Chapitre 11 : Partie 2 : Réflexions
Lily se réveilla en sursaut.
Cette voix...
Cette voix dénuée d'émotions et de vie...
Cette voix vide de sens, neutre et atone...
Cette voix qui pourtant la rassurait et glissait sur sa peau tels des bras fraternels...
Lily serra ses draps de toutes ses forces, ses dents serrées alors que des larmes coulaient sur ses joues.
Elle avait beau savoir qu'elle lui était familière, ses souvenirs embrumés l'empêchaient de la relier à une personne. Elle savait que cette voix appartenait à ce visage, mais celui-ci était toujours aussi flou que quand elle en avait parlé à son psychologue.
Ça ne lui servait donc à rien.
Lily n'avait qu'un seul indice concernant son passé et cette mystérieuse personne, qu'une seule chose à laquelle se raccrocher, et c'était cette voix.
Cette voix qu'elle ne cessait d'entendre dans ses rêves, depuis qu'elle avait croisé le regard du chef du groupe criminel le plus réputé de Bruxelles, Balthazar...
Depuis qu'elle avait croisé ce visage écarlate...
Lily ferma ses yeux, inspira un bon coup et plaque brusquement ses mains sur sa bouche ainsi que son nez, une grimace déformant son visage.
L'odeur infecte de l'accident qu'elle avait eu cette nuit se remémorait à elle telle une bombe.
Elle se releva à la hâte et couru vers sa salle de bain dont elle claqua la porte derrière elle. Et d'un pas plus lent, elle se dirigea vers la baignoire, ouvrit le robinet du côté de l'eau chaude, et en profita pour en faire de même avec la fenêtre qui se trouvait juste au-dessus de la baignoire.
Lily put ainsi inspirer une grande bouffée d'air avant de se dénuder, et de se glisser dans l'eau chaude et parfumée de son bain.
Elle posa sa tête en arrière, et se laissa aller à ses réflexions et ses souvenirs qui pullulaient dans son esprit.
Quand elle s'était réveillée, après ce fameux jour à la grande place de Bruxelles, elle s'était retrouvée dans une chambre d'hôpital. Sa mère, en pleure, s'était excusée un nombre incalculable de fois, croyant que ce qui était arrivé était de sa faute. Si elle n'avait pas poussé sa fille à sortir et prendre le train, rien de tout ça ne serait arrivé.
Lily, retenant ses larmes tant bien que mal, avait essayé en vain de lui faire comprendre qu'elle n'était pas fautive. Le seul fautif était Balthazar. Balthazar et son groupe de criminels. Mais sa mère n'avait rien voulu entendre, et son père avait dû la sortir pour que la jeune fille puisse à nouveau respirer. Et pleurer un bon coup, sans avoir peur de le faire devant sa mère.
Elle avait alors remarqué Aselum, adossé à un mur. Leur regard s'était croisé. Il s'était rapproché, s'était assit sur le lit, à côté d'elle, et lui avait prit sa main entre ses deux paumes. Et les yeux dans les yeux, il s'était excusé. Excusé de lui avoir lâché la main. De ne pas avoir réussi à la rejoindre plus tôt. De l'avoir laissé seule. Seule avec...
Lily posa ses paumes sur ses paupières, fatiguée.
Elle était fatiguée. Fatiguée par tout ce qui lui arrivait. Fatiguée de ne rien comprendre. Où allait-elle ? Qu'est-ce qui lui arrivait ? Qu'est-ce qu'elle devenait ?
Ce monstre, qu'elle sentait toujours autant, la suivait depuis son enfance. Sans jamais qu'elle n'arrive à le voir. Juste une ombre fugace... Une main sur son pied ou des doigts autour de sa gorge... D'étranges colis... Tout ces morts autour d'elle...
Qui était-il ? Que lui voulait-il ?
Étaient-ce juste de nombreuses coïncidences ? Une malédiction comme elle le pensait ? Des symptômes de sa schizophrénie ?
Non. Non, c'était impossible. Elle avait les colis. Les colis prouvaient que tout était réel. Et puis... Et puis, elle avait senti ses mains... Et ses doigts... Elle les avait senti.
Et ce Balthazar... Ses souvenirs flous...
Était-ce lié ?
Lily ouvrit ses yeux et pencha sa tête vers sa fenêtre. Le ciel était beau. Sans nuages. Ensoleillé.
Lily secoua sa tête. Elle devait arrêter de penser. Elle devait éteindre ses soucis. Elle devait se concentrer sur ce qu'elle savait.
