Chapitre XV - La marque des fées
Point de vue : Mélody
Mélody somnolait. Quelqu'un la transportait délicatement. Elle ouvrit les yeux quelques secondes et tomba nez à nez avec un visage méconnaissable caché par une grosse capuche noire. Des longs cheveux s'en échappaient, mais l'obscurité l'empêchait d'en voir la couleur. L'inconnu.e lui intima de se rendormir. L'adolescente ne se fit pas prier, elle était bien trop fatiguée.
Ses rêves la transportèrent auprès de Noah, une nouvelle fois. Son amie l'accueillit à bras ouverts. Mélody courut vers elle, le cœur battant. Mais plus elle s'approchait, plus elle ralentissait. Elle tourna la tête vers le côté et aperçut Aelia. L'aveugle lui tendait la main en souriant. Le paysage se transforma et Mélody comprit qu'elle devait choisir. Noah ou Aelia. L'adolescente hésita, avant de faire un premier pas dans la direction de sa geôlière, puis un autre, et ainsi de suite. Elle attrapa la main d'Aelia. Au même moment, une lumière vive l'éblouit et Mélody se réveilla en sursaut.
La jeune fille se releva vivement, le cœur battant. Elle était essoufflée et transpirait à grosses gouttes. Sa cheville lui faisait toujours affreusement mal. Il lui fallut un moment pour se calmer et reprendre ses esprits. Elle commença à se poser plein de questions sur la signification de son rêve. Son amie était pourtant le choix logique ! Aelia devait juste l'avoir embrouillée ! Ou alors, le fait d'être loin de Noah affaiblissait ses sentiments. Loin des yeux, loin du cœur.
Mélody essaya de sortir de son lit. Le soleil se levait et il était temps pour elle de se préparer à aller en cours avec Celicia. Mais le simple fait de bouger son pied la fit gémir de douleur. L'adolescente retira le bout de couverture qui l'empêchait de voir sa cheville et s'aperçut qu'elle était toute enflée et rouge. Sa simple petite foulure de la veille était peut-être plus que ça, en réalité.
Des petits coups frappés à la porte de sa chambre la firent sursauter. Après quelques secondes à se resituer, Mélody invita la personne à entrer. Un jeune homme qu'elle reconnut rapidement passa le pas de la porte avec un large sourire. William. Il paraissait vraiment de bonne humeur. Ses habituelles lunettes de soleil cachaient ses mystérieux yeux. Elle se surprit à essayer de voir à travers. En vain. Il la salua gaiement, mais lorsque son regard se posa sur sa cheville endolorie, son visage s'assombrit.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Qui t'a fait ça ? s'inquiéta-t-il.
— Ce n'est rien de grave, j'ai juste trébuché sur un rocher en rentrant, mentit Mélody. Ça semble pire que ça n'est !
Pour démontrer la vérité de ses paroles, Mélody bougea son pied. Elle camoufla tant bien que mal la douleur que ce geste lui procura dans un sourire hypocrite. Lorsqu'elle releva la tête vers William, elle ne sut déchiffrer son expression. Ne pas voir ses yeux l'empêchait de bien comprendre ce qu'il ressentait.
— Ferme les yeux, ordonna-t-il justement, l'air très sérieux.
— Pourquoi ?
Mélody se colla un peu plus au mur, mal à l'aise. Pas qu'elle n'avait nullement confiance en William – que du contraire – mais sa dernière expérience avec Seth n'avait rien amené de bon. Elle n'avait aucune envie d'être touchée une seconde fois. Par un ami, qui plus était. Intérieurement, elle savait qu'il ne lui ferait rien, mais son inconscient était en panique totale.
Les joues de William se teintèrent soudain de rose. Il recula de quelques pas en bredouillant qu'il ne s'agissait absolument pas de ça, qu'il n'oserait jamais.
— Je... ta cheville... je peux la soigner... la poudre qu'émettent mes ailes... mais c'est interdit... les voir... bafouilla-t-il.
Mélody se mit à rire nerveusement. William ne lui ferait jamais de mal, de toute façon. Si Noah et Aelia étaient amies avec lui, alors elle n'avait pas de quoi s'inquiéter.
L'adolescente avait entendu dire que les fées étaient très secrètes, mais elle ne pensait pas que ça allait jusque-là. Elle aurait aimé pouvoir observer les ailes de William. De plus, elle avait déjà vu Clochette, donc elle savait à quoi ressemblaient leurs ailes.
