Chapitre 15 : L'Italie Écarlate

12 Avril 2021

La matinée du lundi passa à une lenteur accablante selon tous les étudiants de dernière année de Sacré-Esprit. Malgré le voyage qu'ils s'apprêtaient à débuter l'après-midi même, les enseignants avaient cru bon d'assurer les cours habituels du matin. Et les effets de cette décision se faisaient fortement ressentir dans l'ambiance générale.

Les étudiants étaient beaucoup plus dissipés et beaucoup moins attentifs et participatifs qu'à la normale. Et le professeur de mathématiques qui avait eu la brillante idée de faire passer un contrôle durant son heure de cours allait devoir investir dans des calmants tant les résultats qu'il allait corriger allaient se révéler déplorants.

Lily, quant à elle, fut d'autant plus dans les nuages durant le français mais toujours autant intéressée par la psychopédagogie et l'éducation à la communication. Son choix d'être dans une option d'agent d'éducation n'était dû qu'aux cours de psychologie dont elle bénéficiait, et dont elle raffolait.

Tout ça la passionnait.

Savoir comment les personnes pensaient, pourquoi certains agissaient de telle ou telle manière, comment se développait toute la mentalité. Elle était fascinée, alors la perspective d'être bientôt en voyage scolaire n'ébranlait en rien cette concentration.

Aselum, de son côté, regardait les professeurs défiler devant lui sans réellement les voir. Sa concentration à lui était à moins mille et au-delà. Il pensait au voyage, et à Lily. À toutes ces choses qu'ils pourraient visiter et faire ensemble. Mais surtout, il pensait à ce que cela signifiait.

Première fois que Lily partait vraiment loin, très loin, de ses parents. Si loin que le rapatriement à la maison serait quasiment infaisable si besoin il y avait. Et surtout...

Aselum continua d'observer la jeune femme qui, absorbée par le cours, ne remarqua rien. Son meilleur ami serra ses dents, la mâchoire contractée, puis reporta son attention sur le tableau.

Il allait devoir veiller sur Lily.

***

Lorsque midi sonna, quasiment tous les élèves étaient déjà debout, cartable fait. L'enseignante d'éducation à la communication avait eu bien du mal à les gérer durant les dix dernières minutes. La participation avait été tellement faible, plus bas que faible d'ailleurs, que la professeur s'était rendue à l'évidence : plus personne ne l'écoutait, ils avaient tous les yeux sur l'horloge accrochée en haut du tableau.

Lily fut la dernière à ranger ses affaires et à se lever, rejoignant un Aselum adossé au mur prêt de la porte, qui l'attendait.
- Est-ce que tu veux qu'on aille se manger une frite ? proposa le jeune homme, un sourire amical aux lèvres et des yeux doux posés sur son amie, avant de conclure ; nous avons une heure avant l'arrivée du car.

La jeune femme hocha sa tête, et tout les deux prirent la direction d'une friterie qui se trouvait à deux pas de l'école. Ils en prirent une grande portion pour deux, avec deux sauces ketchup, puis dégustèrent.

Lily, après avoir trempé un bout de sa frite dans la sauce rouge, porta l'aliment à ses lèvres.
- Je fume un cigare, t'as vu ?

Aselum esquissa un sourire en coin, avant de répondre, la malice se reflétant dans ses yeux océaniques.
- Je dirais plutôt que tu dévores du sang... Il appartient à ta dernière victime ?

Lily s'empara d'une frite dans le paquet et le jeta sur son ami.
- C'est toi le vampire !

Le jeune homme haussa un sourcil étonné.
- Je pensais que j'étais un elfe ?

Après avoir mordu dans deux trois frites, la jeune Aphos répondit avec hargne :
- Elfe, vampire, c'est pareil ! La seule différence, c'est ce qui est long. Chez l'un, ce sont ses oreilles, chez l'autre, ses canines.

Aselum s'apprêta à répliquer que ce n'était pas totalement ça, mais sa meilleure amie l'en empêcha en lui enfournant cinq frites dans la bouche.
- Et ne me dis pas qu'il y a d'autres différences, je le sais ! Laisse-moi juste te traiter de vampire si je veux, non mais !

Le jeune homme prit le temps de mastiquer et d'avaler correctement ses frites, avant de lancer, l'amusement se lisant sur tous les traits de son visage.
- Tu sais que tu es vraiment une extraterrestre, Lily ?

