~ Correspondance VI ~
Eleyan, mon ami...
Je suis attristée de te voir confronté à la cruelle désolation et sa fidèle pestilence... Je croyais tout d'abord, à l'inverse de tes pensées initiales, que le monde n'était que chaos, fourberie et déliquescence, qu'il n'y avait rien à espérer d'autre qu'une arrivée précipitée de la fin des ères des vivants. J'ai perdu un être et tout me semblait cruellement vide et austère. Tes mots étaient alors les seules étoiles qui guidaient mes pas et mes pensées. Ce que je vois et qui me porte à ma lettre et à mon encre pour t'écrire... est au-delà de toute espérance. Je vois ce que tes songes ont dépeint. Te souviens-tu de ce sanglier que j'ai blessé de ma lame ? Alors que je venais de finir ma lettre et d'envoyer notre ami te quérir, je fus surprise par une meute tout entière de ces bestioles se diriger sur moi. Oh, dans mon sursaut, j'eus quelque chance ; le réflexe de grimper à une branche, bien que ce fut laborieux, me sauva. Je maudis tout d'abord le destin de se plaire à ce terrible acharnement sur la modeste femme que je suis. Mon cœur cependant me disait que mes pensées avaient été bien promptes au jugement, et mon instinct et ma curiosité, qui me dictèrent que pareille compagnie de bestiole, n'était point commune et qu'il me fallait suivre leur trace. J'ai été imprudente, je le sais, mais que me restait-il à faire en cet instant ? Je ne voulais point m'accabler d'un harassant regret, alors, je me mis en marche, discrète et alerte. Lorsque je tombai sur un magnifique endroit, je ne pus songer qu'à toi ! L'esprit de l'eau, me disais-je alors, m'avait confié le temps d'un jour, un magnifique trésor. Je pus me désaltérer et regagner mes forces et ma bonne humeur. L'espoir, après la tempête, revenait. Je vais exaucer ton vœu et te décrire une merveilleuse journée ! Pardonne par avance mon esprit prolixe ! Je me tais souvent, mais il faut croire que ce que j'ai vu m'a rendue bavarde... comme toi !
Ce que je vois, au moment de t'écrire, est... irréel. Il me semble que ce lac, baigné de quatre cascades aux quatre points cardinaux, rassemble tous les cours d'eau du monde en ce point précis. Les fameux sangliers sont venus s'y abreuver, mais il y avait aussi des oiseaux, des biches, des faons, des lièvres et d'autres créatures que je n'avais jamais vues jusqu'alors ! Je ne te demande pas d'y croire, mais d'essayer l'imagination d'un tel lieu ; je me plais à croire que par pareil exercice, ton esprit en sera quelque peu apaisé. Avant, il n'y avait que fraîcheur et stérilité, les branches et les arbres étaient morts et l'herbe gelée et soumise, ici, tout règne avec harmonie tandis que la chasse et la violence sont proscrits. L'air y est agréable et chaud, sans l'être assez pour irriter. Les fruits dont j'ai pu goûter la saveur étaient délicieux et suffisaient à ma satiété. Sysso a passé sa journée à jouer avec les animaux ; la joie se lisait dans son regard... si tu savais ! Et son plumage ! Son plumage brillait de mille feux lorsque le soleil était tout en haut sur sa céleste cime ! Son éclat lui rendait honneur ! Et voir notre volatile préféré se hisser sur les faîtes des pins et des alisiers... je voudrais ne jamais plus oublier cela. Mon cœur est serein, mais il lui manque encore quelque chose... je n'ai pas besoin de te préciser la nature de cette absence, je le sais.
Le soir, j'ai dû somnoler et rêver. Je... Je ne sais pas, à vrai dire. C'était étrange, et à l'allure de réel... Ma vision fut... troublée, je crus voir un instant quelques flamiches au creux de ma paume, alors que je m'étais allongée... mais cela ne se peut, n'est-ce pas ? Tu dois déjà commencer à douter de mes dires... pardon...
J'aimerais vivre ici à tes côtés. J'aime à croire que nous y aurions été heureux... mais je vais devoir bientôt repartir et me défaire de ce confort, car il me tarde de te trouver. Je ne sais pas où je me situe, car je crois que l'on ne peut trouver ce lac que si nous ne le recherchons pas réellement. Je suis tombée ici par hasard, en suivant une piste, avec seulement de bonnes intentions. Quand je me détournerai de ce paradis, je sais que je ne le trouverai plus jamais. Le lac de l'éternité... c'est un nom qui a traversé mon esprit, parce que toute chose semble durer tandis que tout se dépérit partout ailleurs, sauf notre amitié qui reste le guide de mes jours et l'astre de mes nuits. Je dois voyager et être tout comme toi une nomade. Aussi voudrai-je te rejoindre là où tu es, mais je sais qu'il nous reste à faire. Encore une chose, ami, n'aie crainte ! Il n'y a rien dont tu aies à rougir. Je veux aussi me persuader de cela, en somme, et je m'en montre encore incapable. Peut-être y arriverons-nous ensemble ?
Pour l'heure, je vais quitter l'opulence pour m'enfoncer dans les âpres crocs du monde. Je ferai tout pour toi, cher ami, alors permets-moi de rejoindre les sillons et les routes pour me mettre en quête de nos retrouvailles. Je ne puis encore te dire davantage sur l'endroit où je me trouve, mais mes vœux d'espoirs me font aller par-delà le simple confort.
Je t'enjoins, ami, à rester prudent ! Garde le sourire, pour moi, et la force de marcher ! Puissent les Quatre t'accorder leur bienveillance !
Amitiés,
Ton amie fidèle,
Finna.
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