Mélody finit tout de même par obtempérer. Sa cheville lui faisait vraiment mal et elle voulait vraiment que ça s'arrête. Elle détourna le regard, puis ferma les yeux. William la remercia. Peu après, elle sentit un petit picotement sur son pied et le bas de sa jambe. Ce n'était pas désagréable. Elle avait comme l'impression qu'on versait du sable chaud sur elle. La douleur à sa cheville s'atténua, jusqu'à n'être plus qu'un mauvais souvenir. Il ne restait plus que cette douce chaleur entourant le bas de sa jambe.
Lorsque cette sensation s'en alla, Mélody ouvrit les paupières, convaincue que c'était fini. Ce qu'elle vit la laissa bouche bée. Les larmes lui montèrent aux yeux. Les ailes de William étaient toujours déployées. Elles étaient d'une magnificence sans égale. Grande, comme celles des anges, mais entièrement faites de lumière. Cette dernière se reflétait dans la fine membrane qui constituait ces ailes, créant un arc-en-ciel de couleurs célestes. Elles n'avaient pas réellement de forme précise et semblaient infinies. Une fine poudre bleutée s'échappait des ailes de William. Elle n'avait jamais rien vu de tel. Le jeune homme paraissait à la fois horrifié, en colère et apeuré.
— Qu'est-ce que tu as fait ! s'énerva-t-il, tandis que ses ailes disparaissaient.
Un tatouage en forme de papillon apparut sur le bras droit de Mélody. Il était constitué de trois traits distincts : le corps en forme de V et deux ailes aux grands arrondis. Elle tenta d'abord de l'effacer, effarée. Iris lui avait interdit de se faire tatouer avant ses dix-huit ans ! Mais après un moment, elle comprit que ce n'était pas juste un tatouage. William la regardait d'un œil mauvais. Il paraissait vraiment fâché. Elle comprit alors qu'elle venait de faire une grosse bêtise !
— Je t'avais dit de fermer les yeux ! lui reprocha-t-il.
— Je pensais que tu avais fini, se justifia-t-elle.
— Je te l'aurais dit, si j'avais eu fini ! s'époumona-t-il. Maintenant, regarde ce que tu as fait !
William pointait le tatouage de papillon du doigt. Mélody ne comprenait ni ce qu'il voulait dire, ni en quoi c'était grave. Il souffla un grand coup, exaspéré, marmonnant qu'elle n'y connaissait vraiment rien.
— Ce tatouage que tu as sur le bras et aussi dans tes yeux est le sort réservé à tous ceux qui voient les ailes d'une fée, expliqua-t-il. Il te permet de faire trois vœux, n'importe lesquels – mis à part d'en avoir d'autres. À chaque vœu, une marque sur ton bras partira et une dans tes yeux se fera plus voyante. Après ces trois vœux, la marque dans tes yeux sera complète et je t'appartiendrai jusqu'à la fin de tes jours...
Mélody étouffa une exclamation de surprise. Quel triste sort. Elle allait lui assurer que, jamais, elle ne le considérerait comme un esclave ou quelque chose du genre, mais il la devança en expliquant la dernière conséquence de ses actes.
— Après tes trois vœux, je perdrai mes ailes !
— Je ne ferai jamais ça ! lui assura Mélody, horrifiée. Jamais je n'utiliserai mes vœux ! Jamais je ne te demanderai quelque chose, promit-elle. Je suis vraiment désolée, William. Je ne savais pas...
— Je sais... Évite juste les « je veux », « je voudrais » et « je souhaite » quand je suis là, railla le jeune homme.
Il avait beau le dire sur le ton de la rigolade, Mélody sentait bien une certaine amertume derrière ses paroles. Une petite voix lui souffla que changer de sujet serait une bonne idée. Elle chercha un petit moment, avant de voir son horloge. Ils allaient être très en retard pour leur première heure de cours avec Celicia ! La semi-elfe se leva en un bond, paniquée. Elle essaya d'avancer, tout en s'époumonant qu'ils devraient être en route pour l'Académie, mais trébucha dans son édredon et finit à plat ventre sur le sol. Elle grogna.