Alors que celle-ci s'apprêtait à l'empêcher encore une fois de parler grâce à l'attaque des frites, Aselum esquiva avec habilité.
- Il n'y a que la vérité qui blesse !

Lily sentit le rouge lui monter aux joues, et elle dévora les frites qu'elle n'avait réussi à refiler à son ami. Une fois qu'elle eut fini, elle répliqua, la tête haute.
- Je suis une extraterrestre et j'en suis fière ! Donc tu devrais être fière d'être un elfe grognon !

Aselum leva à une lenteur cinématographique son majeur, offrant ainsi à son geste le meilleur des effets. Lily pointa une frite sur lui.
- Faudrait que tu songes à te reconvertir et que tu deviennes un maître des doigts d'honneur ! Je ne suis pas certaine que ce métier existe mais, au pire, tu l'inventes ! Bon, par contre, je prendrais 80% de tes bénéfices car c'est grâce à moi que tu auras eu cette idée !

Son meilleur ami haussa ses sourcils.
- C'est une blague, hein ! rajouta précipitamment Lily, ayant peur que parler ainsi d'argent soit mal vu.

Cependant, elle fut rapidement rassurée par le ricanement d'Aselum.

Une demie-heure plus tard, après avoir terminé leurs frites et être allés chercher leurs bagages - qu'ils avaient dû déposer dans une salle prévu à cet effet avant le début des cours - les deux jeunes se retrouvèrent à attendre le car, en compagnie de tous les élèves de leur année scolaire.

Une fois que celui-ci fut arrivé, leurs bagages furent mit dans la soute, et ils purent aller se trouver des places. Lily s'assit du côté de la fenêtre et plaça entre ses pieds le sac-à-dos qu'elle avait gardé sur elle. Elle retira de celui-ci son coussin avec un dessin d'Hunter x Hunter qu'elle plaça derrière sa tête.

Aselum, pour sa part, après s'être installée, retira de son propre sac l'ordinateur qu'il avait apporté avec lui. Il plaça une prise qui permettait de brancher plusieurs écouteurs, et prépara le premier épisode de Demon Slayer. Lily et lui ayant décidé de se faire un marathon durant le trajet de plusieurs heures qui devait les mener de la Belgique à l'Italie.

Une fois que tout le monde fut dans l'habitacle, bien installé, la voix jovial de la professeure d'éducation physique fut portée par un micro :
- Alors, prêt pour l'Italiiiiiie ?

Des exclamations se firent entendre partout dans le car, des élèves qui criaient leur joie et d'autres qui scandaient en chœur :
- La musique ! La musique ! La musique !

Au devant du car, les enseignants qui les accompagnaient riaient en entendant la demande de leurs étudiants. La professeur d'éducation physique reprit, après avoir calmée son propre rire :
- Oui oui, nous allons mettre de l'ambiance, mais d'abord, laissez-moi vous donner quelques explications ! Le trajet durera quatorze heures, mais nous ferons quelques pauses durant le voyage ! Faites bien attention car une fois en Suisse, vos téléphones devront être sur le mode avion, au risque sinon d'avoir à payer des frais supplémentaires et salés ! Nous vous préviendront de toutes manières une fois que nous serons proche de cette frontière ! Je crois que j'ai tout dit...

Le silence revint quelques secondes, le temps que l'enseignante se penche vers ses collègues pour confirmer ses dires, puis reprit.
- Maintenant, place à la musique !

Et les sons vibrants et rythmés emplirent l'habitacle.

Aselum se dépêcha de brancher les écouteurs de Lily puis les siens, afin de fuir cette cacophonie de bruits divers et variés, de cette musique et de ces élèves qui se levaient pour sauter dans l'allée du car.

Et le bruit...

... S'estompa.

Les deux jeunes, écouteurs en place, mirent en route leur animé.

Un bruit de vent s'éleva, la neige crissa sous les pieds du héros, et le paysage qui se dépeignit émerveilla comme toujours les deux amis. Tout était de dessin, mais si réel à la fois.

Les arbres qui se balançaient sous le vent, la neige qui chutait, l'avancée périlleuse de Tanjiro Kamado. Tout était parfaitement dessiné, parfaitement exécuté, et le sourire jusqu'aux oreilles de Lily le montra bien.

