Chapitre 1

Voilà plusieurs semaines que l'incident dans la salle du trône avait eu lieu et à cause de mes blessures, j'étais restée inconsciente durant plusieurs jours.

Azaelias, pour je ne sais quelle raison, avait décidé de ne pas me laisser parmi les décombres. Il s'était occupé de moi et m'avait mené à Telthona qui avait fait des miracles. Elle m'avait juré que je ne garderais aucune séquelle et que mes pouvoirs de Fae m'aideraient. Je devais admettre que le processus de guérison demeurait bien plus impressionnant que lorsque j'étais dépourvu de magie, car j'avais rapidement retrouvé ma motricité et toutes mes capacités physiques.

Mais, même si mon corps était devenu fort et s'était reconstruit, mon esprit quant à lui était meurtri.

Je n'avais pas quitté la chambre où l'on m'avait installée et j'étais restée muette, en proie à l'image gravée de Lilith gisant dans les bras de son frère.

Lorsque j'avais compris qu'il était parti en me laissant presque pour morte, j'avais ressenti beaucoup de peine, mais en même temps je ne pouvais lui en vouloir. Il me tenait pour responsable de la perte de sa seule famille et je ne pouvais le contredire, car moi même je partageais cet avis.

Depuis mon réveil, je n'avais pas osé demander si Azaelias avait obtenu des informations sur leurs destinations ou s'il y avait du nouveau, car un sentiment de culpabilité me rongeait et creusait un vide toujours plus immense dans ma poitrine.

Chaque soir, quand tout le monde dormait, je pleurais silencieusement de la mort de mon amie jusqu'à ce que la fatigue se fasse trop présente. Je finissais par m'assoupir, les yeux bouffis et le visage trempé, mais en quelque sorte, ça en valaient la peine, car mon sommeil demeurait alors sans rêves ni cauchemars.

C'était le seul moment où je ne pensais plus et parfois il me tardait de tomber d'épuisement pour oublier le temps de quelques heures, ce sentiment qui me rongeait.

Le reste du temps, tout me répugnait. Respirer, manger, pleurer, toutes ces sensations qui faisait de moi un être rempli de vie m'exaspéraient. Pourquoi aurais-je le droit à tout ça, alors que Lilith n'avait plus cette opportunité ? Je trouvais le monde injuste, Nwalcian avait été injuste et surtout, je me trouvais injuste de les avoir impliqués dans cette histoire.

Tandis que les larmes remontaient face à ces pensées sinistres, trois coups sur la porte indiquèrent la présence de quelqu'un. J'essuyais machinalement mes yeux et attendis silencieusement que la personne se manifeste.

La poignée s'abaissa et Azaelias entra.

Chaque jour, il venait passer un moment avec moi. Il ne m'obligeait pas à parler et de temps en temps lui non plus ne parlait pas. Ce sentiment était étrange, car je ne comprenais pas pourquoi il s'impliquait autant.

- Bonjour, dit-il de sa voix mélodieuse, comment allez-vous aujourd'hui ?

Il savait que sa question restait vaine, pour autant, il me la posait à chaque fois. Il me regarda, ses pupilles s'illuminèrent légèrement et un sourire charmant étira ses lèvres. Il avait troqué sa tenue officielle contre un pantalon de toile et un t-shirt sombre.

- Vous semblez aller un petit peu mieux chaque jour.

Je ne savais pas pourquoi il continuait de me vouvoyer et si j'avais la force de lui parler, ça serait la première question que je lui poserais.

- Regardez ce que je vous apporte.

Caché derrière son dos, il sortit un bouquin dont la couverture en cuir rouge était recouverte de rubis. Le livre était magnifique, mais la couleur grenat me rappela la peau de Lilith et les rubis aux reflets brillants, le sang de mon amie. Les larmes roulèrent sur mes joues sans que je ne puisse les retenir.

Azaelias parut inquiet, car ses traits se tendirent aussitôt et il en lâcha presque le manuscrit.

En un battement de cil, il arriva à hauteur de mon lit et posa le livre sur la table de chevet qui se trouvait à ma droite.

- Je suis désolé, ai-je fait quelque chose qui vous a déplu ?

Je ne savais quoi répondre et seules mes paumes tentaient d'arrêter le flot de larmes qui continuait de couler.

Le seigneur posa maladroitement une main sur mon épaule et ce fut tout ce qu'il me fallut pour m'effondrer dans ces bras. J'avais besoin de réconfort et j'avais surtout besoin d'extérioriser tout ce que je ressentais. À mon contact, je le sentis se crisper et un pincement infime se forma dans ma poitrine. Peut-être ne voulait-il pas que je le touche, mais je m'en moquais. J'avais juste envie de me terrer, de me cacher et il semblait être la cachette parfaite.

Pleurant à chaudes larmes, je sentais le coton de son t-shirt s'imbiber et lorsque je commençais à me motiver à m'éloigner pour lui rendre son espace, il posa délicatement ses bras autour de moi.

À cet instant, il était la barrière qui m'empêchait de m'effondrer davantage.

