~ Correspondance XII

Mon tendre enfant,

Tu n'imagines pas à quel point ta présence nous manque. Je me souviens comme si c'était hier de la chaleur de tes bras qui me serraient, et de ton cœur qui avec le mien battait à l'unisson. Tout nous semble si différent ; les vents sont aussi solitaires que nos journées, jusqu'à aujourd'hui, car ils nous ont ramenés ta voix et tes mots !

Nous allons bien. Ton père attendait ardemment un signe de toi. Il le dissimule à quiconque nous rend visite, mais il ne me dupe pas. La joie de lire ta présente lettre, rédigée de ta main autrefois si petite et aujourd'hui pleine de souvenirs me donne quelques frissons. Ecrire n'a pas été facile. L'exercice d'une parfaite réponse, mon fils, fut pour moi une épreuve terrible - je ne savais jamais quel mot employer, comme si ce devaient être les derniers. Mais je sais que ce ne sera pas le cas. Nous continuons nos vies, mais nous accueillons les souvenirs de la tienne avec un enthousiasme si grand qui nous rappelle quelque joie de jeunesse, ainsi que les sensations lorsque nous avions encore vingt ans, et que nous partîmes sur les chemins des villes et les routes de campagne.

Fils, sois prudent, la nature est bonne, mais elle peut aussi s'avérer dangereuse pour tout voyageur non avisé, et dont la curiosité n'est ni bornée ni raisonnable. Je te saurais gré de prendre toutes tes précautions, en vue de continuer ton aventure sans encombre. 

Voilà donc que tu as une amie - une navilak ? Je ne connais rien de ces gens éloignés ; il n'y en a point par ici, et ce mot ou ce nom nous sont tous deux étrangers. Sois tout de même prudent à son encontre ; tu ne l'as jamais vue et les mots parfois sont tissus et voiles. Mais si tu penses avoir raison de lui porter confiance, alors ton père et moi serons sereins. 

 Oh mon Eleyan ! Tu nous manques tant ! Ton absence a laissé un néant cruel s'engouffrer dans nos cœurs. Nous espérions de tes nouvelles et Sysso, comme la providence surgie d'une fenêtre, nous les a apportées ! Ton père pensait d'abord avoir entendu une corneille gémir. Il a manqué de donner un coup de bâton au pauvre oiseau. Il n'a plus toute sa vue. Ne sois pas inquiet, ton petit phénix va revenir vers toi indemne. 

Ton père et moi prions chaque jour pour ton bonheur, mon fils... Nous sommes certes tristes, mais tu es notre fierté ; nous croyons en toi. Nous ne pensions pas que ton départ nous affecterait autant. La luciole, les fleurs, ton amie, le voyage a apporté légèreté à l'esprit, et force de l'âme. 

Quoiqu'il arrive, poursuis tes rêves. Je te souhaite d'aimer ce qu'il faut aimer, de croquer la vie à pleine dents ! Tu es encore jeune, ton histoire est à écrire et toutes les décisions sont encore à prendre. L'existence est comme de l'argile ; pour en apprécier la forme, il faut la modeler. Bien sûr, nos seules mains ne suffisent pas. Ajoute un peu d'eau, et tout devient plus facile.


Bien à toi mon fils,

Ta mère qui t'aime.

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