Chapitre XIV - Soins (2/2)
Peu à peu, Aelia se réveilla. Elle récupéra tous ses sens, ainsi que la douleur dont elle ne savait plus se séparer depuis un moment. Elle ne put empêcher un gémissement de douleur lorsqu'elle essaya de bouger. Elle repensa à ce rêve qu'elle avait fait, ou plutôt ce souvenir qu'elle venait de revivre. Sa première rencontre avec sa petite tête de linotte. Elle ne savait toujours pas si Mélody lui avait menti, ce jour-là, ou si elle aimait vraiment ses yeux gelés. Elle ne le saurait sûrement jamais ! Son amie lui manquait. Leur relation lui manquait. Malheureusement, elle ne pouvait pas se montrer gentille comme avant : elle ne pouvait pas montrer son affection, sans quoi Seth risquait de douter d'elle.
— Comment tu te sens ? murmura S en passant une main sur son front.
— Comme si je venais de heurter un bus ! railla Aelia d'une voix rocailleuse qu'elle ne se connaissait pas.
S pouffa, puis avoua qu'elle ne savait pas ce qu'était « un bus ». Aelia sourit. Quoi qu'il arrive, elle savait que tout finirait bien. S le lui avait promis. Même si quelque chose lui arrivait, la commandante protégerait Mélody. Aelia cligna des yeux plusieurs fois, avant de finir par les garder ouverts. S était penchée au-dessus d'elle. Ses iris d'un vert plus pur que de l'émeraude la fixaient avec tendresse. Son visage plutôt pâle était détendu.
— Cette vieille bibliothécaire de Daenerys, sérieusement ? grommela Aelia avec un petit rictus, consciente que l'amie de la reine se trouvait sûrement dans la même pièce. On avait pas encore assez de barjo dans la résistance ?
— Même après quatre ans, j'ai toujours l'impression que tu parles une autre langue ! soupira S. C'est quoi un barjo ?
Aelia se releva tant bien que mal. Elle s'assit sur le lit dans lequel on l'avait mise. Appuyée dans le chambranle de porte, se tenait Daenerys. Elle avait les bras croisés et l'air mécontent. L'aveugle prit un air innocent. Elle la salua d'un petit signe de la main, un large sourire sur le visage. Elle se mit ensuite à regarder autour d'elle.
Elle se trouvait dans une grande chambre dans les tons parme, sobrement meublée. Une fenêtre pas très grande donnait une vue sur le parc de l'Académie. En dessous de celle-ci, il y avait un bureau recouvert de feuilles volantes et de grimoires en tout genre. Il y avait également une bibliothèque assez conséquente recouvrant tout un mur de la pièce. De chaque côté du lit deux personnes dans laquelle elle se situait, il y avait une table de nuit en acajou. Sur celle à droite, il y avait un cadre. La photo à l'intérieur représentait Daenerys et Regina, plus jeunes.
— Comment vous sentez-vous, Miss Aplistia ? appela Daenerys alors qu'Aelia s'apprêtait à prendre le cadre en main pour mieux voir.
— Mieux... J'imagine que c'est grâce à vous ?
— En effet. Je ne sais malheureusement pas faire grand-chose, si ce n'est alléger la douleur. Vous auriez dû venir me voir plus tôt. Toutes les deux ! ajouta-t-elle ensuite avec un regard insistant à S.
— Tu as peut-être raison. Mais ta relation avec la reine te rendait trop suspecte... Je ne savais pas quel côté tu prendrais si on te parlait de la résistance.
Aelia n'écouta l'échange que d'une oreille. Elle continuait de fixer le cadre, pensive. Elle savait pertinemment que Regina et Daenerys étaient amies, mais il y avait peut-être quelque chose de plus en fin de compte. Peut-être était-ce pour cela que Derek, son professeur, en voulait autant à Daenerys. Tout le monde savait qu'il avait été torturé par Seth, des années plus tôt, pour avoir eu une relation avec la reine. Mais lui et Regina niaient cette liaison. Peut-être le roi s'était-il juste trompé d'amant...
— Qu'y a-t-il entre vous et la reine ? s'enquit Aelia à l'adresse de Daenerys, coupant net sa conversation avec S.
— Je suis sa sharihay et son amie. Pourquoi cela vous intéresse-t-il tant ?
— Pour rien, marmonna Aelia. Juste une question sans fondement.
L'aveugle continua de réfléchir un instant, avant d'abandonner. De toute façon, cette histoire de liaison datait de quelques années avant sa naissance ! Même s'il y avait eu quelque chose à cette époque lointaine, il ne devait plus en rester grand-chose maintenant.
— Lia, tout va bien ? s'inquiéta S en passant une main sur son front probablement encore chaud.
Aelia acquiesça fébrilement. Elle bredouilla une piètre excuse, avant de leur proposer de retourner au sujet qui les intéressait vraiment, maintenant que Daenerys était dans la résistance.
— Et quel est-il ? s'enquit la principale intéressée, sceptique.
— Le pendentif d'Afosiosi ! affirma Aelia comme s'il s'agissait de l'évidence même. Où est-il ?
