Chapitre 10 : La Démence du Démon

Balthazar

Le silence planait sur les lieux délaissés par la population et les touristes. Mais cette accalmie fut rapidement rompu.

Les sirènes de police hurlèrent partout sur la grande place de Bruxelles et des attroupements militaires se formaient en des endroits stratégiques. La moindre sortie était rendue inaccessible, ce qui rendait toute fuite impossible.

Balthazar et ses subalternes se retrouvaient au centre, tenu en joue par les fusils d'assauts et les pistolets.

À première vue, l'opération militaire semblait être une réussite.

Le chef du groupe criminel le plus réputé explosa d'un rire sonore, un rire qui fila la chair de poule à toutes les personnes aux alentours, même à ses Pions. Il plissa ses paupières teint de rouge, comme tout le reste de son visage, et questionna les forces de l'ordre d'une voix déçue.
— Ccccc'est... Tout ?

Il inclina sa tête sur sa droite, avant d'écarquiller ses yeux. Ses iris fendues grossirent, prirent toute la place de ses orbites, ce qui donnait à son regard écarlate un air encore plus dément.
— Shhhhh... Vous n'êtes déccccccidément... Vraiment pas... À la hauteur... Primates !

Les policiers et militaires gardaient leur sang froid ainsi que leur position malgré les paroles du fou allié qu'ils avaient devant eux. Et il ne suffit que d'une seconde. Une unique seconde.

Ils virent la main de Balthazar. Une main aux doigts fins, allongés, aux ongles pointues manucurés et mauves. Des doigts qui s'enroulaient gracilement autour d'un minuscule dispositif noir.

Un jeune policier le remarqua, écarquilla les yeux de terreur, et hurla :
— Sa m...

L'explosion balaya tous les bâtiments autour de la grande place. Les mots du policier moururent dans son dernier souffle. Et des forces de l'ordre ne resta que poussière.

Un rire s'éleva.

Un rire froid.

Un rire sans âme.

***

— L'opération s'est déroulée exactement comme vous le souhaitiez, mon Seigneur. Nous avons fait exploser le Manneken Pies et les bâtiments de la grande place. Il n'y a pas eu de survivants du côté des forces de l'ordre, et, comme vous le vouliez, il n'y a eu aucun mort du côté des civils. Ce qui est un ordre incompréhensible, si vous me permettez de donner mon avis...

Après son débrief que son chef connaissait déjà à moitié, ayant été sur les lieux avec eux, le subalterne se leva tout en gardant son regard sur le sol. Il était déconseillé de croiser le regard du Seigneur en tant que simple Pion. Tout le monde le savait.

Balthazar regardait cet insecte à ces pieds. Cet insecte qui osait lui sortir que tout s'était très bien déroulé.

Ce n'était pas le cas.

Lui, comme le reste de ses semblables, auraient échoués s'il n'avait pas été là. Et les conséquences en auraient été gravissime. Sa fureur n'aurait su être contrôlé si pareil bêtise avait été commise. Heureusement, il avait été là.

Il avait pu agir avant qu'il ne soit trop tard.

Balthazar esquissa un grand sourire.
— Effectivement, tout sssss'est déroulé sssssselon les plans. Féliccccccitations. Félicccccitations à tousssss. Félicccccitations ssssssurtout à ccccccelui qui a fait écrouler le bâtiment dix minutes avant les autres. Qui était-cccccce, d'ailleurs ? Que je le félicccccite comme il sssssse doit !

Ses Pions se regardèrent et chuchotèrent. Ils étaient tous attablés autour d'une table de verre, aux pieds de verre, et le sol sous leurs pieds était du même matériau. Le tout était relié et faisait office de vivarium. Et celui-ci renfermait des mamba noir, des cobra royaux, des boa constrictor et même quelques lézards et caméléons.

L'un de ses subalternes leva sa main. Tout sourire d'être ainsi félicité par son Seigneur et Maître. Celui-ci, d'ailleurs, se leva de son trône dans lequel dormait un python, et s'approcha du Pion en question.

Et sans que personne ne puisse le voir venir, il déchira sa carotide avec son index et son majeur, tel deux crocs reptilien. Son sang éclaboussa autant son visage que son sourire, et Balthazar se retourna pour faire face à ses fidèles.
— Ccccce bâtiment a failli ssssss'écrouler sssssssur moi.

Il fit le tour de la table et s'approcha du Pion qui lui avait fait le debrief de l'opération, celui-ci n'avait toujours pas regagné sa place et restait debout derrière sa chaise. En voyant son Seigneur et Maître s'approcher de lui, tout son corps se mit à trembler. Il voyait sa vie défiler devant ses yeux.

Balthazar posa sa main sur son cuir chevelu. Ses ongles pénétrèrent de quelques millimètres seulement dans sa peau, alors qu'un énorme sourire restait épinglé sur son visage.
— Alors la prochaine fois que tu feras ton debrief, n'oublie pas de mentionner ausssssssi ccccce qui n'a pas été, que tes camarades ssssssachent ccccce qu'ils devront améliorer ssssss'ils ne veulent pas finir en pâtée pour ssssssserpents. Sssssuis-je clair ?