Alors que l'épisode avançait, la jeune femme plaça sa tête, sans s'en rendre vraiment compte, sur l'épaule d'Aselum.

Et c'est ainsi que le voyage vers l'Italie commença.

***

13 Avril 2021

Après plusieurs arrêts et des heures de trajet, les élèves de dernière année de Sacré-Esprit arrivèrent à Florence.

Tous les élèves sortirent de car et en groupe, se dirigèrent vers le centre de la ville. Pour cela, ils longèrent d'abord un cours d'eau, et Lily découvrit avec curiosité quelques mystérieuses maisons en hauteur, colorées de rose et de jaune, qui penchaient vers la rivière, accrochées sans doute à d'autres bâtiments.

La jeune femme s'éxalta en voyant, de l'autre côté de la rue, un massif bâtiment de pierre, avec deux colonnes devant lui. Et gravées dans la roche, les lettres formaient un mot qu'elle adorait particulièrement « Bibliotheca »

Bien qu'elle ne sache lire ni l'italien ni le latin, voir la face visible d'une telle bibliothèque la ravissait.

Ils arrivèrent alors en vue de la grande place, et le regard de Lily brillèrent plus encore. Il n'y avait plus d'étoiles, mais des galaxies entières dans ses yeux.

Car là, au milieu de la grande place, se trouvait une authentique fontaine avec une statue de Neptune, entourée de chevaux d'un blanc rocheux.

Aselum, bien que tout aussi intéressé par tout ce qui l'entourait que son amie, s'amusait d'autant plus de voir le visage de celle-ci s'illuminer à chaque découverte.
- Mettez-vous tous devant la fontaine, nous allons faire une photo !

Aselum se plaça sur le côté, sa meilleure amie tout prêt de lui, alors que les autres élèves se trouvaient une place dans la foule qu'ils étaient.
- Un... Deux... Trois... Souriez !

Alors que l'appareil capturait chaque élève dans une image figée, le sourire de Lily se crispa sans qu'elle ne le remarque, sans même qu'elle ne sache pourquoi, mais quelque chose en elle avait résonné. Résonné et déformé son sourire.
- Lily, ça va ?

La jeune femme, surprise, regarda son meilleur ami avec étonnement avant d'hocher la tête.
- Oui, pourquoi ?

Aselum glissa l'un de ses doigts sur le visage de son amie. Celle-ci eut un basique mouvement de recul. Et se rendant compte de son geste, bafouilla.
- Désolée, je...

Le jeune homme secoua sa tête, lui signifiant par-là qu'elle n'avait pas besoin de s'excuser, avant de montrer son doigt. Légèrement scintillant au bout, signe qu'il l'avait mouillé.
- Une larme, Lily... Une larme a glissé de ton œil gauche...

Surprise, cette dernière se frotta la joue et remarqua par la même occasion qu'Aselum n'avait pas menti. Sa joue gauche était légèrement humide.
- Je... Je ne sais pas pourquoi... Peut-être que j'avais une crasse dans l'œil ?

Le jeune homme fronça ses sourcils quelques secondes, avant de hausser les épaules.
- Peut-être...

Un enseignant s'exclama alors, coupant court à leur communication.
- Bien, vous avez du temps libre jusqu'à treize heures où vous nous rejoindrez ici ! Trouvez-vous donc quelque chose pour midi ! Et restez en groupe, en duo, comme vous voulez, mais nous ne voulons voir personne seule, c'est une question de sécurité !

Tous les élèves répondirent « oui » avant de se séparer en plusieurs groupes, tel une fourmillère dans laquelle on aurait mis un gros coup de pied.

Lily et Aselum trouvèrent rapidement un restaurant italien, où Lily commanda des pâtes carbonara et Aselum une pizza hawaïenne. Les deux goutèrent le plat de l'autre avant de se régaler du leur.

Dix minutes avant 13h, ils payèrent l'addition et s'en allèrent rejoindre la grande place. Sur leur chemin, ils virent une boutique de souvenirs et Lily s'y précipita. Elle observa quelques boules à neige, avant de prendre celle dans laquelle était représentée la grande place, et donc la Fontaine de Neptune.

Aselum essaya de la lui payer, mais Lily fut plus rapide et tendit le nombre de pièces et de billets requis avant que son meilleur ami ait le temps de le faire. Pour la peine, elle se reçut un doigt d'honneur, et renvoya un tirage de langue mérité.

