Chapitre I - Départ

Mélody préparait ses affaires pour partir à l'Académie. Le week-end se terminait et il était apparemment temps pour elle d'aller prendre des cours avec Daenerys. Ceux-ci ne lui faisaient absolument pas envie ! Cette femme lui paraissait toujours aussi détestable, bien qu'elle ait sauvé Noah. En repensant à cela, Mélody se remémora de sa dernière vision à propos de son amie. Moins de quatre-vingt-dix heures auparavant. Aelia l'avait embrassée pour la calmer. Leur échange avait duré un long moment, avant que l'ace ne mette fin à leur baiser, plus rouge que jamais. C'était d'ailleurs la première fois que Mélody avait pu observer autant de couleur sur le visage au teint cadavérique d'Aelia. Elle avait ensuite prié Mélody de retourner à ses appartements et ne s'était plus montrée depuis. L'adolescente ne savait trop quoi en penser. Ce délicieux goût de chocolat lui faisait encore étrangement envie. Aelia ne l'attirait pourtant pas. Loin de là ! Elle était insolente – voire presque méchante – et insupportable. Et puis, Mélody aimait Noah !

Talia aussi, s'était montrée distante, depuis leur dernière entrevue. Mélody aurait voulu lui dire que ce n'était pas de sa faute si elle était tombée. Elle se doutait que c'était la raison pour laquelle la nocturnale l'évitait, mais ne savait comment la retrouver. À moins qu'il y ait une autre raison qu'elle n'avait pas envisagée.

Mélody fourra rageusement un pull dans le sac qu'on lui avait donné pour partir à l'Académie, agacée. Tous ces événements étaient complètement fous !

Elle n'avait rien de bien intéressant dans son sac, pour l'instant. Elle ne savait pas quoi emporter. Mis à part les deux uniformes qu'elle avait été cherché avec Ariana, Regina et Aelia, ainsi que deux tenues de ville. Il n'y avait pas de raison d'emporter trente-six tenues. Juste une assez décontractée pour les soirs et une pour les sorties – si elle pouvait sortir de l'école – suffiraient. Elle n'avait rien d'autre à prendre. Et pour cause, Mélody n'avait pas de bien personnel ! Ali ne lui avait pas vraiment laissé l'occasion d'emmener quoi que ce soit avec elle, à Oblivion, lorsqu'il l'avait enlevée. Mis à part la clé de la réserve que Regina lui avait donnée, elle ne possédait rien et ne s'était attachée à rien.

En repensant à Regina, Mélody se rappela de son dernier entraînement. Elle avait été pathétique. Elle se voyait toujours incapable de sortir de ses visions. Sa tante ne l'avait pas dit, mais Mélody savait qu'elle était un cas désespéré. Jamais elle n'y arriverait ! Enfin, au moins, Regina se montrait vraiment gentille avec elle. Elle gardait patience, devant les échecs de sa nièce, l'encourageant toujours à réessayer.

Malgré cela, Mélody n'était bonne à rien ! Tout ce qu'elle entreprenait finissait par échouer lamentablement. Les autres la laissaient, peu à peu. Mélody n'était pas faite pour ce monde, pour cette société élevée. Elle n'était bonne à rien. Mis à part ce don, dont elle avait malheureusement hérité, il n'y avait rien de spécial chez elle. Seules sa maladresse et son idiotie relevaient du spectaculaire. Une pleurnicharde avec deux pieds gauches et une cervelle de moineau, voilà ce qu'elle était. Un gouffre sans fond se créait petit à petit en Mélody. Un vide qu'elle essayait de combler depuis des années, mais qui ne cessait de s'approfondir. Pendant tout un temps, elle avait espéré que Noah l'aiderait. Elle pensait que son amie était la solution, mais elles avaient été séparées et le trou noir grandissait.

Elle n'avait aucune envie d'aller à l'Académie. Regina lui avait brièvement parlé de cette école. Celle-ci se trouvait sur Académia, une île au nord d'Uzoth – le continent central auquel Oblivion appartenait. L'Académie était divisée en trois parties : l'académie royale pour les nobles (A.R.), l'académie ace pour les ace et gardes ou tout autres combattants (A.A.) et l'académie ouvrière pour les autres (A.O.). Sur Académia, il y avait également les « Trois tours » qui étaient les dortoirs pour les élèves. L'île avait une forme de losange. À chaque coin, il y avait une tour, et le dernier abritait le seul village existant là-bas. Au centre, c'était l'immense école, dans laquelle se trouvaient les trois classes distinctes. Cette école était apparemment la plus prestigieuse d'Ednom. Iris lui en avait déjà parlé, regrettant de n'avoir pu y aller dû à la guerre qui déchirait ce monde magique depuis des siècles.

