Je m'en doutais, ils paniquent. C'est trop pour eux.

"Vous comprenez maintenant pourquoi je refusais d'en parler ? Vous ne me verrez plus jamais comme avant, ce sont des responsabilités lourdes, si vous restez avec moi, cela vous touchera forcément à un moment. C'est normal de paniquer, c'est une situation impensable pour un lycéen...

- Je../ commence Jo-Ann. 

- Je savais que je perdais toutes mes chances avec toi en vous racontant le vérité... Tu n'y es pour rien. Je vous demande juste de ne pas le raconter au lycée, de ne le dire à personne, s'il-vous-plaît."

Je panique, je panique, la peur me monte à la tête. Mes larmes affluent, mes gestes n'ont plus de sens, je viens de perdre les vrais amis et les seuls que je ne m'étais jamais fait. Mon cœur bat vite, je tremble, je panique, je panique. 

Jo-Ann coupe mes pensées en me prenant dans ses bras, mon cerveau semble aussitôt se remettre en route et j'inspire un bon coup. Pourquoi suis-je si faible ? 

- Tout va bien, on est toujours là. 

Morgan et Eloha se joignent au câlin, Eloha me chuchote des excuses dans le creux du cou, elle pleure, je sens ses larmes dans mon cou. Je me recule un peu pour voir qu'elle n'est pas la seule, nous pleurons tous. 

- Je fais pitié hein ? 

- Non, non, ce n'est pas de la pitié, on s'en veut juste de t'avoir forcé à parler de ce que tu ne voulais pas. 

- J'était obligé de le dire, c'était ma seule chance de vous garder. 

J'affirme, les yeux dans le vides. Mon cœur bat à toute vitesse dans ma poitrine, que vont-ils dire ?

- C'est vrai que ta situation est plutôt compliquée, on fera sûrement souvent des gaffes, des remarques déplacés sans le vouloir mais on ne te laissera certainement pas tomber pour ça, me promet Morgan avec une accolade. 

Je souris, je n'y crois pas vraiment, mais je souris. Ils vont sûrement s'éloigner au plus vite, paniquer. 

- C'est quoi ce faux sourire ? devine Jo-Ann.

Jo-Ann... J'aurai vraiment aimé sortir avec elle. Mais ce qu'elle veut c'est un lycéen pas un chef de famille. Elle n'a que dix-sept ans, j'en ai deux de plus et tellement de responsabilités, je n'arrive pas à savoir ce qu'elle peut en penser. 

- Je ne vous en voudrai pas si vous vous éloignez mais continuez de me traiter comme avant, s'il-te-plaît. 

- Arrête de dire des choses pareilles ! Nous avons appris à te connaître pendant près de deux mois, ce n'est pas pour t'abandonner à cause de tes problèmes familiaux ! s'offusque Eloha. 

- Mes soeurs ne sont pas des problèmes. 

Je maugrée de mauvaise grâce et elle lève les yeux au ciel tandis que Morgan lève les yeux au ciel. 

- Première gaffe commise par Eloha ! s'exclame-t-il." 

Nous rions, un petit rire mais un rire tout de même et c'est le plus important.  La sonnerie ne tarde pas à nous vriller les oreilles, je ne pensais pas avoir été si long. Nous nous dirigeons vers nos salles, Morgan me parle comme avant. Je me sens mieux mais certains détails me minent encore l'esprit. Nous nous asseyons à côté en cours, au fond, l'idéal pour bavarder. 

Le professeur fait du cas par cas pour corriger des devoirs, nous sommes donc tranquilles pour l'heure entière puisque nous avons tous deux obtenus la note maximale. 

"Tu ne m'as pas l'air d'aller mieux, s'inquiète Morgan. 

- Je suis super content que vous l'ayez accepté et que vous souhaitiez rester amis mais pour être honnête, il y a quelque chose qui bloque encore. 

- Quelle chose ? 

- Jo-Ann. 

- Tu l'aimes, hein ? 

- Oui mais elle ne voudra jamais sortir avec moi après ça. 

- Honnêtement je sais pas... Jo-Ann est super mature alors elle l'acceptera peut-être. Après si j'aurai été à sa place, je pense que j'aurai un peu paniqué. 

- Je peux le comprendre. 

- Laisse-là y réfléchir, si elle accepte, elle viendra vers toi. 

- Je l'espère. 

- Mais te prends pas la tête pour ça ! Je suis content de t'avoir retrouvé et je m'excuse encore d'avoir été si dur, aller jusqu'à ne plus te parler était peut-être de trop...

- J'aurai sûrement réagi de la même manière si un ami refusait de se livrer. Je ne t'en veux pas. 

- Moi je m'en veux ! Sortons tous les quatre un de ces jours, on payera pour se faire pardonner ! 

- Pas sûr que les filles soient d'accord avec ça !

- Oops, je n'avais pas pensé à ce détail." 

Nous rions ensemble et le professeur nous lance un regard d'avertissement qui nous calme aussitôt. 

Nous continuons de bavarder et Morgan évite habilement le sujet, lui aussi doit penser que Jo-Ann refusera. Nous sommes à un âge où nous recherchons soit des relations éphémères pour profiter d'un peu d'amour ou alors de choses plus sérieuses avec lequel nous aimerions voir l'avenir. Je ne conviens pas à la première définition, mes problèmes sont trop prises de têtes et il doit être difficile d'envisager un avenir avec moi en sachant qu'Haly n'a que trois ans et que je dois l'élever jusqu'à sa majorité. 

Je comprendrais donc qu'elle ne puisse accepter mes sentiments. Et qu'elle refoule les siens car je sais qu'elle les partage. Mais je n'arrive pas à perdre espoir, je dois vraiment être tombé amoureux pour que cela m'obsède ainsi. 

Et même s'ils m'ont assuré le contraire, Eloha et Morgan ne risquent-ils pas de s'éloigner avec le temps ? J'imagine encore les pires scénarios. La vie m'a rendu trop méfiant, trop pessimiste, chaque fois que j'ai été heureux, un malheur a fini par arriver. Je n'arrive plus à croire à quoi que ce soit. 

Pourquoi ai-je une vie si compliquée ? pourquoi je réfléchis autant ? Ne pourrais-je pas être complètement idiot ? Je serai sûrement plus heureux à moins réfléchir. Mes pensées n'ont aucun sens mais mon cerveau ne cesse de chauffer. 

Qu'ai-je fait dans mes vies antérieures pour cogiter et souffrir ainsi ? Qu'ai-je fait ? QU'Ai-JE FAIT ?!