~~ Correspondance IX ~~
Ma très chère mère, mon très cher père,
J’espère qu’ayant vu Sysso arriver de loin dans le ciel, toutes vos craintes à l’encontre de ma santé ou de ma vie se sont envolées. En tout cas, je souhaite les effacer par cette lettre et vous conter mes aventures.
Le monde est bien plus beau encore que je ne m’y attendais. Les ruisseaux joyeux glougloutent le long des chemins que je parcours et on m’accueille toujours au prochain village avec un sourire, un souper et un toit pour la nuit. Je profite de cette nouvelle indépendance, non pas pour rester oisif, mais pour m’instruire autant que faire se peut au contact des autres. J’ai eu par exemple une réflexion très intéressante sur la liberté avec une personne que j’ai rencontrée et avec qui j’aimerais fort rester en contact. Mes projets ne sont pas de m’établir avec elle mais enfin qui sait ? D’ailleurs, vous ne savez pas qui elle est, je vais vous le dire et j’espère que vous en serez aussi positivement surpris que moi. C’est une navilak à la peau bleue ! Entendez-vous ? La peau bleue ! Je ne sais si vous savez ce qu’est une navilak. En tout cas, ce n’est pas de votre bouche que j’ai entendu ce terme pour la première fois mais bien de la sienne. Je ne sais donc absolument pas ce qu’elle est et je n’ai pas osé demander. Quand je l’ai vue pourtant, j’ai été fort intrigué, fort étonné et bien trop curieux. Heureusement, elle ne m’a pas tenu rigueur de mon impétueux caractère que vous connaissez bien et elle m’a aimablement invité à rester chez elle le temps qu’il me faudrait pour me remettre.
J’ai en effet oublié de mentionner que j’ai attrapé un petit quelque chose, une sorte de rhume ou d’allergie, en humant le parfum d’une fleur magnifique. Si j’avais pu capturer l’image de cette fleur et vous l’envoyer, je l’aurais fait mais comme la chose est impossible, je vais m’attacher à vous la décrire et peut-être pourrez vous me dire son nom ?
Cette fleur avait des épines sur sa tige et des feuilles dentelées. Je dois dire qu’elle appartenait à un buisson tout entier mais que c’était la seule qui eût éclot et même le seul bourgeon qui s’y trouvât au moment où je le vis. Cette fleur avait douze pétales. Les plus extérieurs étaient rouge carmin puis au cercle suivant, ils passaient au bleu ciel et au centre enfin, à un blanc si pur qu’il m’a brièvement ébloui. En son cœur reposait le plus doux des parfums dans un écrin aussi jaune que le soleil et qui, quoi qu’il m’ait rendu un peu malade, m’a enchanté tout le temps que je l’ai respiré. Vous vous doutez que je n’ai pu avoir l’idée de cueillir une beauté pareille et que je lui ai seulement donné de l’eau pure pour qu’elle se trouve au mieux le plus longtemps possible.
J’eus préféré la représenter mais vous savez que mon talent en dessin est borné. Je toussais donc beaucoup, éternuais bien trop souvent et les connaissances de mon amie en herbes médicinales m’ont aidé à me rétablir si bien que je me porte comme un charme, c’est-à-dire comme j’espère que vous vous portez.
Après tant de temps à disserter sur deux fleurs – car l’une comme l’autre en étaient de jolies je vous l’assure – je puis bien vous parler un peu de moi et vous ne m’en voudrez pas j’espère ? Voici donc ma situation actuelle.
Contrairement à ce que vous imaginiez en me laissant partir, je n’ai pas renoncé à marcher encore et encore et à découvrir cet univers. J’ai déjà eu l’infini plaisir de vous décrire l’une de mes rencontres les plus édifiantes, car elle m’a appris d’autres choses encore que les plantes miraculeuses dont elle a fait usage à mon encontre. J’aimerais maintenant vous relater une histoire relative à moi-même. Il faut dire que voyageant seul, je manque de compagnie. Or, en me couchant un soir sans parvenir à m’endormir comme cela m’arrive parfois, j’ai fait la connaissance d’un petit être luisant qui illuminait le ciel de sa lueur jaune ou verte, je ne sais pas bien, mais une lueur tout de même. Ce petit être m’est apparu comme une étoile au firmament, une lumière dans la nuit, je l’ai donc nommé Luciole. J’ignore encore comment mais cet animal me comprend quand je lui parle gentiment et ne m’entend pas – ou refuse de m’entendre, ce qui revient au même – si je hausse le ton. De sorte qu’en lui donnant du « madame », elle accepte d’éclairer le papier où je couche ces mots.
Voilà pour la petite histoire. J’espère qu’elle vous aura, sinon plu, au moins diverti. Je vous souhaite ce qu’il y a de meilleur en ce monde et vous envoie tous mes vœux de bonne santé et de bonheur.
Que l’esprit de l’eau veille sur vous !
Votre Eleyan.
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