Cela ne faisait ni chaud, ni froid, à Mélody. Elle voulait juste rentrer chez elle. Monstre ou pas, parmi les humains, elle se sentait à sa place. Elle était plus intelligente que la plupart des jeunes de son âge, grâce à ses visions, personne ne voulait sa mort ou la contrôler, et elle était entourée de ses parents adorés. La Terre ressemblait à un paradis, maintenant. Ici, Mélody ne faisait que mettre les gens qu'elle aimait en danger de mort. Aaron et Noah avaient failli y passer, Leya était morte et elle n'avait pas encore eu de nouvelles des autres, ce qui commençait à l'inquiéter. Tout cela à cause d'elle !

Mélody serra les poings, en mitigée entre la colère et la tristesse. Son attention fut alors attirée par quelque chose qui glissa sur le sol, près de la porte de sa chambre. Un papier venait de lui être transmit du couloir. Elle le ramassa et se précipita hors de sa chambre, à la recherche du messager. Personne. Elle referma la porte, intriguée. Mélody déplia le bout de papier et lut attentivement ce qui était écrit dessus.

Ma très chère Mélody,

J'ai une mission pour toi. Récupère le pendentif que Daenerys a pris à Noahlyna au plus vite. Nous en aurons bientôt besoin. Une fois fait, transmets-le à Aelia.

Cordialement, S.

Décidément, le commandant aimait en rajouter. Mélody ricana. Toutes ces formules de politesse sonnaient faux, comme si elles n'étaient pas naturelles, comme si la commandante ne savait pas comment s'adresser à l'adolescente. Au moins, cette fois, elle ne l'avait pas prise pour une gamine de cinq ans incapable de comprendre qu'une dague, ça coupe ! Mélody déchira le papier et le transforma en confettis. Il fallait qu'elle commence à échafauder un plan pour ce nouvel objectif. Celui-ci ne consistait qu'en un vol, mais il risquait d'être assez compliqué. Mélody ne savait pas encore si, une fois qu'elle aurait le médaillon, elle le donnerait à Aelia, mais elle accomplirait au minimum une partie de sa mission. Le seul détail qu'elle devait encore régler était la manière dont elle subtiliserait le pendentif à Daenerys.

Mélody alla à son bureau, à la recherche d'un bloc-notes et d'un bic. Ainsi équipée, elle pourrait écrire chacune de ses idées et forger ce plan au plus vite. Elle fouilla tous les tiroirs, regarda partout, sans rien découvrir d'intéressant. Le bureau dont elle avait hérité était complètement vide. Pas un crayon ne traînait là, ni même une feuille de brouillon. Rien. À croire que le meuble ne servait qu'à enjoliver la pièce. Mélody retourna vers son lit et s'assit dessus en soufflant d'exaspération.

Au même moment, des bruits de pas se firent entendre dans le couloir. Ce devait sûrement être Regina. La tante de Mélody avait promis de venir la chercher lorsqu'il serait l'heure de partir pour l'Académie. Trois petits coups retentirent à la porte de la chambre. Mélody ouvrit et tomba nez à nez avec un Adriel au sourire radieux. Un instant, elle crut qu'il allait se mettre à sautiller de joie – bien qu'elle ne connaisse pas la raison de tant de réjouissances. Mélody se décala, pour le laisser entrer. Il fut suivi d'Ali, puis de Regina.

— Tu es prête ? vérifia la reine.

— J'imagine, répondit dubitativement Mélody en lui montrant son sac.

— Parfait ! Vous allez pouvoir partir pour Académia, dans ce cas, affirma Regina. Je sais qu'Aelia devait t'accompagner, mais il semblerait qu'elle fût pressée de retourner là-bas. Elle a pris un portail hier soir. Alizari et Adriel t'accompagneront donc.