Une fois qu'ils eurent rejoint la grande place, une guide les attendait. Cette dernière leur fit visiter Florence, racontant les histoires et les légendes sur cette magnifique ville. Et Lily s'extasia devant un bâtiment en particulier, qu'elle reconnut directement.

Énorme. Très belle architecture. Blanc avec des parties vertes.
- C'est un des bâtiments dans Assassin's Creed !

Lily sautillait et frappait dans ses mains, comme une enfant à qui l'on annonçait qu'il était l'heure des cadeaux de Noël. Aselum ricana.
- Évidemment, nous sommes à Florence et Assassin's Creed se déroule en Florence ! Enfin, celui auquel tu joues, du moins !

***

Après la visite qui avait duré une bonne heure, les élèves étaient remontés dans le car, direction cette fois-ci leur hôtel. Ils durent tous attendre devant le bâtiment, alors que les professeurs les appelaient groupe de chambre par groupe de chambre.
- Lily ?

La jeune femme de tourna et vit sa professeur d'éducation physique lui sourire. Cette dernière, voyant qu'elle avait attiré l'attention de son élève, reprit.
- Toi et Aselum, vous pouvez me suivre.

Les deux amis se jetèrent un regard avant de suivre leur enseignante, bagages en main. Cette dernière, une fois à l'intérieur du bâtiment et en dehors du champ de vision des autres élèves, leur tendit une clé.
- Votre chambre est la 12. Il est plus facile pour nous d'organiser l'entrée des élèves en les appelant groupe de chambre par groupe de chambre, mais nous avons préféré ne pas vous appeler devant tous vos camarades. Pour éviter les questions intrusives de leur part.

Aselum hocha la tête. Lily prit la clé.
- Merci beaucoup ! répondit-elle avant de se rendre vers leur chambre avec Aselum.

Cette dernière était composée de deux lits distincts, de deux armoires modernes en bois poli, d'une petite table dans le même style, sans fioritures et d'une petite salle de bain avec douche, lavabo et toilette.

Aselum se tourna vers sa meilleure amie, l'air soucieux.
- Ça va, pour le moment ?

Lily s'affala dans le lit qui se trouvait à côté de la seule fenêtre.
- Pour le moment, oui ! J'aime bien l'Italie !

L'adolescente de seize ans se mit en position assise, avant de montrer le lit sur lequel elle était de son doigt.
- Est-ce que tu le veux ?

Aselum secoua sa tête, un sourire amusé sur les lèvres.
- Non, tu peux le prendre, ne t'en fais pas.

Il se tourna vers le lit qui restait, dos à Lily, et son sourire s'envola.

Peut-être qu'à la lumière du jour, tout allait bien. Peut-être que la joie et la découverte de l'Italie se faisaient trop puissantes pour les démons de Lily. Mais Aselum n'était pas dupe.

Il en serait totalement différent une fois la nuit tombée.

***

Lily et Aselum rejoignirent les autres élèves dans la piscine de l'hôtel. La première, après s'être mit de l'eau sur sa nuque et sur ses mains, plongea sans hésitation. Son meilleur ami la rejoignit tout de suite après.

Ils passèrent une heure dans l'eau, à barboter, à se jeter des vagues d'eau sur la tronche et à essayer de noyer l'autre. Ils sortirent ensuite, se sechèrent, allèrent se rhabiller puis souper.

Et c'est ainsi que Lily se retrouva quelques heures plus tard, allongée sur son lit, le regard rivé sur le plafond alors que le noir l'encerclait telle une prison. Une boule grossissait de plus en plus dans son ventre et dans sa gorge, et dès qu'elle tournait la tête vers la fenêtre, elle voyait une lumière au loin qui la faisait frissonner.

Elle avait beau savoir qu'il s'agissait sans aucun doute d'un lampadaire, voir cette lumière dans la nuit... L'effrayait.

Tout l'effrayait.

Lorsqu'elle entendait un bruit de pas dans le couloir, l'eau dans les tuyaux, une chasse qui se tirait, les voitures qui roulaient...

Lily serrait ses draps de toutes ses forces. Il fallait qu'elle dorme. Qu'elle oublie tout ça et qu'elle dorme. Qu'elle fasse le vide. Qu'elle se laisse aller dans les bras du sommeil.

