A prendre ou à laisser

Le soleil couchait vers l'horizon. Les rues d'habitude bruyants reprenaient un peu de leur calme. Les quelques vendeurs se dépêchaient de ramasser leurs marchandises pour aller se reposer après un dur labeur. Les rares camionnettes remplissaient leurs derniers passagers qui se hâtaient en s'empilant derrière la voiture. Écoliers et étudiants bavardaient en s'esclaffant aux souvenirs des blagues de la journée tout en se dispersant pour rentrer chez eux.

Le temps était propice à une promenade et Martine en profita pour se balader sur la petite place qui se trouvait non loin de chez elle. Le vent caressait ses multiples tresses qui lâchés arrivaient au dessus de ses épaules. Sa robe évasée flottait légèrement et elle se félicita d'avoir pensé à mettre un colan en dessous.

Un banc était libre à côté d'un cocotier, s'y laissant choir Martine ferma un instant ses yeux et inhala l'air frais qui rentrait dans ses poumons. Elle se sentit bien un instant, libérée de tout proie. Des papillons multicolores virevoltaient autour  d'elle. Le chant des oiseaux ainsi que la cadence des arbres attiraient toute son attention, elle se réjouissait de voir que malgré la pollution qui dévastait le pays que tout n'avait pas entièrement disparu et que quelque part la nature reprenait vie, hésitante mais merveilleuse.

Sur le banc en face, une fillette assise sur les genoux de son père, riait aux éclats suite aux chatouilles de son paternel. Perdue à les contempler, Martine se rémémora de ses promenades avec son papa et sourit bêtement en remarquant que ce banc était leur place habituelle. Ce spectacle attendrissant raffraichissait un de ses souvenirs d'enfance qui prenait forme dans sa mémoire.

C'était un bel après-midi ensoleillé, sa maman avait décider de rester à la maison préférant une bonne heure de sommeil alors que son papa et elle étaient allés faire du vélo sur la petite place. Elle était tellement exitée de monter une bicyclette pour la première fois qu'elle n'arrêtait pas de sautiller comme une lapine. Comme toujours elle débordait d'énergie et de joie et se sentait comme une princesse avec sa robe à fleur ainsi que ses ballerines roses. Curieuse, elle questionnait son paternel sur tout ce qui constituait sa bicyclette et il répondait toujours le sourire aux lèvres.

Impatiente, elle s'était empressée sur l'objet roulant et se laissait guider par son père. Pourtant tout n'était pas aussi facile qu'elle le pensait, monter à bicyclette était loin d'être un jeu d'enfant. Elle avait du mal à garder l'équilibre, et tombait à chaque fois qu'elle essayait d'aller seule. Après un énième chute, Martine supplia son père de ne pas le lâcher puisqu'elle avait désormais peur. Elle continuait à rouler pensant que son papa était encore là mais  contre toute attente son géniteur l'avait lâcher au moment où elle attendait le moins et lorsqu'elle s'y rendit compte elle tomba à nouveau prise d'une soudaine frayeur.

Fâchée, Martine se leva d'un coup tout en jurant de ne plus jamais remonter. Elle était énervée contre son papa de ne pas avoir tenu sa promesse et voulait rentrer chez elle.
- Dis moi mon coeur, qu'est ce qui ne va pas?

- Tu m'as laisser tomber encore une fois en me lâchant alors que tu m'avais promis de ne pas le faire.
Répondit elle d'une voix remplie de désolation

- pourtant tu y étais presque, tu roulais parfaitement bien sans moi.

- Oui mais c'était avant que je m'aperçoive que t'étais plus là. Et maintenant je ne veux plus recommencer.
Fit l'enfant d'une moue plaintive, voyant sa tristesse, son père s'agenouilla devant elle puis lui dit tout en caressant ses cheveux.

- Tu sais ma fille, la vie est semblable à une partie de bicyclette et pour réussir faut pas avoir peur de tomber mais être capable de toujours se relever même sans l'aide de personne. Il y aura toujours un moment où tu te sentiras seule et devras tirer ton épingle du jeu pour t'en sortir d'une mauvaise impasse où tout paraîtra noire. Tu auras sans doute l'impression de ne pas pouvoir réussir ni avancer, tu douteras sans doute de tes capacités et aura peur d'oser, d'échouer et de tout faire foirer. Mais tu sais, c'est cette peur qui t'empêcheras d'avancer alors que si seulement tu avais oser et y faire face avec toute ta détermination tu réussirais ou peut être échourerais mais l'essentiel tu recommencerais à chaque fois pour avoir ce que tu veux. N'oublie jamais Martine, l'honnêteté et la patience dans le travail est la clé de la réussite, ta réussite personnelle. Essaie, échoue, recommence jusqu'à ce que tu obtiens ce pour quoi tu te bats. D'accord?

Elle comprenait pas vraiment le sens de tout cela mais avait hocher la tête se disant que son papa avait sans doute raison. Elle soupira, ramassa sa bécane puis recommença...

Un sourire triste se dessina sur son visage, ça lui faisait de la peine de réaliser que son père n'était plus là maintenant pour la guider comme autrefois. Elle avait tellement besoin de sa présence en ce moment que chaque jour un vide se faisait ressentir. Si seulement on pouvait effacer certaines choses dans notre vie, son père y ferait sans doute partie de la sienne aujourd'hui.