Ceci expliquait cela ! Voilà pourquoi Adriel paraissait si joyeux. Il avait enfin l'occasion de quitter l'enceinte du palais. De plus, si elle se souvenait bien d'une discussion qu'ils avaient eue, Adriel adorait l'Académie, du temps où il y étudiait. Ali proposa poliment de porter le sac de Mélody, l'air toujours aussi gêné que lors de leur dernière rencontre. Elle ne lui avait pas dit pour Noah et il ne lui avait rien redemandé, pour l'instant. Pour dire vrai, Mélody ne savait toujours pas quand elle lui dirait – si elle le lui disait. Elle accepta tout de même son aide d'un hochement de la tête et suivit la joyeuse troupe dans la cour du château. Celle-ci était totalement déserte. Le ciel ne se prêtait à nouveau pas à une balade en plein air. Après quelques minutes d'attente dans le froid nocturne, un portail apparut. Il était très lumineux.

Adriel entra en premier, suivit de Mélody et Ali ferma la marche. L'adolescente ferma les yeux, une fois dans le portail, se rappelant de l'effet éblouissant que ces portes magiques pouvaient avoir.

Elle n'avait vraiment pas envie d'aller à l'Académie. Daenerys lui faisait un peu peur ! Bien qu'il faille absolument qu'elle récupère le pendentif, Mélody avait le cœur lourd, rien qu'à l'idée d'aller à l'école. Évidemment, c'était mieux que de rester à la portée de Seth, mais ça restait déprimant. Pourquoi, même dans cet univers fantastique, devait-il y avoir des écoles ?

Mélody arriva à Académia, quelques instants après. Le trajet lui avait semblé durer une éternité. Elle atterrit dans une grande pièce blanche qui semblait servir de centre de transition entre les portails. Une dizaine de cercles magiques plus ou moins lumineux crépitaient le long des murs de marbres. Un homme en costard cravate noir vint dans leur direction. Il salua poliment Ali, puis demanda à chacun de décliner son identité. Le frère de Noah râla un peu, marmonnant qu'il savait exactement qui il était. Adriel se présenta joyeusement. Ce fut alors au tour de Mélody. Elle ne savait pas vraiment ce que cet homme attendait. Elle n'avait pas suivi ce que les deux garçons avaient fait avant elle.

— Carte d'identification, ordonna l'homme.

Mélody lança un regard paniqué à Adriel. Pour son plus grand soulagement, le jeune homme s'occupa de ce petit détail pour elle. Il lui prit la main et la posa délicatement sur un petit boîtier que le vigile tenait fermement. Adriel avait la peau très douce. À son contact, Mélody frissonna. Elle sentit des sortes de picotements très désagréables – voire même légèrement douloureux – dans toute sa main. Elle avait l'impression qu'un millier d'aiguilles la piquaient sans cesse. L'envie irrésistible de retirer sa main de ce truc désagréable la prit, mais Adriel l'en empêcha. Après exactement cinquante-sept secondes – Mélody s'était mise à compter – l'homme acquiesça tout en affichant un sourire hypocrite. Il leur souhaita la bienvenue à Académia et les dirigea vers une porte d'allure normale. De l'autre côté, se tenait une diligence dirigée par deux chevaux noirs aux ailes en lambeaux.

Des zarquins !

Mélody reconnut rapidement les créatures magiques que Talia lui avait présentées quelques jours plus tôt. Ils n'étaient pas spécialement jolis à voir. Ils paraissaient agressifs et dignes de films d'horreurs. De nature très mesquine, ces animaux ne dépassaient pas le niveau trois de dangerosité. Si en plus ils étaient dressés, Mélody ne risquait rien. Néanmoins, il y avait quand même quelque chose qui l'inquiétait : il n'y avait pas de cavalier pour les diriger !

Ali et Adriel la pressèrent un peu. Elle s'assit dans la diligence, peu sûre, en face des deux jeunes hommes. Elle se mit rapidement à contempler les paysages, imaginant que la diligence était conduite par magie... La nuit commençait déjà à pointer le bout de son nez. Le soleil, en se couchant, teintait le ciel de couleurs chaudes. Pas un nuage ne venait obscurcir la voûte céleste. Les animaux nocturnes sortaient de leur sommeil et entonnaient un chant apaisant. La nature qui bordait le chemin de terre battue verdoyait. Mélody sentit son cœur se calmer. Cet endroit dégageait de la sérénité. Elle avait l'impression d'être en parfaite sécurité, ici. Peut-être n'était-ce qu'un faux pressentiment, mais cela lui fit un bien fou. Mélody se dit qu'elle allait peut-être aimer cette île, finalement. Elle s'y sentait bien, comme à la maison.