Mais rien n'y faisait. Elle restait éveillée à cause de cette terreur qui écrasait sa poitrine.

Elle entendit alors un grattement à sa fenêtre. Elle ravala sa salive, tourna lentement sa tête, et plaça vite fait son poing dans sa bouche pour se retenir d'hurler.

Quelque chose de long grattait sa vitre.

Les larmes aux yeux, Lily tourna sa tête vers le lit où était allongé son ami.

Les grattements continuaient. Le coeur de Lily tambourinait.
- Viens, je sais que tu es morte de peur, annonça la voix d'Aselum dans un murmure, une de ses paupières s'ouvrant à moitié pour observer sa meilleure amie.

Celle-ci ne se le fit pas dire deux fois, et, les larmes aux yeux, quitta son lit pour se précipiter dans les draps de son meilleur ami. Elle s'y cacha totalement, roulé en boule, tremblante.

Aselum s'approcha d'elle, et les tremblements de son amie se calmèrent peu à peu.

Lily ferma ses yeux, et s'endormit, rassurée par la présence de son meilleur ami.

***

14 Avril 2021

Ils étaient maintenant à Siennes. Lily observait tout avec cette même curiosité caractéristique, ce même air ébahi, mais sans jamais s'éloigner d'Aselum. Sa main restait accrochée à la sienne comme une bouée en pleine mer.

Comme à Florence, ils eurent quartier libre et les deux jeunes en profitèrent pour se rendre dans une boutique de souvenirs.

Lily observait toutes les boules à neige, des étoiles dans les yeux, quand soudain la porte du magasin s'ouvrit avec une telle férocité qu'elle frappa le mur. La jeune femme sursauta et regarda la source du bruit, avant de se figer.

Des hommes munis de mitraillettes et de pistolets. Leur visage caché par une cagoule noire. L'un d'eux s'avança et s'exclama :
- Ceci est un fucking braquage !

Un rire diabolique résonna derrière lui, puis cessa. Le même homme reprit :
- Je vous conseil de donner la caisse sans faire d'histoire !

Aselum se plaça devant Lily alors que les hommes cagoulés s'avançaient. L'un d'eux resta prêt de la porte afin de condamner toute fuite. Le vendeur, tremblant, n'opposa aucune résistance. Il du cependant s'y reprendre à plusieurs fois, la clé lui échappant souvent des mains tant il était secoué.
- Dépêches-toi, espèce d'insecte faiblard !

Le vendeur balbutia une excuse, s'y reprit encore à trois fois, puis ouvrit finalement la caisse. Il en sortit des liasses et des liasses de billets, et alors qu'il plaçait tout ça dans le sac que le voleur lui tendait, un autre se dirigea vers les deux jeunes. D'un pas léger et souple, tel un prédateur, il arriva au niveau de Lily.
- Eh, les gars ! s'exclama-t-il en approchant petit à petit sa main de la jeune femme, avant de continuer ; on pourrait aussi la voler elle !

Il ne put jamais toucher à un cheveu de Lily. Aselum écartant l'adolescente de seize ans, avec un regard noir pour l'immodice face à lui.

Celui-ci éclata de rire.
- On est protecteur à ce que je vois ! Allez, donnes nous ta gonzesse, le môme !

Le môme en question lui fila un coup de pied dans la mâchoire, avant d'envoyer un autre coup sur son côté droit, l'envoyant valser auprès de ses autres camarades. Aselum prit la main de Lily et courut vers la sortie, évitant sans mal l'attaque de celui qui condamnait la sortie, pour lui retourner un coup de la tranche de sa main dans sa nuque, ce qui l'assoma directement.

Lily et Aselum coururent, jusqu'à être assez loin. Le jeune homme se retourna vers sa meilleure amie, inquiet.
- Ça va ? Tu n'as rien ?

La jeune femme, choquée, secoua sa tête mécaniquement. Aselum serra ses dents et ses poings.
- Cette pourriture...

***

Ils quittèrent Siennes plus rapidement que prévu une fois que les enseignants surent pour l'attaque. Et ils se retrouvèrent à nouveau à Florence, face à une trentaine de marches menant à un restaurant.

Le professeur de sciences avait décidé de se mettre au milieu des marches, et de faire monter les élèves duo par duo qu'il photographiait. Que ce soit des couples ou des amis, tous jouèrent le jeu avec bonne humeur.