Elle avait fini sa scolarité chez elle, sans trop de mal. Elle s'était même énormément avancé, terminant le programme de l'année prochaine et s'avançant sur celui d'encore après.
Et Aselum était là pour répondre à ses questions quand elle ne comprenait pas quelque chose, et la sortir de chez elle quand elle devenait trop une cromagnon à son goût.
Lily esquissa un sourire. Elle aimait bien Aselum.
Il avait suffit d'une rencontre à l'école, et d'un miracle.
Et depuis ce jour, Aselum se tenait à ses côtés, en tous temps.
D'ailleurs, ce fut la pensée de le revoir pour la remise des bulletins qui la sortit de ses réflexions et de l'eau.
Elle finirait bien par comprendre, de toutes manières.
Comprendre à quoi rimait sa vie.
Lily se leva, propre et détendue, et sortit de l'eau en grelottant au contact froid de l'air. Elle s'empara vite fait de son peignoir et s'en recouvrit, avant de regagner sa chambre.
Lily se pinça le nez afin de ne pas respirer la puanteur de la pièce, et se dirigea en premier lieu vers la fenêtre qui faisait face à son lit. Elle l'ouvrit en grand avant de prendre son courage à deux mains pour aller défaire ses draps et les remplacer par des propres.
L'adolescente de quinze ans se vêtit ensuite d'une robe d'été aux dessins de planètes et d'étoiles, puis descendit afin de manger. Un coup d'œil à l'horloge lui permit de savoir qu'il était midi passé, mais loin de s'en formaliser, Lily prépare son petit-déjeuner habituel : porridge au chocolat et comme boisson, du cacao.
Rien de mieux n'existait pour commencer la journée.
Elle jeta une œillade vers son chien et son chat. Ils se battaient, mais gentiment. Pour eux deux, ce n'était qu'un jeu. Et Lily trouvait ça mignon.
Capus avait beau être un chat, il rivalisait avec Toupie. Il sautait par-dessus la chienne, comme des enfants le feraient en jouant à saute mouton.
Une fois terminé son petit-déjeuner tardif, elle rangea ce qu'elle avait utilisé et sortit dehors.
Aselum l'attendait, là, au pas de sa porte.
— Prête à découvrir que je suis meilleur que toi à l'école, la mioche ? lança celui-ci avec un sourire narquois sur les lèvres.
Lily lui offrit un sourire. Un sourire démoniaque.
— Ne rêve pas trop, l'Elfe !
L'Elfe en question lui offrit un sublime doigt d'honneur pour toute réponse. Et après lui avoir tiré la langue, la jeune femme le regarda d'un air implorant en papillonnant des yeux.
— Tu sais, Aselum, j'ai vraiment très peur pour mes notes... Vraiment très très... Et je me disais, tu sais, pour me rassurer...
Sentant l'arnaque arrivée, le jeune homme de dix-sept ans se recula. Qu'allait lui sortir ce démon ? Un câlin... Elle allait sans aucun doute demander un câlin ! Si elle pensait réussir à l'amadouer avec ses yeux de chien battu... Elle se mettait le doigt dans l'œil !
Lily s'approcha un peu, cligna des yeux plusieurs fois, et posa la question fatidique.
— Est-ce que je peux te faire un câlin ?
La réponse d'Aselum ne souffrit d'aucune hésitation, elle fusa dans l'air à la vitesse de la foudre.
— Non !
Lily lui tira une nouvelle fois la langue.
— C'est de la non-assistance à demoiselle en détresse !
Le jeune homme leva les yeux au ciel.
— C'est vrai que tu risques de mourir si tu n'as pas de câlin !
Lily appuya ses paroles en hochant vigoureusement la tête. Malheureusement pour elle, cela ne changea rien à la décision irrévocable d'Aselum.
Mais un jour, elle y arriverait.
Son câlin, elle allait l'avoir !
Peut-être pas aujourd'hui... Mais un jour !
Sur ce, ils se mirent en route pour leur école, où la mère d'Aselum et le père de Lily allaient les rejoindre, tout d'eux n'ayant pu se libérer de leur travail qu'à l'heure du rendez-vous scolaire de leur enfant respectif.
Une fois arrivée, l'adolescente de quinze ans se jeta dans les bras de son père, et un faux air triste sur le visage, lui expliqua comment Aselum avait encore refusé de lui faire un câlin. Et qu'elle était tellement malheureuse de ne pas pouvoir faire un câlin à son meilleur ami !