— Tout doux ! lui ordonna William en l'aidant à se relever. Dame Aplistia est absente. C'est pour ça que je suis venu... L'autre jour, quand elle a décidé de tout geler, un membre de la résistance est intervenu pour ne pas que tu gèles. Mais il y est allé un peu fort. D'ailleurs, si quelqu'un te demande, c'est toi qui lui as fait ça avant de t'évanouir. Daenerys a prétendu, en tant qu'experte de la magie, que tu as développé des pouvoirs de Psyché enfoui au fond de toi pour te protéger et qu'il était très peu probable que tu y arrives à nouveau. En vrai, j'y aurais moi-même cru si je n'avais pas vu la commandante ! ajouta-t-il avant de porter une main à sa bouche.
Il en avait trop dit. Apparemment, Mélody n'aurait pas dû savoir que la commandante S l'avait sauvée. Peut-être n'aurait-elle pas dû être au courant de ses pouvoirs. Après tout, plus elle en savait sur S, plus facilement elle pouvait l'identifier. Ce n'était pas bénéfique pour la résistance...
— Attends... commença Mélody en réfléchissant. Tu fais partie de la résistance ?
— Bien sûr ! Seth doit être arrêté, sinon, nos deux vies sont fichues ! Et puis, avec une amie comme Aelia, je n'avais pas vraiment d'autres choix. Elle m'a déjà demandé quelques services par le passé pour la résistance. Hier, j'ai eu l'honneur de rencontrer S.
William paraissait vraiment heureux. Sa dernière phrase était emplie de joie. Mélody avait toujours du mal à comprendre ce qu'il ressentait sans voir ses iris, mais elle l'entendait à sa voix. Elle lui offrit son plus beau sourire, contente pour lui. Elle était rassurée : elle n'allait pas devoir subir le courroux de Celicia une nouvelle fois !
Mélody repensa aux yeux de William. Elle ne parvenait pas à se souvenir de ce qu'on lui avait dit sur les fées. Iris ne lui en avait pas vraiment parlé lorsqu'elle était à Latsyrc.
— Pourquoi tu caches tes yeux ? demanda finalement l'adolescente, curieuse.
— Parce que certains en ont peur, expliqua William. Je suis un cas spécial, comme toi. Tu es la descendante de deux peuples qui se déchirent, ton sang n'est pas clair, et pourtant, tu possèdes un pouvoir qui appartient aux obliviens. Moi, ma mère est une fée et mon père elfe. J'ai les ailes d'une fée, mes cheveux le montrent bien aussi, mais mes iris sont un parfait mélange entre mes deux sangs. Je résiste à certains poisons, mais pas tous. J'ai des pouvoirs que les fées ne possèdent pas : l'empathie n'est pas leur truc !
Tout en parlant, William retira ses lunettes de soleil. Mélody ouvrit la bouche, surprise. Les yeux du jeune homme étaient d'un rouge sang pur, un peu comme ceux d'une personne contrôlée par Seth, et ses pupilles étaient verticales, comme celles d'un chat ! De petites écailles de lumière bordaient ses yeux par endroits.
— Magnifique, murmura Mélody sans se rendre compte que William pouvait l'entendre aussi. Enfin... je voulais dire... bredouilla-t-elle, les joues brûlantes.
— Tu le penses vraiment ? souffla le jeune homme, les yeux luisants.
Mélody acquiesça. Les iris de William étaient étranges, certes. Ils sortaient un peu du commun, mais l'adolescente les trouvait beaux. Spécial, voilà qui les qualifiait bien.
— Bien sûr que je le pense ! insista-t-elle. Mais je ne suis pas vraiment une référence. Maman dit toujours que j'aime bien les trucs bizarres !
William éclata de rire, confirmant les dires d'Iris. Mélody avait encore une question. Elle voulait savoir ce qu'il voulait dire lorsqu'il avait affirmé que leur deux vies étaient fichues à cause de Seth. Elle se demandait ce que le monstre pouvait bien vouloir à une demi fée. Il ne pouvait quand même pas vouloir les marier ! Lui et Alexandre – son grand-père paternel – semblaient tous les deux penser que la pureté du sang était importante. S'il mélangeait le sang à moitié elfe et oblivien de sa nièce avec celui mi-fée, mi-elfe de William, ils ne se débarrassaient plus jamais des impuretés dans leur lignée. Elle fnit par oraliser ses pensées.
— Savais-tu que le sang fée était purificateur ? Si un demi-oblivien, demi-elfe a un enfant avec une fée, les deux sangs « s'annulent ». Par conséquent, le bébé naîtra avec un sang elfe totalement pur ! Je descends d'une prestigieuse et interminable lignée de fée et je possède déjà un peu de sang elfe... Donc le nombre de chance que notre union donne un elfe successeur pur d'Oramata est assez élevé !
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