Lily, la main serrée contre celle d'Aselum, lui jeta un coup d'œil. Toute sa confiance se tenait entre les mains de ce dernier. Elle se sentait rassurée et en sécurité à ses côtés. Bien qu'elle ait été choquée par l'attaque dans le magasin de souvenirs, elle n'était pas plus secouée que ça. Parce qu'Aselum avait été là. Et l'avait protégé. Elle allait bien. Aselum aussi. C'était tout ce qui importait. Et puis, en comparaison des autres attaques qu'elle avait subies, ce n'était rien.

Le jeune homme lui offrit un sourire réconfortant, avant de commencer, avec elle, l'ascension des marches.

L'adolescente de seize ans ne sut dire pourquoi, mais grimper ainsi les marches, avec sa main dans celle d'Aselum, la rendait toute chose. Ça lui donnait des ailes. Elle avait l'impression de marcher dans les nuages, de planer.

Elle sut alors quel effet ça faisait, de marcher sur la lune.

Et quand le professeur prit la photo, elle ne put retenir l'énorme sourire qui éclairait son visage.

***

Aujourd'hui, ils visitaient Pise.

L'une des villes que Lily était impatiente de visiter, non pas pour marcher ci et là en la touriste qu'elle était, mais pour observer la célèbre tour de Pise. Elle souhaitait analyser sa configuration, essayer de comprendre comment une telle tour pouvait exister, défier les lois de la gravité, être penché sans tomber.

Seule une architecture toute particulière pouvait permettre ça.

Aselum, à côté d'une telle impatience, semblait s'en foutre. Ses yeux océaniques rivés sur la jeune fille étaient légèrement teintés d'amusement mais sa chevelure comme de la soie noire donnait une allure grave à son visage déjà dépourvu de sourire.

Pour le jeune homme, tous ses bâtiments, même si certains se révélaient plus originaux et plus beaux que d'autres, ils restaient des bâtiments. Un empilement de matériaux que les humains avaient créé pour diverses raisons. Ce qui l'intéressait, lui, c'était le visage ravi de sa meilleure amie, ses yeux plein d'étoiles et son sourire éclatant.

Sa joie était pétillente. Son bonheur rafraîchissant.

Alors que du côté de Lily, tous ses bâtiments stimulaient ses pensées. Elle pensait à tout et à rien, et se posait de nombreuses questions.

Arrivée devant la tour en question, la jeune femme ouvrit la bouche, hébétée.
— Je pensais que ce serait plus grand... Même si c'est déjà impressionnant !

Aselum acquiesça. Selon lui, la tour était vraiment petite, et pas du tout impressionnante, mais il n'en dit rien. Il se contenta d'observer et d'écouter Lily.
— Il paraît que c'est dès la construction des premiers étages que la tour s'est mise a pencher... Ça veut dire qu'ils ont dû prendre ça en compte, revoir leurs schémas, revoir la construction de la tour pour qu'elle ne tombe pas ! Ils ont dû réfléchir énormément à tout ça et peut-être même se casser la tête !

Son meilleur ami observa quelques instants la tour avant de répondre.
— C'est certain que ça a dû demander un certain travail ! Comme pour l'Atomium, avec toutes ces bulles, ou la tour Eiffel.

Lily hocha sa tête, écarta ses bras comme si elle souhaitait présenter le monde, tourna sur elle-même et compléta :
— Tous ses édifices démontrent l'ingéniosité des humains, tout comme avec les pyramides !

Aselum esquissa un rictus.
— Si je dois me reconvertir en maître des doigts d'honneur, toi, tu dois te reconvertir en architecte.

Lily haussa un sourcil avant de vivement secouer la tête.
— Non, je n'aimerai pas être architecte. Enfin, j'aime imaginer des lieux, je ne dis pas le contraire, mais devoir tout reproduire à une certaine échelle sur un plan... Et puis, je suis nulle en dessin et en mathématiques.

Alors que son meilleur ami allait répliquer qu'en criminologie — études que souhaitaient suivre Lily après les secondaires — les statistiques foisonnaient, une onde de choc les envoya valser à quelques mètres de là.

Une fumée les aveuglait. Une tempête de poussières tournoyait autour d'eux, et s'infiltraient dans leurs narines à chaque inspiration. Sourde, l'équilibre précaire, la vision floue, Lily avait du mal à se relever et remettre son esprit en place.