Une semaine s'était écoulée depuis mon lâcher-prise et Azaelias n'avait pas bougé tant que ma crise n'était pas passée. Il avait maintenu une pression chaleureuse autour de mes épaules et cela avait fini par apaiser légèrement mon cœur.

Une fois calmée, il était parti en s'assurant que je ne manquais de rien, puis le sommeil m'avait emporté.

Depuis, mes pleurs s'espaçaient et je reprenais goût à manger de petites quantités. Le seigneur de la nuit continuait, quant à lui, à me rendre visite. Il me parlait de tout et de rien, et je l'écoutais avec plaisir, car ça me permettait de focaliser mon attention sur autre chose.

J'avais appris de lui qu'il était un homme qui aimait son peuple et que son cœur était bien plus pur que la vile créature qui lui servait de sœur.

Enfin, en réalité, il m'avait confié qu'il n'était pas réellement son frère, mais plutôt un frère par alliance. Seule Nwalcian était de pur sang royal, tandis que lui était né d'une mère aimante sans prétention.

"Quand elle a croisé l'ancien roi de la nuit lors d'une cérémonie officielle, ce fut une évidence. Le ciel les avait réunis" m'avait-il dit les yeux remplis de fierté et d'admiration à l'égard de sa mère, mais la seconde qui avait suivi, un voile de tristesse avait figé ses traits. Aussitôt, il avait changé de sujet, faisant naître une certaine curiosité en moi.

Sur cette pensée, je sortis du lit qui m'avait accueilli depuis plusieurs semaines. Cette chambre aux couleurs corail et crème était devenue une sorte de protection pour moi. Je n'avais toujours pas osé quitter cette pièce, mais depuis peu, je me forçais à me lever pour observer l'extérieur ou encore pour me rendre dans la salle d'eau.

Étudiant mon reflet, j'eus du mal à me reconnaître. La fatigue me donnait 10 ans de plus, mes cheveux en batailles me faisaient paraître pour une folle et je ne parlais pas de l'odeur que je dégageais.

Comment le seigneur de la nuit avait-il pu se tenir à mes côtés sans plisser le nez ? Même si durant ces dernières semaines, je m'étais lavée, j'avais peu prêté attention à l'image que je renvoyais et j'avais encore moins pris le temps de faire ma toilette tous les jours.

J'allumais l'eau et je n'attendis pas que cette dernière soit chaude pour me glisser sous le jet. La sensation du froid m'éveillait et chassait certaines de mes pensées alors j'en profitais et parfois il m'arrivait de maintenir la température tout du long.

Une fois ma douche terminée, j'enveloppais mon corps légèrement amaigri d'un peignoir et cette fois-ci, je pris le temps de me brosser les cheveux et de les attacher en une natte sur le côté.

Au moment où je sortis pour retrouver ce matelas qui m'était si familier, je découvris Azaelias qui attendait patiemment sur le rebord de ce dernier.

Il était vêtu d'une chemise blanche un peu entrouverte et d'un pantalon gris anthracite. Lorsqu'il perçut ma présence, il se retourna et une fois de plus, ses yeux semblèrent s'illuminer faiblement.

- Je me suis permis d'entrer comme je n'obtenais pas de réponses de votre part.

Je ne savais comment, mais je parvins à trouver la force de lui sourire en secouant la tête. Sa présence ne me dérangeait pas le moins du monde et même si je n'avais actuellement pas le courage de le lui dire, je tenais à ce qu'il le comprenne.

Il me regarda bouche bée sans prononcer un mot. À un tel point qu'au bout de quelques instants, je sentis un malaise naître en moi, mais il s'en aperçut et reprit une certaine contenance.

- Je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise, c'est juste que je suis heureux de vous voir sourire. Je commençais à penser que plus jamais la lumière n'illuminerait votre visage.

Il observa la fenêtre, ce qui attira ma curiosité et je découvris un temps splendide. Grâce à mon ouïe plus développée, j'entendis les oiseaux chanter, les gens parler, rire au marché qui se trouvait non loin. Je me remémorais alors l'instant que j'avais passé en compagnie de Lilith et Sira, et même si cette pensée me fit souffrir, pour autant je sus retenir les larmes qui menaçaient d'apparaître.

- Ça vous dit un petit tour histoire de prendre l'air ? me demanda Azaelias avec un sourire empli de douceur et de patience.

Mais je n'étais pas du tout prête à traverser une foule bien trop vivante à mon goût et je ne pus que lui faire signe que non en observant la fenêtre.

- Je ne parlais pas de se promener dans les rues, mais Telthona possède un magnifique jardin. Bien sûr ce n'est pas immense, mais ça reste à l'abri des regards.

J'hésitais... Avais-je le droit de penser un peu à moi et de m'aérer l'esprit ? Au-delà de ça, serais-je en sécurité à l'extérieur ?

- Ne vous inquiétez pas, je ne laisserais rien vous arriver et si c'est trop dur pour vous, nous rentrerons tout de suite.

Cette simple phrase finit par me convaincre. Timidement, je lui faisais signe que j'acceptais sa proposition et en un éclair son visage s'illumina.

Bien, je vous attends dehors. Je vous laisse vous habiller.

Et sans attendre son reste, il quitta la pièce, me laissant à mon intimité. 

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