Aselum, pour sa part, s'était contenté d'une poignée de mains avec sa mère. Et en entendant les paroles de son amie, il lui offrit un énième doigt d'honneur, sans se préoccuper de sa mère qui le rabroua pour son geste.
— Non mais c'est un elfe, faut l'excuser, il ne connaît pas les coutumes humaines ! s'exclama Lily, avec un sourire machiavélique.
La mère de l'elfe esquissa un léger sourire et empêcha son fils de lever une nouvelle fois son majeur. Le père de Lily mit fin au câlin avec cette dernière, puis s'adressa à Aselum ainsi que sa mère.
— Je vais y aller avec Lily, mais j'aimerais savoir si votre fils pourrait venir chez nous un de ces jours ? Je suis certain que ça lui plairait à lui et à Lily, de pouvoir fêter la fin de l'année scolaire ensemble.
Aselum hocha sa tête quand sa mère posa un regard sur lui, et cette dernière accepta quelques secondes plus tard. C'est ainsi que les quatre se séparèrent, avec la promesse de se retrouver pour les deux plus jeunes.
***
Lily regarda le prof avec les yeux ronds, pas certaine d'avoir bien compris ce qu'il venait de dire. Et comme s'il lisait dans ses pensées, celui-ci répéta :
— Aselum m'a fait part de l'avancée que vous avez prise sur le programme scolaire des deux années qui arrivent. Alors, en discutant avec les autres professeurs, nous avons décidé, si toi et tes parents êtes d'accord, de te faire passer plusieurs examens. Pour déterminer ton niveau et, en fonction, te faire sauter une ou plusieurs classes.
Lily se tourna brusquement vers son père, avant qu'une pensée ne jaillisse comme un bulldozer dans son esprit et qu'elle se retourne à nouveau vers son prof.
— Attendez. Je suis en troisième année, enfin, je termine ma troisième année, et Aselum sa cinquième ! Mais si je suis votre raisonnement, ça voudrait dire qu'en fonction de mes résultats à vos examens, je pourrais être dans la même année que lui ?
L'enseignant eut un sourire en coin, s'attendant manifestement à cette pensée de la part de son élève. Son amitié avec Aselum ne faisait plus aucun doute pour le corps enseignant, et ça en avait surprit plus d'un. Vu le caractère plutôt distant du meilleur élève de cinquième année, personne ne se serait douté qu'il devienne amie avec une troisième année. Et pourtant...
Le professeur acquiesça, et en voyant le regard plein d'étoiles de son élève, croisa les doigts pour qu'elle puisse être dans la même année que son meilleur ami.
Le père de Lily, aussi choqué que cette dernière, secoua sa tête afin de se reprendre. Il jeta un sourire vers sa fille avant de répondre au professeur.
— Je vais en discuter avec ma femme, mais je ne vois pas de raison de refuser ! Lily n'a pas vraiment d'attaches dans son année et a la maturité suffisante pour être avec des élèves un peu plus âgé qu'elle. Donc personnellement, je suis d'accord pour qu'elle passe ces examens. Quand est-ce que ces derniers se dérouleront-ils ?
L'enseignant posa son regard sur l'une des feuilles posée sur son bureau, puis annonça.
— Dès après-demain, si c'est possible pour vous.
Le père et la fille hochèrent la tête.
***
2 Juillet 2020
Lily, allongée sur le canapé, attendait en lisant l'un de ses mangas.
Trois jours durant, elle s'était rendue à l'école afin de passer des examens, toujours accompagnée d'Aselum qui la rassurait. Pour lui, ça ne faisait aucun doute qu'elle avait le niveau suffisant pour être dans la même année que lui.
Et le 29 juin, son professeur lui avait dit qu'elle recevrait une réponse par la poste, normalement le 2 juillet, quant à l'année dans laquelle elle serait l'année prochaine.
Alors elle attendait.
Lorsqu'elle entendit la sonnerie, elle sauta du divan et fonça pour ouvrir à la personne qui se trouvait derrière la porte.
Le facteur.
Ce dernier recula, surpris, avant de tendre une enveloppe. L'adolescente s'en empara, remercia l'homme, referma la porte, et alla s'affaler sur le canapé.
Stressée, elle ouvrit fébrilement l'enveloppe, son chat s'installant confortablement sur ses genoux.
Elle inspira profondément.
« Nous avons déterminé que votre niveau est suffisant pour vous faire directement passer en sixième année.
Lucas Nell, directeur de l'Institut Sacré-Esprit »
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