Elle était encore perdue dans ses pensées lorsque son téléphone sonna.
Et mince! Elle avait complètement oublié son rendez vous avec Sarah. Se hâtant, elle marcha jusqu'à ce qu'elle trouva un taxi qui l'emmena chez cette dernière.

***
Assise sur le canapé, elle regarda sa meilleure amie faire les cents pas dans le salon. Ça fait presque une demie heure depuis qu'elle attendait le pourquoi de sa venue puisque hier soir Sarah l'avait presque supplié qu'elle soit là en toute urgence. Le ton paniqué de sa copine l'avait un peu alerté et maintenant qu'elle était là, elle aimerait tellement en savoir plus au lieu de regarder cette dernière faire les allers retours les sourcils froncés et son téléphone en main. Pourtant on dirait que sa pote l'avait complètement oublié pour réfléchir à quelque chose d'une importance inconnue.

Enfin, elle brisa le silence en lui demandant d'un ton agacé
- Vas tu me dire ce qui ne va pas ou continuer à tourner en rond comme une lionne en cage parce que vraiment tu m'angoisses là Sasoue?

- C'est Robert, il devrait être là, je ne sais pas pourquoi il tarde autant alors qu'il est déjà 4h.
Répondit elle d'une voix inquiète.

- C'est normal voyons, tu sais très bien qu'aujourd'hui est vendredi et que le vendredi il termine plus tard que d'habitude puisqu'il sera en réunion.

- ah oui, c'est vrai! J'ai complètement oublié.

Martine soupira face à l'attitude bizarre de sa copine, elle ne voyait pas en quoi le retard de Robert était lié à sa visite demandée. Elle commençait à se douter que Sarah lui cachait quelque chose car la connaissant c'était plus qu'évident. Cela faisait maintenant plus de 5 mois depuis que le couple vivait sous le même toit. Aussi loin qu'elle se souvenait Sarah et Robert étaient toujours ensemble, passant du stade de l'amitié étant ados à l'amour lors de ses études universitaires. Ce sont deux amis sur qui elle savait qu'elle pourrait toujours compter malgré leurs caractères différents.

En effet, le couple était une parfaite démonstration du dicton: les contraires font paires. Sarah était du genre capricieuse, franche et pétillante, elle disait et faisait toujours ce dont elle avait envie sans se soucier de ce que les autres pensaient alors que Robert était beaucoup plus calme et gentil, il était réservé, doté d'un coeur d'or. Au grand étonnement de tous leur relation avait duré beaucoup plus que ce qu'on aurait imaginé et après leurs études ils ont emménagés ensemble alors que tout le monde attendait un mariage avant cet acte mais ce n'était pas le cas.

- Enfin, te voilà !
Le venue de Robert la tira de ses pensés. Celui ci les salua avant de se laisser tomber sur le canapé l'air fatigué.

- Allez dis lui, je suis à deux doigts de le faire à ta place chéri.

- Me dire quoi? Demanda Martine à Robert qui d'un coup affichait une mine résignée.

- J'ai parlé à mon ami pour le job au CID et il s'avère que on ne reçoit plus d'associés pas avant au moins 6 mois.

Une plainte de désolation s'échappa de la bouche de Martine, dire qu'elle gardait ne serait ce qu'une infime espoir était peu et maintenant tout s'était envolé.

- Néanmoins, une jeune assistante a été pris, elle s'appelle Martine Legrand, elle devait commencer lundi mais m'a prévu qu'il ne pourrait pas puisqu'elle est enceinte, alors je me suis dit que tu pouvais le remplacer en utilisant son nom jusqu'à ce qu'on commence à reprendre d'autres avocats.

- Quoi? Travailler sur un faux nom, c'est une fraude Robert, je sais que j'ai besoin de ce travail mais c'est inadmissible, imagine qu'on le découvre.

- Je sais Martine, mais c'est la seule solution, si je vais dire au directeur que l'assistante a un empêchement, il me dira de laisser tomber et ne voudra pas prendre quelqu'un d'autre puisque déjà il voyait que c'était une dépense absurde d'avoir une assistante car c'était le cadet de ses soucis. Tu ne peux pas utiliser ton nom de famille parce que tu auras des problèmes lorsqu'on prendra à nouveau des associés. C'est vrai que je reviens pas de te dire cela mais t'as qu'à te dire que c'est temporaire et déjà vous avez le même prénom ce serait pas si différent que ça.

Martine massa un instant ses tempes, elle avait du mal à croire ce qui était entrain de lui arriver. Mais elle savait que c'était à prendre ou à laisser et connaissant Robert, elle sut qu'il y avait pas d'autre moyen puisqu'il y avait pas plus honnête que lui. Elle dut admettre que le jeu en valait bien la chandelle et qu'elle pouvait fermer les yeux sur certains détails temporairement. Elle pensa à sa mère une dernière fois avant de prendre la décision la plus absurde qu'elle n'a jamais prise tout en espérant que tout passera bien.
- Oui, j'accepte!

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