Le visage de Daenerys se referma en un quart de seconde. Son expression se figea dans le marbre.
— Au dernière nouvelles, il pendait au cou de cette insupportable mini Ariana !
— Pas celui de Mélody, expliqua S comme si c'était réellement nécessaire. Celui que tu as subtilisé à Lyn lorsque tu l'as soignée. La mini Ariana nous a tout raconté, ajouta-t-elle en voyant l'air déconfit de Daenerys.
Cette dernière prit un air pensif. Aelia commençait à se lasser du silence et prévoyait de lâcher une réplique digne de son nom, mais Daenerys la devança. Elle leur ordonna à S et elle de la suivre sans trop faire de bruit. L'aveugle aurait bien rouspété, mais on ne lui en laissa pas l'occasion.
— Pourquoi vouloir ce pendentif ? s'enquit l'adulte.
— Pour Adriel, avoua Aelia. Il est notre seule connexion aux elfes, mentit-elle, mais son esprit est trop ouvert à Seth.
Il n'était pas la seule connexion aux elfes et encore moins la plus essentielle ! Adriel était trop surveillé. S'il tentait quoi que ce soit, il serait arrêté. Néanmoins, il était son grand frère préféré – l'autre était mort, de toute façon – et il lui manquait. Tant que son esprit restait vulnérable, elle ne pouvait pas se permettre de lui révéler sa position politique.
Aelia reconnaissait les couloirs, mais ne comprenait pas pourquoi elles se dirigeaient vers la classe de Daenerys. Elle lui demanda où elles allaient, pour vérifier.
— J'ai caché le pendentif dans ma classe.
— Pourquoi ne pas l'avoir tout simplement gardé sur toi ? s'enquit S, curieuse.
— Pour que Seth le sente ou le trouve ? Je préfère qu'il soit en sûreté.
Aelia crut apercevoir un sourire sur le visage de la professeure. Cela ne faisait pas deux jours qu'elle connaissait la résistance et elle faisait déjà du favoritisme avec ses membres ! Quelle honte ! Il était vrai que S avait un certain charme, mais ce sourire était peut-être exagéré...
— Et pourquoi ne pas l'avoir simplement donné à votre reine ? railla Aelia de sa voix rocailleuse.
— C'était mon intention, mais elle n'en veut pas ! Et Malefic sait comme elle est bornée, murmura ensuite Daenerys de sorte à ce que personne d'autre ne puisse l'entendre.
Pas de chance, Aelia était une ace très douée et avait affûté ses cinq sens avec le meilleur des meilleurs : Aaron Valoria. Un bruissement dans les rideaux attira soudain son regard. Elle seule l'avait perçu apparemment.
— Bomev ! jura Daenerys en s'agenouillant près d'une latte de plancher mal placée.
Il s'agissait sûrement de la cachette qu'elle avait mentionnée plus tôt. Quelqu'un les avait devancés. La seule autre personne au courant de ce pendentif était Mélody... Lorsqu'elle releva la tête, Aelia croisa le regard émeraude de S et y lut qu'elle aussi, savait. Ce devait être Mélody, derrière le rideau. Quelle piètre voleuse ! L'aveugle fit comprendre d'un signe de tête à S qu'il fallait abandonner les poursuites aujourd'hui. Elle irait voir sa petite tête de linotte le lendemain.
— La trace remonte à plus d'une heure, mentit Aelia. Le voleur est loin ! Je m'en chargerai demain.
— Mais... commença Daenerys.
— Mais quoi ? Vous ne voudriez pas que je gâche votre travail pour un pendentif qui ne vous servait de toute façon pas ! Il appartient à la résistance, désormais. Nous nous en chargerons.
Sur ces mots, Aelia partit. Daenerys ne fut pas longue à suivre, accompagnée de S. L'aveugle ne put réprimer un bâillement de fatigue. Il était temps pour elle de rentrer. Elle congédia Daenerys avec un sourire mesquin, ce qui ne plu pas vraiment à l'adulte qui lui renvoya un regard noir. S l'accompagna jusqu'à l'entrée de l'Académie.
— Comment comptes-tu t'y prendre ? demanda la commandante.
— Aucune idée, je verrai ça demain. Peut-être faudrait-il que Talia lui parle... Mélody semble l'écouter plus que nous deux réunies.
— C'est faux ! Elle respecte parfaitement les ordres que je lui écris.
— C'est pour ça qu'elle n'est pas sortie de sa cachette pour te donner le pendentif tout à l'heure !
S se stoppa net. Ses yeux écarquillés firent pouffer Aelia. Quel phénomène, ce commandant !
— Elle était là ?
— Bien sûr ! Derrière le rideau. Mais la brusquer ne sert à rien. Je lui parlerai demain et si ça ne marche pas, Talia ira la voir.
— Comme tu veux, bougonna S. Ce n'est pas tout ça, mais j'ai un rendez-vous important qui va bientôt arriver. À demain.
Aelia salua sa commandante. Elle l'observa prendre le chemin vers la tour R. Il était temps pour elle d'aller se coucher !
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