Tout pâle, le subordonné acquiesça, se mordant la langue pour ne pas gémir de douleur.

Balthazar retira ses ongles. Tapota sa tête comme un maître le ferait à son chien. Et il alla se rasseoir sur son trône.
— Maintenant que ccccceccccci a été mit au clair... Fou ! As-tu quelque chosssssse pour moi ?

Dans un coin de l'immense salle de verre, une silhouette accroupie refermait l'une des portes du vivarium après y avoir replacé un mamba noir, qui pourtant revêtait des écailles blanches contrairement à ce qu'indiquait son nom. La silhouette se releva, et se dirigea vers son Seigneur et Maître, une farde entre ses mains.
— J'ai les photos que vous m'avez demandé, mon Seigneur. Je vous en fournirai d'autres dès que possible.

Balthazar s'empara de la farde et l'ouvrit. Il observa les photos une à une, s'attarda parfois sur l'une d'elle, puis hocha la tête. Le Fou avait su remplir son rôle. Balthazar releva sa tête et observa l'assemblé de piètres Pions face à lui.
— Heureusssssement que j'ai sssssous mes ordres des Pièces comme mon Fou, qui eux, ssssavent remplir leurs misssssions...

Leur Seigneur les regarda à tour de rôle, avant que sa folie ne s'approfondisse dans son regard.
— J'ai besssoin d'un exemple. N'est-ccce pas, Chevalier ?

Dans un autre coin de la pièce, une silhouette était adossé au mur. Et son sourire sadique rivalisait presque avec celui de son Maître. Il s'avança vers son Seigneur, s'inclina, puis releva un visage dont les yeux suintaient le danger.
— Un exemple serait parfait, Maître... Si vous me permettez de vous donner mon avis sur la question, je propose que l'exemple soit le Fou.

Quelques soupirs de soulagement se firent entendre dans l'assemblée, alors que le Fou et le Chevalier s'observaient en chiens de faïence.

Balthazar lâcha un rire digne de films d'horreur, avant de secouer sa tête.
— Fou, Chevalier, Tour, vous m'êtes trop utiles pour ccce genre de sssituation. Non. Il me faut un exemple auxquels ces misssérables insssectes sss'identifient. Alors pourquoi pas... Toi...

Le Seigneur pointa de son index celui qui avait fait, un peu plus tôt, le debrief. Et celui-ci vit une deuxième fois sa vie se jouer devant ses yeux.

Il allait servir d'exemple.

Tout le monde le savait.

Servir d'exemple engendrait un traumatisme insurmontable.

Et alors qu'il était prêt à protester, à argumenter, il se sentit tomber dans un état second. Ses yeux se voilèrent. Il se leva. Il alla se mettre devant son Seigneur et Maître. Devant l'assemblée.

Il ne voulait pas. Sa conscience se débattait comme un renard en cage. Mais le serpent qui lui faisait face était bien trop puissant. Il ne fit qu'une bouchée du renard.

Sa conscience perdit. Il était sous l'emprise de Balthazar. Et il ne pouvait s'en défaire.

Devant tous les Pions, il approcha l'une de ses mains de son autre bras. Et tira. De toutes ses forces. Jusqu'à l'arracher.

Le Chevalier éclata de rire, de même pour Balthazar.
Le Fou resta de marbre.
Les Pions se retenaient de fuir.
Car ils savaient.
Ils savaient que fuir signeraient leur arrêt de mort.
Et ils devaient s'habituer.
Ce n'était pas la première fois que ça arrivait.
Et certainement pas la dernière.
Ils devaient s'habituer.

Le Pion qui servait d'exemple ne s'arrêta pas là. Avec sa main restante, il approcha ses doigts de l'un de ses orbites... Et arracha son œil. Ensuite, il arracha son oreille gauche. Puis se précipita vers un Pion, celui le plus proche, et arracha sa jugulaire.

Puis, autant l'exemple que le Pion qui servait de dommage collatéral s'écroulèrent.

L'un, mort.
L'autre, vivant.

Balthazar esquissa un énorme sourire, puis fit un signe de main en direction du Chevalier avant de pointer le survivant.
— Amènes-le au laboratoire, qu'il ssse reconssstruissse.

Il se tourna vers les autres. Ils tentaient de rester de marbre comme le Fou, mais la plupart échouait. Leur pâleur l'attestait. Balthazar reprit la parole d'une voix neutre, toujours avec le même sourire.
— Vous avez l'exemple. Pour la peine, vous allez tousssss faire trois heures d'entraînement ! Ssssi j'en vois un qui croit pouvoir sssssse la couler douce... Shhh...

Balthazar ne rajouta rien, mais au vu de son sourire machiavélique, tous comprirent le message. Si l'un d'eux restait à la traîne, il ne verrait plus le soleil se lever.

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