Que s'était-il passé ?

Ses oreilles sifflaient. Sa respiration était difficile.

Elle discutait avec Aselum, et puis...

Une onde. Une violente onde de choc.

Pareil à une faux qui vous faucherait. Ou une immense vague qui vous renverrait vers la plage avec une puissance titanesque.

Mais cette onde, d'où...?

Lily toussa, la gorge en feu. Ses yeux lui brûlaient intensément. Elle parcourut tout de même le paysage apocalyptique du regard, jusqu'à tomber sur la source.

La source de cette onde de choc.

Ou devrait-elle dire, la source de cette explosion.

Pise.

Réduit à l'état de poussières.

Lily tenta de se relever, vacilla, la terre tourna sur ses pieds et elle chuta, fermant les yeux en attendant le choc.

Deux bras la rattrapèrent.

Elle rouvrit ses paupières, des larmes chutant de ses prunelles attaquées par la poussière. Et elle tomba sur Aselum qui plaça un doigt devant ses lèvres, afin de lui intimer de se taire, avant de lui montrer le paysage décharné.

De la fumée et de la poussières se détachèrent des silhouettes, de plus en plus visible à mesure que le ciel s'éclaircissait.

Des silhouettes portant des masques de serpent, et au milieu, contrastant totalement avec eux, un visage écarlate.

Balthazar.

Un sourire dément sur les lèvres.

Aselum serra les dents. Il n'avait que quelques secondes pour analyser la situation et trouver un moyen de fuir en s'assurant que Lily ne se perdrait pas dans la foule.

Seulement quelques secondes...

Les silhouettes s'avançaient, pas après pas, la gorge de Balthazar vibra, et un rire tonitruant en sortit.

Quelques petites secondes...

Un pas. Et encore un pas.

Aselum plaça l'un de ses bras sur le dos de sa meilleure amie, l'autre au niveau de ses jambes, et la souleva. Un pied encré sur son appuie, il se propulsa, et détala à une vitesse affolante.

Lily ferma ses yeux. Ses poings accrochés à la veste de son meilleur ami.

Elle entendit un cri déchirant. Un sifflement qui fendit l'air telle une feuille de papier.
— Venez à moi, âmes alléchantes !

Lily sentit sa gorge se serrer et la bile monter.

Cette voix...

Elle ne déchirait pas seulement l'air, mais aussi son âme. L'angoisse, telle une lame, tranchait son esprit.

Lily ne sentit même pas Aselum grimper dans le car. Toutefois, elle s'en rendit compte lorsqu'elle fut mise sur le fauteuil à côté de son meilleur ami. Et elle plaça directement sa tête sur ses genoux, ne souhaitant voir l'extérieur, ne souhaitant s'éloigner de lui.

Il était sa seule source de sécurité dans ce chaos ambiant.

***

— Au vu des récents événements, nous allons devoir mettre un terme prématuré à notre voyage rhéto...

Le professeur de science affichait une piteuse tête. La tristesse et la crainte se mélangeaient sur son visage.

Il était bien dommage d'arrêter cette semaine, prévue depuis bien longtemps, après seulement trois jours sans compter celle utilisée pour venir jusqu'en Italie. Cependant, la gravité et le danger de ce qui s'était produit déjà trois fois — vol à main armée, explosion de la tour de Pise et venue en Italie du célèbre groupe criminel dirigée par Balthazar — ne pouvait être nié.

Le professeur de science reprit, après s'être raclé la gorge.
— Vous avez une heure... Non, deux heures, pour préparer vos bagages, profiter une dernière fois de la piscine ou faire ce que vous voulez, puis revenir ici afin de souper. Vous pourrez descendre vos bagages en venant manger, car nous partirons directement après. Il est 17h, vous devrez donc être ici à 19h et nous partirons...

Il se tourna vers ses collègues, discuta à voix basse en délaissant le micro, puis le reprit afin d'annoncer.
— Nous partions d'ici au plus tard à 21h30.

Les élèves étaient pour certains remontés par cet arrêt soudain du voyage rhéto — pour eux, tant qu'ils ne revenaient pas à Pise, alors il n'y avait pas de problème. Et puis, les braquages, il n'y avait que peu de chance que des élèves s'y trouvent, alors c'était peu probable que cela se reproduise une deuxième fois — et d'autres trouvaient ça sensé, logique et avaient hâte d'être de retour chez eux.

