Chapitre 2-2
Ce n'est pas Miss Teigne ! Enfin, si. Ou presque.
Je ne sais pas si elle a eu un déclic ou si c'est le site de rencontres qui lui a remis les idées en place, mais Samantha a troqué ses vieilles fringues pour une petite robe rouge qui lui arrive au-dessus des genoux. Ses jambes, qu'elle a longues et fines, sont mises en valeur par un voile transparent à l'effet bronzant. Quant à ses cheveux, elle s'est décidée à les libérer et ils retombent en boucles épaisses sur ses épaules. Lorsqu'elle se tourne vers le couloir, comme pour vérifier qu'elle ne croiserait personne, je remarque qu'elle a également fait un effort au niveau du maquillage et le résultat est plus que convaincant. Elle est à tomber.
Samantha lève brusquement les yeux vers ma porte, et je me retiens de respirer. Est-ce qu'à tout hasard, elle m'a entendu ? Je reste figé, dans l'attente qu'elle s'éloigne au plus vite. Ce qu'elle fait, la seconde suivante. J'entends ses talons résonner dans le couloir tandis qu'elle se rapproche de la cage d'escalier. S'il y a bien une chose que nous avons en commun, c'est notre hantise des ascenseurs.
Pour ma part, je n'ai aucun problème de claustrophobie, c'est juste que je n'ai pas vraiment confiance en ces trucs. L'idée de me retrouver coincé pendant des heures ou de savoir que la cabine est juste reliée par des câbles au-dessus d'un vide de quatre étages n'a pas le don de m'exciter.
Je me demande bien quelle est la raison de Samantha.
N'empêche, je serais vraiment curieux de savoir pour qui elle s'est faite aussi belle.
Suis-la, m'aurait dit Mickey. N'importe quoi ! Je ne vais pas filer ma voisine dans les rues de Paris pour voir la tête qu'à son prétendant. Ou comment elle s'en sort. Ou encore, si elle a toutes ses chances avec le type en question. Et puis, ce n'est pas mon problème après tout. C'est une grande fille.
Menteur, tu veux savoir. Bouge-toi le cul pendant que tu peux encore la suivre !
Non. J'ai un rendez-vous qui m'attend. Je dois aller me préparer.
N'importe quoi ! Tu meurs d'envie de lui filer le train !
C'est vrai. C'est plus fort que moi, la curiosité est trop grande. Je me traite d'idiot avant d'attraper mon blouson et mon casque. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je franchis la porte d'entrée de l'immeuble.
Je ralentis aussitôt le pas. Samantha est en train de déverrouiller l'antivol qui entrave l'une des roues de son scooter. Ma moto – une sportive — est garée juste à côté. Je patiente tranquillement en faisant mine d'ouvrir ma boîte aux lettres. Elle ne m'a pas aperçu.
Dès que la voie est libre, je saute sur ma bécane et me glisse à mon tour dans la circulation. Je fais attention à ne pas rouler plus vite qu'elle, ce qui est assez difficile : elle est du genre à respecter la vitesse, voire à rouler un peu en dessous. Je ne suis pas vraiment étonné d'entendre une voiture la klaxonner lorsqu'elle s'arrête à un feu orange. Le chauffard ouvre sa fenêtre et les insultes pleuvent. Elle fait la sourde oreille durant tout le laps de temps que dure le feu rouge. Je bous intérieurement ; je suis à deux doigts d'aller éclater le nez de ce con. Mais je ne veux pas qu'elle me voie.
Quand on redémarre, je la suis pendant moins d'une dizaine de minutes, avant qu'elle ne ralentisse et se gare devant une brasserie. Je ralentis pour m'arrêter devant la devanture d'un fleuriste, juste en face.
Elle est anxieuse. C'en est presque drôle. Je ne pense pas me tromper en soupçonnant qu'il s'agit d'un premier rendez-vous après sa longue période du désert. Y'a de quoi flipper, en effet. Un sourire au coin des lèvres, je l'observe s'inspecter de la tête aux pieds. Elle arrange sa coiffure, lisse sa robe, avant de vérifier l'heure à sa montre. Puis, d'un pas déterminé, elle rentre dans le bâtiment.
Je profite que la circulation est interrompue pour me glisser entre les véhicules et faire de même.
Une musique brève annonce mon entrée.
La brasserie est bondée. La plupart des clients sont des salariés venus décompresser après leurs journées de travail. Il y a quelques groupes d'étudiants. Contrairement aux premiers, ils rient et discutent plus forts que les autres, comme s'ils souhaitaient que toute la cantonade s'intéresse à eux.
J'avise un tabouret encore vide près du comptoir et j'en prends possession.
Presque immédiatement, le barman m'interpelle. Je commande la première boisson non alcoolisée que je lis sur l'ardoise au-dessus de sa tête. J'ai besoin de tous mes neurones pour évaluer la situation.
Moins de trente secondes plus tard, le verre est sous mon nez. Je le sirote tout en cherchant des yeux ma cible.
Samantha est assise à une table, contre la vitrine. J'ai tout le loisir d'observer ses réactions et celle de son compagnon.
C'est un homme. Il a la trentaine et des sourcils broussailleux, qui forment une vague au-dessus de ses yeux presque noirs. Il porte une barbe fournie, qui est très à la mode en ce moment. Il a tout du mafieux des vieux films, avec ses cheveux gominés en arrière et sa grimace sur ses lèvres. Manquerait plus qu'il est un accent de merde.
Ne me dites pas que c'est ce genre de type qui l'excite ?
Quoi que... À y bien y regarder, Samantha est mal à l'aise. Elle parle en évitant soigneusement de le regarder. J'ignore ce qu'elle lui dit, mais ses mots ne sont pas ceux qu'il veut entendre. Même avec la distance qui me sépare d'eux, je vois distinctement les mâchoires de cet homme se contracter. Il est en colère, cependant la proximité de la foule le convainc de se contrôler.
Il ne s'agit clairement pas d'un rendez-vous galant. Qu'est-ce qui se passe ?
Je prends mon verre et profite du départ d'une jeune étudiante, deux tables plus loin, pour m'y installer en toute discrétion. Le nez dans ma boisson, je tends l'oreille.
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