeler simplement Ciaràn ! Ou alors, si vraiment ça ne te convient pas le tutoiement, il est préférable de dire « monsieur Dæmon » vu qu'il s'agit là de mon nom de famille !

Lily écarquilla les yeux en entendant les paroles de l'individu.

Ciaràn Dæmon.

Il s'appelait Ciaràn Dæmon.

La jeune fille secoua la tête. Elle ne devait pas s'attarder sur ce détail, ce n'était qu'un hasard si le nom de cette personne rentrait en corrélation avec son passé.

Dæmon, c'était courant.

Une fois qu'elle se fut reprise, l'adolescente hocha la tête.
— Je tâcherai de m'en souvenir, monsieur... Dæmon.

L'homme tapota doucement la tête de Lily, un sourire aux lèvres, alors que la jeune fille se figeait de surprise. Ses yeux et sa bouche grands ouverts en témoignaient.

Jamais personne n'avait touché ses cheveux en dédicace.

Déjà parce que le minimum était de demander l'autorisation avant.
Et ensuite parce que... ça ne se faisait juste pas entre deux inconnus !

Après... Elle exagérait peut-être, compte tenu de sa peur phobique des cheveux... Elle ne savait pas trop.

Et Ciaràn, avant qu'elle n'ait le temps de reprendre ses esprits, lui sortit ses dernières phrases.
— Ta plume est époustouflante pour ton âge, Lily Aphos. Je suis certain que ton père est fier de toi, en tous cas, si tu avais été ma fille, ça aurait été mon cas. J'aurais été fier et reconnaissant d'avoir un enfant pareil.

Après ces paroles, l'homme fit volte-face et disparut dans la foule avant que Lily n'ait eu le temps de redéposer pieds sur terre.

***

Bonsoir chers lecteurs et chères lectrices, j'espère que vous allez bien !

Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Que pensez-vous de la relation entre Lily et ses camarades de classe ?

Et que pensez-vous de Lily ?

Que pensez-vous de Ciaràn Dæmon ?

Avez-vous des théories ?

Merci pour votre lecture ! ^^

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