Lily, quant à elle, était mitigée. En Belgique, le groupe de Balthazar ne s'occupait que de Bruxelles. Cette seule ville était attaquée. Alors peut-être que ce schéma se reproduisait, mais avec Pise ? Et donc, tant qu'ils n'y allaient pas... Et elle était d'accord, que des élèves de leur voyage se retrouve deux fois au milieu d'un vol armé était quasiment impossible.

D'un autre côté, pourquoi Balthazar était-il ici ? Est-ce qu'il pourrait une nouvelle fois changer de ville, et cette fois-ci s'attaquer à Florence où ils logeaient à l'hôtel ? Jusqu'où était-il capable d'aller, lui et son groupe de criminels ?

Lily réfléchissait. Et plus elle réfléchissait, plus la peur enflait dans sa gorge et son ventre.

Toutes les attaques et anomalies lui revenaient en mémoire.

Toutes les morts autour d'elle, le monstre à sa fenêtre, l'ombre au coin du lit, la main lui attrapant le pied, les objets changeant de place, la clé introuvable, la silhouette s'approchant de la tente, l'inconnu l'ayant attaché et... L'attaque dans le train, celle à la grande place, et tout le reste...

Lily se prit sa tête entre ses deux mains. Une migraine semblait vouloir trancher son front. Elle voulait rentrer chez elle. Elle ne voulait même plus réfléchir aux pour et aux contres. Elle comprenait le désarroi de ses camarades de classe, mais c'était trop dangereux. Ils ne savaient pas... Ils ne savaient pas à quel point le monde pouvait être cruel. Ils ne se doutaient pas de l'étendue que pouvait avoir le mot « souffrance ».

C'était trop dangereux de rester.
Trop dangereux.
Trop dangereux.
Trop dangereux.

Aselum serra sa main et l'amena dans son sillage, jusqu'à leur chambre. Par habitude, et par réconfort, Lily se cacha sous les couettes de son meilleur ami, tout en murmurant sa question.
— Pourquoi... Pourquoi ça me suit ?

Aselum n'eut même pas besoin de demander ce que signifiait le « ça ». Il le savait. Il le savait très bien.

Le « ça » signifiait ce que Lily définissait, auparavant, de malédiction. Et jugeait probablement encore ainsi, au fond d'elle-même. Le « ça » englobait toutes les souffrances qu'elle avait dû traverser dans sa vie. Tous les dangers. Que ça soit son passé enfouit si profond qu'elle n'arrivait plus à s'en souvenir, ce monstre qui la suivait ou les attaques perpétrées par Balthazar.

Aselum serra les poings. Serra les dents. Et du inspirer un grand coup afin de se calmer. Il s'approcha de la silhouette cachée de sa meilleure amie, et posa sa main sur ce qu'il devinait être son dos.
— Je te promets, Lily, que je serais toujours là pour toi. Quoi qu'il arrive.

Lily et Aselum firent leurs bagages dans le silence, stressée et dans ses pensées pour la première, calme pour le second.

Ils mangèrent ainsi, dans le silence total, écoutant simplement les bavardages alentour, les plaintes comme les soupirs de soulagement.

Et puis vint l'heure du départ. Aselum dut soutenir Lily qui s'endormait, et l'amener jusqu'à à un fauteuil, avant que celle-ci ne plonge pour de bon dans les limbes du sommeil. Son meilleur ami resta prêt d'elle et réveillé, veillant sur Lily.

La jeune femme se réveilla quelques heures plus tard, et tomba dans les yeux océaniques d'Aselum. Des océans calmes et paisibles.
— On arrive dans quelques instants, murmura-t-il avec un petit sourire, sachant que cette information allait plaire à sa meilleure amie.

Cette dernière hocha sa tête, tout le bonheur se lisant dans ses yeux et son visage, avant d'observer le dehors grâce à la vitre prêt de laquelle elle était assise.

Elle allait enfin rentrer chez elle.

Dans la sécurité.
Dans la chaleur de son foyer.
Dans le réconfort des bras de ses parents.

Chez elle.
Auprès de Toupie.
Auprès de Capus.

Lily serra doucement la main d'Aselum.

Chez elle, mais toujours accompagné de son Miracle.

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