Elle appuya nonchalamment la tête contre la fenêtre de la calèche, continuant son observation. Le soleil avait presque entièrement disparu. Un petit croissant de lune s'apprêtait à le remplacer une fois qu'il ferait nuit noire. Mélody se laissa bercer par les remous du trajet, causés par un chemin inégal.

— Pourquoi Ariana n'est-elle pas venue te dire au revoir ? s'enquit Ali.

— Quelle importance ? rétorqua Mélody, peut-être un peu trop sèchement.

Sa dernière entrevue avec sa mère biologique était encore trop fraîche. La blessure qu'elle avait causée n'avait pas cicatrisé.

— Aucune. C'est juste que, depuis son arrivée à Oblivion, Ariana n'a fait qu'attendre le jour où elle te retrouverait. Elle ne parlait que de toi... Et maintenant que tu es là, vous ne passez pas de temps ensemble. Enfin, ça n'a pas une grande importance.

Adriel paraissait captivé par l'extérieur. Il ressemblait à ces enfants que l'on emmenait pour la première fois à Disneyland : des étoiles dans les yeux et un sourire jusqu'aux oreilles, impatient de sortir de la voiture pour pouvoir visiter ce monde féerique. Il se retourna vers Mélody, le regard soudainement teinté de nostalgie.

— Zach aimerait tellement être ici ! affirma-t-il.

Mélody se contenta d'acquiescer distraitement. Elle ne connaissait pas réellement son cousin. Il s'était contenté de se montrer froid, dur et distant, un peu comme Daenerys. La seule différence entre les deux étant que Zachary ne contrôlait pas bien ses émotions et qu'il avait un tempérament un tantinet colérique.

Ali lui renvoya un sourire amusé lorsqu'Adriel prit une teinte pivoine. Apparemment, ce dernier avait encore du mal a tout dire à son meilleur ami et ancien chush.

— D'ailleurs, tu ne l'aurais pas vu dans l'une de tes visions, par hasard ? s'enquit Adriel en se détournant d'Ali.

— Non... désolée

Mélody sentit son rythme cardiaque accélérer. La peur s'immisçait à nouveau en elle, rien que de repenser à sa famille. Elle s'inquiétait énormément pour eux. Adriel posa sa main sur la jambe de Mélody, pour qu'elle arrête de tressauter. Elle se dégagea doucement, mal à l'aise. Il plongea son regard iceberg dans le sien.

— Ne t'en fais pas, je suis sûr qu'ils vont bien, susurra Adriel en prenant place à côté d'elle.

Ali leur lança un regard compatissant, probablement perdu dans leur conversation. Adriel ne semblait pas enclin à lui parler de Latsyrc, tout comme il n'avait pas parlé d'Oblivion à Zachary.

Soudain, la calèche s'arrêta. Mélody partit en avant. Sans le faire exprès, elle s'écrasa sur Ali qui la rattrapa pour éviter qu'elle ne se fasse mal. Son visage vira au cramoisi et elle s'excusa, embarrassée. Pour son plus grand soulagement, un homme inconnu vint ouvrir la petite portière et leur annonça qu'ils étaient arrivés. Mélody se précipita vers la sortie, encore gênée. Il lui proposa une main, pour l'aider à descendre, ce qu'elle accepta avec plaisir. Elle préférait ne pas manger la poussière plus que nécessaire. Adriel et Ali la suivirent, refusant poliment la main du portier.

Devant eux se trouvait une immense tour dont on ne pouvait voir le sommet. Elle semblait infinie. Elle était faite de pierres brunâtres. Du lierre grimpait le long des murs. Tout autour, poussaient des plantes de toute sorte. Au bout du chemin de terre, il n'y avait qu'une porte qui paraissait excessivement petite par rapport à la grandeur du bâtiment. Au pas de cette minuscule porte, se tenait une personne. Mélody la reconnut immédiatement. Ses longs cheveux blancs comme la neige encadraient son visage d'une pâleur presque inquiétante, contrastant tant avec sa combinaison noire d'ace. Aelia vint à leur rencontre, l'air agacée.

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