~ Correspondance II ~

Cher Eleyan,

Je suis bien heureuse de recevoir tes mots ; sache que je les ai relus dix fois malgré ma sinistre situation. Cette missive est sans nul doute le seul réconfort d'une semaine terrible. Chaque lune me voit plongée dans l'attente. Je ne sais encore où me diriger. Mon protecteur ne doit plus s'attirer les foudres de la plèbe par ma faute ; je me cache et je ne marche que de nuit pour éviter tout ennui. Si je n'étais pas certaine qu'ils ne lèveraient la main sur Sysso – si tu les voyais vénérer ce brave phénix ! – je ne me serai exprimée qu'à mots couverts. Tout ce que je peux t'affirmer, c'est que la tempête arrive, et avant de vouer mes nuits à un esprit de fuite, vois dans les mots à suivre quelques détails.

Je veux te rassurer : je ne suis pas blessée. Pour tout te narrer, j'étais chez moi, patientant seule en quête d'Aedrin. Et puis tout est arrivé si vite ! Les armes, la discorde ! Dans mon malheur, il m'a été donné une occasion précieuse, et je l'ai saisie ; j'ai pu m'emparer de quelques vivres. J'ai... dérobé... enfin, emprunté cette nourriture, et cette eau. Je n'ai pas eu le cœur de partir, je ne suis pas une voleuse. Ai-je bien fait, cependant, de me servir ? Quand elle rentrera chez elle, cette famille trouvera sur un petit papier mes excuses les plus sincères agrémentées d'un peu de monnaie – tout ce qu'il me restait de ma vie d'avant.

J'ai emporté avec moi la lame que m'a offerte mon maître d'armes. Je crois bon d'aller le trouver, il vient d'une cité pas trop lointaine. Ma place n'est plus dans ce petit village et je voyage seule. Je ne connais personne, pas même ceux qui me traquent. Je n'ai lu dans leur sombre regard que haine et mépris à mon égard. Ils étaient en armes et en armure ; le tissu qui couvrait le fer de leur protection était d'un rouge vif à vous évoquer le sang et le danger. Ils m'ont cherchée, ont violenté Aedrin, mais je connais mon vieil imprimeur préféré : il ne s'est pas laissé faire. Je crois même qu'il a été convaincant lorsqu'il a feint l'ignorance : il a prétexté que je m'étais enfuie – ce qui n'est pas faux – et qu'il ignorait ma destination. On dirait que fréquenter les salons et les théâtres lui aura finalement bien servi.

Il me tarde de partir, mais je ne sais si je dois emprunter les routes ou les forêts pour rallier cette destination si proche, et qui pourtant me semble inatteignable.

La félicité me réchauffe l'âme, car il n'est de meilleures nouvelles que de te savoir dans les plus grandes joies et les meilleurs états. Tu es sauf et dans les meilleures dispositions. Ta sollicitude m'apporte grand sourire mais surtout ne rendons pas Sysso complice apparent à la vue des gens. Il sera sans doute difficile, non pas de lui faire porter des armes, mais de me les faire parvenir. Cela paraîtrait trop louche. Évitons les ennuis. Ce serait dommage pour le début de ton voyage.

Concernant cette eau pure... Aedrin m'en avait mentionnée l'existence, un jour que l'étude portait sur les différentes curiosités du monde. Peut-être nos chemins se croiseront-ils ? Je suis encore perdue, mais je saurai trouver ma route.

Reçois, mon ami, mes salutations. Prends soin de toi. Je n'ai guère plus de temps ni de mots, mais en une occasion favorable, crois bien que je t'écrirai davantage. Que les Quatre Grandes soient avec toi ! Dans l'attente de tes conseils...

Amitiés,

Finna Nillyan

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